31 juillet 2007





Forte demande du clergé américain pour une formation au missel dit de « Saint Pie V »
31 juillet 2007 - Daniel Hamiche - americatho
Le motu proprio de Benoît XVI, Summorum Pontificum, “libéralisant” la messe dite de saint Pie V – désormais « forme extraordinaire » du rite romain – a déjà créé aux États-Unis plus qu’un frémissement. Le Washington Times en faisait hier le constat, dans un long article documenté de Julia Duin.
Ainsi, Monseigneur Michael Schmitz, Provincial pour les États-Unis de l’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre, confiait que depuis le 7 juillet dernier, date de promulgation de Summorum Pontificum, il avait reçu des centaines d’appels de prêtres américains désireux de mieux connaître la liturgie traditionnelle et de s’y initier. « C’est un phénomène d’ampleur nationale, déclare-t-il au journal. Il y a de plus en plus de curés de paroisses et de jeunes prêtres qui manifestent leur intérêt à apprendre la messe latine ».
Dans un entretien accordé au journal traditionaliste The Remnant, avant la publication de Summorum Pontificum, l’abbé américain John Berg, Supérieur de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre (FSSP), signalait qu’en coopération avec Una Voce International, la FSSP avait organisé ce printemps trois sessions de formation de prêtres à la messe traditionnelle. En principe, chacune de ces sessions devait recevoir 15 prêtres : il en est venu trois fois plus. « Nous devrions renouveler cela cet automne. Mais je ne sais trop quand car les dates n’ont pas été arrêtées ». Ce que l’on a appris depuis, c’est que la session prévue en septembre est archi complète, et que le FSSP a du organiser une session supplémentaire cet été qui a réuni plus de 50 prêtres dans son séminaire Our Lady of Guadalupe à Denton (Nebraska).
Un autre détail qui ne trompe pas : les demandes du clergé auprès des librairies catholiques de matériel pour célébrer l’ancienne forme du rite. À Fort Collins (Colorado) une librairie catholique a vendu 200 exemplaires du missel d’autel traditionnel (à 155 $ l’unité…) en deux semaines depuis le 7 juillet (alors qu’il s’en vend ordinairement 20 à 35 par mois). La gérante de cette librairie, Maureen Williamson, estime « qu’on en vendra plus de 700 d’ici à la fin de l’année. Dès lors que n’importe quel [prêtre] peut célébrer cette messe à tout moment, de nombreux prêtres et paroisses nous ont commandé [ce missel] ».

29 juillet 2007





La nouvelle liturgie
29 juil 2007 - Georges Allaire - Le Soleil
La nouvelle liturgie
La différence entre un journalisme à sensation et un journalisme d'enquête vient de l'ignorance ou de la connaissance de son sujet. La réforme liturgique décrétée par le Pape Benoît XVI a été présentée comme une légalisation du latin et un geste d'apaisement envers les «traditionalistes» de l'Église catholique. Or, le latin n'a jamais été illégal en liturgie et le souci liturgique du cardinal Ratzinger devenu Benoît XVI dépasse largement un rapprochement avec les «lefebvristes».

L'esprit du Concile

Nous avons vécu la métamorphose imposée à la liturgie catholique dans notre milieu, qui a consisté en une sorte de banditisme: après avoir privé les gens du soutien de leurs habitudes de prières, on pouvait adjoindre n'importe quelle sorte de fantaisie aux nouveaux textes liturgiques au nom de «l'esprit du Concile». — En interprétant le Concile comme une rupture et une nouveauté radicale par rapport à l'Église dite «pré-concilière», Benoît XVI constate que, dans cet esprit, «il faudrait non pas suivre les textes du Concile, mais son esprit. Il reste ainsi évidemment une grande marge pour se demander comment on définit alors cet esprit et en conséquence, on laisse la place à n'importe quelle fantaisie.»

Alors nos messes sont passées de l'adoration de Dieu à l'auto-expression de la communauté. Nos prêtres, en la personne du Christ, sont devenus des présidents d'assemblées, des animateurs de l'action, les nouveaux centres d'attention. Et surtout, le sacrifice de Dieu qui appelle le sacrifice de soi est remplacé par l'importance de soi et le party de tous. L'appel et l'occasion de conversion deviennent l'expression de notre propre sainteté qui génère la présence du Christ. — La conséquence pratique a été le mépris de la communion, auquel tous sont appelés sans purification et la désertion des églises: on n'a pas besoin de partys douteux quand on peut s'en offrir de meilleurs ailleurs et l'on n'a pas besoin d'un Dieu religieux dont le rôle premier est de confirmer notre suffisance. — Les maîtres de ce renouveau justifiaient leurs «nouveautés» par le besoin de rejoindre les gens dans le monde d'aujourd'hui, tandis que ces «nouveautés» vidaient leurs églises.

Le sens de la messe catholique

Quel est le sens de la messe catholique sinon, au dire de Benoît XVI: «l'adoration du Seigneur ressuscité, présent dans l'Eucharistie en chair et en sang, corps et âme, avec sa divinité et son humanité? [...] dans l'Eucharistie nous ne recevions pas simplement quelque chose. Celle-ci est la rencontre et l'unification de personnes; cependant, la personne qui vient à notre rencontre et qui désire s'unir à nous est le Fils de Dieu. Une telle unification ne peut se réaliser que selon la modalité de l'adoration. Recevoir l'Eucharistie signifie adorer Celui que nous recevons. Ce n'est qu'ainsi, et seulement ainsi, que nous devenons une seule chose avec Lui.»

La messe selon Jean XXIII (dite aussi messe de S. Pie V ou messe tridentine) est fondée sur l'adoration de Dieu et la présence centrale du Sacrifice du Christ, comme mode universelle de salut des hommes. Aussi sa disponibilité générale permet-elle d'asseoir la réforme liturgique sur ces éléments radicaux. Il n'est pas question de faire une compétition mais de permettre une émulation de la messe dans cette direction. Benoît XVI, fin liturgiste, respecte non seulement le coeur de certains croyants, mais le coeur même du Mystère eucharistique qui est l'acte ultime de l'Église en ce monde.

Le geste posé par le Pape, en coïncidence avec le septième jour du septième mois de la septième année de notre millénaire, n'est pas un acte politique mais un acte d'adoration, un acte de foi. — On comprend que cela échappe au journalisme à sensation... et le rend inapte à rendre justice à l'événement.

Georges Allaire
La Pocatière




Messe en latin: Critiques d`un prélat libéral
29 juillet 2007 - Angola Press
Messe en latin: Critiques d`un prélat libéral
Rome, 29/07 - Le cardinal italien Carlo Maria Martini, qui a déjà pris plusieurs fois ses distances avec les positions conservatrices de Benoît XVI, joue une nouvelle fois les francs-tireurs dimanche en annonçant qu`il ne célèbrera pas la messe en latin libéralisée par le pape.
Dans un article publié par le supplément dominical du journal économique Il Sole 24 Ore, le vieux cardinal, âgé de 80 ans comme le pape, prend également la défense du concile Vatican II, qui "a ouvert les portes et les fenêtres à une vie chrétienne plus ouverte et plus humaine".
Le cardinal Martini était généralement présenté par les vaticanistes comme le rival du cardinal Joseph Ratzinger avant le conclave qui a élu ce dernier comme successeur de Jean Paul II en Avril 2005.
Trois semaines après le "motu proprio" (décret) de Benoît XVI autorisant sans restrictions l`usage du rite antérieur à Vatican II comme le réclamaient les traditionalistes, le prélat italien souligne qu`il n`aurait "aucune difficulté" à célébrer la messe et même à prêcher en latin, une langue qu`il aime et qu`il a vu tomber en décadence "avec amertume".
 




Messe en latin: critiques d'un prélat libéral, le cardinal Martini
29 juillet 2007 - AFP - lemonde.fr
Le cardinal italien Carlo Maria Martini, qui a déjà pris plusieurs fois ses distances avec les positions conservatrices de Benoît XVI, joue une nouvelle fois les francs-tireurs dimanche en annonçant qu'il ne célèbrera pas la messe en latin libéralisée par le pape. Dans un article publié par le supplément dominical du journal économique Il Sole 24 Ore, le vieux cardinal, âgé de 80 ans comme le pape, prend également la défense du concile Vatican II, qui "a ouvert les portes et les fenêtres à une vie chrétienne plus ouverte et plus humaine".
Le cardinal Martini était généralement présenté par les vaticanistes comme le rival du cardinal Joseph Ratzinger avant le conclave qui a élu ce dernier comme successeur de Jean Paul II en avril 2005.
Trois semaines après le "motu proprio" (décret) de Benoît XVI autorisant sans restrictions l'usage du rite antérieur à Vatican II comme le réclamaient les traditionalistes, le prélat italien souligne qu'il n'aurait "aucune difficulté" à célébrer la messe et même à prêcher en latin, une langue qu'il aime et qu'il a vu tomber en décadence "avec amertume".
"Mais je ne le ferai pas", écrit-il.
Il relève que le concile Vatican II, dont le rite actuel est issu, a "fait faire un grand pas en avant dans la compréhension de la liturgie" par les fidèles. Il ajoute que les "abus" de la liturgie moderne souvent dénoncés par le pape "ne (lui) paraissent pas si nombreux".
Comme il est d'usage lorsqu'un haut prélat prend ses distances avec une décision du chef de l'Eglise catholique, le cardinal Martini tempère ses critiques par un hommage à "l'immense bienveillance du pape qui veut permettre à chacun de louer Dieu avec les formes anciennes et nouvelles".
Mais l'ancien archevêque de Milan exprime son désaccord sur ce sujet aussi: "j'ai vu comme évêque l'importance d'une communion (entre fidèles) dans les formes de prière liturgique qui expriment en un seul langage l'adhésion de tous au très haut mystère", écrit-il, et en outre "un évêque ne peut pas demander à ses prêtres de satisfaire toutes les exigences individuelles".
Ces derniers mois, le cardinal Martini, qui n'a plus aucune responsabilité à la Curie, a pris publiquement ses distances avec l'intransigeance du Vatican sur la famille, l'avortement et l'euthanasie, en plaidant sur ces sujets pour "plus d'attention pastorale".
Cette fois-ci, le désaccord porte sur l'interprétation du concile Vatican II (1962-1965) dont le prélat italien souligne le caractère novateur alors que Benoît XVI en donne une vision conservatrice en insistant sur la "continuité" avec l'Eglise du passé.
Le cardinal Martini écrit dimanche qu'avant cet évènement qui a "ouvert les portes et les fenêtres" de l'Eglise, "l'ensemble de l'existence chrétienne manquait de cette petite graine de moutarde qui donne plus de saveur au quotidien".
 

21 juillet 2007





La messe, désormais
21 juillet 2007 - Jean Madiran - Présent - leforumcatholique.org
La messe, désormais Grâce aux insolences (inconscientes ?) du P. Gouzes-Vidal, qu’il en soit remercié, et contre la tromperie dénonçant les fidèles de la messe traditionnelle comme dissimulant d’autres requêtes derrière leur réclamation de la messe, nous avons été incité à rappeler jeudi et vendredi que la messe n’est pas pour nous une monade isolée, sans portes ni fenêtres, sans rapport vital avec l’ensemble du comportement religieux. C’est très explicitement, très visiblement, très concrètement que notre réclamation ininterrompue depuis le 27 octobre 1972 rassemble en une seule formule trois réalités conjointes : – Rendez-nous l’Ecriture, le catéchisme et la messe.
Bien sûr cette formule n’est qu’un résumé, il se situe au niveau du petit catéchisme, qui est notre niveau naturel et préféré. Dans les diocèses, depuis quarante ans au moins, faute d’instruction religieuse des enfants baptisés, ceux-ci n’ont pu, comme disait l’abbé Berto, déployer les ailes de leur baptême, ce qui ne les a pas toujours empêchés de devenir curé, recteur ou évêque. L’actuelle crise néo-moderniste est au-dessous du niveau mental du petit catéchisme.
« Néo-moderniste » n’est peut-être pas la meilleure qualification de la crise post-conciliaire. Je ne l’emploie que par référence à Maritain déclarant dès le lendemain du concile que l’Eglise (c’est-à-dire ce qu’il appelait son « personnel », disons : clercs et laïcs) entrait dans un néo-modernisme auprès duquel le modernisme du temps de saint Pie X paraîtrait un modeste rhume des foins. Cette appréciation se comprend peut-être mieux si elle concerne non pas l’identité ni la profondeur de la dérive doctrinale, mais son extension. Le modernisme classique n’atteignait qu’une élite intellectuelle, le peuple chrétien n’en était même pas effleuré ; il ne mordait qu’un peu, et marginalement, sur la hiérarchie ecclésiastique. L’apostasie immanente ravage aujourd’hui l’ensemble de la population chrétienne, et souvent les membres de la hiérarchie demeurent incertains, hésitants ou hébétés devant la distinction sournoise entre le Christ historique et le Christ de la foi, et devant la tentation d’accorder une valeur plus symbolique que réelle à la Présence eucharistique, à la virginité perpétuelle de Marie, à Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme, deux natures et une seule personne, et à la damnation éternelle des non-repentis (etc.). C’est pourquoi d’ailleurs ils parlent plus volontiers de valeurs (supposées) que de réalités (naturelles et surnaturelles).
Le « courant » auquel « appartient » le P. Gouzes-Vidal est tourné vers la « prédication évangélique à l’homme d’aujourd’hui ». Courant dominant dans l’Eglise, c’est vrai, pour qui le souci de la prédication « évangélique » à l’homme « d’aujourd’hui » a remplacé le petit catéchisme, qui n‘était pas assez missionnaire à leur goût. Mais sans le petit catéchisme des enfants baptisés, les vocations religieuses, et notamment missionnaires, se tarissent dans les diocèses.
On aura compris, je l’espère, qu’en tout cela je ne veux aucun mal à la personne du P. Gouzes-Vidal. Tout le mal que je lui souhaite est de (ré)apprendre le petit catéchisme.
La messe traditionnelle, désormais, est en voie de retrouver sa place dans une Eglise profondément tourmentée. Elle l’aura reprise vraiment quand nos évêques, successeurs légitimes des apôtres, la célébreront non point parce qu’elle leur aura été imposée, mais de bon cœur, parce qu’ils se seront mis à l’aimer et qu’ils lui rendront spontanément sa primauté d’honneur.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 6383 de Présent, du Samedi 21 juillet 2007
 
Cela faisait vingt ans...
21 juillet 2007 - par Justin Petipeu - leforumcatholique.org
Cela faisait vingt ans... …que je n’avais pas poussé la porte d’un presbytère paroissial. M’étant toujours considéré d’abord comme catholique romain, j’étais donc décidé à « renvoyer l’ascenseur » à Sa Sainteté le pape Benoît XVI et sonnai donc résolument à la porte de mon curé. Un homme d’environ 65/70 ans m’ouvre, chemisette blanche, pantalon beige et chaussettes blanches sous les sandales « Jésus »…

- Bonjour, vous êtes le curé de la paroisse ? Je peux vous parler ?
- Oui…entrez. Venez dans mon bureau.
- Voilà, je suis un de vos paroissiens, j’habite près d’ici et je me demandais s’il était possible d’avoir une messe selon le missel de 1962 sur la paroisse…
- ...??
- Une messe en latin, quoi...
- Ah non, ce n’est pas possible ! Puis de toute façon, je ne vois pas l’intérêt ! Puis d’abord je serai bien incapable de la dire ; j’ai connu ça quand j’étais enfant mais franchement, je ne vois pas l’intérêt ; à moins que vous n’ayez fait de grandes études de latin ? (sourire moqueur)
- M. le curé, on ne va pas refaire le débat.
- De toute façon, les directives de l’évêque sont très claires.
- Mais M. le curé, ce n’est pas l’évêque qui décide, selon le texte, c’est le curé…
- Quoi !? mais moi je ne décide rien puis je suis incapable de vous la dire ; et on a reçu les directives de l’évêque, elles sont très claires.
- Vous ne pensez pas à un prêtre du secteur qui serait susceptible de dire la messe selon le missel de 1962 ?
- Ah non, non vraiment, je ne vois pas…Et de toute façon, les directives de l’évêque sont très claires. Il y a une paroisse à Nantes où « ils » font ça depuis des années, vous n’avez qu’à y aller.
- C’est à plus de 60 kms…
- De toute façon, je ne vois pas l’intérêt…
- Merci M. le curé ! au revoir.



Oserai-je vous dire, à ma grande honte, chers liseurs et néanmoins amis, le lâche soulagement qui s’empara de moi en revenant de cette entrevue ? Eh oui, j’étais soulagé, finalement, de n’avoir pas à assister à la messe d’un tel clerc.

Mais je ne serais pas complet si je ne parlais pas de la joie profonde et sereine qui m’étreignit alors : le papiste, le romain, c’était moi.




Le Motu Proprio est un texte d'étape
21 juillet 2007 - abbé Claude Barthe - Monde et Vie
Monde et Vie, 21 juillet 2007 – dossier sur le motu proprio
LE MOTU PROPRIO EST UN TEXTE D'ETAPE

Ce texte sur la libéralisation de la messe traditionnelle, annonçant en filigrane d’autres mesures (renforcement en pouvoirs et en personnel de la Commission pontificale Ecclesia Dei), immédiatement suivi de la publication d’un document de la Congrégation pour la Doctrine de la foi qui voudrait encadrer l’interprétation de l’une des expressions les plus floues du dernier Concile, le susbistit in, paraît confirmer le développement d’un véritable tournant ecclésiologique. Ses adversaires ne s’y sont pas trompés : sur la forme, le pape passe par-dessus une certaine "collégialité", pour s’appuyer sur les curés de paroisse dont un certain nombre sont notoirement acquis à la libéralisation liturgique, contribuant par le fait même, paradoxalement, à désenchaîner l’autorité personnelle des évêques de bonne volonté.

Sur le fond, il rétablit la plénitude de principe du droit d’un rite liturgique anté-conciliaire et, par voie de conséquence, volens nolens, il minimise la légitimité du rite qui s’est voulu l’expression de la réforme de Vatican II. Cet acte est posé pratiquement quarante ans après la réforme liturgique : la "messe normative" selon le nouvel Ordo avait, en effet, été présentée aux évêques réunis en synode, en octobre 1967. Quarante ans… La durée de la Captivité de Babylone, ou celle du Grand Schisme, diront avec humour les amateurs de lecture "spirituelle" de l’histoire. Quarante ans d’un inintelligible cauchemar et 25 ans de préparation !
Mais la parturition de ce texte a été elle-même fort longue. On l’annonçait depuis le début du pontificat : le nombre de bruits, d’informations vraies mais prématurées, de désinformations, d’indiscrétions sur sa date, sur ses modalités, pourraient faire l’objet d’un livre, qui montrerait à quel point le principe de sa publication a soulevé d’oppositions, provoqué de démarches, entraîné d’hésitations depuis deux ans. Et même avant : on savait que dans les dernières années du pontificat de Jean-Paul II plusieurs cardinaux, dont Joseph Ratzinger, lui avaient demandé une mesure semblable à celle qui vient d’être prise. Auparavant, le cardinal Stickler avait révélé que le cardinal Ratzinger avait organisé une consultation de cardinaux pour leur demander si, à leur avis, la messe tridentine avait été ou non juridiquement abrogée. Plus anciennement encore, pratiquement dès l’entrée du même cardinal Ratzinger au Palais du Saint-Office, comme l’ont récemment révélé divers organes de presse, une réunion qu’il présidait s’était tenue à la Congrégation pour la Doctrine de la foi, le 16 novembre 1982, avec les cardinaux Baum, Casaroli (Secrétaire d’État), Oddi (Clergé), Baggio (Evêques), et Mgr Casoria (Culte divin), au cours de laquelle avaient été approuvées à l’unanimité la non-abrogation de la messe traditionnelle et des mesures quasi identiques à celles qui viennent d’être publiées. En 1982 ! L’émergence de ce texte explosif n’a donc pas pris six mois ni deux ans, mais vingt-cinq ans !
Je me limiterai ici à quelques réflexions sur la portée ecclésiologique de l’article 1 de cette Lettre apostolique en forme de motu proprio. Il contient cette affirmation paradoxale – certains diront surréaliste – pour qui a vécu quarante années d’exclusions, pressions, marginalisations, voire de véritables persécutions : le missel traditionnel, en sa dernière édition "typique" (1962), n’avait jamais été abrogé ! Nombreux sont ceux, prêtres et fidèles, qui en ont ressenti une poignante émotion : en quelques mots, c’est toute une tranche d’histoire de leur vie, en son cœur – les conditions de la célébration de l’eucharistie – qui est déclarée n’avoir été qu’un inintelligible cauchemar. Durant quarante ans !
Inversement (du moins apparemment, car ce n’est pas vraiment contradictoire), l’article 1 déclare que l’un et l’autre missel, celui de Paul VI et celui de Saint Pie V, sont "deux expressions de la lex orandi de l’Église [qui] n’induisent aucune division de la lex credendi". Une situation totalement atypique est ainsi créée. Certes, il a toujours existé dans l’Église des rites liturgiques distincts correspondant à des aires géographiques, ethniques ou culturelles diverses, mais on avait jamais vu, non seulement une coexistence de fait, mais une consécration de droit du parallélisme de deux états successifs du même rite.

Lex orandi lex credendi ?

En effet, il y a normalement une osmose entre la croissance continue, sans rupture ni involution, de la loi de la foi (le dogme) et de la loi de la prière (la liturgie). L'histoire du dogme est depuis toujours inextricablement liée à celle du culte, ou plutôt c'est une même histoire de croissance, d’amélioration, de précision. Bien entendu, il ne s'agit pas d'absolutiser l'évolution historique des formes rituelles en tant que telles. A strictement parler, l'impossibilité d'une involution ne concerne, à l’intérieur du culte divin, que l'expression de la foi et des moeurs. Mais lorsqu’une liturgie est totalement revue et corrigée, dans l’ensemble comme dans le détail, ce qui fut le cas de la liturgie romaine après Vatican II, le nouvel état ne peut que représenter un progrès dans l’expression de la foi.
Or, la Lettre apostolique nous dit que dans ce cas, il n’en est rien : au minimum, la réforme de Paul VI n’a pas accompli de progrès, au pire – et le minimum n’est-il pas déjà le pire ? – elle a représentée une involution. En réalité, la nouvelle liturgie est congénitalement multiforme : les prières eucharistiques officiellement utilisables en France sont au nombre de dix, les variantes possibles sont innombrables, les interprétations personnelles infinies, tout cela induit par un anti-ritualisme de principe. De sorte qu’elle est bien, en effet, l’expression d’une "loi de la prière" floue, qui s’accorde à une "loi de la foi" non moins floue, celle du Concile dans ses parties qui soulèvent le plus de difficultés. Le cardinal Ratzinger ne disait-il pas dans La célébration de la foi, que la multiplication des prières eucharistiques "révèle une situation préoccupante, d’autant plus que leur qualité et leur convenance théologique sont parfois à la limite du supportable" ? De même donc, que la multiplicité des lectures possibles du Concile, pratiquement contradictoires, découle de son caractère "pastoral", toutes choses égales, la nouvelle liturgie, qui n’a plus l’armature rituelle correspondant dans le culte à l’armature dogmatique dans le magistère, ne prétend pas être une borne infrangible de la foi.

Le pape veut procéder à la "réforme de la réforme"

Il serait bien risqué de prévoir l’aboutissement des grandes évolutions ecclésiologiques qui semblent s’être ébranlées, lentement d’abord (le Catéchisme de l’Église catholique), plus nettement ensuite (Dominus Jesus), assez précisément aujourd’hui (Summorum Pontificum). On peut cependant imaginer, dans le domaine strictement liturgique, un double mouvement. Le missel traditionnel contient dans son canon l’expression tout à fait unique de l’actio eucharistique (le sacrifice de la messe, sacrifice non sanglant, renouvelant le sacrifice du Golgotha, accompli sur l’autel pour la diffusion et l’application des fruits salutaires de la Croix), expression redoublée – comme d’ailleurs dans toutes les liturgies traditionnelles – par l’explicitation que constituent les prières de l’offertoire, la ritualisation des gestes, l’orientation de la prière. La "forme extraordinaire" du rite romain, de l’Église Mère et Maîtresse, dont la Lettre apostolique dit qu’il doit être "honoré en raison de son usage antique et vénérable", pourrait donc se voir à nouveau reconnaître, spécialement dans son canon unique – une des spécificité majeures de la liturgie de Rome – son rôle cultuel de regula fidei. D’autre part, il semble clair, dans la pensée de Benoît XVI, que la célébration publique du rite tridentin en de nombreux lieux ne peut qu’aider puissamment à mettre en œuvre sa conviction profonde : la réforme de Paul VI, après quarante ans d’usage n’ayant pas donné les fruits que l’on en espérait, il faut en douceur, avec patience, beaucoup plus dans la pratique que dans les textes, procéder à une "réforme de la réforme", qui la rapprochera progressivement de l’usage "antique et vénérable". Au-delà du rétablissement du droit du missel de Saint Pie V, Summorum Pontificum pourrait alors annoncer quelque chose comme un missel de Benoît XVI. abbé Claude Barthe
 




Benoît XVI: souverain éclairé ou déconnecté?
21/07/2007 - Michel Jeanneret - lematin.ch
A quoi joue le pape, lorsqu'il réhabilite la messe en latin? Est-ce l'aveu de faiblesse d'une Eglise incapable d'enrayer sa propre déliquescence? Ou est-ce, au contraire, un geste providentiel pour séduire une jeunesse chrétienne en mal de rigueur... C'est en effet au sein des nouvelles générations que l'on trouve la frange catholique la plus traditionaliste. Débat entre croyants Benoît XVI va-t-il crucifier l'Eglise? Le 7 juillet, le pape signifiait sa préférence pour la messe en latin, estimant que la liturgie avait été déformée au-delà de «la limite du supportable». Quelques jours plus tard, le souverain pontife fâchait les protestants, en réaffirmant que les catholiques étaient les seuls à pouvoir se réclamer d'une Eglise. Enfin, hasard de l'agenda, c'est encore lui qui a soutenu la nomination de Vitus Huonder à la tête de l'Evêché de Coire. Un évêque ultraconservateur dont les premières déclarations répètent un vieux refrain: celui des homosexuels qu'il faut «remettre sur le droit chemin».
Acteur principal de ce retour du rigorisme, Joseph Ratzinger divise plus que jamais. Alors que de nombreux chrétiens estiment qu'il vient de sceller le divorce entamé entre l'Eglise et la société civile, d'autres - moins nombreux mais plus fervents - considèrent que le pape a compris que le christianisme était sous la menace d'autres formes de réaffirmation identitaire. On pense ici à l'islam et au protestantisme évangélique.
La nébuleuse fondamentaliste: du «grain à moudre» pour le pape
Contre toute attente, ce sont les benjamins que Benoît XVI désire attirer. Il n'en fait d'ailleurs pas mystère. Dans sa lettre du 7 juillet, le pape relève que les rites anciens attirent également «des personnes jeunes», qui appellent de leurs voeux un retour vers le sacré.
Des jeunes plus radicaux que les aînés? C'est l'avis de Michel Cool, ancien directeur de l'hebdomadaire français Témoignage chrétien. Selon lui, Benoît XVI a constaté «la forte présence de jeunes» aux pèlerinages: «Ces données ne peuvent laisser inerte un pape qui cherche à enrayer l'hémorragie spirituelle et intellectuelle du catholicisme européen», écrivait-il récemment dans les colonnes du Monde Diplomatique.
Dans ce contexte, Michel Cool estimait que, «face à la disette des vocations, les paroisses et les séminaires ensoutanés de la nébuleuse traditionaliste représentent du «grain à moudre.»
Un pape stratège? «C'est vrai qu'aujourd'hui, les franges les plus vibrantes du catholicisme sont aussi les plus traditionnelles. Le sens radical enthousiasme davantage que ce qui est tiède ou mélangé», reconnaît Christian, un catholique engagé. Ce jeune de 30 ans, actif dans le domaine de la finance, estime que l'on ne peut pas soupçonner Benoît XVI de suivre une stratégie: «Il est simplement fidèle à sa ligne».
Un pape calculateur? C'est l'avis d'Enrico Norelli, catholique et professeur d'histoire du christianisme à la Faculté de théologie de l'Université de Genève: «Benoît XVI sait bien que ceux qui sont susceptibles de soutenir le catholicisme sont des intégristes». Dès lors, le retour de la sévérité morale s'impose.
Enrico Norelli constate en effet que les jeunes «ont besoin d'une religion magique, mystique, tout ce contre quoi nous avons tenté de lutter avec Vatican II».
Mais il estime que la stratégie de Joseph Ratzinger est une stratégie à court terme: «Le pape tente de faire passer la pilule aux progressistes en affirmant que la messe tridentine restera une exception, mais toutes ces démarches pour regagner des fidèles sont vouées à l'échec. On se borne à regagner par la droite ce qu'on perd par la gauche...»
«Ratzinger est un intégriste qui se conduit comme un roi»
Prêtre marié, Jacques Perroux, 75 ans, est encore plus virulent. Selon lui, le pape ne suit pas de stratégie précise: «C'est le retour pur et simple de la soutane. Si Ratzinger se comporte comme cela, c'est tout simplement parce qu'il est lui-même un intégriste qui se conduit comme un roi».
Un roi qui tiendrait des beaux discours sur les droits de l'homme, sans les respecter lui-même: «Le mariage en est un, relève Jacques Perroux. S'y opposer, c'est aller à l'encontre des droits fondamentaux.»
Un vieux refrain, là encore, balayé par certains fidèles. On ne juge pas le pape. C'est ce que pense Alexis, 35 ans, analyste dans une société financière genevoise. Le jeune homme ne veut pas s'inscrire en porte-à-faux avec les décisions du chef de l'Eglise catholique. Même celles qu'il ne comprendrait pas. «Benoît XVI cherche à abonder dans le sens d'un certain nombre de chrétiens. Toute cette histoire que l'on fait autour de la messe tridentine est absurde. Ce n'est qu'un détail, un épiphénomène».
Pourtant, cette démarche va à l'encontre d'une pensée éclairée, où chacun peut comprendre la signification de la liturgie.
«On ne peut pas attendre de l'Eglise qu'elle donne raison à la société»
Alexis refuse également la théorie du divorce entre l'Eglise et la société: «L'Eglise agit comme un immense balancier dont le rythme et l'amplitude ne correspondent pas à ceux du public». Pas étonnant, dès lors, que notre interlocuteur ne s'offusque pas des déclarations sur l'homosexualité: «On ne peut pas attendre de l'Eglise qu'elle donne raison à la société. L'Eglise n'est pas une chambre d'enregistrement des progrès sociaux...»
Pendant ce temps, les catholiques modérés s'interrogent sur l'effet de ces discours conservateurs. Il est probable qu'ils réduisent l'Eglise à une portion toujours plus congrue de fidèles, mais aussi toujours plus fervente. En témoigneraient les listes d'attente qui existent dans certains monastères que nous avons contactés.
Et encore: cette forme de foi qui nécessite un immense don de soi ne se propage pas comme un virus. Au monastère des Bernardines de Collombey (VS), la soeur de permanence à l'accueil regrette que, «même si les chambres à destination des hôtes de passage ne désemplissent pas, la disette des vocations persiste».
Et si, malgré tout, Benoît XVI avait commis l'erreur de prendre au premier degré les paroles de Georges Brassens lorsqu'il chantait: «Sans le latin, sans le latin, la messe nous emmerde»?
 
"Entretien exclusif avec l'abbé de Cacqueray"
21 juillet 2007 - Monde & Vie - laportelatine.org
Monde & Vie n° 782 du 21 juillet 2007
Dossier complet sur le Motu Proprio : "un acte prophétique"
A un an du vingtième anniversaire des sacres de quatre évêques par Mgr Lefebvre, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X obtient ce que son fondateur n'aurait jamais espéré en son temps : la libéralisation de la messe tridentine, dite rite de saint Pie V. Nous sommes bien loin, en effet, de « L'expérience de la tradition » réclamée par l'évêque rebelle aux autorités romaines...Qu'on le veuille ou non, Mgr Fellay, qui a reçu le Motu Proprio et la lettre l'accompagnant en même temps que les évêques du monde entier, possède une responsabilité importante dans cette publication. De fait, sa réaction fut immédiate (voir le communiqué). Le 10 juillet dernier, sur la colline de Suresnes près de Paris, le supérieur du district de France de la FSSPX, l'abbé Régis de Cacqueray, a accepté de répondre aux questions de Christophe Mahieu.
Un entretien exclusif pour Monde & Vie

M&Vie. Que représente pour le prêtre catholique que vous êtes la parution du Motu Proprio?
Abbé Régis de Cacqueray. Qu'après trente-huit ans d'apartheid, le rite immémorial de l'Église soit au moins partiellement réhabilité ne peut que réjouir mon cœur de prêtre. La prétendue interdiction de la messe traditionnelle était, pour l'Eglise, un scandale sans nom. Je m'en réjouis également comme une réhabilitation méritée pour ces prêtres et fidèles qui, dès le premier jour, affirmèrent que ce rite n'était pas interdit. Au premier rang desquels Mgr Marcel Lefebvre.
M&Vie. Ce Motu Proprio modifie-t-il la donne à Rome ?
R. de C. Ce motu proprio est nettement un acte personnel du pape, dans la ligne de ses réflexions d'avant son élection, et malgré des oppositions virulentes. Je crois que, dans l'histoire, ce geste sera compté à l'actif de son pontificat. Ce motu proprio représente un changement fort par rapport à la politique de Paul VI, un changement relatif par rapport à celle de Jean-Paul II. Par ailleurs, la volonté du pape s'étant exprimée, il est évident que la Curie romaine va mettre en œuvre le motu proprio.
M&Vie. Ce Motu Proprio va-t-il bouleverser l'Église de France ?
R. de C. Les évêques français redoutaient ce motu proprio, ils le reçoivent de mauvaise grâce. Dans leur majorité, ils sont hostiles à la liturgie traditionnelle. Mais le pape s'étant exprimé, ils ne peuvent s'y opposer frontalement. Tout va maintenant dépendre de l'application, de la plus ou moins bonne volonté qu'ils y mettront. Comme l'a dit Mgr Fellay, c'est la suite du motu proprio qui sera intéressante, la guerre (sourde ou ouverte) qu'il va déclencher.
M&Vie. La Fraternité Saint-Pie X, notamment par sa demande des « deux préalables », a joué un rôle majeur dans cette libéralisation. Comment envisagez-vous désormais ses relations avec les autorités romaines ?
R. de C. La Fraternité Saint-Pie X est avant tout catholique. L'idée de se séparer de l'Église nous est totalement étrangère. Et c'est de Rome même que nous attendons le salut pour l'Église. Telle est la base de nos relations avec les autorités ecclésiastiques. A court terme, Mgr Fellay s'est « réjoui de voir l'Église retrouver sa Tradition liturgique » par ce motu proprio. Si ce n'est pas totalement le premier préalable, cela y ressemble fort. A moyen terme, il reste le deuxième préalable, c'est-à-dire l'abolition de la prétendue excommunication des évêques auxiliaires de la Fraternité, puis les discussions doctrinales. Mais, incontestablement, ce motu proprio crée dans l'Église un climat plus favorable à la tradition, et c'est un élément important dans les rapports entre la Fraternité Saint-Pie X et Rome.
M&Vie. Ce Motu Proprio pourrait-il entraîner une scission dans la Fraternité Saint- Pie X?
R. de C. La position de la Fraternité Saint-Pie X constitue un point d'équilibre, toujours difficile à tenir. C'est pourquoi, à chaque étape, quelques-uns de ses membres l'ont quittée, la trouvant trop dure ou trop complaisante, selon les cas. Mais la majorité est toujours restée fidèle. Il est possible que cette nouvelle étape voit quelques membres nous quitter. Mais il n'y aura certainement pas de mouvement massif, pour la bonne raison que ce motu proprio ne nous concerne pas au premier chef: à nos yeux, tout prêtre a toujours le droit de célébrer la messe traditionnelle, sans aucune restriction. Par ailleurs, cette réponse à notre demande du premier préalable manifeste que nous sommes sur la bonne voie, et cela va encourager les membres de notre Fraternité dans leur combat quotidien.
Christophe Mahieu
Benoît XVI organise le repli sur la doctrine
21 juillet 2007 - par Paul Thibaud, président de l'Amitié judéo-chrétienne de France - lemonde.fr
Le motu proprio sur la liturgie a reconnu que ceux qui s'obstinent à utiliser le missel de Pie V, et non celui de Paul VI, avaient une manière particulière, "extraordinaire" mais légitime, de pratiquer le rite catholique. D'un missel à l'autre, la langue n'est pas la seule différence. Si, le pape ayant exclu du champ ouvert au pluralisme liturgique les célébrations de la semaine pascale, les messalisants de l'espèce extraordinaire ne pourront pas prier le Vendredi saint pour la conversion des juifs, ils pourront ignorer toute l'année les nombreux textes de l'Ancien Testament qu'on lit à la messe depuis Vatican II. On peut craindre que les messes traditionalistes ainsi reconnues permettent à un intégrisme désormais légitime de se regrouper et de s'étendre. A travers le conservatisme linguistique, s'exprime une passion plus générale, celle d'affirmer "l'inerrance" de l'institution catholique et la fixité de ses formules dogmatiques. Le texte sur la célébration de la messe a été suivi, quelques jours après, d'une déclaration de la Congrégation de la doctrine de la foi sur les relations de l'Eglise catholique avec les autres obédiences chrétiennes. Les deux textes visent le même public, qu'on veut rassurer et récupérer, dont les requêtes, dit le théologien Hervé Legrand (La Croix du 11 juillet), sont à la fois liturgiques et doctrinales.
Les intégristes veulent une autorité qui les rassure en répétant que leur Eglise est dans son essence étrangère au péché et fidèle au Christ, donc que les autres religions ou confessions, si elles ne sont pas sans valeur, n'en ont que dans la mesure où elles participent de la vérité complète dont l'Eglise romaine a le dépôt. Leur force tient à ce que le catholicisme n'a pas complètement rompu avec une telle idée de soi idéale et rigidifiée : on en a seulement réduit la portée.
L'Eglise effective, comme les repentances de l'an 2000 l'ont montré, ne prétend plus être conforme à l'image de l'Eglise idéale qui la légitime et qu'elle revendique comme son identité. Mais n'est-on pas dans la schizophrénie quand on se réfère à la fois, sans expliciter le lien de l'une à l'autre, à une identité idéale et à une mise en oeuvre pécheresse ? D'un côté l'épouse du Christ sans péché, de l'autre l'Inquisition, l'antijudaïsme, l'antiféminisme... La même séparation entre la thèse et l'hypothèse est utilisée pour rendre possible le dialogue oecuménique : la supériorité affirmée d'une obédience chrétienne sur les autres n'est, dit-on, qu'une vérité "canonique", de principe, platonique ; quant à apprécier les comportements des uns et des autres c'est, dit-on aussi, une tout autre affaire.
Ainsi l'Eglise se conçoit à la fois comme mondaine et hors du monde, comme incarnée et désincarnée sans que soit problématisé le lien entre le souci du monde et le souci de soi, qui fait l'histoire réelle de l'institution. Ces deux manières de se concevoir coexistent ou alternent (Jean Paul II était sensible aux réalités sociales, Benoît XVI est un dogmaticien) sans que leur rapport soit éclairé.
Ce qui est en cause ici, c'est d'abord une conception de la foi. Est-elle une garantie sur quoi on se repose, que l'on répète, qui dispense de risquer ? Ou bien est-elle une confiance qui oriente et anime la vie : la certitude qu'au bout du compte le Christ ne fera pas défaut à ceux qui le suivent. Et cela engage aussi deux rapports au monde. La conception magique de la foi dévalorise le monde, lieu de chute, au mieux espace neutre, alors qu'une foi espérante se formule et se reformule dans le temps, à l'épreuve du temps ; elle n'est pas séparée de l'histoire mais informée par celle-ci. C'est dans leur époque, défiés par celle-ci, qu'un Las Casas et un Bonhöffer ont été témoins de la foi.
Se représenter, éprouver la foi non comme un patrimoine mais comme une exigence à déchiffrer permet, mieux que le contraste entre l'Eglise conceptuelle et l'Eglise pécheresse, de penser le parcours réel de l'institution, la force à l'oeuvre, les choix institutionnels, les essais et les erreurs à travers lesquels l'Eglise a appris (ou non) à connaître l'humanité en lui transmettant maladroitement le message et ce qui permet d'espérer d'autres étapes de cette dynamique. Rencontrant les Indiens d'Amérique, le pape s'est trouvé devant un dilemme : ou bien vanter la colonisation au nom de l'évangélisation ou bien la dénoncer comme cruelle et rapace en gommant son lien avec l'extension du christianisme. Une réflexion utile aurait sans doute porté sur les voies ambiguës du christianisme réel, sur le lien réciproque qu'il entretient avec la mondialisation, sur l'horizon éthique dont celle-ci a besoin...
Les hésitations et les ambiguïtés de l'Eglise romaine la montrent vulnérable au chantage des intégristes quand ils confondent fidélité et rigidité dogmatique. A cela les autorités catholiques prêtent la main dans la mesure où elles ont fait de ce qui est exigence décisive et objet de confiance, la fidélité au Christ, une assurance extrinsèque, un droit acquis. Cette façon de s'accrocher à une garantie externe sépare le christianisme du monde, le rend donc incapable de s'adresser à lui, inculque aux fidèles, sous prétexte de les orienter vers l'essentiel et l'universel, une conscience de soi anhistorique. Défini de cette manière, le christianisme n'arrive plus à se comprendre comme ayant fait l'histoire, ayant été marqué par elle et pouvant encore l'inspirer.
Le christianisme a d'abord été tenté par le rêve d'être la fin de l'histoire, d'établir, comme a dit Maritain à propos du Moyen Age, le "trône de Dieu sur la terre", rêve dont la prétention de "périmer" le judaïsme en l'accomplissant a sans doute été la matrice. Ensuite, devant le démenti apporté par la modernité à cette prétention, l'Eglise s'est repliée, imaginant échapper à une histoire dont elle serait en somme exemptée. Bien qu'elle soit impliquée par l'idée même d'incarnation, la sortie de cette longue complaisance dogmatique n'est pas achevée. Le rêve de restauration de la chrétienté, de même que celui d'une convergence facile avec la modernité ont été pour le catholicisme des tentatives avortées de retrouver l'histoire, le repli sur la doctrine qui en ce moment rapproche le Vatican des intégristes est une manière de reconnaître ces échecs, mais c'est aussi un renoncement au renouvellement que notre époque appelle.

Paul Thibaud, président de l'Amitié judéo-chrétienne de France
Paul Thibaud Article paru dans l'édition du 22.07.07
Vatican : restauration conservatrice
21 juillet 2007 - estrepublicain.fr
Vatican : restauration conservatrice Benoît XVI donne au concile qui avait conduit à l'aggiornamento de l'Eglise, une interprétation restrictive.
Qui parle encore aujourd'hui de Jean Paul II ? En deux ans, le pape idole des jeunes a été vite oublié et son successeur, certes respecté dans sa fonction, ne suscite guère le même enthousiasme. C'est même tout le contraire désormais, puisqu'il engage très clairement l'Eglise catholique dans le sens conservateur au nom « d'une stratégie cohérente de reconquête intellectuelle de l'Europe contre le relativisme », selon le philosophe athée Paolo Flores d'Arcais, quia publiquement débattu avec le futur pape en 2000.
Cette orientation tient d'abord à la personnalité de ce pontife bavarois aujourd'hui octogénaire. Obsédé par la sécularisation de l'Europe et par sa déchristianisation face à un islam conquérant, il entend avant tout refaire l'unité de sa propre paroisse.
D'où les gages donnés aux intégristes avec le retour de la messe en latin d'avant le concile (1962-65) et les signes adressés à Pékin où existent deux Eglises, l'une inféodée au régime communiste et l'autre clandestine.
Caritas : un cardinal plutôt qu'un laïc
Mais d'autres mesures, plus ou moins discrètes, soulignent nettement cette restauration conservatrice. Des théologiens sont à nouveau en butte à l'ardeur de la congrégation pour la doctrine de la foi, l'ancienne Inquisition. Parmi eux, un dominicain français, le père Claude Geffré.
Ancien secrétaire général du Secours catholique, Denis Viénot souhaitait un renouvellement de son mandat à la tête de Caritas international, qui regroupe tous les « secours catholiques » du monde. Un cardinal, dont l'action en faveur des pauvres n'est aucunement sujette à caution, s'est présenté contre lui, et a été élu. Comme si le Vatican ne pouvait admettre qu'un laïc dirige un organisme dépendant de lui.
Enfin, le ciel des relations avec les autres religions s'est assombri de lourds nuages. On savait que le cardinal Ratzinger avait peu apprécié la rencontre interreligieuse d'Assise en 1986, l'un des grands moments du pontificat de son prédécesseur, au cours duquel les chefs religieux de toute la planète ont prié côte à côte et non ensemble pour ce en quoi ils croient. Les déclarations et gestes de Benoît XVI montrent, à l'envi, qu'il n'entend rien céder.
Conversion des juifs
Le document paru cette semaine sur l'Eglise catholique qui seule serait « la véritable Eglise du Christ » a porté un coup très dur au dialogue oecuménique. L'hebdomadaire protestant « Réforme » n'hésite d'ailleurs pas à titrer « Ad nauseam... », « Jusqu'à la nausée ».
Même s'il a accompli un geste sans précédent à Istanbul en priant à la Mosquée bleue, le pape a aussi prononcé des paroles très rudes à l'égard de l'islam lors de sa fameuse conférence de Ratisbonne.
Enfin, avec le rétablissement de la messe en latin et le retour à l'ancien missel, des catholiques prieront à nouveau pour la conversion des juifs. Un antijudaïsme à des lieues du chemin parcouru sous Jean Paul II, qui avait effacé deux mille ans d'antisémitisme chrétien.
« Benoît XVI nous explique qu'une lecture correcte du concile doit insister sur la continuité plus que sur la rupture », a précisé le porte-parole du Vatican, le le jésuite Federico Lombardi. Tiens, encore un clerc qui a remplacé à ce poste un laïc, fût-il de l'Opus Dei.

Patrick PEROTTO

20 juillet 2007

L’évêque qui obéit !
20 juillet 2007 - golias-editions.fr
Jean-Pierre Delarge, ancien éditeur, écrit à Mgr Simon, archevêque de Clermont suite à l’article de ce dernier dans "Le Monde" à propos du Motu Proprio.

Monsieur l’Archevêque,
Et si ce que vous appelez “la presse people” -bravo pour “Le Monde” où vous écrivez- représentait le gros des ouailles de l’église romaine ? Peu sensible aux nuances théologiques mais recevant les dits romains comme reflétant la vérité ?
N’est-ce pas un sophisme de dire que l’autorisation de la messe en latin constitue non un second rite mais “un double usage de l’unique et même rite” ? Il me paraît plutôt qu’il s’agit d’une pirouette destinée à amortir une décision unilatérale, contestée, vous le savez, par nombre de vos confrères, d’autant qu’elle les dépouille d’une partie de leur autorité sur leur dicocèse. J’avais appris en droit canon, à Louvain, que l’évêque était maître chez lui en matière disciplinaire, (c’était, il est vrai, celui de 1915).
Quant au fond : lorsque St Pierre du Chardonneret fût occupé, que Jean Guitton obtint des parties une transaction, que celle-ci fut refuée par Mr le cardinal Marty, j’ai pris parti pour que l’on accordat à Mr l’évêque Lefèbvre, licence de céléber comme il le voulait. A cette époque, j’étais président de la Communion de Boquen, c’est dire, assez éloigné des positions extrêmes de l’ancien évêque de Dakar. Je considérais la primauté de la liberté et l’opportunité de la diversité. Aujourd’hui pareille autorisation revêt un sens complétement différent : celui de faire revenir au bercail 150,000 égarés en cédant à leurs idées dont le rite n’est qu’un revêtement.
Qui se soucie encore du schisme des vieux-catholiques et ses 600,000 adeptes qui n’ayant jamais été récupérés, ne représentent qu’eux-mêmes ?
Le motu proprio ose le risque de perdre nombre de “conciliaires” qui après les incidents pontificaux, musulman, indien, théologique de la libération, de “Sacramentum Caritatis”, d’Amnesty international, et j’en passe, sans compter celui en préparation de la canonisation de Pie XII, vont amplifier la désertification des paroisses. Un radicalisme choisi en place d’une écoute des “signes du temps”. Qu’on le veuille ou pas, la société s’est modifiée ; les divorces nombreux, les familles recomposées, les prêtres mariés. Et l’on prive tous ceux-là et d’autres de sacrements quand Jésus a dit être venu pour les pécheurs et non pour les bien-pensants. Le mot de Sartre s’applique “Ils avaient les mains propres, mais ils n’avaient plus de mains”.
Les musulmans ont réagi, suivis des protestants et bientôt des juifs. Tous cela sans entamer la cause de l’oecuménisme croyez vous ?
Je ne doute pas de votre “lucidité” et de votre “intelligence”, mais je redoute la discipline aveugle qui n’a pas le courage de dire au pontife romain, les dangers qu’il fait encourrir à son, à notre église, et qui préfèrent manier la langue de bois à son service. Vous dites très justement que vous n’allez pas abandonner votre peuple, mais n’êtes vous pas solidaire de lui avant de défendre un “patron” quand il fait fausse route ? Et pourquoi ne pourrait-il le faire ? Congar, Chenu, Lubac et tant d’autres, ont obéi, se sont tus, ne se sont pas reniés et ont fait Vatican II, que Benoît XVI détricote progressivement.
Quant à la lettre aux catholiques de Chine, on ne peut que l’approuver d’autant qu’on y retrouve la pensée et l’action de Monsieur le cardinal Etchegarray.
Je n’espère pas que vous me répondiez puisque vous ne l’avez pas fait lorsque j’ai protesté contre votre attaque du dernier livre de l’Abbé Pierre, le 3 novembre 2005, -dès lors ma présente lettre devient “ouverte”-. mais j’ai passé trop de temps de ma vie à lutter afin que mon église ait une image évangélique pour laisser sans réaction votre article du 14 juillet 2007. Dès lors
Voulez-vous croire, Monsieur l’Archevêque, à l’assurance de ma haute considération ?
Jean-Pierre Delarge, Golias 
Lettre ouverte à Hyppolite Simon (par la grâce de Dieu, archevêque de Clermont Ferrand)
20 juillet 2007 - Paul Gauthier - golias-editions.fr
Excellence,
Il me faut user désormais de ce vocable, puisque dans cette Eglise d’après le Concile, qui aussi la mienne, on entend ressortir de la naphtaline les vieux ornements et les formules désuètes. Il me faut aussi vous écrire car j’ai été blessé par votre dernière publication dans Le Monde du 14 juillet (très certainement …un hasard du calendrier).
Et ce qui m’a heurté ce n’est pas une approche différente de la mienne et de celle de tant d’autres chrétiens, pardon ! de catholique de ce pays, devant toutes ces décisions et ces textes qui nous viennent de Rome. Je sais comme vous qu’il y a plusieurs demeures dans la maison du Père et que la pensée unique, une expression dont on nous rebat les oreilles (usque ad nauseam) n’est pas vraiment marquée du sceau évangélique.
En réalité, en bon petit soldat, vous cherchez à expliquer, à justifier les dernières décisions romaines qui, à l’évidence, marquent un tournant important dans ce que l’église catholique était appelée à vivre depuis le Concile Vatican II. C’est votre droit et je me garderai bien de le contester car nous certainement d’accord tous deux sur les propos de Voltaire quant à la liberté de parole qu’il convient de laisser à ceux qui ne pensent différemment de vous. Mais il y a des limites que vous avez quand même dépassées : depuis quelques décennies le peuple chrétien – et même le peuple catholique – a appris ce qu’il en coûtait de se soumettre aveuglément et d’obéir perinde ac cadaver. Vos arguments sont peut-être sincères mais la démonstration que vous tentez d’effectuer – et sur laquelle vous échouez – ne saurait nous convaincre mais, plus grave encore, manifeste un certain mépris pour ceux à qui vous vous adressez. Nous n’en sommes plus au temps où la parole d’une quelconque autorité était abusivement sacralisée, même si d’aucun le déplorent. Juxtaposer quelques sophismes et de se livrer à une analyse à ce point orientée qu’elle pourrait en devenir risible, est manifestement une offense au lecteur.
Vous affirmez d’entrée de jeu que vous allez obéir « évidemment » et que vous allez le faire parce que vous êtes évêque « et parce ce que (vous) avez promis communion et obéissance au jour pape au jour de (votre) ordination ». Vous ajoutez qu’une autre raison vous interdit de ne pas obéir car cela vous obligerez à démissionner et que vous n’allez pas « abandonner votre peuple en rase campagne pour une question de rites liturgiques ». Outre que l’histoire nous a enseigné – et avec quelle violence – qu’obéir aveuglément peut être une forme de trahison et que les décisions d’une hiérarchie – fut-elle romaine – peuvent être inspirées par des motifs qui pour être respectables en tant que motifs n’en sont pas moins dangereux (voire pernicieux) quant à la mission de l’institution que cette hiérarchie a le devoir de faire vivre et de transmettre. Sous cette réserve, mais elle capitale, la justification de votre obéissance peut encore s’entendre.
Par contre dès que vous vous engagez sur la voie de la justification des dédisions romaines, votre raisonnement manque singulièrement de rigueur dans l’analyse de ce qui a été vécu au temps du concile et depuis sa mise en œuvre. Il fait tout autant preuve d’une inquiétante myopie quant aux objectifs pourtant clairement annoncés de ceux que Benoît XVI a invité à entrer « dans la ville ». L’histoire – encore elle – regorge d’exemples de cités réputées imprenables et qui furent livrées au pillage et à la destruction parce qu’une imprudence avait livré un passage, même modeste, à des assiégeants. Et c’est bien ce qui vient de se passer : pour n’avoir pas voulu aller à l’essentiel, pour avoir voulu traiter l’accessoire comme le principal, Rome « vient de livrer les clefs de la ville » à ses ennemis. Le mot vous paraîtra injuste, peut-être excessif, mais comment qualifier ceux qui n’ont eu de cesse avec ou sans l’évêque Lefbvre de clamer qu’il considérait comme un devoir sacré de mettre à bas tout le travail du Concile. Nous sommes loin des différentes catégories que vous énumérez comme à loisirs : « ouvert-fermé, progressiste-intégriste », passéiste-moderne ». Ce n’est pas une question de rite et continuer à l’affirmer comme vous le faites relève de la malhonnêteté intellectuelle car vous savez bien que ce qui se joue va bien au-delà de ce retour à des rites anciens. S’il ne s’était agi que d’un simple problème de langage il y a bien longtemps que le problème aurait été résolu car il y a souvent bien plus d’intelligence et de charité dans l’église conciliaire qu’on peut en constater dans les chapelles intégristes qui s’arrogent la qualité de détenteurs unique de la vérité.
« Double usage de l’unique et même rite » dites-vous en citant Benoît XVI et c’est ici qu’il faut s’inscrire en faux. Comment peut-on dire qu’il y a qu’un seul rite quand l’un d’entre eux revendique l’usage d’un missel qui comporte des éléments inacceptables tout marqué qu’ilo est par des éléments qui relèvent de l’antijudaïsme et de l’anti-oecuménisme le plus éculé. Est-il besoin de longues citations ? Comment vouloir, sous le vocable d’un même rite, imposer à ceux qui se reconnaissent dans Vatican II des propos tels que ceux-ci qui invitent les fidèles le vendredi saint à prier pour « les hérétiques et les schismatiques afin que Dieu notre Seigneur les arrache à toutes leurs erreurs et qu’il daigne les ramener au sein de notre sainte mère, l’Eglise catholique et apostolique » ou encore « Prions aussi pour les Juifs, afin que Dieu notre Seigneur enlève le voile qui couvre leur cœur(…), exaucer la prière que nous vous adressons pour ce peuple aveugle ». Comment de tels textes peuvent-ils nourrir la prière d’un même peuple « dans un rite unique » quand l’Eglise héritière du Concile prie ce même jour « Pour tous nos frères qui croient en Jésus-Christ et s’efforcent de conformer leur vie à la vérité. Demandons au Seigneur notre Dieu de les rassembler et de les garder dans l’unité de son Eglise » et pour ceux que Jean Paul II reconnaissait comme nos frères aînés « Prions pour les juifs à qui Dieu a parlé en premier, qu’ils progressent dans l’amour de son nom et la fidélité à son alliance. Dieu éternel et tout poussant, toi qui a choisi Abraham et sa descendance pour en faire les fils de ta promesse, conduis à la plénitude de la rédemption le premier peuple de l’Alliance, comme ton Eglise t’en supplie ». Et les premiers de ces textes, parfaitement inadmissibles, ne datent pas du milieu du siècle dernier ou de quelque officine intégriste mais seulement de 1990, car il s’agit du missel réédité par l’abbaye du Barroux ; Qui peut croire que les chantres de l’intégrisme catholiques accepteront une révision aussi profonde de cette « liturgie de toujours ». Alors quand on lit sous votre plume « On pouvait , à la rigueur, légitimer une résistance au concile si l’on pensait, en conscience, qu’il existait une différence substantielle entre deux rites. Peut-on légitimer cette résistance, et a fortiori in schisme, à partir d’une différence de forme » on croit rêver : ou vous n’avez rien compris (ce qui nous semble étonnant de la part d’un archevêque) ou vous cherchez à nous faire prendre des vessies pour de lanternes. On ne peut, en effet, refuser de reconnaître une certaine logique à Marcel Lefebvre qui profitant d’une différence de rites indéniable a réussi à abuser toute une partie de l’opinion en présentant comme majeur ce qui n’était en fin de compte qu’un détail alors que l’opposition de fond concernait des points de doctrine autrement plus essentiels. Recourir , comme vous le faites, à de tels raisonnements n’est pas de nature à rehausser le prestige et la crédibilité de votre ministère
Et vous aggravez encore votre cas quand vous évoquer le texte du 10 juillet de la Congrégation pour la doctrine qui a publié une note « pour justifier l’expression, si décisive par le Concile,du verbe « subsistit in »- l’Eglise du Christ « subsiste dans » l’Eglise catholique… Or… j’ai souvenir d’avoir lu sous des plumes intégristes que ce choix du verbe « subsistit in » à la place du verve « est » était le début de la catastrophe conciliaire car il constitue précisément le fondement théologique de l’œcuménisme » Si le choix de cette troisième publication (avec la « Lettre aux catholiques de Chine ») ne vous semble pas « destiné à marquer une fois de plus les limites du dialogue avec les autres Eglises et communautés chrétiennes » que vous faut-il ? Un adjectif, un seul mais qui change tout, ne s’est-il pas glissé dans ce document de l’ex Saint Office ? Il apparaît qu’il faut lire que L’Eglise du Christ subsiste dans la seule E3glise catholique et cela change tout : les autres Eglises soeurs ne s’y sont pas trop trompées qui ont regretté ou dénoncé parfois l’arrogance L’Eglise romaine. N’y a-t-il pas dans la présentation que vous faites une édulcoration étrange du document romain ? N’y a-t-il pas dans ce seul adjectif « seule » glissé bien à propos, un gage majeur donné aux héritiers spirituels de Marcel Lefebvre ? Si la décision de Benoît XVI d’ouvrir sans conditions les portes à la mouvance intégriste « ruine totalement leur argumentaire sur le fond », on se demande bien où peut bien se nicher cette ruine totale, et sa volonté de ne céder en rien sur la substance du concile.
Seriez-vous naïf à ce point ou ignorant de la réalité de cette frange extrême du catholicisme et spécialement du catholicisme français pour penser qu’il ne reste plus aujourd’hui comme problèmes contentieux que le problème de la liturgie ? Croyez-vous vraiment que ceux qui se croient investis de la mission de restituer dans sa forme ancienne la « véritable église » se contenteront de cette première étape. Les tenants de ligne dure ont à coup sûr le sentiment d’avoir gagné une bataille ce qui ne peut que les conforter dans l’idée qu’ils peuvent gagner la guerre. Auriez-vous perdu le souvenir de vos classiques pour avoir à ce, point oublié Corneille, les Horaces et( les Curiaces ? S’il y a, à coup sûr, des nostalgiques des anciennes liturgies
Bientôt des messes en latin à Reims
20 juillet 2007 - L'Union
Le décret papal sur la possibilité de célébrer à nouveau des messes en latin fait des remous jusqu’à Reims. La cité des Sacres devrait accueillir prochainement ce genre de célébration.
«Nous sommes très très heureux. » Le «motu proprio» (une décision papale) publié samedi 7 juillet, par Benoît XVI, suscite l’enthousiasme chez les traditionalistes.
Par ce décret, les prêtres sont tenus de satisfaire, dans la mesure du possible, les demandes de messe en latin, formulées par les fidèles. Membre d’un réseau de laïcs, le Collectif pour la paix liturgique et contre l’exclusion dans l’église catholique, Marc Billig milite avec d’autres familles, de Reims et de ses environs, pour que les catholiques fidèles à Rome puissent participer à des célébrations selon l’ancien rite.
Sa principale satisfaction est de voir enfin aboutir ces revendications formulées de longue date.
« Depuis vingt ans, nos demandes auprès de l’archevêché ont systématiquement reçu des réponses négatives, on nous disait que nous ne représentions qu’une poignée de fidèles, deux ou trois familles tout au plus » affirme-t-il, estimant à deux voire trois cents, le nombre de familles prêtes à assister à des messes tradis.

Volonté de conciliation

Quand on lui demande si la messe en latin n’est pas seulement l’étendard d’une remise en cause plus large des acquis de Vatican II, il répond sans hésitation.
« Je trouve dommage de voir qu’il y a des gens qui voient toujours des arrière-pensées ».
« On est pas là pour semer la zizanie, on se met à la disposition de Mgr Jordan pour aider à organiser les messes dans une seule église, de préférence une qui n’est pas utilisée » précise-t-il.
Du côté de l’archevêché, l’enthousiasme est plus contenu, ici on se satisfait surtout de la réconciliation avec cette frange des catholiques.
Mais on précise bien que cette ouverture s’accompagne également de limites.
« Il ne faudrait pas que cela cache un refus du concile, ici l’évolution se fait sur la forme, il n’y a pas de retour en arrière quant au dogme » explique l’évêque auxiliaire, Mgr Boishu.

Une messe en latin par mois

Anticipant la publication du décret papal, dès la mi-juin, l’archevêque de Reims, a annoncé qu’une messe par mois sera célébrée selon l’ancien rite.
« Un prêtre de l’institut du Christ Roi viendra spécialement de Lille pour l’occasion » précise l’évêque auxiliaire.
Pour les «tradis», cela ne peut-être qu’un préalable, une messe tous les dimanches reste le minimum. Mais du côté de l’archevêché, on ne veut pas agir avec une trop grande précipitation. « Cela pose des questions d’organisation et l’on ne veut pas brusquer ceux qui sont attachés au rite nouveau, actuellement nous sommes toujours à la recherche d’un lieu » explique prudemment Mgr Boishu. Mais dans la galaxie «tradi» de Reims, tout le monde n’est pas sur la même longueur d’ondes. « C’est un premier pas, mais concrètement pour nous ça ne change rien, tant que notre situation n’est pas régularisée » juge le père Ludovic Girod, membre de la Fraternité Saint Pie X, en rupture avec Rome depuis l’ordination d’évêques par son supérieur sans l’aval du Saint-Siège. Lui continuera à accueillir ses 180 fidèles dans sa paroisse de Notre-Dame de France.




Un Motu Proprio qui fait déjà des vagues
20 juillet 2007 - jeromebourbon@yahoo.fr - Rivarol
Un Motu Proprio qui fait déjà des vagues
Comme on pouvait s’y attendre, les réactions ont été très diverses à la publication par Benoît XVI le 7 juillet du Motu Proprio Summorum Pontificum libéralisant la messe tridentine. Sans surprise l’aile la plus à gauche de l’Eglise conciliaire a manifesté son vif mécontentement. Dans un éditorial exceptionnellement publié en latin le 5 juillet, Témoignage chrétien s’indigne de la décision vaticane : « les traditionalistes ont gagné » et « demain ils domineront l’épiscopat français » s’étrangle l’hebdomadaire ultra-progressiste qui ajoute : « Ce qui inquiète les fidèles conciliaires (sic !) dont nous sommes, ce n’est ni le latin, ni les encensoirs, ni les clochettes mais le regard sur le monde extérieur de la plupart des défenseurs du rite traditionnel. »
LES PLUS PROGRESSISTES EN EMOI
Dans la même ligne, Mgr Luca Brandolini, membre de la commission de la liturgie au sein de la conférence des évêques italiens, a vivement regretté dans un entretien à La Repubblica la publication du document : « C’est un jour de deuil, non seulement pour moi, mais pour les nombreuses personnes qui ont œuvré au concile Vatican II. Cette réforme est maintenant enterrée. » Propos pour le moins excessif, Benoît XVI accordant  toujours la primauté à la nouvelle messe considérée comme la forme ordinaire, forma ordinaria, du rite romain et prenant soin de préciser dans sa « lettre aux évêques » que les demandes en faveur du rite tridentin seront numériquement limitées : « L’usage de l’ancien missel présuppose un minimum de formation liturgique et un accès à la langue latine ; ni l’un ni l’autre ne sont tellement fréquents. »
Henri Tincq, dans Le Monde du 8-9 juillet, ne cèle pas non plus son amertume : « Les catholiques conciliaires (resic) s’étonneront toutefois qu’aucune contrepartie ne soit exigée des traditionalistes en termes de ralliement au concile Vatican II, qu’ils vont continuer de poursuivre de leur hargne. La fin du schisme est-elle à ce prix ? » maugrée le chroniqueur religieux du « quotidien de référence ».
LES JUIFS S’EN MÊLENT
La communauté juive a également manifesté son inquiétude à l’égard de la réintroduction du vieux missel. Si, en 1959, Jean XXIII avait fait supprimer dans les prières du Vendredi saint la référence aux « juifs perfides », l’oraison pour la « conversion des Juifs », même amputée de cette expression, évoque en effet un « peuple aveugle » et implore Dieu afin que les Juifs « reconnaissent la lumière de votre vérité, qu’est le Christ, et qu’ils soient arrachés à leurs ténèbres ». Rien de plus catholique mais cela n’a pas l’heur de plaire au centre Simon Wiesenthal qui demande « instamment à Benoît XVI de déclarer ce texte contraire à l’enseignement actuel de l’Eglise » tandis que l’Anti Defamation League états-unienne juge les termes utilisés « durs et insultants ». Par ailleurs, dans une interview donnée le 8 juillet au quotidien italien Corriere della Sera Lisa Palmieri, représentante en Italie de l’American Jewish Committee, estime que le maintien de la prière pour la conversion des Juifs est « la mort du dialogue » (pas moins !) et espère qu’elle sera abolie.
De même, Jean-Yves Camus, dans Actualité juive du 5 juillet, dénonce le fait que « des fidèles et sans doute des prêtres formés dans la doctrine intégriste et notamment dans l’antijudaïsme ancien vont donc pouvoir réintégrer l’Eglise catholique sans se renier. C’est assurément une pomme de discorde grave dans le dialogue judéo-chrétien. » Mais que diraient les rabbins si des catholiques s’immisçaient à ce point dans les conflits entre judaïsme libéral et judaïsme orthodoxe ? De toute façon, on peut compter sur les prélats modernistes pour donner satisfaction à la communauté : Benoît XVI ne s’est-il pas fait bénir par un rabbin lors de son voyage en Brésil en mai dernier et n’a-t-il pas décoré à Pâques de l’insigne de saint Grégoire le Grand un rabbin d’une très puissante organisation juive ? Quant à Jean-Pierre Ricard, président de la conférence des évêques conciliaires de France, il concède que « les formes liturgiques ne sont pas des pièces de musée : si on se rend compte qu’il y a tel ou tel point de cette forme-là, qui aujourd’hui fait difficulté, il faut peut-être le modifier. » Quant à l’éditeur genevois Grégory Solari, spécialiste du rite tridentin, il considère que cette polémique n’a pas lieu d’être car le Motu Proprio spécifie que tout prêtre catholique peut utiliser le missel de 1962 ou le missel de la messe moderne promulgué en 1970, sauf pendant le triduum pascal (jeudi, vendredi et samedi saints).
« GLACIATION » OU ENTREPRISE DE SEDUCTION ?
Autre motif de colère pour les juifs, mais aussi pour les protestants et les orthodoxes, et évidemment pour le clergé le plus progressiste, la publication, le 10 juillet, des « Réponses » de la Congrégation pour la doctrine de la foi précisant que « l’Eglise catholique est la seule véritable Eglise du Christ ». Ce document, signé par William Levada et qui reprend les thèses déjà développée dans Dominus Iesus le 5 septembre 2000 par Josef Ratzinger, tend à réinterpréter l’affirmation contenue dans la Constitution dogmatique Lumen Gentium de Vatican II et selon laquelle « l’unique Eglise du Christ subsiste dans l’Eglise catholique ». Ce subsistit in a fait couler beaucoup d’encre et suscité beaucoup de débats passionnés entre conciliaires et traditionnalistes sur fond de dialogue œcuménique : l’Eglise romaine est-elle la seule Eglise du Christ, auquel cas les autres confessions doivent réintégrer son giron (position traditionnelle) ou les autres groupes religieux chrétiens sont-ils aussi peu ou prou des voies de salut ( position conciliaire) ?
         Dans sa volonté d’herméneutique de Vatican II, Josef Ratzinger refuse d’admettre une rupture entre ce concile et le magistère traditionnel. Aussi réinterprète-t-il a minima les textes controversés, ce qui ne va pas sans une gymnastique intellectuelles très audacieuse dont il avait déjà fait preuve dans le Motu Proprio en affirmant que la messe tridentine et la nouvelle messe sont « deux mises en œuvre de l’unique rite romain » : de même, tout en déclarant que l’Eglise catholique est la véritable Eglise du Christ, la « Congrégation pour la Doctrine de la Foi » reconnaît-elle des « éléments de sanctification et de vérité dans les autres confessions chrétiennes et ne remet-elle nullement en question les grandes orientations de Vatican II concernant l’œcuménisme et le dialogue interreligieux. L’Osservatore romano précise ainsi que le dialogue œcuménique « demeure toujours un priorité » de Rome. Quant au Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens, il avoue même, dans LA Croix du 11 juillet, « ne pas avoir été mis au courant de l’existence » du document qui n’aurait d’autre intention que de, tenez-vous bien, « rassurer les milieux intégristes ». En tout cas, Tincq dénonce dans Le Monde du 11 juillet une « glaciation vaticane. » Ne s’agit-il pas plutôt d’une habileté romaine pour ramener dans son giron les traditionnalistes non encore « ralliés » ? Que la Rome moderniste publie, trois jours seulement après le Motu Proprio, ce texte doctrinal, n’est sûrement pas le fruit du hasard. Tout se passe comme si Benoît XVI voulait très rapidement annexer la Fraternité Saint-Pie X et les œuvres qui lui sont liées ou, à défaut, l’isoler de ses fidèles, ravis quant à eux par cette avalanche de bonnes nouvelles. Cette entreprise de séduction sera-t-elle couronnée de succès ?
QUELLE APPLICATION SUR LE TERRAIN ?
Il faudra d’abord voir l’application sur le terrain du décret sur la messe tridentine qui aura force de loi à partir du 14 septembre. Plusieurs curés et évêques conciliaires n’ont, à ce jour, pas l’intention de répondre favorablement aux demandes de fidèles. Ainsi l’archevêque de Paris, « Mgr » André Vingt-Trois, dans une « Lettre pastorale aux curés et aux prêtres de Paris », indique clairement qu’il « n’ouvrira pas de paroisse personnelle (de rite tridentin) dans le diocèse de Paris » et que les trois lieux de culte autorisées dans la capitale (Ste-Odile, St-Eugène-Ste-Cécile et la chapelle Notre-Dame-du-Lys) suffisent amplement à couvrir les besoins. Difficile de ne pas y voir une fin de non recevoir à l’égard de l’Institut du Bon Pasteur et du Centre Saint-Paul animé par l’abbé de Tanoüarn et qui rassemble chaque dimanche plusieurs centaines de fidèles dans une salle du IIe arrondissement. On voit là l’absurdité de la situation : l’Institut du Bon Pasteur a été érigé canoniquement par le Vatican le 8 septembre 2006 ; la messe tridentine est désormais libéralisée, certes sous conditions (qu’entend-on ainsi par un « groupe stable de fidèles » ?) mais ses prêtres ne peuvent toujours pas disposer d’églises ou de chapelles pour célébrer leurs offices !
Les évêques conciliaires de France estiment que ce Motu Proprio devrait déboucher sur une petite cinquantaine de centres de messe supplémentaires car la demande des fidèles est peu importante. Il n’est pas sûr en effet que ce texte change fondamentalement la réalité sur le terrain, la plupart des fidèles soit ayant déserté les églises, soit s’étant habitués à la nouvelle messe. Et même si des curés conciliaires acceptent de dire la messe tridentine, ce qui ne va pas de soi, que diront-ils dans leurs sermons ? De plus se pose la question de la validité de leur ordination (voir entre autres les travaux érudits de l’abbé Cekada sur le site www.rore-sanctifica.org).
JOIE OU INTERROGATIONS
L’heure n’est cependant pas au scepticisme mais à la joie dans la plus grande partie de la mouvance traditionnaliste. De la Fraternité Saint-Pierre à la Fraternité Saint-Pie X, de l’Institut du Christ-Roi à la Contre-Réforme catholique, c’est à celui qui se réjouira le plus fort. Ces organisations traditionnalistes ont d’ailleurs fait chanter des Te Deum en remerciement à Benoît XVI. Mais c’est sans doute l’abbé Philippe Laguérie qui est le plus enthousiaste sur son blog <institutdubonpasteur.org> : « C’est la victoire de l’Eglise Catholique, de son Pape, de ses évêques, de ses prêtres et de ses fidèles, tous humiliés longtemps sous un joug étranger : l’autodestruction de l’Eglise s’arrête, les fumées de Satan se dissipent, la barque de saint Pierre, qui « prenait l’eau de toutes parts » reprend la mer avec audace et déverse sa fierté éternelle d’épouse de Jésus-Christ sur chacun de ses fils. » A l’inverse, les milieux sédévacantistes se montrent hostiles à l’initiative de Ratzinger (le site <virgo-maria.org> dénonce ainsi dans le Motu Proprio « une nouvelle étape dans la révolution liturgique que poursuivent depuis plus de 40 ans les hiérarques de l’Eglise conciliaire » et stigmatise la « trahison » de Mgr Fellay).
Toute la question est en effet de savoir si, en ce centième anniversaire de l’encyclique Pascendi contre le modernisme, ce Motu Proprio marque le début d’un redressement ou si au contraire il parachève une entreprise de neutralisation de la résistance catholique au profit de la nouvelle Eglise. Ceux qui penchent pour la seconde solution se souviennent de la prière de Benoît XVI dans la mosquée bleue d’Istanbul, à la manière des mahométans, de son allégeance à la synagogue et au dogme de la « Shoah », de ses constantes références à Vatican II. Après tout dans le Panthéon d’Assise il y a de la place pour la messe traditionnelle !
Jérôme BOURBON,

RIVAROL du 20 juillet 2007 (n°2820), page 9.
 

19 juillet 2007





« L'unité vient du Christ »
19 juillet 2007 - Paris Notre-Dame, journal du diocèse de Paris
« L'unité vient du Christ » Après avoir été curé de Ste-Jeanne de Chantal (16e) jusqu'en 2006, le P.Jean-Pierre Batut arrive à St-Eugène-Ste-Cécile (9e).
PARIS NOTRE-DAME — Vous avez toujours enseigné parallèlement à votre ministère en paroisse. Que vous apporte l'enseignement ?
P.JEAN-PIERRE BATUT — Avant d'être prêtre, je me sentais une vocation d'enseignant. J'aime enseigner et comme Dieu a de l'humour, j'ai renoncé à l'enseignement pour le retrouver ! Mes nouveaux paroissiens auront donc un curé à temps partiel, mais j'essayerai de les faire profiter de mon ministère d'enseignement à l'Ecole Cathédrale et à la Faculté Notre-Dame. Inversement, mon ministère paroissial enrichit le professeur que je suis. Pour moi, il n'y a pas de coupure entre les deux. Il s'agit toujours de transmettre le Christ. De toute façon, tout prêtre reçoit mission d'enseigner le jour de son ordination. Il est évident que l'enseignement de la théologie oblige à continuer à travailler. C'est un moteur fantastique pour ne pas faire de sur-place intellectuel !
P. N.-D. — En plus de la messe dite de Paul VI, St-Eugène a la mission de célé¬brer la messe selon le missel de saint Pie V. Est-ce une nouveauté pour vous ? Comment envisagez-vous votre ministère de curé ?
J.-P. B. — Le motu proprio de Benoît XVI vient d'élargir considérablement la possibilité de célébrer dans ce rite : il est donc à prévoir que dans de nombreux autres lieux, partout dans le monde, on fera usage de cette possibilité. Personnellement, je n'ai pas encore l'expérience du rite tridentin (c'est le véritable nom du rite dit de saint Pie V). C'est une découverte que j'aborde avec beaucoup d'intérêt. Dans cette paroisse, il y a des fidèles des deux sensibilités, dont certains, attachés au rite tridentin, l'ont choisie comme paroisse d'élection. Ce n'est pas du tout exceptionnel, bien d'autres paroisses de Paris sont des paroisses d'élection. Quand j'étais curé de Ste-Jeanne de Chantai, beaucoup venaient de Boulogne, donc d'un autre diocèse ! Je les considérais tout autant comme mes paroissiens que ceux qui habitaient géographiquement dans la paroisse. S'il y a plusieurs raisons de fréquenter St-Eugène, il n'y a qu'une seule paroisse. Pour moi, il est clair qu'il n'y a pas plusieurs catégories de paroissiens. Cependant, l'unité entre tous ne viendra pas de moi mais du Christ. C'est la foi au Christ qui rassemble ces personnes. Je suis là comme garant de cette unité au nom du Christ et de l'évêque. L'unité est donnée et, en même temps, elle n'est pas automatique. Elle suppose de vouloir vivre dans la charité, c'est-à-dire : ne pas prendre la paroisse pour un self-service, considérer que toute personne qui s'y trouve est mon frère ou ma sœur dans la communauté chrétienne, se savoir appelé ensemble à la même mission de l'Eglise, ne pas seulement vivre entre soi.
P. N.-D. — Qu'est pour vous une paroisse missionnaire ?
J.-P. B. — Une paroisse qui regarde autour d'elle et ne perd pas une occasion d'avoir des contacts. A Paris, nous avons la double chance d'avoir une grande densité de population et une variété extrême de provenances. Pas besoin d'aller loin pour voir du monde. St-Eugène est à cheval entre les quartiers juif et turc... Signe de Dieu à ne pas laisser de côté, me semble-t-il. J'ai l'intention d'inviter les autorités religieuses des autres religions du quartier à mon installation et de nouer des contacts avec elles. La visibilité fait partie de la mission, mais la mission ne se réduit pas à cela. Nous avons à vivre simultanément ces deux paroles : « Que votre lumière brille devant les hommes » (Mt 5, 16), qui est un appel à la visibilité, et « ne pratiquez pas votre justice devant les hommes pour vous faire remarquer » (Mt 6, 1), qui est un rappel que seul un cœur pur a du prix aux yeux de Dieu. C'est dans le secret du cœur qu'il s'agit de rapporter à Dieu tout honneur et toute gloire.
Recueilli par Claire Folscheid