31 mars 2006

Nouvelles de Rome et d’ailleurs
Jérôme Bourbon - Rivarol - 31 mars 2006

Nouvelles de Rome et d’ailleurs

Joaquin Navarro-Valls, le directeur de la salle de presse du Vatican, l’a confirmé : à l’invitation du président Ahmet Necdet Sezer, Benoît XVI se rendra en visite officielle en Turquie du 28 au 30 novembre. Le jour de la fête de saint André, patron du patriarcat œcuménique de Constantinople, Josef Ratzinger rencontrera à Istanbul Bartholomé Ier, plus haute autorité de l’Eglise orthodoxe grecque, afin de « poursuivre le dialogue entre les Eglises chrétiennes engagé par son prédécesseur Jean Paul II ». Dans un long article intitulé « L’adhésion de la Turquie bénie par Benoît XVI ? », qui lui avait valu à l’époque un abondant courrier, Camille Galic avait, le 23 septembre dernier, critiqué ce qui n’était encore qu’un projet de Benoît XVI : « Certes, le patriarcat du Phanar est infiniment mieux disposé à son égard que celui de Moscou par exemple. Mais depuis ce que les Grecs appellent La Catastrophe (des années 1922-25), le siège d’Istanbul déserté des chrétiens ne représente plus rien. Si le voyage se concrétise, ce qu’à Dieu ne plaise, c’est donc moins avec l’orthodoxie qu’avec l’islam que Benoît XVI paraîtra prendre langue. (…) Or, remarquait notre directrice, Josef Ratzinger, alors cardinal, déclarait le 20 septembre 2004 au Giornale del Popolo que « l’intégration de la Turquie dans l’Europe serait une grande erreur » et même une aberration « anti-historique » allant « à l’encontre de l’âme européenne et des réalités ». Comment peut-il envisager un an plus tard un déplacement qui s’apparenterait aux yeux du monde entier à une reconnaissance de la Turquie comme pays « ouvert » et « tolérant » dont l’admission dans l’Union européenne serait donc normale et légitime ? »
DIALOGUE POUSSE AVEC LES JUIFS ET LES MUSULMANS
De fait, le dialogue avec les musulmans semble un axe essentiel du règne de Benoît XVI qui, malgré l’assassinat du Père Santoro le 5 février devant son église de Trébizonde par un « fou d’Allah », a encore appelé le 16 mars les chrétiens et les juifs à coopérer avec l'islam « pour le bien de l'humanité », en recevant au Vatican une délégation de l'American Jewish Committee : « Le judaïsme, le christianisme et l'islam croient en un Dieu unique, Créateur du paradis et de la Terre. Il en découle donc que les trois religions monothéistes sont appelées à coopérer les unes avec les autres pour le bien commun de l'humanité et à servir la cause de la justice et de la paix dans le monde », a ainsi déclaré Josef Ratzinger. Il y a un mois, le Vatican et le grand rabbinat d'Israël avaient déjà signé un communiqué commun sur l'importance de parvenir au dialogue avec l'islam : « Nous pensons qu'il est de notre devoir d'engager et d'impliquer le monde musulman et ses dirigeants au dialogue respectueux et à la coopération. »
Plus encore qu’avec les mahométans qu’il avait reçus en marge des JMJ cet été, le successeur de Jean Paul II privilégie du reste les rapports avec la communauté juive. Après la visite de la synagogue de Cologne et avant la participation désormais imminente à un office dans la synagogue de Rome où son prédécesseur s’était rendu il y a tout juste vingt ans, Josef Ratzinger a encore célébré devant les membres de American Jewish Committee le « riche patrimoine commun entre les juifs et les chrétiens », ce qui « rend uniques nos relations parmi toutes celles entre les diverses religions du monde entier ». Et l’occupant du siège de Pierre d’évoquer devant ses hôtes « la récente célébration du 40e anniversaire de la Déclaration du concile Vatican II, Nostra Aetate, qui a renforcé notre volonté commune de mieux nous connaître et de promouvoir un dialogue caractérisé par l'amour et le respect mutuels » et qui a mis fin à « l'enseignement du mépris » envers les juifs accusés pendant près de 2.000 ans d'avoir "tué" le Christ. Par ailleurs, Benoît XVI, au cours de son voyage en Pologne en mai prochain, se rendra comme Jean Paul II à Auschwitz où il stigmatisera une nouvelle fois l’ « Holocauste » et le national-socialisme. Nul doute que les origines allemandes de Josef Ratzinger et son bref engagement (obligatoire, rappelons-le) dans les Jeunesses hitlériennes le conduisent à donner encore davantage de gages que son prédécesseur, et plus rapidement encore comme le souligne la revue Sodalitium (1) dans son éditorial du n° 58 en rappelant la nouvelle « doctrine sur la « saine laïcité de l’Etat », la révocation de la décision de Jean Paul II ( !) de béatifier le père Dehon, accusé par les juifs d’antisémitisme (…), la communion sacrilège donnée Place Saint-Pierre au pasteur protestant de Taizé, Roger Schutz (…), la rencontre scandaleuse (…) avec le vieux camarade Hans Küng, hérétique formel avoué ».
CREATION DE QUINZE NOUVEAUX CARDINAUX ET REFORME DE LA CURIE
Les quinze nouveaux cardinaux qu’a créés Benoît XVI le 24 mars, veille de l’Annonciation, s’inscrivent clairement dans la continuité de Jean Paul II. Douze font partie du collège électoral, les trois autres ayant plus de 80 ans. Soucieux de respecter le plafond des 120 électeurs fixé par Paul VI, Josef Ratzinger a élevé au cardinalat trois chefs de dicastères : l’Américain Joseph Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le Slovène Mgr Franc Rode, préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique et l’Italien Mgr Agostino Vallini, préfet du Tribunal suprême de la signature apostolique. Un nouveau cardinal parmi les électeurs est français, l’archevêque de Bordeaux Jean-Pierre Ricard, président de la conférence des évêques de France et membre de la commission Ecclesia Dei chargée des fidèles attachés au rite tridentin. En revanche, l’archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois, n’a pas reçu la barrette pourpre. D’aucuns y ont vu un désaveu voire un camouflet, tel Henri Tincq, le chroniqueur religieux du Monde. En fait, Mgr Aaron Jean-Marie Lustiger étant encore en âge de voter, le chef de l’église conciliaire a dû juger plus sage de ne pas doter Paris de deux électeurs.
A noter également la promotion du Chinois Mgr Joseph Zen Ze-Kiun, évêque d’Hongkong, Benoît XVI souhaitant un rapprochement et, à terme, une fusion, entre l’Eglise patriotique chinoise entièrement contrôlée par le régime communiste et l’Eglise clandestine. Le nouveau collège cardinalice compte 193 membres dont 120 électeurs : 100 cardinaux sont européens, 32 issus de l’Amérique latine, 20 états-uniens, 20 asiatiques, 17 africains et 4 océaniens.
Par ailleurs, Benoît XVI, qui a fêté le 3 mars les 75 ans de Radio Vatican créée par Pie XI en 1931 au lendemain des accords du Latran signés avec Mussolini, entend réformer profondément la curie. C’était d’ailleurs le 23 mars l’objet de la réunion consultative des cardinaux et des chefs de dicastère romains qui s’est déroulée à huis-clos. Benoît XVI, qui a abandonné son titre de patriarche de l’Occident, souhaite aller encore plus loin que Jean Paul II dans la collégialité mise en œuvre depuis Vatican II. Paul VI avait abandonné la tiare. Benoît XVI l’a carrément retirée des armes pontificales, la remplaçant par le pallium archiépiscopal. Simple détail héraldique ? Non pas. « Le Pape n’est pas un souverain absolu » a ainsi déclaré Josef Ratzinger en prenant possession de la basilique du Latran. Le vaticaniste A Tornielli écrivait dans Il Giornale du 8 mai 2005 à propos de « ce Pape qui ne parle jamais de pontificat mais toujours de « ministère pétrinien » que, justement, « le monde orthodoxe et oriental attendait un retour à l’image de la papauté comme ministère de l’évêque de Rome. » Nul doute en tout cas que Benoît XVI souhaite un rapprochement avec les orthodoxes mais aussi avec les anglicans, la nomination de Mgr Levada à la congrégation pour la doctrine de la foi, allant clairement dans ce sens (RIV. du 15/7/05).
VERS UNE REGULARISATION DE LA FRATERNITE SAINT-PIE X ?
Ouvert à l’égard des autres religions, le successeur de Jean Paul II semble l’être également envers les traditionalistes. Après avoir reçu en audience et à sa demande Mgr Bernard Fellay le 29 août dernier à Castel Gandolfo (RIV. du 2/9/05), Benoît XVI paraît désireux de lever l’excommunication (par Jean Paul II) des quatre évêques sacrés par Mgr Marcel Lefebvre le 30 juin 1988. Par ailleurs, Josef Ratzinger, avec lequel le fondateur de la FSSPX avait signé un protocole d’accord le 5 mai de la même année (avant de se rétracter le lendemain), souhaite réintégrer pleinement la Fraternité Saint-Pie X dans le giron de l’église conciliaire comme l’a encore montré la réunion du 23 mars dont toute la matinée a été consacrée à l’avenir du dialogue avec la FSSPX. « Nos bras sont ouverts aux lefebvristes. Il s’agit d’étudier le meilleur moyen de les accueillir » a déclaré – selon Le Monde du 25 mars – le cardinal colombien Dario Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation du clergé et président de la commission Ecclesia Dei.
Après nous avoir confié en octobre (RIV. n°2735) qu’il y faudrait « plus d’un pontificat », Mgr Fellay, défendu par le site www.honneur.org, déclarait devant l’Association des journalistes d’information religieuse: « Je suis convaincu que nous aboutirons. Nous avons eu une discussion longue, la plus fructueuse de toutes, et abordé des questions de fond. Rome veut régler rapidement le problème et l'audience papale, que nous avons sollicitée en mai dernier, nous a vite été accordée. Le Magistère privilégie une approche pragmatique. Nous, nous freinons car nous ne voulons pas d'une solution en surface. Le pape a chargé le cardinal Castrillon Hoyos de dialoguer avec nous. Celui-ci, dans une interview à une télévision italienne, a expliqué que nous ne sommes pas hérétiques mais que nous devons les uns et les autres rechercher une communion plus parfaite. C'est un langage nouveau. » Et le supérieur général de la FSSPX de se « réjouir » du discours du 22 décembre à la curie de Benoît XVI à propos de Vatican II qui vaut « par sa clarté, sa précision et sa volonté de poser de vraies questions ». Quant à « la question sur l'ancienne et la nouvelle messe, sur laquelle les esprits se focalisent, (elle) est, au fond, seconde, la liturgie n'étant que l'expression de la foi. Ce qui est premier, c'est la vision de la foi. Avec Benoît XVI, ajoute Mgr Fellay, la discussion va se concentrer sur la question de l'acceptation du concile. Nous allons repartir de la formule proposée en 1988 par Mgr Lefebvre ‑ "Nous acceptons le concile examiné à la lumière de la Tradition." » Enfin, s’agissant du statut que Rome pourrait accorder à la FSSPX, son supérieur général évoque « celui de l’administration apostolique » :. « Concernant l'autorité de l'évêque, nous aurions un régime d'exemption, comme c'est le cas dans le diocèse de Campos au Brésil. Rome permettrait aux fidèles de la Fraternité Saint-Pie X de bénéficier d'une autorité parallèle sans se soustraire pour autant à l'évêque local. »
Un accord à plus ou moins long terme n’est donc pas inenvisageable. Les disciples de Mgr Lefebvre l’accepteraient-ils dans leur majorité ? L’abbé Paul Aulagnier, exclu de la FSSPX en octobre 2003 pour sa défense vigoureuse des accords de Campos, et à qui l’on doit un historique sur La bataille de la messe 1969-2005 (2), est un chaud partisan d’un arrangement avec Rome : « La Fraternité Saint-Pie X doit accepter la solution romaine : l’administration apostolique » écrit-il sur son site Internet Item. L’abbé Guillaume de Tanoüarn, exclu de la FSSPX en mars 2005 pour « laguérisme » et qui vient de signer un essai L’Evidence chrétienne (3) reprenant ses conférences de Carême de l’an dernier a obtenu de Rome, tout comme les abbés Claude Barthe et Marc Guelfucci, un rescrit les lavant de toute censure en échange de leur volonté de « préparer les conditions d’une réception authentique du concile». Ayant fondé l’Association cultuelle Saint-Marcel et le centre Saint-Paul, l’abbé de Tanoüarn est lui aussi favorable à une « régularisation canonique » de la Fraternité.
Tel n’est pas du tout le point de vue de Mgr Richard Williamson qui, dans un tonitruant entretien publié par Minute le 8 mars, à moins de quatre mois d’un chapitre général qui doit renouveler les instances dirigeantes de la FSSPX, réaffirme son opposition à un accord avec « l’Eglise du concile qui n’a pas changé ». Le doyen des quatre évêques de la Fraternité épingle au passage Mgr Fellay auquel sont reprochés sa gestion des séminaires, son renvoi abusif de prêtres, son manque d’ardeur à défendre « le dogme de la foi », etc. Aussi sévère, le site sédévacantiste www.virgo-maria.org animé par l’abbé Marchiset accuse carrément (4) la direction de la FSSPX de trahison dans ses négociations actuelles avec « l’abbé Ratzinger ». Mgr Fellay précisait le 27 mars sur , le site de la FSSPX : « Rome et Ecône – pour faire court – sont aujourd’hui conscientes de la situation dramatique de l’Eglise, ‑ c’est bien le futur Benoît XVI qui a dit que l’Eglise était comme « un bateau qui prend l’eau de toutes parts » ‑, sur ce point nous sommes d’accord, mais là où nous ne nous entendons pas c’est sur la cause de cette crise. Rome n’envisage comme principale responsable que la société sécularisée, hédoniste et consumériste, qui ignore ou combat le message évangélique, tandis que, nous, nous affirmons que le concile Vatican II, en s’ouvrant à l’esprit du monde moderne, a fait entrer en son sein des principes comme la liberté religieuse ou l’œcuménisme qui sont contraires au message évangélique et responsables de la situation actuelle. Nous visons bien autre chose qu’une « fausse interprétation » superprogressiste du Concile. On comprend bien que les autorités romaines n’envisagent que difficilement de remonter à Vatican II comme à la cause de la crise, car cela équivaudrait à remettre en cause le concile auquel elles demeurent fortement attachées. Et en l’état, (…) aucune discussion doctrinale n’est possible… »
Une chose est sûre : la Fraternité Saint-Pie X est actuellement à la croisée des chemins et de son accord ou de son refus d’accord avec Benoît XVI dépend l’avenir d’une grande partie de la résistance traditionaliste à la nouvelle église née de Vatican II.
Jérôme BOURBON,
(1) Loc. Carbignano, 36. 10020 Verrua Savoia TO Italie. www.sodalitium.it. Une messe mensuelle qui n’est pas en communion (non una cum) avec Benoît XVI a lieu désormais à Paris. Rens. au : 06-81-68-78-14.
(2) 159 pages, Editions de Paris, 19 euros.
(3) 234 pages, Objections, 17 euros ou 23 euros fco. L’abbé de Tanoüarn dirige également la nouvelle revue Objections (12 rue Saint-Joseph, 75 002 Paris. 70 euros l’abonnement annuel).
(4) Le Comité international de recherches scientifiques sur les origines et la validité de Pontificalis Romani tend à démontrer l’invalidité des nouveaux sacres d’évêques. Trois volumes très fouillés ont déjà paru : les tomes I, II et les Notitiae du ome III (Rore Sanctifica, 68 euros le tout. Editions Saint-Rémi, BP 80, 33410 Cadillac. Tél. et fax : 05-56-76-73-38).
Les évêques invitent M. Borloo pour parler de la crise sociale à Lourdes
31 mars 2006 (AFP)
Les évêques de France discuteront de la crise sociale la semaine prochaine à Lourdes (Hautes-Pyrénées) durant leur assemblée plénière à laquelle ils ont invité Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi et de la Cohésion sociale, a annoncé vendredi la Conférence des évêques de France (CEF). Les évêques ont invité jeudi M. Borloo, ainsi que le sénateur-maire PS de Mulhouse Jean-Marie Bockel, pour discuter de la situation dans les banlieues et la crise sociale durant leur assemblée, qui se déroulera à huis clos, a précisé un communiqué.
Vendredi en fin d'après-midi, la venue de M. Borloo n'était toutefois pas confirmée par son service de presse.
L'assemblée doit également discuter de l'accueil dans les églises diocésaines des fidèles de groupes "traditionalistes", ainsi que de la réforme des structures de la Conférence des évêques de France. Les évêques se réunissent deux fois par an en assemblée plénière.

30 mars 2006

Front pour le concile et contre les lefebvristes
jeudi 30 mars 2006 - Golias - http://golias.ouvaton.org/
Selon nos sources, un nombre plus important que prévu de cardinaux camperait sur une position nettement hostile à une réintégration trop complaisante à l’endroit des anciens sectateurs du schisme lefebvriste. Cette "vieille garde" conciliaire aurait bien montré sa détermination à ne pas encourager une réconciliation de dupes avec la fraternité Saint Pie X, sur le dos de l’acceptation sincère du Concile. Parmi ces cardinaux, libéraux, progressistes et parfois conservateurs qui incitent à une vigilance extrême à l’endroit des intégristes, on cite (même si les débats étant à huis-clos nous n’en avons aucune trace directe) le nom des Cardinaux Walter Kasper, Godfreed Danneels, Stefan Hamao, Karl Lehmann, Friedrich Wetter, Bernard Panafieu, Jean-Louis Tauran, Paul Poupard, Mario Pompedda, Giovanni Battista Re, Giacomo Biffi, Severino Poletto, Cormac Murphy O’Connor, Julian Herranz, pour ne citer que les principaux. Selon des échos à accueillir avec prudence, cette forte réticence qui s’est exprimée ferait dire même à ceux qui, comme Castrillon Hoyos ou Medina, souhaitent un prompt rabibochage : "le decret de réintégration des lefebvristes n’est pas pour demain".

29 mars 2006




Les accords avec Rome : Mgr Lefebvre-Mgr Fellay
abbé Paul Aulagnier - 29 mars 2006 - http://la.revue.item.free.fr/
Comme tout le monde le sait aujourd’hui,  la veille du Consistoire du 24 mars dernier, le Pape Benoît XVI a réuni l’ensemble du collège cardinalice, - qu’il a appelé son « Sénat afin d’entendre son avis sur les grandes questions de l’heure qui touchent la vie de la sainte Eglise. Cette réunion s’est tenue à huis clos. Mais on a su toutefois les sujets qui y furent abordés. Le problème de la FSSPX ,  - de la liberté de  la messe et de la levée de l’excommunication de ses évêques -,  fut  un de ces problèmes. On sait même qu’il en fut question dans la matinée du 23 mars, entre 10h00 et 12h30. Le cardinal Castrillon Hoyos aurait fait le point de la situation et les cardinaux Lustiger, et Ricard, pour la France, se seraient exprimés ainsi que le cardinal Arinze, préfet de la Congrégation des rites. On sait que ces deux questions, - la liberté de la messe traditionnelle et la levée de l’excommunication -, sont les deux  préalables posés par la direction de la FSSPX, une condition sine qua non avant l’ouverture du « débat » avec Rome.
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant de voir  Mgr Fellay s’exprimer, de nouveau,  sur ces questions importantes. Il faut que les choses soient claires dans l’esprit des  fidèles. La communication est aujourd’hui bien assurée dans la FSSPX et à bon escient. C’est bien.
C’est ainsi que Mgr Fellay a livré,  en exclusivité,  sa pensée à l’agence de presse DICI, le samedi 23 mars. Son interview est à « la une ».
Elle est intéressante. Il faut l’analyser.
Mgr Fellay fait le tour du problème en répondant à huit questions..
La première question a trait au problème « des deux préalables » posés par la FSSPX « avant toute discussion doctrinale » et « accord » avec Rome. Ne serait-ce  pas là une pure « manœuvre dilatoire », lui demande-t-on,  pour gagner du temps et apaiser les fidèles et les prêtres « inquiets d’un éventuel rapprochement ? – Entre nous : la question est-elle bien posée ? Est-ce la seule question que se posent aujourd’hui les fidèles ? Sont-ils toujours dans la crainte et l’inquiétude d’un éventuel rapprochement ? N’y a-t-il pas aussi un courant inquiet de voir s’éloigner tout « rapprochement » avec Rome ? - Quoi qu’il en soit, - ce serait aussi un vrai débat - l’ « interviewer », l’abbé Lorans en l’occurrence,  pose à Mgr Fellay la question  de sa vraie pensée sur « ces deux préalables ». Est-ce simple position politique, habile et rusée pour éviter de régler le problème d’une vraie et nécessaire « réconciliation ?
Mgr Fellay a tôt fait d’écarter une telle position qu’on appellerait aujourd’hui de pure « politique politicienne ». On n’a  pas de mal à le croire. Ce n’est pas sa « problématique », comme elle ne  fut pas, non plus, celle de Mgr Lefebvre alors qu’il « entreprenait » des « conversations » avec Rome.  Mgr Fellay veut ainsi, dès le début de son interview,  se mettre dans les pas de Mgr Lefebvre, lui être fidèle.
Non ! Ces préalables ont pour « but de créer un climat nouveau dans l’Eglise officielle » de « rendre possible, dans l’Eglise, la vie catholique traditionnelle ». C’est plus noble, il est vrai ! L’excommunication de ses quatre prélats a eu comme effet de « diaboliser les prêtres de la FSSPX  » et l’interdiction de dire la messe dite de saint Pie V a comme empoisonné la vie de  la Tradition dans l’Eglise. Eliminer l’excommunication et rendre à la messe saint Pie V toute sa liberté serait, de fait, changer l’atmosphère dans l’Eglise, dans les diocèses et à Rome même.  Voilà à quoi doit répondre « ces deux préalables ». Ils sont  nécessaires. Je suis bien placé pour le dire. Avec Mgr Rifan, c’est nous deux qui les avions suggérés, le 13 janvier 2002.  Mgr Fellay, en cette réunion,  était bien muet…Si Rome donnait satisfaction sur ces deux points,  ce serait vraiment « poser des actes publics en faveur de la Tradition  ». « Il nous faut plus que des paroles », dit Mgr Fellay.  « Il nous faut des actes publics en faveur de  la Tradition Ces deux choses le seraient. Oh Combien !
Voilà qui est bien dit et qui est vrai.
Mais ce qui m’étonne dans cette réponse de Mgr Fellay…c’est qu’il ne fait aucune allusion au règlement de l’affaire de Campos. Comme si Campos et sa solution n’avaient jamais existé…Comme si  Rome ne les avaient pas déjà « concédés ». Oui ! Il faut savoir et dire que ces deux préalables ont été déjà acceptés pratiquement par Rome dans l’affaire de Campos.

Le problème de l’excommunication 

Souvenez-vous de la lettre du pape du 25 décembre 2001 adressée à Mgr Rangel. (1) Le Pape lève purement et simplement l’excommunication qui frappait Mgr Rangel. Il lui écrivait : « C'est assurément avec une très grande joie, pour que pleine communion soit rendue certaine, que nous déclarons la levée de la censure dont il est traité au can 1382 CIC, à votre égard, Vénérable Frère, en même temps que la levée de toutes les censures et le pardon de toutes les irrégularités dans lesquelles sont tombés les autres membres de cette Union »
Je vous conseille de la lire in extenso. Je vous la mets en note (1).  
C’est clair ! Non ! On ne peut tout de même pas oublier les textes et les dispositions nouvelles prises par  Rome. Nous sommes en 2001-2002. Il n’en était pas question du temps de Mgr Lefebvre. Il est mort toujours « frappé » de cette sanction !
On ne peut pas oublier que la levée d’excommunication a eu lieu pour Mgr Rangel, le 25 décembre 2001. Oui ! Le pape a levé l’excommunication qui le frappait   en raison du canon 1382.
Mais que dit ce canon ?  Il est ainsi formulé : « L’Évêque qui, sans mandat pontifical, consacre quelqu’un Évêque, et de même celui qui reçoit la consécration de cet Évêque encourent l’excommunication ‘latae sententiae’ réservée au Siège Apostolique. -- CIS 2370 ; CIO 1459
C’était le cas de Mgr Rangel. Il fut sacré évêque, sans mandat par Mgr Tissier de Mallerais, lui-même sacré par Mgr Lefebvre, sans mandat..
Et bien Rome régularisa sa situation. Or ce qui fut fait par Rome pour  Mgr Rangel, le peut être aussi pour nos quatre évêques. Ils sont dans la même situation. Pourquoi n’en faire aucune allusion ? Pourquoi n’en pas parler ? Pourquoi n’en rien dire ? J’ai du mal à le comprendre… Pourquoi ne pas en prendre acte…Pourquoi ne pas dire que ce préalable mis par nous à tout accord, a, de fait, été accepté par Rome et que Rome est disposée à agir de la même manière avec la FSSPX qu’elle l’a fait avec les pères de Campos ? Elle l’a dit. Pourquoi alors le taire ?   Est-ce parce que l’on croit que nous sommes  les seuls ? Que le cas de la FSSPX est spécifique ?  Et pourtant, nous partagions essentiellement les mêmes positions que Mgr de Castro Mayer et sur la messe et sur le Concile.
Mais Mgr Fellay pourrait peut-être objecter-  il le fit du reste ailleurs - : On nous demande de faire « amende honorable », et de « reconnaître préalablement  nos erreurs ». Cela nous ne le pouvons pas…nous dit Mgr Fellay. Nous avons toujours reconnu que cette « excommunication était invalide ». « Nous ne pouvons, dans ce cas,  demander pardon ».

Quand est-il de cette exigence de Rome ?

Du côté de Rome, elle est véritable et normale. Mais cette exigence a comme perdu au fil du temps de sa véhémence. Aujourd’hui cette exigence est devenue bien  légère. Qu’on en juge.
Voyez ce qui fut écrit par Mgr Rangel au nom des tous les membres de son union sacerdotale : « Et si par hasard dans la chaleur de la bataille pour la défense de  la Vérité catholique nous avons commis quelque erreur ou causé quelque déplaisir à Votre Sainteté, en dépit du fait que notre intention ait toujours été de servir  la Sainte Eglise , nous implorons humblement Votre pardon paternel ».
Voilà qui  fut accepté par Rome.
Ne serions-nous pas capables de signer une telle phrase ? Allons ! Voyons !  Soyons sérieux !
Ne correspond-elle pas à ce que nous avons, nous aussi,  voulu faire dans la sainte Eglise de ce  côté de l’Atlantique ? Vous, ne signeriez-vous pas cette phrase ?
De plus, si vous la replacez, dans son  contexte, votre signature serait encore plus facile. Elle irait même de soi. J’en suis sûr.
Lisez vous aussi :
« …au nom de notre foi catholique apostolique et romaine, nous nous sommes efforcés de garder la sainte Tradition doctrinale et liturgique que  la Sainte Eglise nous a léguée et, dans la mesure de notre faible force et soutenus par la grâce de Dieu, de résister à ce que Votre prédécesseur d' illustre mémoire le Pape Paul VI a appelé l' "autodémolition" de l'Eglise. C'est de cette manière que nous espérons  rendre le meilleur service à Votre Sainteté et à  la Sainte Eglise.
 Très Saint Père,
Nous avons toujours considéré être dans l'Eglise catholique, dont nous n'avons jamais eu l'intention de nous séparer malgré la situation de l'Eglise et les problèmes qui ont affecté les catholiques de la ligne traditionnelle, que Votre Sainteté connaît, et qui, nous le croyons, remplissent Votre cœur comme les nôtres de douleur et d'angoisse : cependant juridiquement nous avons été considérés comme vivant en marge de l'Eglise.
Voici donc notre demande : que nous soyons acceptés et reconnus comme catholiques.   
Venant au devant de notre désir, Votre Sainteté a chargé Son Eminence le cardinal Dario Castrillón Hoyos, Préfet de la Sacrée Congrégation pour le Clergé, de procéder à la reconnaissance juridique de notre position de catholiques dans l'Eglise.
Que nous en sommes reconnaissants à Votre Sainteté!
Nous demandons, officiellement, à collaborer avec votre Sainteté dans l'œuvre de la propagation de la foi et de la doctrine catholique, avec zèle et pour l'honneur de  la Sainte Eglise    - «Signum levatum in nationes » -; dans le combat contre les erreurs et les hérésies qui menacent de détruire la barque de Pierre, inutilement puisque " les portes de l'Enfer ne prévaudront pas contre elle."  Nous déposons dans les augustes mains de Votre Sainteté  notre profession de foi catholique : nous professons une parfaite communion avec  la Chaire de Pierre dont Votre Sainteté est légitime successeur. Nous reconnaissons Votre primauté et Votre gouvernement sur l'Eglise universelle, pasteurs et fidèles . Nous déclarons que, pour rien en ce monde nous ne voulons nous séparer de  la Pierre sur laquelle Jésus-Christ a fondé son Eglise.  
C’est bien la pensée de Mgr Lefebvre. C’est ce qu’il voulut.  C’est ce qu’il fit.  Et c’est à la suite  que vient cette demande de pardon. Vous n’êtes pas convaincu ? Moi si ! Je signe.

Une objection

On pourrait m’objecter : « Mais Mgr Lefebvre a toujours refusé de signer une lettre d’excuse reconnaissant des erreurs et dans  ses écrits et dans ses actes ». Il invoquait  cela alors même qu’il retirait sa signature du « protocole du 5 mai 1988 ». « On me demandait encore subrepticement de reconnaître mes erreurs… »
Certes, Mgr Lefebvre a hésité à signer une telle lettre…Il suffit de connaître les documents réunis dans « La condamnation sauvage » de Mgr Lefebvre éditée à l’époque par Jean Madiran, dans « Itinéraires »,  pour s’en convaincre. Que de fois ne fut-il pas  sollicité en ce sens !  Il l’écrivit pourtant cette lettre. Ce fut dans une lettre officielle au cardinal Seper,  le 4 avril 1981 : « Eminence, M l’abbé du Chalard m’a transmis votre lettre du 19 février 1981. Je l’ai lue attentivement » Il poursuit : « si quelques unes de mes paroles et quelques uns de mes actes ont déplu au Saint Siège, j’en demande pardon ».
Je n’ai pas, sous la main,  la lettre en français. Je n’ai que la transcription anglaise. Me méfiant de mes connaissances anglaises,  je vous donne la transcription anglaise :
« Econe, 4 april 1981
Eminence,
The abbot of Chalard has passed to me your letter of 19 February, 1981, and I have read it. If some of my words and some of my acts are disapproved by the Holy See, I am very sorry...”.
Mais qui ne voit que c’est la même lettre, - substantiellement parlant -  que celle de Mgr Rangel. C’est la même chose :
 « Et si par hasard dans la chaleur de la bataille pour la défense de  la Vérité catholique nous avons commis quelque erreur ou causé quelque déplaisir à Votre Sainteté, en dépit du fait que notre intention ait toujours été de servir  la Sainte Eglise , nous implorons humblement Votre pardon paternel ».
Ainsi les autorités  romaines ont  accepté la levée de l’excommunication avec Mgr Angel. Elles ont été même plus loin pour bien montrer leur bonne disposition : elles lui  ont même remis en mains les destinées de la nouvelle Administration Apostolique Saint jean Marie Vianney. C’est tout de même énorme. S’il en est ainsi,  pourquoi Rome n’accepterait-elle pas de faire de nouveau la même chose dans le cas identique de  la FSSPX  ? Plus encore : Rome a dit que l’excommunication serait  levée. Pourquoi ne pas en prendre acte et allez de l’avant dans la solution ? Vraiment on peut se poser la question :  la FSSPX veut-elle aujourd’hui arriver à un accord ?  …

Le problème de la messe tridentine.

Rome a donné également l’assurance que les pères de Campos auraient le libre usage de la messe tridentine. Ils en auraient non seulement l’usage mais ce rite serait  le rite propre de l’Administration Apostolique. Il faut là encore citer la lettre du Pape
Jean-Paul II à Mgr Rangel, celle du 25 décembre 2001.
Là voici.
Elle est claire. Après avoir abordé la question de l’excommunication, le pape en arrive à la question canonique et à la question de la messe. Sur ce sujet,  il écrit :
« En même temps, nous vous informons, Vénérable Frère, qu'un document législatif va être préparé, document qui établira la forme juridique de la confirmation de vos biens ecclésiastiques et par lequel, le respect de vos biens propres sera garanti.
Par ce document, l'Union sera érigée canoniquement en une Administration apostolique personnelle qui sera directement soumise au Siège apostolique et aura son territoire dans le diocèse de Campos. La question de la juridiction cumulative avec l'ordinaire du lieu sera traitée. Son gouvernement vous sera confié, Vénérable Frère, et votre succession sera prévue.
Sera ratifiée à l'Administration apostolique, la faculté (facultas) de célébrer l'Eucharistie et la liturgie des Heures selon le rite romain et la discipline liturgique d'après les préceptes de notre prédécesseur saint Pie V, avec les adaptations introduites par ses successeurs jusqu'au bienheureux Jean XXIII ».
La liberté de la messe dite de saint Pie V est clairement affirmée, ici,  dans ce document. Ils auront « la facultas » de dire cette messe et elle seule,  exclusivement. Ses prêtres ne sont pas tenus au « bi ritualisme » comme Rome le fit en 1999 avec  la Fraternité saint Pierre. Mais les choses  changent de ce côté-là aussi…J’ai fait de ce texte in illo tempore,  l’analyse. Je concluais que cette facultas était vraiment le droit affirmé pour les pères de Campos de dire la messe saint Pie V. On me contesta cette explication. J’étais alors heureux de pouvoir porter à la connaissance des fidèles la lettre de « confirmatur » de ce droit. C’est la lettre de Mgr Csaba Ternyàk,  archevêque titulaire d'Eminentiana,  secrétaire de la congrégation du clergé. Il faut la citer tant elle est importante.
Congrégation pour le Clergé
Prot. N° 20021399
Cité du Vatican, le 10 Juillet 2002
A son Excellence Révérendissime
Dom Licinio RANGEL, Administrateur apostolique de l'Administration apostolique Saint Jean-Marie Vianney
Monseigneur,
A la date du 8 Juillet dernier,  la Congrégation pour le Culte divin et  la Discipline des sacrements a répondu à une question posée par ce dicastère, au sujet du rit à utiliser lorsque des prêtres non incardinés dans l'Administration (apostolique Saint Jean-Marie Vianney) célèbrent  la Sainte Messe dans les églises de ladite Administration.
Conformément à la lettre autographe « Ecclesiae unitas » du Saint Père Jean-Paul II, datée du 25 Décembre 2001, et au décret « Animarum bonum », du 18 Janvier 2002, émanant de  la Congrégation des évêques, le rit liturgique codifié par saint Pie V, avec les adaptations décidées par ses successeurs jusqu' au Bienheureux Jean XXIII, est devenu le rit propre de l'Administration apostolique, de sorte qu'aucun prêtre légitimement admis à célébrer dans les églises propres de l' Administration apostolique personnelle Saint Jean-Marie Vianney n'a besoin d'autorisation supplémentaire pour user du Missel romain dans son édition typique de 1962.
En transmettant cette directive qui dissipera d'éventuels doutes et sera certainement d'un grand secours sur le chemin d'une communion ecclésiale que l'on souhaite toujours plus forte et profonde, je saisis cette occasion pour adresser à Votre Excellence révérendissime, mes salutations cordiales, y ajoutant celles du Cardinal Préfet, momentanément absent, et mes meilleurs voeux de bonne santé et de paix, avec lesquels je suis, Monseigneur, de Votre Excellence révérendissime, le très dévoué serviteur dans le Seigneur.
 Csaba Ternyàk, archevêque titulaire d'Eminentiana, secrétaire »
Ainsi voici les deux préalables satisfaits par Rome dans le cas de Campos.
Les autorités romaines sont disposées à faire de même pour  la FSSPX. Ce que Mgr Fellay exige,  Rome la fait concrètement, pratiquement pour Campos.  Pourquoi ne pas le dire ? Pourquoi ne pas en tenir compte ?  Pourquoi faire éternellement du surplace ?
Plus même.

La vraie situation des pères de Campos

Voilà un clergé qui, librement, officiellement et en plein accord et unité avec Rome, fait œuvre apostolique dans et avec les sacrements de  la Tradition , avec la messe traditionnelle, dans une circonscription administrative reconnue, officielle : l’Administration Apostolique Saint Jean Marie Vianney.  Voilà que Rome, ici, à Campos, « retrouve sa Tradition ». Voilà que Rome rend « toute sa place pleine et entière à  la Tradition  ». Là,  librement,  la Tradition , dans les mains de ces prêtres, reconnus par Rome, joue « son rôle dans la solution de la crise de l’Eglise ».
Voilà ce que demande Mgr Fellay. Voilà la raison de « ses deux préalables », dit-il. Voilà que Rome y a parfaitement répondu dans le cas de Campos. C’est ce que nous a expliqué Mgr Rifan lors de son passage en France. Ce que Mgr Fellay exige légitimement, Rome l’a voulu et permis à Campos, avec nos amis…Ne pas en tenir compte, ne pas le prendre en compte, faire comme si cela n’existait pas…n’est-ce pas être injuste ? N’est-ce pas refuser la réalité ? Se croire seul ? Les yeux fermés sur soi seul…
Mgr Fellay écrit dans son interview : « Les deux préalables - la libéralisation de l’usage du missel de Saint Pie V et le retrait du décret d’excommunication – visent au-delà des fidèles traditionnels le bien de l’Eglise tout entière ».  Certes !... «  Il s’agit de permettre à  la Tradition de retrouver droit de cité dans l’Eglise et de faire ses preuves sur le terrain. C’est ainsi que nous pouvons aider Rome à régler la crise dans l’Eglise. Ces deux préalables fonctionnent – selon l’expression des théologiens - comme un removens prohibens, ils doivent ôter les interdits qui empêchent  la Tradition d’agir pratiquement, pastoralement. ».
Mais Monseigneur ! Ce que vous demandez,  Rome l’a accordé déjà à Mgr Rangel.  Voilà que depuis quatre ans, - ce n’est pas rien -,  sur le terrain, nos amis agissent pratiquement et pastoralement dans et pour  la Tradition. Officiellement. Alors ! Voilà une région de l’Eglise où la « messe tridentine cesse d’être en liberté surveillée » comme vous le dites.  Voilà une circonscription géographique où le « ministère des prêtres traditionnels n’est plus entouré d’une suspicion d’excommunication ». Là, l’Eglise peut voir l’expérience de  la Tradition à l’œuvre… Cela existe aujourd’hui.  Pourquoi continuer à le demander à Rome comme si cela faisait encore problème…N’est-ce pas montrer un mauvais esprit ? L’apostolat de  la FSSPX serait-il le seul apostolat traditionnel digne d’estime et de respect ? Ce n’est pas raisonnable. « Cette phase expérimentale » que vous réclamez dans votre  réponse à la quatrième question, a lieu, aujourd’hui,  est en cours d’exercice… Pourquoi ne pas vouloir le prendre en compte…Rome, déjà, «  juge sur pièces, l’oeuvre accomplie par les prêtres traditionnels » à Campos. Le pape Benoît XVI en a même déjà félicité celui qui préside à cette œuvre,  Mgr Rifan. Alors pourquoi faire la « mauvaise tête ? Encore une fois, n’y aurait-il que l’apostolat de  la FSSPX qui, en ce domaine, serait valable ? Vous aurez du mal à le faire croire, Monseigneur ! On a l’impression, Monseigneur,  que vous ne voulez pas avancer. Vous faites du surplace.
Poursuivons l’analyse de votre exposé Monseigneur !

La question du Concile.

Vous en arrivez à la question du Concile, à la question doctrinale. Là encore vous faites du surplace.  Vous posez toujours les mêmes questions, comme si Rome sur l’affaire du Concile n’avait pas évolué grâce à la ténacité de Mgr Lefebvre. Quelle différence, en effet,  est-il possible d’ établir entre le premier entretien qu’eut Mgr Lefebvre avec les cardinaux Tabérra, Garonne et Wriegt,  à Rome en 1975 et le protocole d’accord signé avec le cardinal Ratzinger, le 5 mai 1988. Là, en 1975, il n’était question que de la déclaration  du 21 novembre 1974. « Elle était en tout point inacceptable… ». Il fallait retirer ce texte absolument. Et tant que cela ne serait pas fait, ce serait la guerre. Et ce le fut. La moindre critique  du Concile Vatican II était inacceptable. Ici, le 5 mai 1988, 14 ans plus tard,  on reconnaissait enfin la possibilité de critiquer cette œuvre conciliaire.  C’était une hypothèse possible, soutenable. Voici le passage sur ce sujet du texte fondamental. C’est le fameux article 3 du Protocole du 5 mai 1988 :  « A propos de certains points enseignés par le Concile Vatican II ou concernant les réformes postérieures de la liturgie et du droit, et qui paraissent difficilement conciliables avec  la Tradition , nous nous engageons à avoir une attitude positive d'étude et de communication avec le Siège apostolique, en évitant toute polémique ».
Il est bien dit que « certains points enseignés par le Concile Vatican II ou concernant les réformes postérieures de la liturgie et du droit »,  peuvent  paraître, sinon à tous, du moins à certains , « difficilement conciliables avec  la Tradition … ».  C’est une nouveauté de la part de Rome. Rome s’ouvre à la possibilité d’une critique. D’une critique légitime…Pour vous, Monseigneur,  Rome reste immuable sur son Concile, - je dis bien Rome et ne parle pas de tel ou tel prélat, fut-il cardinal…-  et n’envisage aucune discussion possible. De plus, vous ne tenez aucun compte du discours de Benoît XVI du 22 décembre 2005, comme s’il ne changeait pas les données du problème. Non ! Vous renvoyez ce discours d’un simple revers de main méprisable : «  Nous visons bien  autre chose qu’une « fausse interprétation superprogressite du Concile ». Comme si Benoît XVI en était resté à ce seul point…C’est un  peu court. Avouez !
Sur ce sujet, pourquoi ne pas en revenir a la position concrète de Mgr Felici, secrétaire général du Concile et à son enseignement dans la réception du Concile, rappelé très heureusement tout récemment par M l’abbé Philippe Laguérie ? Mgr Lefebvre l’acceptait tout à fait…Pourquoi ne jamais, non plus,  citer la position de Jean Madiran en cette affaire du Concile ? Toutes ses positions étaient partagées par Mgr Lefebvre…
Vos répétitions, toujours les mêmes, deviennent lassantes. Vous découragez ceux qui sont les mieux disposés à votre égard.

Une nouvelle considération cependant…

Sur ce problème des discussions avec Rome, vous ajoutez, cependant,  une considération nouvelle, digne d’intérêt. Vous répondez :
« La discussion doctrinale a bien pour but d’obtenir la reconnaissance par Rome de cette cause, (NDLR, à savoir que  le Concile est la cause du drame que connaît l’Eglise)  mais étant donné les principes modernes dont sont imbues les autorités romaines depuis Vatican II, cette discussion ne peut avoir lieu sans le concours d’une leçon donnée par les faits eux-mêmes, ou encore plus précisément :  elle ne peut se faire sans la considération de l’œuvre concrète que  la Tradition peut accomplir en vue d’une solution à la crise des vocations, de la pratique religieuse…
De notre point de vue, ce sont les effets de l’apostolat traditionnel qui feront voir a contrario où est la cause de la crise. Voilà pourquoi des préalables pratiques me paraissent indispensables au bon déroulement des discussions doctrinales.
La liberté d’action rendue à  la Tradition doit lui permettre de faire ses preuves et de départager dans les faits les deux parties qui ne s’accordent pas doctrinalement sur la cause de la crise. Cette leçon des faits que nous demandons à Rome de bien vouloir accepter, repose avant tout sur notre foi en la messe traditionnelle. Cette messe réclame d’elle-même l’intégrité de la doctrine et des sacrements, gage de toute fécondité spirituelle auprès des âmes ».
Je crois, Monseigneur,  que, là, dans cette réflexion,  vous avez raison. Aujourd’hui, les  actes auraient plus d’impact que toutes les discussions possibles. C’est pourquoi  je me suis réjouis de la fameuse messe célébrée par le cardinal Castrillon Hoyos, le 24 mai 2003 C’était un geste, le premier…Il y en aura d’autres, bientôt… Disons qu’il faut les deux. C’est ce que vous demandez. Je partage votre avis lorsque vous dites : « il faut affirmer et la nécessaire leçon des faits et l’indispensable discussion doctrinale »
Mais cela le voulez-vous vraiment…J’en doute…Vous ne concevez possible « l’expérience des faits » qu’en troisième étape, la première étape étant les préalables acceptés par Rome, la seconde,  le problème doctrinal réglé. Viendrait enfin le règlement canonique qui vous permettrez d’agir et de faire la preuve par les faits de la valeur de  la Tradition dans le sein de l’Eglise.   Cette succession d’étapes me parait très factice et un peu contradictoire. Disons que vous ne semblez pas prendre les bonnes décisions pour pouvoir faire la preuve de la bonté de  la Tradition et faire ainsi, selon votre désir, évoluer les autorités vers la bonne doctrine. Seriez-vous finalement velléitaire ? C’est du moins l’impression que vous donnez. Vous voulez sans vouloir. Vous cogitez et hésitez. Vous tournez en rond ! Quoi !

Les accords avec Rome ?

Vous poursuivez votre entretien et répondez à la question suivante : « Alors ! l’accord canonique aux calendes grecques » ?
Vous  répondez : «  On parle d’administration apostolique, de prélature personnelle, d’ordinariat…, cela semble prématuré. En souhaitant un accord canonique tout de suite et à tout prix, nous nous exposerions à voir immédiatement resurgir tous les problèmes doctrinaux qui nous opposent à Rome, et cet accord serait aussitôt caduc. Cette régularisation de notre statut canonique devra intervenir en dernier lieu, comme pour sceller un accord déjà réalisé au moins pour l’essentiel au niveau des principes, grâce aux faits constatés par Rome.
D’ailleurs, imaginons un instant que nous acceptions une structure canonique pour n’envisager qu’ensuite - à l’intérieur, dans le « périmètre visible » des diocèses - les questions doctrinales, nous ne pourrions pas accomplir notre ministère avec toute son efficacité pastorale. Les conditions pratiques ne seraient pas réunies pour permettre une leçon des faits pleine et entière, c’est-à-dire convaincante »
Mais Monseigneur l’expérience de Campos est là.  Ces prêtres font un excellent travail. Ils n’ont pas changé de messe, ils n’ont pas changé de catéchisme. Il enseigne toujours la même vérité. Comme du temps de Mgr de  Castro Mayer. Là, déjà « les conditions pratiques sont réunies pour permettre une leçon de faits pleine et entière, c’est-à-dire convaincante »
De plus vous semblez identifier la situation de Campos avec celles des communautés « Ecclesia Dei », ou  plus exactement,  vous ne voulez tenir compte que de la situation dans lesquels se débattent nos confrères dans le cadre d’ « Ecclesia Dei »…Comme si rien n’avez changé dans l’esprit de Rome depuis 1988 ? Vous ne tenez aucun compte de la situation créée par Rome à Campos. Mais pourtant autre la situation créée  par le motu Proprio « Ecclesia Dei »,  autre la situation créée par les statuts donnés par Rome à l’Administration  Apostolique saint Jean Marie Vianney. Vous ne semblez connaître qu’une situation, celle qui date de 1988, ignorant celle, nouvelle, créée en 2002 ?
Vous écrivez en effet : « Comme c’est déjà le cas pour les communautés Ecclesia Dei, notre apostolat traditionnel serait en liberté surveillée, autorisé à ne se manifester qu’avec parcimonie de-ci de-là, comme au compte-gouttes ».
Le tout est de savoir si la situation tragique de l’Eglise aujourd’hui,  - la crise impressionnante des vocations, la chute vertigineuse de la pratique religieuse… - lui permet de se contenter de remèdes à administrer au compte-gouttes »
 Mais nous sommes, Monseigneur, en 2002 et non plus en 1988 ? La situation est différente. Vous datez et retardez. Là,  Monseigneur, à Campos les prêtres de Mgr Rifan ne sont plus en « liberté surveillée, ni seulement «  autorisés à se manifester qu’avec parcimonie de –ci de-là, comme au compte-gouttes ». Non ils ont « pignon sur rue ». Ils se manifestent en toute liberté. Ils ont même, puisque cela semble pour vous un critère d’efficacité apostolique, construit et ouvert un autre séminaire. Il a même fière allure…
Vous écrivez :  «  Cette régularisation de notre statut canonique devra intervenir en dernier lieu, comme pour sceller un accord déjà réalisé au moins pour l’essentiel au niveau des principes, grâce aux faits constatés par Rome ».
Sur ce sujet êtes-vous bien fidèle à la pensée de Mgr Lefebvre. Vous renvoyez le problème canonique en troisième position, « en dernier lieu » dites-vous.
Ce n’est pas comme cela que Mgr Lefebvre envisageait  le problème. Il a  donné sa pensée dans sa lettre du 21 novembre 1987. Pourquoi ne la citez-vous jamais ? Pourquoi ne pas vous y référez ? Lisez-là, relisez la. Vous verriez que Mgr Lefebvre ne réglait pas le problème en ces trois étapes successives que vous nous décrivez. Il proposait une solution globale. Il suggérait que Rome nous prenne « tels que nous sommes » avec notre amour de la messe saint Pie V, avec notre amour de  la Tradition, avec notre catéchisme du Concile de Trente avec les sacrements tels que nous les avons reçus depuis toujours de l’Eglise, avec notre bréviaire de saint Pie X…Il suggérait la création d’une commission romaine dont les membres seraient  animés de l’amour de Rome, certes,  mais aussi de l’amour de sa Tradition . C’était pour lui, la vraie condition « sine qua non ». Et pour ce faire, il suggérait la création d’une structure canonique, inspiré du récent texte de Jean-Paul II réorganisant les « Vicariats aux armées », celui de 1986. Il trouvait particulièrement judicieux le système de la « juridiction cumulative ». Ce qui permettrait, écrivait-il,  « de régler bien des problèmes ». C’est dans ce cadre juridique, clair,  que Mgr Lefebvre proposait à Rome de  « faire, enfin, l’expérience de  la Tradition  ». Ce fut, j’allais dire  son « slogan », toute sa vie. Que de fois ne l’a-t-il pas  dit et redit. Et vous, Monseigneur, vous, au contraire,  vous n’imaginez pas un seul instant qu’une telle solution soit seulement possible. Vous écrivez,  contredisant point par point,  Mgr Lefebvre:
« On parle d’administration apostolique, de prélature personnelle, d’ordinariat…, cela semble prématuré. En souhaitant un accord canonique tout de suite et à tout prix, nous nous exposerions à voir immédiatement resurgir tous les problèmes doctrinaux qui nous opposent à Rome, et cet accord serait aussitôt caduc ».
 Mais c’est bien Mgr Lefebvre qui demandait « cette régularisation de notre statut canonique »  Et en premier. Vous vous dites qu’elle doit arriver « en dernier ».
Vous ajoutez : « D’ailleurs, imaginons un instant que nous acceptions une structure canonique pour n’envisager qu’ensuite - à l’intérieur, dans le « périmètre visible » des diocèses - les questions doctrinales, nous ne pourrions pas accomplir notre ministère avec toute son efficacité pastorale. Les conditions pratiques ne seraient pas réunies pour permettre une leçon des faits pleine et entière, c’est-à-dire convaincante ».
C’était pourtant la position voulue par Mgr Lefebvre. Vous « imaginez », c’est votre mot,  que notre apostolat, dans un tel cadre juridique,  ne pourrait pas parfaitement s’exprimer.
Mgr Lefebvre ne pensait pas comme cela. Il vous déjuge.
Et de fait, nos amis de Campos, dans le cadre juridique que Rome leur a concédé, se rapprochant grandement de la solution suggéré par Mgr Lefebvre, vous déjugent aussi. Dans le « périmètre visible » de leur diocèse de Campos,  - mais aujourd’hui, au-delà, également,  ils accomplissent « leur ministère avec toute son efficacité pastorale ». Les conditions semblent bien réunies, dans leur cadre juridique,  pour leur permettre de « donner à Rome et à l’épiscopat par les faits  une leçon pleine et entière, c’est-à-dire convaincante» -  ils n’ont, du reste, pas cette prétention  - Mais peu importe ici, ils font la preuve que cet apostolat de la Tradition est possible dans un cadre juridique ad hoc. Ce que vous souhaitez pour vos prêtres, la liberté d’un apostolat traditionnel,  Mgr Lefebvre le demandait  de Rome par la création d’un cadre canonique. Nos amis de Campos l’ont obtenu de Rome. Et Rome veut vous le donner. Et vous refusez toujours, restant dans votre propre « imagination » et vos propres conceptions, refusant de vous en remettre à la sagesse de Mgr Lefebvre et de son sens pratique des choses…Et à défaut de ceci, vous refusez de voir le beau ministère des pères de Campos, gardant l’amour de la Tradition et la gardant bien vivante dans leurs mains pour leurs fidèles.

Et vous parlez de « fidélité ?


DOCUMENTS

A- Lettre du Souverain Pontife Jean Paul II à Mgr Rangel, le 25 décembre 2001.

Au vénérable frère Licinio Rangel et aux Chers Fils de l'Union Saint Jean Marie Vianney  de Campos au Brésil.
L'unité de l'Eglise est un don que nous offre le Seigneur, Pasteur et Tête du Corps mystique, et qui demande en même temps une réponse empressée de la part de chacun de ses membres qui ont reçu cette garde pressante du Sauveur: « Afin que tous soit un, de même que Vous, Père, vous l'êtes en moi et moi en vous, afin qu'eux-mêmes aussi soient un en vous: afin que le monde croie que Vous m'avez envoyé ». (Jn. 17,21)
 Nous avons reçu avec une très grande joie votre lettre, datée du 15 Août de cette année, par laquelle toute l'Union a renouvelé sa profession de foi catholique, en signifiant « sa pleine communion avec la Chaire de Pierre, en reconnaissant son Primat et son gouvernement sur l'Eglise universelle, ses pasteurs et ses fidèles », en déclarant aussi « ne vouloir pour rien au monde être séparée de Pierre sur qui Jésus Christ a fondé son Eglise ».
Nous avons reçu avec une très grande joie pastorale le fait que vous vouliez coopérer avec le Successeur du bienheureux Pierre à la propagation de  la Foi et de  la Doctrine catholique, recherchant l'honneur de  la Sainte Eglise qui est l'étendard levé parmi les nations (Is. II, 12- Maredsous) et combattant contre ceux qui, en vain, essaient d'ébranler le Navire de Pierre parce que « les portes de l'Enfer ne prévaudront pas contre elle » (Mtt. 16, 18).
 Nous rendons grâce au Seigneur Un et Trine pour de si bons sentiments !
 Après avoir considéré toutes ces choses et ayant devant les yeux la gloire de Dieu, le bien de  la SainteEglise , ainsi que cette loi suprême qu'est le salut des âmes (cf. can. 1752 CIC), et étant d'accord sincèrement avec votre requête de pouvoir être admis à l'entière communion avec l'Eglise catholique, nous reconnaissons que vous lui appartenez canoniquement. En même temps, nous vous informons, Vénérable Frère, qu'un document législatif va être préparé, document qui établira la forme juridique de la confirmation de vos biens ecclésiastiques et par lequel, le respect de vos biens propres sera garanti.
 Par ce document, l'Union sera érigée canoniquement en une Administration apostolique personnelle qui sera directement soumise au Siège apostolique et aura son territoire dans le diocèse de Campos. La question de la juridiction cumulative avec l'ordinaire du lieu sera traitée. Son gouvernement vous sera confié, Vénérable Frère, et votre succession sera prévue.
 Sera ratifiée à l'Administration apostolique, la faculté (facultas) de célébrer l'Eucharistie et la liturgie des Heures selon le rite romain et la discipline liturgique d'après les préceptes de notre prédécesseur saint Pie V, avec les adaptations introduites par ses successeurs jusqu'au bienheureux Jean XXIII.
 C'est assurément avec une très grande joie, pour que pleine communion soit rendue certaine, que nous déclarons la levée de la censure dont il est traité au can 1382 CIC, à votre égard, Vénérable Frère, en même temps que la levée de toutes les censures et le pardon de toutes les irrégularités dans lesquelles sont tombés les autres membres de cette Union.
 Nous n'oublions pas le jour particulier de la signature de votre lettre, en la solennité de l' Assomption de  la Bienheureuse Vierge Marie. Nous confions à cette même sainte Mère de Dieu et de l'Eglise, cet acte avec le voeu qui se fait intense de voir s'accomplir une communion, de jour en jour, plus étroite entre le clergé et les fidèles de cette même Union et le cher diocèse de Campos afin que soit renouvelée la ferveur authentique en l' apostolat de  la Sainte Eglise.
 A tous les membres de l'Union Saint Jean Marie Vianney, nous accordons, du fond du cœur, notre bénédiction apostolique.
 Fait au Vatican, le 25 décembre, en la solennité de  la Nativité du Seigneur,  en l'an 2001, le vingt-quatrième de notre pontificat.
Jean-Paul II

B- Lettre de l’Union Saint Jean Marie Vianney au Pape du 15 Août 2001

Très Saint Père,
Humblement prosternés aux pieds de Votre Sainteté, nous prêtres de l'Union Sacerdotale St Jean Marie Vianney du diocèse de Campos, état de Rio, Brésil, désirons présenter une demande au Vicaire du Christ et lui exprimer notre gratitude.    
Nous n'avons aucun titre à mettre en avant ; nous sommes les derniers prêtres de Votre presbyterium ; nous ne possédons ni distinction, ni qualité, ni mérite. Mais notre état, d’ailleurs honorable, est de faire partie des brebis de Votre troupeau et cela est assez pour retenir l'attention de Votre Sainteté. L'unique titre que nous revendiquons avec honneur est celui de catholiques apostoliques et romains.
Et, au nom de notre foi catholique apostolique et romaine, nous nous sommes efforcés de garder la sainte Tradition doctrinale et liturgique que la Sainte Eglise nous a léguée et, dans la mesure de notre faible force et soutenus par la grâce de Dieu, de résister à ce que Votre prédécesseur d' illustre mémoire le Pape Paul VI a appelé l' "autodémolition" de l'Eglise. C'est de cette manière que nous espérons  rendre le meilleur service à Votre Sainteté et à la Sainte Eglise.
Très Saint Père,
Nous avons toujours considéré être dans l'Eglise catholique, dont nous n'avons jamais eu l'intention de nous séparer malgré la situation de l'Eglise et les problèmes qui ont affecté les catholiques de la ligne traditionnelle, que Votre Sainteté connaît, et qui, nous le croyons, remplissent Votre cœur comme les nôtres de douleur et d'angoisse : cependant juridiquement nous avons été considérés comme vivant en marge de l'Eglise.
Voici donc notre demande : que nous soyons acceptés et reconnus comme catholiques. 
Venant au devant de notre désir, Votre Sainteté a chargé Son Eminence le cardinal Dario Castrillón Hoyos, Préfet de la Sacrée Congrégation pour le Clergé, de procéder à la reconnaissance juridique de notre position de catholiques dans l'Eglise.
Que nous en sommes reconnaissants à Votre Sainteté!
Nous demandons, officiellement, à collaborer avec votre Sainteté dans l'œuvre de la propagation de la foi et de la doctrine catholique, avec zèle et pour l'honneur de la Sainte Eglise  - «Signum levatum in nationes » -; dans le combat contre les erreurs et les hérésies qui menacent de détruire la barque de Pierre, inutilement puisque " les portes de l'Enfer ne prévaudront pas contre elle."  Nous déposons dans les augustes mains de Votre Sainteté  notre profession de foi catholique : nous professons une parfaite communion avec la Chaire de Pierre dont Votre Sainteté est légitime successeur. Nous reconnaissons Votre primauté et Votre gouvernement sur l'Eglise universelle, pasteurs et fidèles . Nous déclarons que, pour rien en ce monde nous ne voulons nous séparer de la Pierre sur laquelle Jésus-Christ a fondé son Eglise.
Et si par hasard dans la chaleur de la bataille pour la défense de la Vérité catholique nous avons commis quelque erreur ou causé quelque déplaisir à Votre Sainteté, en dépit du fait que notre intention ait toujours été de servir la Sainte Eglise, nous implorons humblement Votre pardon paternel.
Nous renouvelons l'expression du plus profond sentiment de vénération envers l'auguste personne du Vicaire de Jésus-Christ sur la terre, et sollicitons pour nous et pour notre ministère le bienfait précieux de la bénédiction Apostolique.
Nous sommes de Votre Sainteté, les fils humbles et obéissants,
Campos de Goytocazes, Etat de Rio de Janeiro, Brésil, le 15 août 2001, fête de l'Assomption de la Très Sainte Vierge Marie
( suivent les signatures de Mgr Rangel et de tous les autres membres de l'Union Sacerdotale Saint Jean-Marie Vianney )

28 mars 2006

La Lettre de Paix liturgique
N°52 – 28 mars 2006 - contact@paixliturgique92.com
Depuis son arrivée dans le diocèse de Reims, monseigneur Thierry Jordan a été régulièrement sollicité par de nombreuses familles en vue de mettre en place à Reims la célébration d’une messe traditionnelle régulière dans le cadre du motu proprio Ecclesia Dei.

Pourtant, malgré la forte demande (plus de 70 familles ont notamment signé une lettre de demande entre novembre 2003 et janvier 2004, plusieurs dizaines d’autres familles manifestent également leur soutien à cette demande), monseigneur Thierry Jordan a toujours refusé de mettre fin à cet état de fait douloureux en autorisant une telle célébration dans son diocèse, laissant ainsi perdurer une situation d’exclusion.
Face au refus catégorique de monseigneur Jordan de dialoguer avec les familles sollicitant de sa part l’application du motu proprio, nous avons voulu en savoir plus sur sa pensée en la matière.
Faute de pouvoir le rencontrer, c’est dans ses propres écrits que nous avons tenté de trouver des réponses à l’incompréhensible.
Paix liturgique : « Selon vous, les catholiques attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise sont-ils bien accueillis dans les diocèses et leur sensibilité liturgique est-elle respectée ? »

Monseigneur Thierry Jordan : « Les traditionalistes reprochent continuellement aux évêques une application trop restrictive du motu proprio. Ils doivent se souvenir que ce document contient des devoirs pour tous, et donc pour eux aussi. »
Note de Mgr Thierry Jordan écrite le 16 octobre 1998
à l’occasion du 10e anniversaire du motu proprio Ecclesia Dei

La réflexion de Paix liturgique : Ne nous y trompons pas. Les familles de Reims ou d’ailleurs qui supplient leurs pères les évêques de mettre en place dans leurs diocèses la célébration régulière de messes traditionnelles par des prêtres bien disposés et disponibles ne font qu’exprimer par là leurs besoins spirituels à leurs pasteurs, comme les y invite d’ailleurs le grand concile Vatican II.
Peut-être est-il quelques fidèles qui, découragés par les multiples demandes demeurées infructueuses depuis tant et tant d’années ou profondément blessés par la culture de mépris qui sévit à leur endroit, ont pu exprimer maladroitement leurs aspirations. De tels cas ne doivent pas être généralisés pour éluder les responsabilités qui nous incombent à tous et illustrent au contraire l’urgence avec laquelle il convient d’œuvrer à l’édification de la concorde diocésaine et de l’authentique paix liturgique.

Les catholiques attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise auraient-ils des raisons d’être satisfaits du traitement qui leur est réservé à Reims comme, hélas, dans bien d’autres diocèses de France ?
En effet, il ne s’agit pas dans ces cas-là d’une « application trop restrictive du motu proprio » mais d’une absence totale d’application. Est-il possible d’avoir encore « moins que rien du tout », comme c’est le cas dans le diocèse de Reims pour les catholiques attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise qui souhaitent vivre leur sensibilité liturgique en communion avec vous ?
Le premier devoir qui nous incombe à nous tous chrétiens est de nous aimer les uns les autres. Pourquoi alors continuer à traiter les catholiques attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise comme des chrétiens de seconde catégorie, comme des pestiférés avec qui on ne discute pas, à qui l’on refuse la nourriture spirituelle qu’ils vous supplient de leur donner ? Quel est donc le problème ?

Paix liturgique : « Le motu proprio s’adresse aux chrétiens « qui se sentent liés à la tradition liturgique latine » et qui souhaitent rester en communion visible avec le Pape et les évêques du monde entier. Les choses étant clairement établies, pourquoi ne pas alors mettre en place des solutions d’apaisement dès lors qu’une demande sérieuse est exprimée dans ce cadre ? »

Monseigneur Thierry Jordan : « Les traditionalistes se référant au motu proprio protestent de leur fidélité au Pape. Le degré de communion avec les membres de l’Eglise est plus délicat à évaluer. Le fait, pour certains, de critiquer systématiquement la liturgie rénovée, les évêques ou l’Eglise depuis le Concile, n’est pas un signe positif de communion. (…) Pastoralement, il faut bien reconnaître qu’il existe des comportements à coloration schismatique, ou tout au moins un manque de communion affective chez certains. »
Note de Mgr Thierry Jordan écrite le 16 octobre 1998
à l’occasion du 10e anniversaire du motu proprio Ecclesia Dei

Réflexion de Paix liturgique : Mais, Monseigneur, parlons-nous bien de la même chose ? Parlons-nous bien de cette partie du peuple de Dieu qui souhaite simplement vivre sa foi au rythme de la liturgie traditionnelle de l’Eglise en communion avec ses évêques ? C’est justement pour être en communion ecclésiale que ces familles supplient leurs évêques de permettre la célébration de la liturgie traditionnelle dans le cadre du diocèse. Comment peut-on reprocher à ceux qui se battent pour être en communion avec leurs évêques, à ceux qui souhaitent que tous les chrétiens, au-delà de leurs sensibilités propres, puissent vivre en harmonie, un manque de communion ? Pourquoi les accuser injustement de « critiquer systématiquement la liturgie rénovée, les évêques ou l’Eglise depuis le Concile » ? N’y a-t-il pas paradoxes et injustices dans tout cela ? Quelles preuves y a-t-il de ces accusations gratuites, ne serait-ce pas de la calomnie ?
En pratique, le « manque de communion » n’est il pas de facto créé par l’autorité diocésaine qui refuse de dialoguer avec les catholiques attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise et encore plus de permettre la célébration de la liturgie traditionnelle ? En mettant ces familles au ban des diocèses, en les disqualifiant par toute sorte de procédés déloyaux, participe-t-on vraiment à la communion et à l’unité de l’Eglise ?
Peut être « certains » ont-ils émis les critiques que vous évoquez mais sont-ce vraiment ceux-là même qui se réclament du motu proprio Ecclesia Dei ? Nous ne le croyons pas. Quoi qu’il en soit, de tels comportements ne sauraient, encore une fois, justifier la généralisation et l’amalgame.

Paix liturgique : « Que répondez-vous aux chrétiens qui souhaitent une application « large et généreuse » des mesures d’apaisement promulguées par Jean Paul II dans son motu proprio Ecclesia Dei

Monseigneur Thierry Jordan : « Ceux qui réclament une application large des possibilités offertes par le motu proprio doivent accepter ces conditions (ndlr : conditions de la déclaration doctrinale contenue dans le protocole d’accord Mgr. Ratzinger - Mgr. Lefebvre), notamment la 3e (ndlr : l’engagement à une attitude positive d’étude des points conciliaires qui paraissent plus difficiles.) Mais on a l’impression que, depuis dix ans, rien n’a bougé à ce propos ; on lit partout les mêmes critiques sur l’Eglise et le Concile. »
 Note de Mgr Thierry Jordan écrite le 16 octobre 1998
à l’occasion du 10e anniversaire du motu proprio Ecclesia Dei

Réflexion de Paix liturgique : Monseigneur, ces propos nous paraissent d’une autre époque. Comment tous les jeunes de la génération Jean Paul II attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise peuvent-ils comprendre cela ? Nous n’étions pas nés au moment du concile et notre attachement à la liturgie traditionnelle n’a jamais été vécu en rupture avec le concile ou l’Eglise. L’Eglise a heureusement évolué et les chrétiens ne peuvent être ainsi enfermés dans des catégories figées. La réalité ecclésiale est tout autre. Ce faux débat, ce procès d’intention nous paraît complètement dépassé et usé. Pourquoi voudriez-vous que ceux qui réclament le respect des sensibilités critiquent l’Eglise et le Concile ? Nous savons bien que le concile Vatican II, loin d’interdire la liturgie traditionnelle, a merveilleusement rappelé que « le latin était la langue de l’Eglise » ou que « tous les rites étaient égaux en droit et en dignité ». Pourquoi alors continuer à opposer artificiellement ce concile avec l’attachement à la liturgie traditionnelle ?
Avez-vous vraiment vu ou entendu, dans les diocèses où certains de vos confrères ont accueilli généreusement les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise, les « critiques sur l’Eglise et le Concile » ? Encore une fois la question mérite d’être posée tant il nous semble que nous ne parlons pas des mêmes personnes. La reconnaissance des communautés Ecclesia Dei par le Saint Siège, plus récemment encore l’érection canonique de la communauté traditionnelle de Campos au Brésil nous montrent à quel point ces oppositions sont artificielles et comment il est parfaitement possible de vivre sa foi au rythme de la liturgie traditionnelle en communion avec nos pasteurs dans l’Eglise d’aujourd’hui.

Paix liturgique : « Les communautés traditionnelles en France sont assez dynamiques et connaissent un développement significatif, notamment en termes de vocations sacerdotales et religieuses, comment percevez-vous l’expression de cette sensibilité dans l’Eglise de France ? »

Monseigneur Thierry Jordan : « Elle (ndlr : la liste des communautés catholiques traditionnelles en France donnée par un hors-série de La Nef, du 2 octobre 1994) est typique (…) d’une espèce de conscience collective qui est en train de s’établir chez certains, d’appartenir à une sorte de peuple chrétien de la Tradition – le vrai – qui a des droits, des privilèges accordés par le Pape, et que les évêques s’obstinent à ne pas laisser vivre. »
Note de Mgr Thierry Jordan écrite le 16 octobre 1998
à l’occasion du 10e anniversaire du motu proprio Ecclesia Dei

Réflexion de Paix liturgique : Cette vision des choses semble pour le moins partisane et décalée avec la réalité. Pourquoi toujours se référer à « certains » en l’espèce non représentatifs et caricaturaux, pour généraliser et traiter l’ensemble des catholiques attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise ? L’amalgame et la caricature ne font pas bon ménage avec la recherche de la paix et de l’unité.
Ne pourrions-nous pas, pour une fois, prendre en exemple les belles expériences de paix liturgique réussies ? Pourquoi ne pas parler par exemple de cette belle expérience de Toulon où monseigneur Rey a opté pour la solution de la paroisse personnelle pour répondre aux aspirations des familles de son diocèse attachées à la liturgie traditionnelle ?
Demandons à monseigneur Rey si le prêtre qu’il a nommé curé pour cela et si les fidèles qu’il a généreusement accueillis ont l’impression « d’appartenir à une sorte de peuple chrétien de la Tradition – le vrai – qui a des droits, des privilèges accordés par le Pape, et que les évêques s’obstinent à ne pas laisser vivre » ? N’ont-ils pas plutôt l’heureuse satisfaction de se sentir aimés par leur évêque, comme ils sont, avec leurs richesses et leurs faiblesses, à l’instar de n’importe quels autres de leurs frères chrétiens du diocèse ?
Renouvelons cette demande auprès de vos confrères qui ont accueilli des communautés Ecclesia Dei dans leurs diocèses. Citons ici l’exemplaire réconciliation en cours à Sainte-Marie-des-Fontenelles, et demandez aux prêtres chargés de ces célébrations si les fidèles leur donnent l'impression de vouloir « rester entre eux » pour former « le peuple de la tradition » ?
Nous ne voulons rien imposer à personne mais voulons simplement à notre place (mais à toute notre place) participer à la vie de notre diocèse.

Paix liturgique : « Quel bilan faites-vous de la promulgation du motu proprio Ecclesia Dei ? »

Monseigneur Thierry Jordan : « Un courant ecclésial qui se réclame du motu proprio et qui s’autosuffit. Une Eglise de fait, l’expression serait un peu forte. On veut cependant montrer que, depuis dix ans, il y a des fidèles qui ne vivent plus en chrétiens que dans des groupes traditionalistes. Ils y cherchent toute leur nourriture spirituelle et y consacrent toutes leurs capacités d’engagement. Ils n’ont pas et plus besoin d’être en relation avec ceux qui ont d’autres sensibilités et qui suivent les lois générales de l’Eglise. »
 Note de Mgr Thierry Jordan écrite le 16 octobre 1998
à l’occasion du 10e anniversaire du motu proprio Ecclesia Dei

Réflexion de Paix liturgique : Pourquoi caricaturer les catholiques attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise comme des marginaux repliés sur eux-mêmes ? Est-ce l’attitude que des enfants sont en droit d’attendre de leur père ? Est-ce digne de la charité qui devrait animer tout dialogue entre chrétiens ?
Cette vision des choses tellement caricaturale prêterait à sourire si elle n’était pas révélatrice du scandale de l’exclusion de chrétiens de leurs propres diocèses en raison de leur attachement liturgique. Et puis soyons clairs : ce n’est pas que les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle se replient sur eux-mêmes, c’est surtout que trop souvent on leur refuse de participer à la vie de leur diocèse ; pire, il arrive que l’on refuse de les recevoir, de parler avec eux : Pourquoi cette attitude si contraire à l’esprit de dialogue prôné si souvent dans le discours actuel de tant de clercs ?
N’ayons pas peur des différences ! L’unité n’est pas l’uniformité et il y a plusieurs demeures dans la maison du Père.
Dès lors que les chrétiens dont vous parlez vivent leur foi dans des communautés dont les constitutions sont approuvées par le Saint Siège et qui ont été accueillies par des évêques courageux, ne devrait-on pas simplement nous réjouir de cette richesse supplémentaire pour l’Eglise ?
Enfin, nous voyons bien lors de nos opérations de sensibilisation dans les paroisses de Reims que ce sont plutôt « certains » prêtres et laïcs qui sont déjà engagés dans les paroisses qui refusent catégoriquement tout partage avec les catholiques attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise. On le voit bien : le repli sur soi, l’autosatisfaction sont des dangers contre lesquels nous avons tous à lutter et qui ne sont pas le monopole de ceux qui demandent une application « large et généreuse » du motu proprio Ecclesia Dei.

Paix liturgique : « Selon vous, le motu proprio a donc plutôt eu des conséquences négatives ? »

Monseigneur Thierry Jordan : « A notre avis, il y a là un appauvrissement par rapport à la “richesse que représente pour l’Eglise la diversité des charismes et des traditions de spiritualité et d’apostolat” (motu proprio), diversité qui doit être entendue au minimum dans les deux sens ! Il y a aussi un glissement quand l’exception devient la norme au même titre que celle voulue par le législateur. Plus grave encore, on peut se demander si le motu proprio a effectivement souhaité que l’on parvienne à ce résultat d’un courant ecclésial pratiquement autonome. Où est la communion ecclésiale organique ? »
Note de Mgr Thierry Jordan écrite le 16 octobre 1998
à l’occasion du 10e anniversaire du motu proprio Ecclesia Dei

Réflexion de Paix liturgique : Oui, la question mérite d’être posée : où est la communion ecclésiale organique quand on refuse de rencontrer ses propres enfants au prétexte que leur sensibilité liturgique en fait des pestiférés infréquentables ? Où est la communion ecclésiale organique quand à Reims et dans le tiers des diocèses de France, malgré une forte et ancienne demande, strictement rien n’est accordé pour les catholiques attachés à la liturgie traditionnelle de l’Eglise ?
C’est justement parce que nous refusons « un courant ecclésial pratiquement autonome » que nous vous supplions de mettre en place, sous votre autorité, la célébration régulière de messes traditionnelles à Reims. Nous demandons si peu !
De plus comment peut-on ainsi juger de la non fécondité du mouvement traditionnel alors que toutes les autorités, évêques ou cardinaux, qui ont pu l’approcher, ont été favorablement impressionnés par sa jeunesse, le nombre de vocations, les familles nombreuses, les œuvres multiples et son dynamisme rayonnant… Quand acceptera-t-on enfin de reconnaître cette richesse ?

La suite de ce dialogue sera publiée dans nos prochaines lettres.
Sylvie Mimpontel
Au nom de tous les délégués du Mouvement pour la Paix liturgique

25 mars 2006

[Abbé Anthony Cekada] Le Rite de la consécration épiscopale de 1968: Un bref résumé du Problème

SOURCE - Abbé Anthony Cekada - résumé paru en avril 2006 de la version longue parue le 25 mars 2006

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L’abbé ANTHONY CEKADA enseigne la Théologie morale et sacramentelle, le Droit canon et la Liturgie au séminaire de la Très Sainte Trinité à Brooksville en Floride. Il a été ordonné en 1977 par Mgr Marcel Lefebvre, et il a écrit de nombreux articles et études concernant la question traditionaliste. Il réside à côté de Cincinnati où il célèbre la messe latine traditionnelle.
EN 1975, APRÈS avoir passé dix ans dans le système des séminaires de la période qui suivit Vatican II, j’entrai au séminaire de la Fraternité St. Pie X à Ecône.
 
Pendant que j’y faisais ma première année je frappai un jour à la porte du bureau de Mgr Lefebvre et je lui demandai si je pouvais avoir un court entretien avec lui.
 
Malgré mon audace (typiquement américaine!) il était, comme d’habitude, accueillant.
 
Je demandai à Monseigneur si des amis conservateurs du séminaire où j’étais auparavant pourraient, une fois ordonnés prêtres, collaborer avec la Fraternité. Il me répondit que, oui, en principe, mais qu’ils devraient d’abord être réordonnés sous condition parce que Paul VI avait changé le rite du sacrement de l’Ordre.
 
Monseigneur Lefebvre expliquait que la nouvelle forme (la forme essentielle) du rite de l’ordination sacerdotale était douteuse à cause d’un seul mot qui avait été supprimé. Et Monseigneur de continuer : pour ce qui est de la forme nouvelle de la consécration épiscopale, elle est toute différente et donc invalide.
 
Je savais bien que les traditionalistes mettaient en question la validité des rites des autres sacrements post-conciliaires, pourtant Monseigneur fut le premier traditionaliste dont j’apprenais qu’il mettait en doute la validité des nouveaux rites pour la collation des Ordres sacrés.
 
Malgré la gravité du problème seul un petit nombre d’auteurs traditionalistes avaient analysé les rites d’ordinations d’après le concile Vatican II, même après que se fussent multipliées, suite à un indult, les messes S. Pie V célébrées par des prêtres ordonnés par des évêques sacrés dans le nouveau rite.
 
Après l’élection de Benoît XVI en 2005 et l’ouverture de la part de la Fraternité St. Pie X de négociations avec lui, le problème revint à la surface : Joseph Cardinal Ratzinger, nommé archevêque et cardinal par Paul VI, avait été consacré dans le nouveau rite le 28 mai 1977. Etait-il donc un véritable évêque ?
 
Le Père Pierre-Marie OP, dominicain d’Avrillé, a publié un long article en faveur de la validité du nouveau rite dans Le Sel de la Terre n° 54 (automne 2005).
 
Enseignant la théologie morale des sacrements et la liturgie aux séminaristes depuis 1995 et ayant écrit un certain nombre d’articles sur le sujet, l’article du P. Pierre-Marie ne manqua pas bien entendu de retenir mon attention. Il m’apparut que l’auteur avait omis d’examiner deux sujets cruciaux pour cette question :
 
(1) Quels sont les principes que la théologie catholique applique afin de déterminer si une forme sacramentelle est valide ou invalide ?
 
(2) Comment ces principes peuventils être appliqués au nouveau rite de la consécration épiscopale ?
Ces deux points présents à l’esprit, je rédigeais ma propre étude au sujet du nouveau rite. Voici un bref résumé de cet article :
I. PRINCIPES GÉNÉRAUX
(1) Tout sacrement comporte une forme (la formule essentielle) qui produit l’effet du sacrement. Lorsqu’un changement substantiel de signification est introduit dans la forme sacramentelle par la corruption ou par l’omission de paroles essentielles, le sacrement est rendu invalide (= il ne “marche” pas : il ne produit pas l’effet du sacrement).
 
(2) Les formes sacramentelles approuvées dans les Rites orientaux de l’Eglise catholique diffèrent parfois dans leur formulation des formes du rite latin, mais elles restent les mêmes quant à leur substance, et sont donc valides.
 
(3) Pie XII a déclaré que la forme des Saints Ordres (c. à d. du diaconat, de la prêtrise et de l’épiscopat) doit signifier de manière univoque (= de manière non ambiguë) les effets sacramentels — le pouvoir d’ordre et la grâce du Saint-Esprit.
 
(4) Pour la collation de l’épiscopat Pie XII a désigné pour forme sacramentelle une phrase dans le rite traditionnel de la consécration épiscopale, qui exprime de manière univoque (a) le pouvoir d’ordre qu’un évêque reçoit et (b) la grâce du Saint-Esprit.
II. APPLICATION AU RITE
(1) La forme de la consécration épiscopale de Paul VI apparaît dans la Préface spéciale du rite ; le texte complet de la forme est le suivant :
«Et maintenant, Seigneur, répands sur celui que tu as choisi la force qui vient de toi, l’Esprit qui fait les chefs, que tu as donné à ton Fils bien-aimé, Jésus-Christ, qu’il a lui-même donné aux saints Apôtres qui établirent l’Eglise en chaque lieu comme ton sanctuaire, à la louange
incessante et à la gloire de ton Nom.»
Alors que la forme nouvelle semble mentionner la grâce de l’Esprit Saint, elle ne spécifie pas le pouvoir d’ordre qui est supposé être conféré. Peut-elle conférer l’épiscopat ? Afin de répondre à cette question, nous allons appliquer les principes établis dans la première partie.

(2) La forme assez brève de la consécration épiscopale de Paul VI n’est pas identique aux formes assez longues des rites orientaux ; elle ne mentionne pas comme c’est le cas dans celles-ci, les pouvoirs propres à l’évêque seul (p. ex. celui d’ordonner). Les prières des rites orientaux auxquelles la Préface de Paul VI qui enchâsse sa forme consécratoire, ressemble le plus, sont des prières nonsacramentelles pour l’intronisation des patriarches Maronite ou Syrien qui sont déjà évêques au moment de leur nomination. En somme, il n’est pas permis d’argumenter (comme le F. Pierre-Marie le fait) que la forme de Paul VI «est en usage dans deux rites orientaux certainement valides» et qu’elle serait par conséquent valide. 
 
(3) Divers textes anciens (Hippolyte, les Constitutions apostoliques, et le Testament de Notre-Seigneur) partagent quelques éléments avec la Préface consécratoire de Paul VI qui enchâsse la forme nouvelle ; le F. Pierre-Marie les invoque pour preuve de son affirmation de la validité de la nouvelle consécration épiscopale. Mais tous ces textes ont été «reconstitués», sont d’origine douteuse, ne peuvent constituer un usage liturgique réel avéré, ou soulèvent d’autres problèmes. Il n’existe aucune preuve qu’ils aient constitué des formes sacramentelles «acceptées et utilisées par l’Eglise en tant que telle» — critère établi par la Constitution Apostolique de Pie XII sur les Saint Ordres. Ces textes ne fournissent donc aucune preuve fiable à l’appui de la démonstration de la validité de la forme de Paul VI.
 
(4) Le problème-clé de la forme nouvelle tourne autour de l’expression Spiritus principalis (traduite en français par «l’Esprit qui fait les chefs»). Avant et après la promulgation de la consécration épiscopale de 1968, le sens de cette expression suscita des inquiétudes sur la question de savoir si cette expression signifiait suffisamment le sacrement. Même un évêque de la commission vaticane qui a créé ce rite, a soulevé cette interrogation.

(5) Dom Bernard Botte, le moderniste qui était l’auteur principal du nouveau rite, soutenait qu’au IIIe siècle chrétien, Spiritus principalis connotait l’épiscopat, parce les évêques possèdent «l’Esprit d’autorité» en tant qu’ils gouvernent l’Eglise. Spiritus principalis voulait dire «don de l’Esprit qui convient à un chef».
 
(6) Cette explication était fausse et trompeuse. Les références aux dictionnaires, à un commentaire de l’Ecriture Sainte, aux Pères de l’Eglise, au traité de dogmatique et aux cérémonies d’investiture non-sacramentelles des rites orientaux, révèlent que, parmi une douzaine de significations différentes et souvent contradictoires, Spiritus principalis ne signifie nullement de manière spécifique, ni l’épiscopat en général, ni la plénitude des Saints Ordres que l’évêque seul possède.
 
(7) D’ailleurs, avant même que la controverse à ce sujet ne se soit déclenchée, Dom Botte lui-même avoua qu’il ne voyait pas comment l’omission de l’expression Spiritus principalis pourrait affecter la validité du rite de la consécration.
 
(8) La forme nouvelle échoue à satisfaire aux deux critères établis par Pie XII pour les Saints Ordres (a) Du fait que l’expression Spiritus principalis peut signifier beaucoup de choses ou personnes différentes, elle ne signifie pas de manière univoque l’effet sacramentel. (b) Il manque à la forme nouvelle une expression, quelle qu’elle soit, qui connoterait, même de manière équivoque, le pouvoir d’ordre que l’évêque seul possède — la «plénitude du sacerdoce du Christ dans la fonction et l’ordre de l’évêque» ou «la plénitude ou l’entièreté du ministère sacerdotal
 
(9) Pour ces raisons la forme nouvelle constitue un changement substantiel dans la signification de la forme sacramentelle pour la collation de l’épiscopat.
 
(10) Or, un changement substantiel de la signification de la forme sacramentelle, conformément aux principes de la théologie morale des sacrements, rend un sacrement invalide.
III. SACREMENT INVALIDE
Par conséquent, une consécration épiscopale conférée dans la forme sacramentelle promulguée par Paul VI en 1968 est invalide — cela veut dire qu’elle ne peut pas instituer un véritable évêque. 
 
Prêtres et autres évêques dont les ordres proviennent de tels évêques sont dès lors ordonnés invalidement et invalidement consacrés. Par conséquent les sacrements qu’ils administrent ou réalisent, lesquels dépendent du caractère sacerdotal ou épiscopal (la Confirmation, l’Eucharistie, le sacrement de Pénitence, l’Extrême Onction, les saints Ordres) sont eux aussi invalides.
IV. OBJECTIONS
(1) «Le contexte rend les ordres valides». Réfutation : Les paroles situées ailleurs dans le rite ne peuvent pas redresser ce défaut, parce qu’un élément essentiel de la forme (le pouvoir d’ordre) n’est pas simplement exprimé de manière ambiguë, mais parce qu’il est complètement manquant.
 
(2) «La forme a été approuvée par le pape.» Réfutation : D’après le concile de Trente et Pie XII l’Eglise n’a nullement le pouvoir de changer la substance d’un sacrement. Or l’omission du pouvoir d’ordre dans la forme nouvelle en change la substance. Aussi, même si Paul VI avait été un vrai pape, il n’aurait eu nullement le pouvoir d’introduire un tel changement. Et si c’était le cas, la simple tentative de le faire quand même, suffirait à démontrer qu’il n’était pas un vrai pape.
*******
LA RAISON POUR laquelle le rite de Paul VI de la consécration épiscopale est invalide peut être résumée en une seule phrase : Les modernistes ont changé les paroles essentielles en supprimant la notion de la plénitude du sacerdoce. 
 
Le texte intégral de mon article «Absolument nul et entièrement vain» se trouve en version française sur deux sites Internet : www.traditionalmass.org/articles/ “Sacraments” www.rore-sanctifica.org 
 
Il est aussi disponible sous la forme d’une brochure à l’adresse ci-dessous.
 
J’invite les lecteurs à photocopier et à distribuer ce résumé de mon article à des catholiques, amis de la Tradition, spécialement au clergé et aux laïcs qui sont de la FSSPX, car il doit y en avoir déjà beaucoup, sait-on jamais, qui nourrissent de sérieuses réserves au sujet de la validité du nouveau rite.
 
Etant donné que le mouvement traditionaliste en France est fort et qu’il a une influence mondiale, il importe que la fille aînée de l’Eglise ne soit pas entraînée dans un fausse résistance qui la priverait de messes valides et de sacrements valides, alors que tant de catholiques français ont mené si bien un combat si long!