31 octobre 2010

[Abbé Giovani Scalese] Parler sans Mâcher ses Mots

SOURCE - version française: Scribe/FC - 31 octobre 2010

Pensées en liberté d’un “Querciolino”* errant
(*ancien du célèbre Collège du Chêne (Collegio alla Querce) de Florence (Toscane – Italie). NdT)


Dimanche 31 octobre 2010 - Le Jeu des Parties

Il me semble que les révélations effectuées par Monseigneur Bernard Fellay lors d’une conférence qu’il a donnée récemment à l’Angelus Press (la maison d’éditions de FSSPX aux États-Unis), à l’occasion du 40ème anniversaire de la fondation de la Fraternité, aient eu bien peu d’impact. C’est ce que signale Brian McCall sur le site The Remnant (sur lequel on trouve la traduction en italien de larges extraits de l’article publié sur Messainlatino.it; je ne peux que recommander à ceux qui parlent l’anglais d’en lire directement l’original). Personnellement, je ne cesse d’y repenser, car ces révélations renversent totalement l’idée que nous nous étions faite de la situation. Jusqu’à maintenant, nous pensions que la Fraternité fondée par Mons. Lefebvre, depuis que ce dernier avait illicitement ordonné quatre évêques, n’était plus en pleine communion avec l’Église catholique. Nous savions également que l’actuel Pontife a très à cœur une réconciliation avec les Lefebvristes, et dans ce but, il a tout d’abord libéralisé la célébration de la messe tridentine ; il a ensuite révoqué l’excommunication des quatre Évêques ; il a enfin entamé une série de discussions visant à dépasser les divergences doctrinales et à favoriser ainsi la réconciliation. Pourtant, si l’on s’en tient à la note du Secrétariat d’État du 4 février 2009, nous savons également que la FSSPX «ne jouit d’aucune reconnaissance canonique au sein de l’Église catholique» et que, par conséquent, les quatre Évêques n’exercent pas leur ministère licitement (l’on pouvait penser la même chose des prêtres de la Fraternité, ordonnés illicitement par ces quatre Évêques).

Or voici que Mgr Fellay nous révèle qu’il n’y a rien de vrai là-dedans, que la réalité est tout autre. Je ne veux pas dire par là que je ne crois pas le Supérieur général de la FSSPX; il n’y a aucune raison de mettre en doute ses paroles ; ce qu’il dit est non seulement vraisemblable, mais c’est même la seule explication plausible de tant d’aspects qui, jusqu’ici, sont restés incompréhensibles. Pourtant, l’affaire est si grande que, je l’avoue, je suis bouleversé. Non pas que ce qu’il a révélé me déplaise (et même, cela confirme ma position sur la question); mais je reste stupéfait de la duplicité du Saint Siège. Le premier à être stupéfait est probablement Mgr Fellay lui-même, qui en est arrivé à conclure que le Saint Siège a adopté une politique double, suite à toute une série d’expériences faites au cours de ces dernières années.

Mgr Fellay apporte à cela trois preuves.
- La plus convaincante me semble être la première, qui concerne la juridiction pour l’écoute des confessions : lorsque les prêtres de la Fraternité s’adressent au Saint Siège pour des cas confidentiels, ce dernier ne peut rien leur objecter et il leur concède le pouvoir d’absoudre, reconnaissant ainsi indirectement la validité de leurs absolutions. Personnellement je trouve cette question très importante, parce qu’elle démontre la reconnaissance du Saint Siège de la part de la Fraternité : ses prêtres ne s’arrogent pas de pouvoirs qu’ils n’ont pas, mais -et c’est tout à leur honneur-, ils recourent au Siège Apostolique, comme le ferait n’importe quel autre prêtre catholique.

- La seconde preuve ne me paraît pas avoir une grande importance. Il me paraît évident que si un prêtre (validement ordonné) quitte la FSSPX pour entrer dans un diocèse ou dans une institution ou une société qui jouissent d’une reconnaissance canonique, le Saint Siège peut tranquillement le dispenser d’éventuelles irrégularités et empêchements à l’exercice du ministère. Le cas des Anglicans est différent : dans ce cas, l’Église ne reconnaît pas la validité de leurs ordres, et c’est pourquoi il faut être ré-ordonné afin de pouvoir exercer son ministère.

- La troisième preuve est, elle aussi, intéressante : elle parle d’une « reconnaissance temporaire » de la Fraternité, accordée, en mars 2009, en échange du déplacement des ordinations d’Allemagne en Suisse. La chose, même si elle peut paraître bizarre, revêt une certaine signification. Surtout parce que, même dans ce cas, il s’est agi d’une reconnaissance réciproque : le Saint Siège a reconnu la validité et le caractère licite de ces ordinations ; la FSSPX a reconnu l’autorité du Saint Siège, en consentant à la requête qui lui était adressée.

Concernant la troisième révélation, l’affirmation attribuée à un cardinal du Vatican (tout porte à penser qu’il s’agit du Cardinal Castrillón Hoyos), selon laquelle le Pape n’approuvait pas ce qui a été déclaré dans la note de la Secrétairerie d’État du 4 février 2009, est assez sidérante. Non pas qu’une chose de ce genre ne puisse pas arriver (et même, j’y crois, sans hésiter); mais d’après moi, une chose de ce genre ne devrait pas se produire. Or, elle s’est produite ; alors, pourquoi donc s’est-elle produite ?

Mgr Fellay hasarde une réponse : le Pape n’est pas libre de procéder à la reconnaissance de la Fraternité, et il est contraint de poursuivre une politique double, parce qu’il est conditionné par l’opposition de certains épiscopats. Je me permets à ce sujet de faire noter (je n’ai pas bien compris si c’est Mgr Fellay lui-même qui en a parlé ou s’il s’agit d’une déduction du journaliste) que dans ce cas, la collégialité n’a rien à voir. La collégialité est une affaire sérieuse ; il ne faut pas la confondre avec l’opposition sournoise au vouloir du Saint Père de la part d’une conférence épiscopale. Que s’est-il passé ? Nous en venons ici à la révélation qui, à mon avis, est la plus explosive de la conférence.

Il semblerait qu’en 2005 déjà, Benoît XVI aurait eu l’intention de trouver une solution avec les Lefebvristes, en érigeant pour eux une administration apostolique. Il paraît que le décret était déjà prêt, et qu’il ne lui manquait plus que quelques précisions de caractère juridique. Il semble que ce soit l’épiscopat allemand qui s’est manifesté pour bloquer le projet (avec quelques menaces ?). Le fait est que rien ne se fit et que l’on passa à ce qui a bien l’air d’être un « plan alternatif », qui est donc ce que tous nous connaissons, à savoir : le motu proprio Summorum Pontificum, la révocation de l’excommunication, les discussions doctrinales (je dois dire sincèrement qu’à mon avis ce plan s’est révélé être bien plus problématique que celui originellement envisagé).

Il y a bien longtemps que l’on avait compris que l’obstacle majeur à la liberté d’action de Benoît XVI provenait des épiscopats de langue allemande. Mais je n’aurais pas pensé que l’on en était de ce fait arrivé à ce point. Toutefois, les étant ce qu’elles sont, il y a fort à penser qu’avec ce Pape on ne parviendra jamais à une solution de la question lefebvriste. Il va falloir attendre un Pape qui soit libre de toutes « pressions » ethniques (vous voyez que, finalement, un Pape italien avait ses avantages) et, en attendant, il va falloir continuer à avancer avec ce « jeu des parties ».

Je pense pourtant qu’en attendant, on pourrait faire quelque chose. Bien entendu, comme nous le rappelle Brian McCall, et comme Benoît XVI lui-même l’avait demandé au début de son pontificat, nous devons prier pour le Pape, pour que le Seigneur ne le laisse pas fuir devant les « loups ». Mais, à part cela, je dirais qu’un peu plus de clarté ne ferait pas de mal. J’en conviens, dans certains situations il faut ménager la chèvre et le chou : celui qui a des responsabilités ne peut pas toujours se permettre de suivre son instinct, en revanche il doit nécessairement tenir compte de toutes les parties qui sont en jeu. On ne peut pas, en voulant recoudre un accroc, provoquer une déchirure encore plus grande. Car les uns comme les autres y perdent. J’ignore si l’allusion au film “A Man for All Seasons” était une tentative personnelle d’interprétation de McCall ou si, effectivement, elle décrivait la réalité. Quoi qu’il en soit, je pense que s’il n’est pas possible au jour d’aujourd’hui de parvenir à une reconnaissance de jure de la FSSPX, on pourrait au moins nous épargner les notes de la Secrétairerie d’État auxquelles même le Pape ne croit pas. Dans certains cas, il vaudrait mieux se taire.

Et puis, s’il est vrai que la FSSPX, à son tour, reconnaît de fait l’autorité du Saint Siège, elle ferait bien, elle aussi, d’éviter certaines polémiques stériles (qui ressemblent dans ce cas à une simple « académie ») et à se concentrer sur la prière, l’étude et l’apostolat, en pleine communion avec le Saint Père. Sachant que le Pape apprécie leur travail, les Lefebvristes devraient, à mon avis, faire preuve en retour de confiance envers lui en soutenant de toutes leurs forces son action, sans lui créer de difficultés inutiles.

Publié par Querculanus (1)

(1) Querculanus
L’abbé Giovanni Scalese (né à Rome, 1955) appartient à l'Ordre des Clercs Réguliers de Saint Paul (Barnabites). Il est prêtre depuis 1981. Il est titulaire d’un baccalauréat en philosophie et Théologie à l’Université Pontificale Saint Thomas (Pontificia Università San Tommaso- dite l’Angelicum) et d’une licence en Théologie (spécialisation en Théologie biblique) à l’Université Pontificale Grégorienne (Pontificia Università Gregoriana). Il a obtenu un Doctorat en Philosophie à l’Université de Bologne, en soutenant une thèse sur « Le Rosminianisme dans l’Ordre des Barnabites ».

Il a enseigné, donnant des cours de Religion, d’Histoire et de Philosophie :
- au Collège du Chêne (Collegio alla Querce) de Florence et
- au Colège Saint Louis de Bologne (Collegio San Luigi di Bologna).
Il a été :
- De 1994 à 1999 : Recteur du Collège du Chêne (Querce);
- De 2000 à 2006 : Assistant Général de l’Ordre (des Clercs Réguliers de Saint Paul (Barnabites) ;
- De 2003 à 2009 : Missionnaire en Asie.
En collaboration avec l’abbé Antonio Gentili, il a publié le “Promptuaire de l’Esprit. Enseignements ascético-mystiques de Saint Antoine Maria Zaccaria" (Milan, 1994).

[Max Barret - Le Courrier de Tychique] «Nous ne sommes pas prêts»!


SOURCE - Max Barret - Le Courrier de Tychique - 31 octobre 2010

Pour l’être, si cette formation sociale est indispensable, elle ne peut s’envisager sans une totale immersion dans la prière et les sacrements de l’Eglise. Et pour ceux-ci il nous faut des prêtres, des bons prêtres. Il n’y a qu’eux qui peuvent nous en faire vivre et nous prodiguer ce besoin de préparation qui nous manque selon Blanc de Saint Bonnet ! Oui, « Seigneur donnez-nous des prêtres, donnez-nous de saints prêtres, donnez-nous beaucoup de saints prêtres ! »

Et nous pourrions ajouter : donnez-nous des « vrais» prêtres !

Qu’en est-il aujourd’hui ? La lettre de « Paix liturgique » (n° 253 du 22 octobre 2010) nous apprend que :

« (…) Qu’ils soient ou non encouragés par leurs évêques, le mouvement amorcé par le Motu Proprio fait que le nombre des célébrants de la forme extraordinaire va et ira croissant dans les diocèses. Si tous les prêtres qui, depuis trois ans, ont appris à dire la messe en forme extraordinaire, la célébraient le dimanche dans leur paroisse, le nombre de ces messes serait d’un coup multiplié par 30 au minimum. ( …)

Le nombre des messes « dites en forme extraordinaire » va donc aller croissant dans les diocèses, et peut-être même être multiplié par trente !... Et alors ? …Par qui seront-elles dites, ces messes ?... On sait que Mgr Lefebvre réordonnait la quasitotalité des prêtres venant frapper à la porte d’Ecône, s’ils avaient été ordonnés dans le rite réformé. Preuve qu’il avait un doute certain sur ce rite ! Etaient-ils prêtres, ou ne l’étaient-ils pas ? Aujourd’hui le doute subsiste ! Car ce rite est toujours utilisé pour toutes les ordinations conciliaires ! Quand on compare les deux rites, on est effaré par la différence qui existe entre les deux ! Est-il suffisant de revêtir la soutane, apprendre à « dire » la messe tridentine avec un infini respect, une ferveur exemplaire, une observance rigoureuse des rubriques… si l’on n’est pas prêtre ? Le Saint Sacrifice de la Messe est-il alors célébré, les hosties sont-elles consacrées ?... Poser la question c’est y répondre.

Par ailleurs, il faut se souvenir que les Pères conciliaires, dans leur frénésie novatrice, ont, malgré l’opposition du « Coetus Internationalis Patrum » animé par Mgr Lefebvre, bouleversé l’ordre de tous les sacrements ! Pas un n’y a échappé ! Étaient-ils donc si mauvais ? S’ils ont produit d’innombrables fruits jusqu’à l’ouverture du concile « pastoral » Vatican II, preuve de leur vertu, comment ne pas redouter que ceux qui les ont remplacés ne soient pas, sinon nocifs, du moins infructueux ? La vision de l’état de l’Eglise et de la Société, aujourd’hui, est fort instructive.

Et puis, comment les laïcs qui, de bonne foi, assisteront aux messes célébrées dans les conditions évoquées par « Paix Liturgique », pourront-ils s’investir dans l’oeuvre de reconquête, alors qu’ils n’y seront jamais incités – Liberté Religieuse oblige – par les célébrants ? Il s’agit donc bien, on le voit, d’un véritable et grave problème alors qu’on célèbre « Le Christ-Roi » en ce dimanche !

30 octobre 2010

[Abbé Grégoire Celier - Lettre à nos frères prêtres] La courte honte d’un historien « officiel »

SOURCE - Abbé Grégoire Celier - Lettre à nos frères prêtres n°47 - octobre 2010
A propos du livre de Philippe Levillain : Rome n’est plus dans Rome, Mgr Lefebvre et son Eglise

Philippe Levillain est professeur émérite d’histoire contemporaine à Paris-Nanterre, animateur des « Lundis de l’Histoire » sur France Culture, membre du Conseil pontifical des sciences historiques, directeur du Dictionnaire historique de la papauté. Bref, c’est une pointure de l’histoire ecclésiastique en France. Apprendre qu’il prépare une biographie de Mgr Lefebvre pour la réputée (en histoire, du moins) « Librairie académique Perrin », ne pouvait qu’attirer notre attention.

C’est donc chose faite avec la parution de Rome n’est plus dans Rome – Mgr Lefebvre et son Église (Perrin, 2010, 456 pages). D’un tel mandarin, on attend évidemment des vues renouvelées, même si l’on se doute qu’il sera fort critique vis-à-vis de Mgr Marcel Lefebvre.

Malheureusement, dans cet ouvrage, les fondamentaux de la science historique ne sont pas respectés, les règles les plus communément admises du travail universitaire sont bafouées. Erreurs factuelles, confusions, imprécisions (sur des points importants qui relèvent directement du dossier étudié) pullulent d’une façon vraiment inconcevable.

Une bibliographie d’une étonnante faiblesse documentaire

Dans un livre d’histoire, le lecteur averti se précipite d’abord à la fin, pour consulter la bibliographie, indice fiable du degré de sérieux dans le travail effectué. En l’occurrence, il ne peut qu’être déconcerté. Dans ce qu’il appelle « Les ouvrages de Mgr Lefebvre », Levillain ignore un texte décisif, les entretiens avec le journaliste de La Voix du Nord José Hanu publiés sous le titre Non ! mais oui à l’Église catholique et romaine aux éditions Stock en 1977. En effet, Mgr Lefebvre y revient longuement sur sa propre vie sous le feu des questions insistantes de José Hanu.

Dans ce qu’il nomme « Les ouvrages sur Mgr Lefebvre », Levillain néglige, de Jean-Anne Chalet, chef des informations religieuses à l’AFP, Monseigneur Lefebvre (Pygmalion, 1976), en grande partie un reportage sur le vif ; de Roland Gaucher, journaliste à Minute, Monseigneur Lefebvre – Combat pour l’Église (Albatros, 1976), qui comporte le procès-verbal de la réunion du 3 mars 1975 entre Mgr Lefebvre et la commission cardinalice ; de l’abbé Jean Anzevui, prêtre du diocèse de Sion (où se situe Écône), Le drame d’Écône (Valprint, 1976), qui publie 26 documents cruciaux, principalement ceux venant de la partie suisse et romaine ; d’Yves Congar, La crise dans l’Église et Mgr Lefebvre (Cerf, 1976), la réflexion d’un témoin capital ; de la revue Itinéraires (numéro spécial, édition définitive avril 1977), La condamnation sauvage de Mgr Lefebvre, qui publie tous les documents de 1974 à 1976, notamment les grandes interviews de Mgr Lefebvre. Il méconnaît Patrick Chalmel, Écône ou Rome (Fayard, 1990), qui comporte un fondamental journal tenu à Écône en 1973-1974 ; l’abbé Paul Aulagnier, La Tradition sans peur (éditions Servir, 2000), un témoignage de première main sur les débuts de la Fraternité Saint-Pie X. Il passe quasi entièrement sous silence les multiples ouvrages parus de 1977 à 2010, comme les nombreux livres étrangers.

Bref, la base documentaire de Philippe Levillain sur la vie même de Mgr Lefebvre, théoriquement objet propre de son travail historique, est extrêmement étroite, pour ne pas dire dérisoire.

Un ouvrage « historique » empli d’erreurs factuelles

Par ailleurs, Levillain est fâché avec l’orthographe des noms (parmi de très nombreux exemples, des erreurs sur les noms suivants : Mgr de Galarreta, passim ; Benoît XVI, p. 53 ; Fulcran Vigouroux, p. 54 ; Adolphe Tanquerey, p. 103 ; dom Gaspar Lefebvre, p. 130 ; Mgr Émile Guerry, p. 213 ; dom Lambert Beauduin, p. 233 ; Mgr Pietro Palazzini, p. 307 ; abbé Gleize, p. 378). Il n’est pas moins brouillé avec les chiffres (ordination de l’abbé Tissier de Mallerais, p. 21 ; Motu proprio Sacram liturgiam, p. 229 ; suppression de la Fraternité Saint-Pie X, p. 298, etc.).

Philippe Levillain s’embrouille dès qu’il s’agit d’être un peu précis. Il prétend, p. 15, que le schisme des vieux-catholiques a pris fin en 1878, quand l’Église vieille-catholique est aujourd’hui bien vivante (même erreur concernant la Petite Église, p. 325). Parlant de saint Pie X, il affirme que celui-ci « établit la bientôt célèbre “première communion” en 1910 » (p. 232), ce qui plonge dans des abîmes de perplexité. Concernant dom Beauduin, il assure qu’à propos du futur Jean XXIII, « une rumeur a été exploitée par les lefebvristes » (p. 233), alors qu’il s’agit d’une affirmation du père Bouyer dans Dom Lambert Beauduin, un homme d’Église, Castermann, 1964, p. 180-181.

Philippe Levillain tente de décrire (p. 270) l’implantation de la Fraternité Saint-Pie X, mais sa phrase n’a strictement aucun sens ( « En 2009, la FSSPX sera présente dans 63 pays, avec une moyenne annuelle d’une trentaine de prêtres résidents et d’un peu plus d’une trentaine de prêtres en mission »), étant donné que la Fraternité comprend 520 prêtres, et non pas 60 ou 3.780 (selon les deux interprétations qu’on peut donner à cette phrase ambiguë), pas plus d’ailleurs que 1.500 prêtres, comme Levillain l’affirme p. 374, même s’il dit ailleurs (p. 384) qu’elle comporte 491 prêtres.

Sous sa plume, le cardinal Journet se transforme en jésuite (p. 279), comme l’abbé Victor-Alain Berto devient spiritain (p. 439), Mgr de Castro Mayer fait partie de la Fraternité Saint-Pie X alors qu’il était, en réalité, évêque diocésain de Campos au Brésil (p. 214), l’église Saint-Nicolas du Chardonnet a été prise dès 1972 (p. 284), Mgr François Ducaud Bourget est promu évêque (p. 285), ainsi que Mgr Camille Perl (p. 322), l’abbé Philippe Laguérie célèbre la messe avant d’être entré au séminaire (p. 285), l’abbé Coache, curé dans l’Oise, est bombardé vicaire à Paris (p. 286), l’abbé Schmidberger succède à Mgr Lefebvre en 1991 plutôt qu’en 1983 (p. 356), pour un mandat de six ans quand il s’agit de douze (p. 356), le schisme d’Orient date de 1095 au lieu de 1054 (p. 382), etc.

Un style inénarrable

Ne maîtrisant visiblement pas son dossier, Philippe Levillain, pour dissimuler son incompétence, recourt à d’invraisemblables formules alambiquées, un amphigouri que, sans doute, il trouve poétique. Quelques exemples suffiront à donner une idée de ce triomphe du « style nouille ».

« Sous l’œil médiatique ébloui par cette provocation » (p. 11) : cet œil médiatique est une trouvaille si merveilleuse que Levillain la ressert à plusieurs reprises. « Toute affaire désigne dans la durée une question de société qui éclate brusquement et dont le cours inéluctable traduit des divisions de plus en plus compliquées » (p. 12) : le sapeur Camember disait aussi que la vie, hélas ! est un tissu de coups de poignard qu’il faut savoir boire goutte à goutte.

« Toutes les crises qui ont provoqué et nourri l’affaire Lefebvre ont relevé d’une dramaturgie conduite avec un sens aigu des effets par un prélat au sourire suave qui n’était pas vraiment celui de l’ange de la cathédrale de Reims. Faisant la somme de son caractère et de ses observations critiques sans véhémence présentées sous l’habit du latin en usage pendant Vatican II, etc. » (p. 13) : le malheureux ange de Reims doit se demander ce qu’il fait dans cette cathédrale du mauvais goût !

« A l’instar de certains évêques français, le cardinal Seper eut l’effroi de penser que la prononciation d’une excommunication latæ sententiæ constituait la seule arme canonique pour enrayer le projet en mouvement » (p. 14) : Levillain connaît-il vraiment le sens des mots français (« l’effroi de penser ») ou latins (une excommunication latæ sententiæ, par définition, ne se prononce pas) ?

« Il appartient au Saint-Siège de renier l’œuvre de Vatican II et, en quelque sorte, de donner à la Fraternité les signes qui lui permettent de lever l’excommunication prononcée par elle contre lui par l’existence même du mouvement légitime et populaire né du comportement inspiré de Mgr Lefebvre » (p. 22) : si quelqu’un comprend cette phrase, qu’il ait la bonté de le faire savoir ! « C’est sur les à-peu-près, les brouillards, les ésotérismes produits par ce transfert d’une pensée moderne dans le véhicule d’une langue consubstantielle à l’Église latine que Mgr Lefebvre conduisit la bataille du maintien de la Tradition » (p. 24) : c’est surtout dans le livre de Philippe Levillain que l’on peut admirer des à-peu-près et des brouillards. Et encore, il ne s’agit ici que de l’introduction du livre !

Bref, un si pauvre factum serait indigne même d’un historien moins titré que Philippe Levillain. Nicolas Senèze, tâcheron du journalisme et auteur du consternant La crise intégriste http://www.dici.org/actualites/la-crise-intgriste-vingt-ans/ (Bayard, 2008), aura donc réussi, deux ans après, à se faire battre en nullité par un Philippe Levillain !

Abbé Grégoire Celier

Lettre à nos frères prêtres n°47, octobre 2010 (3 €). Abonnement : 9 € – 11 rue Cluseret – 92280 Suresnes Cedex Courriel : scspx@aliceadsl.fr (DICI n° 224 du 30/10/10)

[Mgr Williamson - Commentaire Eleison] Remettre la condamnation?

SOURCE - Mgr Williamson, fsspx - Commentaire Eleison - 30 octobre 2010

Suite à plusieurs numéros récents du « Commentaire Eleison » (CE 162, 165-167, 169) qui ont souligné l'importance de la doctrine, un lecteur se demande s'il ne serait pas plus prudent de remettre à plus tard la condamnation de Vatican II, puisque ni les chefs de l'Eglise à Rome ni les fidèles en général ne sont en état d'admettre que le Concile est aussi mauvais que le prétend la Fraternité St Pie X, suivant en ceci Mgr. Lefebvre.

De fait, ce n'est pas l'hérésie claire et ouverte qui constitue l'essence du problème doctrinal posé  par les documents conciliaires. Car leur « lettre », à distinguer de leur « esprit », peut sembler à tel point catholique que Mgr Lefebvre, qui participa activement à toutes les quatre Sessions du Concile, en a apposé sa signature à tous sauf aux deux derniers, aux pires, « Gaudium et Spes » et « Dignitatis Humanae ». Mais cette « lettre » des documents est subtilement contaminée par l'« esprit » de la religion nouvelle, centrée sur l'homme, vers laquelle allaient les cœurs des Pères du Concile, et qui ne cesse de corrompre l'Eglise toute entière depuis. Si Mgr. Lefebvre avait encore  la possibilité de voter pour ou contre les 16 documents, on se demande, en connaissant aujourd'hui leurs fruits, s'il en approuverait un seul.

Alors les documents sont ambigus, apparemment capables en grande partie d'être interprétés dans un sens catholique, mais en réalité convoyeurs du poison du modernisme, cette hérésie la plus pernicieuse de toute l'histoire de l'Eglise, a dit St Pie X dans « Pascendi ». Si donc les catholiques « conservateurs », par « loyauté » envers l'Eglise, prennent la défense des documents, qu'est-ce qu'ils conservent au juste ?  N'est-ce pas leur poison, et sa capacité d'empoisonner sans cesse la Foi catholique de millions d'âmes pour les mettre effectivement sur le chemin de la damnation éternelle ?

Cela me rappelle un convoi des puissances Alliées qui traversait l'Atlantique avec des provisions de guerre essentielles aux Alliés pendant la Deuxième Guerre mondiale. Un sous-marin ennemi avait réussi l'exploit de faire surface au centre même du périmètre défensif des navires, en sorte qu'il se trouvait libre de les torpiller l'un après l'autre, parce que les contre-torpilleurs circulaient furieusement à l'extérieur du périmètre à la poursuite du sous-marin, ne s'imaginant jamais qu'il pouvait se trouver à l'intérieur ! Le Diable est à l'intérieur des documents de Vatican II, et il y torpille le salut éternel de millions d'âmes parce qu'il s'y est si bien déguisé.

Or, imaginons un matelot à  bord d'un de ces navires qui a de bons yeux et qui a détecté  le petit sillage révélateur du schnorchel du sous-marin. Il s'écrie, « Le sous-marin est à l'intérieur ! », mais personne ne le prend au sérieux. Que doit-il faire ? Doit-il patienter et se taire, ou doit-il crier « Au secours, au secours ! », jusqu'à ce que le capitaine comprenne où est le danger   mortel ?

La FSSPX doit crier à  propos de Vatican II, et crier sans cesse, parce que des millions d'âmes sont menacées d'un danger mortel et incessant. Pour saisir ce danger, dont la théorie est en effet assez difficile à saisir, lisez ou faites traduire dans votre propre langue le livre profond sur les documents de Vatican II par l'abbé Alvaro Calderon, « Prometeo, la Religion del Hombre »

Kyrie eleison.

[summorum-pontificum.fr] Droit canon et messe traditionnelle

SOURCE - summorum-pontificum.fr - 30 octobre 2010

Je viens d’apprendre qu’un mémoire de licence en vue de l’obtention de la Licence en droit canonique sera soutenu mercredi prochain à la Faculté de droit canonique. Vous me direz que des mémoires de licence canonique il doit s’en soutenir relativement souvent. Cependant, le sujet de celui-ci me paraît suffisamment intéressant pour attirer votre attention. Le Père Marc Boussoulade traitera, en effet, d’un sujet important, formulé ainsi :

« Contextualisation historique et questions canoniques relatives au Motu proprio Summorum pontificum de 2007. La célébration de la messe selon le Missel de 1962 dans les paroisses territoriales »
.

Un tel sujet est au cœur de l’application du Motu Proprio Summorum Pontificum et du bilan du Motu Proprio, au bout des trois premières années de son application. Sans être le moins du monde un spécialiste, et sans donner à un mémoire de licence canonique plus d’importance qu’il ne peut en avoir, il me semble vraiment important et intéressant, révélateur même, qu’un tel sujet soit abordé, notamment sous l’angle du droit canon.

Un mot, enfin, sur le Père Marc Boussoulade : ordonné le 28 juin 2003, vicaire de la paroisse-cathédrale Sainte-Geneviève – Saint-Maurice de Nanterre, responsable de l’Aumônerie de l’Enseignement Public et en mission d’études, il est vicaire des paroisses Saint-Hermeland et Sainte-Monique de Bagneux et de la paroisse La Pentecôte de Port-Galand de Bourg-la-Reine.

Ceux qui pourront se rendre mercredi 3 novembre à 9h30 à la Faculté de droit canonique (22 rue Cassette, 75006 Paris, en salle D12 premier étage) assisteront certainement à la soutenance d’un mémoire particulièrement intéressant, en présence du doyen de la faculté de droit canonique, le Père Philippe Greiner et de l’official de Versaille, Mgr Jean-Jacques Boyer.

28 octobre 2010

[summorum-pontificum.fr] Le Concile en question

SOURCE - summorum-pontificum.fr - 28 octobre 2010

Du 16 au 18 décembre prochain, les Franciscains de l’Immaculée organisent un colloque d’études à Rome sur le Concile Vatican II, à l’Institut « Maria S.S. Bambina » (Via Paolo VI, 21).
 
S’appuyant sur l’historique discours du Pape du 22 décembre 2005 sur les deux herméneutiques concernant le Concile Vatican II, les Franciscains de l’Immaculée entendent examiner Vatican II, sa nature et son but. Il s’agit d’étudier cette radicale nouveauté qui a voulu que pour le première fois un concile ne proclame ni nouveaux dogmes ni enseignements définitifs, ni condamnations, mais se donne une visée purement pastorale.

Signalons que la version italienne de l’agence Zenit, sous le titre «IL VATICANO II, UN CONCILIO “RIVOLUZIONARIO”?» a publié un article du père Serafino M. Lanzetta, prêtre profès de l’Institut des Franciscains de l’Immaculée et curé de l’Église Saint-Sauveur à Ognissanti (Florence) depuis 2004. Celui-ci enseigne la théologie dogmatique à l’Institut Théologique « Immaculée Médiatrice » (Cassino – Frosinone). Depuis 2006, il est directeur de la revue théologique Fides Catholica. Il collabore avec diverses revues à caractère culturel et théologique et a dirigé la réalisation de deux colloques théologiques au Cénacle del Ghirlandaio, à Florence, ainsi que les publications relatives. Un texte qui n’a pas été repris par la version française du site.

Notons que Mgr Velasis de Paolis déjà évoqué sur ce blog à propos de la récente ordination diaconale au sein des Franciscains de l’Immaculée conclura ce colloque où interviendront notamment Mgr Gherardini, le professeur Roberto de Mattei, Yves Chiron, Mgr Schneider, Mgr Marchetto, Mgr Nicolas Bux, plusieurs membres des Franciscains de l’Immaculée, d’universités pontificales et de la curie.

27 octobre 2010

[Abbé Aulagnier - Item] Dom Gérard, « lefebvriste » ?

SOURCE - Abbé Aulagnier - Item - 27 octobre 2010

Yves Chiron, dans Présent du samedi 23 octobre 2010, fait une rapide présentation, en dernière page du journal, d’une récente publication aux éditions du « Cerf » d’un dictionnaire intitulé « Dictionnaire des évêques de France au XXe siècle». Il fait remarquer les qualités de l’ouvrage, d’abord son existence, « il rendra service aux historiens et aux lecteurs curieux ». « Il deviendra même un ouvrage de référence », dit-il. Ce n’est pas rien ! Il fait toutefois remarquer quelques faiblesses,

- celle d’exclure par principes les évêques missionnaires, si bien que Mgr Marcel Lefebvre est pratiquement inexistant, une simple notice de quelques lignes - et celle « d’introduire dans ce dictionnaire historique les évêques encore en vie ou, même, encore en fonction ». Il fait également remarquer qu’il ne faut pas s’attendre en « ce genre d’ouvrage » de trouver « des analyses toujours fines et balancées. Certaines formules simplistes sont employées à la va-vite ». Son attention fut attirée par la notice sur Mgr Bouchex, l’archevêque d’Avignon, de 1978 à 1982 où se trouve le monastère de Dom Gérard. On peut y lire : « Mgr Bouchex a inlassablement travaillé à l’entrée dans la pleine communion catholique du monastère lefebvriste Sainte-Madeleine-du-Barroux, ce qui s’est réalisé au mois de juillet 1988. » Yves Chiron commente : « Outre que résumer cette longue histoire dans une seule phrase est un peu court, on pourra trouver aussi que l’adverbe « inlassablement » et le qualificatif « lefebvriste » sont, ici, particulièrement inappropriés ». Cette remarque d’Yves Chiron m’a interpellée.

Je laisserai de côté le rôle de Mgr Bouchex dans « l’entrée dans la pleine communion catholique du monastère » du Barroux. Sa préoccupation en cette affaire fut-elle inlassable ?

Je ne m’intéresserai qu’au qualificatif « lefebvriste » donné par ce nouveau dictionnaire au «monastère Sainte-Madeleine-du-Barroux », Est-il « lefebvriste » ? Fut-il, au temps de Dom Gérard, « lefebvriste » ? Dom Gérard fut-il « lefebvriste » ?

C’est une question qu’on peut, de fait, se poser. Elle est intéressante, délicate. Je pense qu’il faut préciser et nuancer.

Je me souviens d’une réflexion que je faisais – j’étais encore assistant du supérieur général de la FSSPX – à mes confrères, lors d’une réunion au sommet à Rickenbach. Nous étions juste après le décès de Mgr Lefebvre, le 25 mars 1991. Je leur disais : « et surtout ne faisons pas de « lefébvrisme ». Je le répétais souvent. Je crois avoir choqué, du moins grandement surpris M l’abbé Schmidberger, alors encore supérieur général et mes autres confrères, le secrétaire général. En faisant cette remarque, je me rappelais une réflexion faite par Dom Gérard, lui-même aux « demoiselles » de Malvière, petite école de jeunes filles fondée par Melle Luce Quenette, près de la Chaise-Dieu, où je fus aumônier, un temps, en 1972. A son décès, Dom Gérard leur avait dit de ne pas faire « de mimétisme ». D’un grand personnage, il faut garder les principes sans faire de « mimétisme ». Les situations changent, les circonstances aussi, les autorités rencontrées également. La fidélité à une pensée est une bonne chose. Cette fidélité doit être louée. La garde d’une doctrine doit être aussi louée, sans fixisme pourtant, fixisme qui doit être condamné. L’estime d’une personne doit être entretenue, sa mémoire gardée, sa vie aimée et admirée, son idéal étudié et transmis. Ce qui ne veut pas dire que ce qui fut fait un jour par cette personne aimée, éminente, doit être continué toujours. Oui ! Pas de fixisme. Pas de « mimétisme », quelle que soit la personne aussi puissante soit-elle ou fut-elle, de son vivant.

Voilà, je crois, ce que je pensais lorsque je disais à mes confrères, au sujet de Mgr Lefebvre, quels que jours après son décès : « pas de lefebvrisme ». Tout mimétisme, tout fixisme est sclérosant, le « lefebvrisme » aussi.

Voilà, je crois, ce que voulait dire aussi Dom Gérard aux demoiselles de Malvière. Il est difficile de dire que Dom Gérard ne fut pas admiratif, un temps, de Mgr Lefebvre. Son caractère enjoué et mur sut reconnaître les belles qualités du prélat, de cet archevêque de « fer ». Il n’a pas pu ne pas aimer sa foi, son immense charité, sa grande bonté, son dévouement inlassable. Lui, le bâtisseur de beaux monastères, n’a pas pu ne pas reconnaître également les qualités de cet évêques également bâtisseur. Et comment ! Il connaissait son rôle de missionnaire en Afrique. Rôle loué même par ses « ennemis ». Il savait et appréciait le rôle qu’il eut au Concile. Il savait qu’il avait été choisi par ses pairs pour être le président du « Coetus internationalis Patrum ». Il avait connu et apprécié son énergique intervention en faveur de la « Cité Catholique », intervention qui fut tellement critiquée par l’épiscopat français. Il connaissait l’estime affectueuse que lui portait Jean Madiran, l’ami intime de Dom Gérard, son professeur à Maslacq. Mgr Lefebvre sut bien souvent intervenir en faveur de la revue « Itinéraires » qu’il soutenait. Il l’utilisait même pour faire connaître son action, ses relations difficiles avec Rome. Il en appréciait la présentation, les notes et commentaires toujours judicieux du directeur de la revue. Tout cela créait des liens, entretenait l’estime.

Il a fallu attendre les sacres pour voir cette « estime affectueuse » diminuer un peu ou même s’interrompre. Je disais, un jour, à Jean Madiran, lors d’un repas à mon retour de mon exil canadien – que j’ai fort apprécié au demeurant – , qu’elle reprendrait au ciel !

L’estime était telle que ces deux personnages, Dom Gérard, Mgr Lefebvre, ne pouvaient pas ne pas se rencontrer. La rencontre eut lieu à Bedoin, le 10 juin 1974, Soyons plus précis. Elle est même antérieure. Ils ont fait connaissance à Jouques, le 6 janvier 1972. Là, ils « constatent leur convergence » sur bien des points, en particulier « sur la liturgie traditionnelle », la messe tridentine, le grégorien, dont le maintien est à l’origine de la fondation du monastère de Bédoin et ensuite du Barroux. (Livre Blanc p.7). Cette liturgie romaine, Dom Gérard l’a apprise à l’école d’André Charlier, d’Albert Gérard, d’Henri Charlier. Jean Madiran fait remarquer dans le bel article qu’il lui consacre dans Présent après son décès, « Mémoiure de Dom Gérard », qu’il est « un héritier », un héritier de la tradition bénédictine, de la Règle de saint Benoît, de la liturgie bénédictine. Voilà les deux piliers de l’œuvre immense de Dom Gérard. Cela ne pouvait que plaire à Mgr Lefebvre qui, dans le même temps, initiait, formait tout un clergé à l’amour de la Tradition, à l’amour de la liturgie tridentine, à l’amour de saint Thomas, à l’amour du catéchisme du Concile de Trente (que Jean Madiran rediffusait en France dans la collection Itinéraires. C’est toujours sur cette édition que je travaille…) Si cette fidélité à la Tradition est une des caractéristiques du monastère de Dom Gérard, c’est une des caractéristiques des séminaires de Mgr Lefebvre et, au-delà, de tous les séminaires qui relèvent aujourd’hui de la commission « Ecclesiae Dei ».

Dom Gérard est-il « lefebvriste » pour autant ? Je ne le crois pas. Ces diverses fondations, aux parcours historiques particuliers, sont-elles « lefebvristes » pour autant ? Je ne le crois pas. La FSSPX, parce que directement fondée par Mgr Lefebvre doit-elle être « lefebvriste » ? Je ne le crois pas. Mgr Lefebvre aurait eu horreur de ce qualificatif, lui qui ne cessait de dire ne pas vouloir être le chef de file de quoi que ce soit, ni de rien, ni de personne. Il était évêque catholique et faisait son devoir d’évêque catholique sans compromission avec le monde moderne. Un point c’est tout. L’épitaphe qu’il voulut faire inscrire sur sa tombe dit tout son programme : « Accepi quod et tradidi » ( J’ai reçu ce que j’ai transmis) . Et rien d’autre. C’est tout Mgr Lefebvre. C’est sa gloire, son mérite, son honneur. L’œuvre fut rendu difficile par suite de la crise de l’Eglise et de l’opposition dont il fut l’objet, de la part même des autorités romaines. Mais c’est ainsi que l’on peut juger de la pratique héroïque des vertus. Mgr Lefebvre aidait toute communauté qui voulait garder la fidélité à leur fondateur, la fidélité à leur tradition. Ainsi aida-t-il toutes les communautés religieuses féminines, les dominicaines, les carmélites ; toutes les communautés religieuses d’hommes, les capucins, le père Lecareux, ainsi que la communauté de Dom Gérard…Il les respectait toutes dans leur originalité sans leur demander de faire allégeance à un quelconque « lefebvrisme ». Il voulait seulement les aider en leur procurant les ordinations sacerdotales, les aumôneries, les retraites spirituelles le règlement des problèmes canoniques. Lorsqu’il présenta sa lettre au Cardinal Gagnon, à l’issue de la visite canonique de 1987, il présenta un organigramme très clair concernant toutes les différentes communautés de la Tradition. Il les gardait dans son cœur sans vouloir les absorber. Aucun « lefebvrisme » dans sa pensée. Aucun « totalitarisme ». Il ne l’aurait pas supporté chez les autres. Il était heureux d’aider Dom Gérard sans lui demander le moindre « lefebvrisme », la moindre allégeance.

Et de fait l’admiration n’oblige pas « au mimétisme ». Les saints qui cherchent à imiter NSJC gardent toute leur originalité. L’un n’est pas l’autre. Ils sont tous divers même s’ils ont le même modèle : le Christ. Les familles religieuses dans l’Eglise sont toutes différentes même si elles ont toutes le même idéal… « l’amour de Dieu et l’amour du prochain » Entre Mgr Lefebvre et Dom Gérard, il y eut une grande sympathie. On peut le comprendre. Aussi a-t-on vu longtemps et souvent Mgr Lefebvre à Bédoin, puis au Barrou. Il venait y conférer les ordinations aux ordres mineurs, y donner le sacrement de confirmation aux familles formées par les moines. Il y passait pour donner des entretiens. Sur toutes les difficultés que connut le courant de la Tradition dans cette longue période de plus de trente, il y eut une profonde unité de pensée, d’idéal, unité de pensée sur le « sédévacantisme ». Une profonde répulsion de ce courant animait l’un et l’autre en raison de l’amour qu’ils portaient à l’Eglise visible, un même amour les unissait sur la nécessité de chercher une « reconnaissance canonique », de ne pas se satisfaire de cette situation où leur fidélité à la Tradition les avait conduit. On l’a vu bénir la crypte du nouveau monastère, le 20 décembre 1981…

Ils étaient unis, malgré leurs différences tellement profondes, parce qu’ils avaient la même « fidélité » qui est la conséquence de la « piété filiale ». Ainsi l’un et l’autre, l’un dans l’idéal monastique qu’il pratiqua dans la fidélité à la Règle de saint Benoît, l’autre dans l’idéal sacerdotal qu’il pratiqua dans la fidélité à la Rome éternelle, n’ont pas « innové », comme le dit très justement Jean Madiran de Dom Gérard. Et pourtant ils ont « restauré ». Et grandement… à tel point que des monastères de Dom Gérard « sortira peut-être, si Dieu veut, une nouvelle branche de la famille bénédictine », – c’est la conclusion de l’article de Jean Madiran, dans Présent du jeudi 3 avril 2008 – , comme des séminaires de la FSSPX sort aujourd’hui tout un renouveau sacerdotal, des communautés nouvelles, toutes fidèles, essentiellement, à la messe tridentine…Un jour, Mgr Lefebvre me disait pensant aux prêtres qu’il avait ordonnés : « Finalement, je n’ai pas eu la main si malheureuse que cela ». Et là, il n’excluait nullement les prêtres qui, pourtant, avaient cru devoir le quitter. Je témoigne.

Malgré leur estime réciproque et leur communauté de pensée sur bien des points, Mgr Lefebvre et Dom Gérard se sont divisés. Ils se sont séparés. Pourquoi ?

Ils se sont séparés sur le problème de la reconnaissance canonique par Rome. Mgr Lefebvre avait rompu les contacts avec Rome, espérant les reprendre plus tard, en retirant sa signature du protocole d’accord signé le 5 mai 1988. Il était « inquiet » et ne croyait pas à la « sincérité » de Rome. – Je peux le justifier- On lui refusait de confirmer une date pour les sacres dont le principe était pourtant accepté, lui disait-on. Il ne pouvait obtenir la majorité des membres dans la commission qu’il demandait que Rome crée pour régler les nombreux problèmes qui se lèveraient dans les relations entre la Tradition et les ordinaires. Le Vatican était-il si décidé que cela à permettre le retour de la messe tridentine…Nous étions en 1987 1988…2007 était loin…Dom Gérard, à la même époque, entretenait lui les relations avec Rome et les multipliait indépendamment de Mgr Lefebvre, mais en toute ouverture avec Mgr Lefebvre, lit-on dans le « Livre blanc » du monastère. Le 8 juillet, Dom Gérard écrivait au Souverain Pontife Jean-Paul II pour lui dire qu’il « refusait d’approuver un sacre épiscopal accompli sans mandat pontifical ». Le 25 juillet, ils étaient réconciliés avec Rome sur la base du protocole du 5 mai, bénéficiant ainsi de la levée des peines canoniques, de la reconnaissance du droit à la liturgie traditionnelle, la promesse de statut canonique, le droit des fidèles à recevoir les sacrements selon le missel de 1962 et enfin la conservation des ministères (catéchismes, troupe scout etc). (cf Libre blanc p 19)

Le monastère du Barroux, quoi qu’en dise l’auteur de la notice sur Mgr Boutex du nouveau dictionnaire, n’est donc pas si « lefebvriste » que cela. Il se rapprochait de Rome quand Mgr Lefebvre s’en éloignait…C’est un point qui est historique, que l’on ne peut nier, qui va contre la thèse du « lefebvrisme » de Dom Gérard et de ses fondations.

Pourquoi donc cet éloignement physique et moral des deux hommes d’Eglise alors que tant de points les ont unis des années durant ? Peut-on apporter une réponse, un élément de réponse.

Le problème des sacres a-t-il été si déterminant que cela dans la pensée de Dom Gérard. Il le dit, l’a écrit au pape…Il faut donc en prendre acte.

Mais je pense qu’il a pris ses distances par rapport avec Mgr Lefebvre aussi parce qu’il n’avait pas un jugement aussi clair, aussi net que Mgr Lefebvre sur la crise de l’Eglise, sur la nocivité du modernisme à l’intérieur de l’Eglise, sur la ruine de la vie liturgique que causait dans l’Eglise la publication du missel de Paul VI. Certes, il réagit énergiquement et courageusement contre la crise qui touchait la vie monastique bénédictine, crise qu’il connut au monastère de Tournay…Mais c’est d’abord l’idéal bénédictin que Dom Gérard eut en vue. Ce n’est peut-être pas la crise conciliaire, moderniste qui le détermina à aller à Bédoin…Ainsi n’eut-il peut-être pas la connaissance aussi parfaite que Mgr Lefebvre sur les principes qui ruinaient l’Eglise.

Certes, il garda dans son monastère la liturgie tridentine et à la fin de sa vie, manifesta-t-il une claire intention. Il rappela au nouveau Père abbé du Monastère qui était un peu « bousculé » par une ailes « marchante » de son monastère, qu’il ne fallait pas tirer une conclusion fausse des deux concélébrations qu’il crut devoir accepter pour permettre la fondation du nouveau monastère dans le diocèse d’Agen. Il lui communiquait une note lui disant: « Je regrette infiniment, que les deux concélébrations que j’ai consenties pour le bien de notre fondation d’Agen puissent créer un précédent dont on s’autoriserait à tort, non seulement pour en poursuivre et multiplier la pratique, mais aussi et surtout pour le reconnaître comme l’exercice d’un droit ». C’est une belle phrase. Mais il avait célébré dans le nouveau rite…Ce que ne fit jamais Mgr Lefebvre…alors même qu’on lui affirmait que tout serait aplani entre Rome et lui et ses fondations s’il acceptait de célébrer dans le nouveau rite. C’était le Père Dhanis, recteur magnifique de la Grégorienne qui était venu le lui dire de Rome, de la part du pape, à Flavigny. Une telle œuvre fondée sur une telle foi, sur une telle conviction a toutes les chances de durer. Il le dit le 29 juin 1976 dans son discours d’Ecône. Nul membre de la FSPPX ne pourra jamais invoquer un comportement « douteux » sur la liturgie nouvelle de la par de Mgr Lefebvre. Il y a assisté quelque fois pour des raisons sociales et familiales…Il ne l’a jamais célébrée. Certes Dom Gérard a bien écrit aussi au même Père abbé : « Il me revient le droit d’interdire formellement que l’on s’autorise de moi pour faire le contraire de ce que j’ai enseigné et pour quoi j’ai milité contre vents et marées ». Je me réjouis profondément de lire cela…Le combat liturgique fut toute la vie de Dom Gérard. A la bonne heure… Mais rien ne pourra faire oublié qu’il concélébra un jour … pour obtenir une fondation. Une fondation d’un monastère est un bien. Faut-il pour cela accepter une célébration nouvelle ? « Paris vaut bien une messe », me direz vous…Mais, si cette phrase fut un jour prononcée, la messe en question était la messe tridentine… Ni Mgr Lefebvre, ni le Père Calmel, ni M l’abbé Dulac ne l’ont jamais fait. Il y a là un mode d’agir qui n’est pas selon la pensée de Mgr Lefebvre. Mgr Lefebvre ne nous a pas habitué à un agir « rusé ». J’aime cette netteté de Mgr Lefebvre et veux lui rester fidèle. C’est, du reste, ne l’oublions pas, cette mâle assurance de Mgr Lefebvre qui a permis à toutes les communautés « Ecclesia Dei » de garder la messe tridentine. Et je pense que si nous avons aujourd’hui la joie de bénéficier du Motu Proprio de Benoît XVI « Summorum Pntificum » nous le devons à cette conviction théologale, à cette attitude de Mgr Lefebvre, à son combat opiniâtre sans concession aucune, des année durant. Mais quelle force d’âme faillait-il ! Quelle foi? Et j’ajouterai que si en 1988 nous étions restés unis, comme en 1976, nous aurions tout obtenu de Rome, une « administration apostolique » avec exemption des Ordinaires, comme les pères de Mgr de Castro Mayer de Campos. Ainsi la concélébration de Dom Gérard à Agen pour obtenir sa fondation n’aurait pas été nécessaire. Mais on ne refait pas l’histoire.

Ce qui me confirme surtout dans ce jugement – qui n’est nullement une condamnation – mais une réflexion pour mieux agir à l’avenir, c’est l’attitude que Dom Gérard eut en 1998, le 14 octobre 1998, lorsqu’il voulut intégrer la Conférence monastique de France, le C.M.F. On l’obligea à reconnaître la doctrine conciliaire sur la liberté religieuse. Il accepta de signer : « Ils (les moines) adhèrent désormais unanimement à sa doctrine ». La chose est faite depuis longtemps à l’intérieur du monastère depuis la soutenance de la thèse du Père Basile, préfet des études. C’est un autre éloignement certain d’avec la pensée de Mgr Lefebvre sur ce sujet. On sait l’attitude de Mgr Lefebvre lors du Concile et après le Concile. Un refus clair et net de ce texte conciliaire.

(NB : Je suis du reste très impatient de savoir comment les autorités actuelles de la FSSPX vont régler ce problème avec Rome. Si les relations échouent avec Rome, ce sera sur ce sujet, à moins que Rome accepte le texte habile de M l’abbé Celier. Ce n’est pas impossible. Mais il restera alors à trouver une solution sur le texte de Nostra Aetate. Ce ne sera pas facile, non plus, quant on sait l’importance que le monde juif attache à ce texte…Je reste toujours convaincu que mes confrères ont pris une mauvaise direction pour régler le problème canonique. On aurait du mieux s’inspirer de Mgr Lefebvre et de sa lettre qu’il donnait au Cardinal Gagnon, en novembre 1987).

Dom Gérard signa également avec le Père Etienne Ricaud, président du C.A.F. « qu’il acceptait :
-de concélébrer ou d’envoyer son représentant concélébrer avec l’évêque diocésain à la messe chrismale, partout où son monastère est ou sera implanté ; -que les moines prêtres de son monastère puissent, s’ils le désirent, concélébrer à la messe conventuelle dans les communautés où ils seront en visite. Enfin, il faut noter que les prêtres en visite à l’abbaye du Barroux peuvent s’ils le souhaitent, célébrer, voire concélébrer, la messe selon le rite de Paul VI ». Lorsque l’on signe cela, peut-on dire objectivement : « Qu’il me revient le droit d’interdire formellement que l’on s’autorise de moi pour faire le contraire de ce que j’ai enseigné et pour quoi j’ai milité contre vents et marées ». Là aussi, il me semble qu’il y a un éloignement certain avec les positions de Mgr Lefebvre. Cette « critique » que je me permets de faire touche plutôt l’action de Dom Gérard que la pensée. Mais on m’a appris en philosophie que « l’agere sequitur esse », (l’agir suit l’être). L’être était –il donc si sur chez Dom Gérard. Sa pensée était-elle si ferme ? Aussi ferme que chez Mgr Lefebvre ? Je ne le pense pas. Il y a peut-être ici une nouvelle différence entre l’un et l’autre.

Ils se sont retrouvés, vraisemblablement, au Ciel et ont retrouvé leur unité dans le chant de la liturgie céleste tout à la gloire de Dieu. C’est le plus important.

Mais ici bas il faut continuer le combat liturgique et autres combats encore. Je garde le parti de Mgr Lefebvre sans être pour autant « lefebvriste ». Il ne le voudrait pas, vous dis-je.

26 octobre 2010

[Paix Liturgique] Vers la célébration de la Messe traditionnelle dans les séminaires diocésains (2)

SOURCE - Paix Liturgique - lettre 253 bis - 26 octobre 2010

Dans la première partie de cette lettre, nous avons vu comment Summorum Pontificum confortait le rôle des “ministres spécialistes” de la forme extraordinaire (les prêtres des communautés Ecclesia Dei) et nourrissait l'essor des “ministres généralistes” que sont les célébrants diocésains (évêques, prêtres et curés). Terminant par le constat de l'écroulement désastreux du nombre de séminaristes depuis la réforme liturgique, nous évoquions le scandale que constitue le découragement volontaire de la part de certains professeurs de séminaires des vocations trop traditionnelles qui s'y manifestent.

Cependant, en dépit de ce climat souvent hostile au sein des séminaires, l’abbé Claude Barthe nous invite dans son dernier ouvrage - “La messe à l’endroit. Un nouveau mouvement liturgique”, Éditions L’Homme nouveau, 2010 - à l'optimisme. D'après lui, le nombre des séminaristes qui déclarent ouvertement vouloir exercer plus tard un ministère bi-formaliste est tout à fait considérable. Nonobstant les pressions qui s'exercent sur eux - ils doivent en permanence s'exprimer sur leurs « motivations », sur leur conception du sacerdoce, sur leur sens de la « communion » au sein du presbyterium -, ces séminaristes représentent probablement aujourd'hui plus de 10% des futurs prêtres. Et, dans tel ou tel séminaire, on peut même penser qu'ils représentent 20%, voire 25%, des étudiants.

Souvent, le Saint-Siège s’inquiète du fait qu'il ne soit pas donné, comme c'est le cas en France, de formation liturgique pratique aux séminaristes. À commencer, d'ailleurs, par la préparation à la célébration de la messe en forme ordinaire. Le Pape, dans sa toute récente lettre aux séminaristes du 18 octobre 2010, rappelle que : “Pour la juste célébration eucharistique, il est nécessaire aussi que nous apprenions à connaître, à comprendre et à aimer la liturgie de l’Église dans sa forme concrète.” Quand la forme ordinaire elle-même est négligée, ce n'est pas la peine d'espérer, a fortiori, la moindre initiation, à l’intérieur des séminaires, à la célébration de la forme extraordinaire. C'est simple, on ne compte aucune célébration, fût-elle seulement épisodique, de cette forme liturgique dans les séminaires diocésains français. Il est vrai, comme l'a souligné Mgr Schneider dans l'entretien exclusif qu'il nous a accordé (voir lettre de Paix Liturgique n°251), qu'on n'enseigne même plus le latin dans les séminaires ! Souvent, le grec et l’hébreu sont matières obligatoires alors que le latin n'est qu'optionnel...

A) À Lyon, un frémissement

La rentrée 2010-2011 réserve néanmoins une surprise qui, avec d’autres signes discrets, semble indiquer que la situation actuelle est susceptible d’évolution. Et que la “reprise” que nous évoquions dans le précédent volet de cette lettre pourrait aussi concerner les séminaires.

C'est de Lyon que nous vient cette hirondelle. Il s’agit très exactement – et très restrictivement, mais c’est tout de même une brèche – de l’ouverture d’une section de l’année de propédeutique (année de discernement avant l’entrée dans le premier cycle du séminaire, correspondant à l’année de spiritualité des séminaires traditionnels) réservée à la forme extraordinaire au sein du séminaire de Fourvière (1).

Bien que la quasi totalité des candidats qui s’étaient présentés pour intégrer cette « année Sainte-Blandine » se soient désistés (7 désistements sur 8 postulants annoncés !) en apprenant qu’ils seraient soumis à la forme ordinaire lors de leur entrée en premier cycle du séminaire proprement dit - alors que cette formation vise, selon les mots de Mgr Batut (2), ceux “qui souhaitent qu'elle (la liturgie tridentine) ait une place dans leur formation et dans leur futur ministère” -, l’un d’entre eux a maintenu sa candidature. Et cette unique candidature a suffi pour inciter le cardinal Barbarin et Mgr Batut, son auxiliaire chargé de patronner cette fondation, à maintenir eux aussi leur décision.

On a accusé le cardinal de Lyon et son auxiliaire de vouloir « siphonner » les communautés traditionnelles. Quand on connaît ces deux évêques, on peut affirmer qu’il n’en est rien : au reste, l’actuelle timidité de l’expérience qu’ils tentent, si elle restait ce qu’elle est, ne saurait causer de dommages aux communautés Ecclesia Dei.

C’est donc une expérience de principe qui s’ouvre, mais qui est à ce titre particulièrement intéressante, puisque pour la première fois depuis la réforme de Paul VI, dans le cadre global de la formation des candidats au sacerdoce diocésain (plus précisément, au sein d’une année préparatoire ne comprenant qu’un seul étudiant), la célébration habituelle de la messe sous la forme extraordinaire sera considérée comme l’axe principal de la première formation au sacerdoce diocésain.

Bien entendu, la question majeure reste celle de l'après-propédeutique : que deviendra cet unique étudiant (et demain les autres séminaristes qui voudraient suivre cette voie) une fois devenu séminariste diocésain proprement dit ? Pourra-t-il bénéficier de la célébration de la forme extraordinaire au cours du premier et du second cycle du séminaire lyonnais, ou devra-t-il poursuivre ailleurs sa formation ? Pour l’instant, il est décidé que s’il intègre le séminaire diocésain proprement dit, ce sera en rentrant dans la voie « ordinaire ».

Cependant, la poursuite du processus « extraordinaire » dans le cadre diocésain et donc dans les murs du nouveau séminaire installé sur la colline de Fourvière (un retour aux sources après un long exil à Ste-Foy-les-Lyon), n’est pas impensable, dans la mesure où il est déjà en œuvre dans plusieurs séminaires étrangers, avec l’encouragement du Saint-Siège. C’est d’ailleurs pour le coup la condition sine qua non de sa survie.

B) Les modèles étrangers

C'est aux États-Unis, dans le diocèse de Saint-Louis précisément, qu'a eu lieu, à notre connaissance, la première introduction de la forme extraordinaire de la liturgie au sein d'un séminaire diocésain. Dès la rentrée 2007-2008, le séminaire de Kenrick-Glennon s'est en effet ouvert à l'esprit du Motu Proprio Summorum Pontificum en offrant à ses élèves la forme extraordinaire de la messe en alternance avec la forme ordinaire en latin. Cette initiative, voulue par Mgr Burke, bientôt cardinal mais alors archevêque de Saint-Louis, et soutenue par Mons. Wojcicki, à l'époque recteur du séminaire, se poursuit toujours aujourd'hui (3). Une chapelle du séminaire est destinée à la célébration de la liturgie traditionnelle. Un lieu de culte dédié et une célébration régulière du Missel de Jean XXIII, difficile de faire mieux...

Un autre séminaire éminent à avoir épousé l'esprit du Saint Père en matière de “reprise” de la liturgie traditionnelle - Benoît XVI n'impose pas mais propose et suscite la curiosité -, est celui de Haarlem-Amsterdam. S'il est un pays au monde qui a été dévasté plus qu'un autre par la réforme conciliaire, c'est bien la Hollande. Comment ne pas voir comme un symbole le fait que le séminaire de Tiltenberg, l'un des 5 derniers séminaires du pays, ait inscrit la découverte de la forme extraordinaire de la messe à son programme depuis la rentrée 2009-2010 ? Invoquant la volonté du Pape et le lien étroit entre la Foi de l'Église et son expression liturgique, les autorités du séminaire Saint-Willibrord de Tiltenberg proposent aux prêtres du diocèse et aux séminaristes de quatrième année un atelier de découverte et d'apprentissage de la liturgie extraordinaire. La forme extraordinaire non pas résidente dans les murs du séminaire mais présentée comme possibilité d'enrichissement personnel des séminaristes, ce n'est pas mal du tout...

Un autre exemple d'appropriation du Motu Proprio nous vient du Paraguay, et c'est le plus récent. Le 4 octobre dernier, c'est dans la forme extraordinaire du rite romain qu'un tout nouveau prêtre du diocèse de Ciudad del Este, a choisi de célébrer sa première messe. Le père Martinez fait en effet partie de la première promotion de prêtres issus du séminaire diocésain, fondé en 2006 par l'actuel évêque de Ciudad del Este, Mgr Rogelio Livieres Plano (le diocèse lui-même ne date que de 1983). Dès sa première promotion il compte donc un prêtre (au moins...) dévoué à la liturgie traditionnelle, ce qui prouve que le Motu Proprio y est le bienvenu. Ce que confirme le fait que le prêtre officiant comme diacre à la première messe de l'abbé Martinez n'était autre que le recteur du séminaire en personne, le père Dominic Carey ! Le supérieur d'un jeune séminaire diocésain assistant l'un de ses tout premiers prêtres à célébrer sa première messe selon la forme extraordinaire du rite romain, en voilà un signe d'espérance et une preuve d'unité pastorale et liturgique...

C) Notre conclusion

Ainsi donc, à une incitation pressante « au sommet » (le Souverain Pontife) correspond un fort désir « à la base », c'est-à-dire une demande par une portion non négligeable des séminaristes diocésains d’une formation à la messe traditionnelle. Confrontés à une crise des vocations, dont la gravité est sans aucun précédent dans l’histoire, certains évêques français commencent à réfléchir au fait que s'ils veulent la fin (davantage de vocations), ils doivent alors aussi vouloir les moyens (parmi lesquels la liturgie traditionnelle). Dans cette perspective réaliste et pragmatique, il serait normal que le fragile exemple de l’« année Sainte-Blandine » – pratiquement réduit à une potentialité – s’étende aux années de séminaire qui suivront et aux autres séminaires diocésains français, peut-être en commençant, là aussi, par des années spéciales de propédeutique.

(1) Comme signe concret de la distinction des deux sections de l'année de propédeutique, celle consacrée à la forme extraordinaire s’ouvre dans la maison de la rue Sala où résident les prêtres qui desservent l’église Saint-Georges - église du Vieux Lyon où la liturgie traditionnelle est célébrée depuis des années -, alors que la section « ordinaire » reste intégrée à la Maison Saint-François de Sales de Paray-le-Monial. Les deux propédeutiques sont donc on ne peut plus distinctes, y compris physiquement.

(2) Entretien à Famille chrétienne, février 2010.

(3) Comme le relatait récemment le blog http://www.summorum-pontificum.fr/, un autre séminaire américain intègre la messe en forme extraordinaire dans le calendrier de ses célébrations. Il s'agit du séminaire des Saints Apôtres de Cromwell, dans le Connecticut. Mais il ne s'agit pas d'un séminaire diocésain.

25 octobre 2010

[summorum-pontificum.fr] Trois nouvelles en une

SOURCE - summorum-pontificum.fr - 25 octobre 2010
Ce dimanche, 24 octobre, neuf nouveaux diacres ont été ordonnés chez les Franciscains de l’Immaculée selon les livres liturgiques de l’usus antiquior. Cette information constitue en soi une bonne nouvelle. L’autre bonne nouvelle, de portée plus « politique » (au meilleur sens du terme) est que cette ordination diaconale a été conférée par un responsable de la curie romaine. Enfin, cette deuxième bonne nouvelle est complétée par une troisième : il s’agit d’un des nouveaux cardinaux qui seront créés lors du consistoire du 20 novembre prochain. Son Excellence Mgr Velasio de Paolis, archevêque titulaire de Thelepte est le président de la préfecture des Affaires économiques du Saint-Siège. Agé de 74 ans, c’est aussi un homme de confiance du Pape puisque celui-ci l’a placé à la tête de la congrégation des Légionnaires du Christ, nomination qui fit suite à la visite apostolique que le Saint-Père avait ordonné au sein de cette congrégation d’origine mexicaine fondée par le Père Maciel accusé de plusieurs délits graves en matière de morale sexuelle. On se reportera pour en savoir plus sur ce sujet à notre confrère Osservatore Vaticano.

23 octobre 2010

[Mgr Williamson - Commentaire Eleison] Grotte intérieure

SOURCE - Mgr Williamson, fsspx - Commentaire Eleison - 23 octobre 2010

La visite de Subiaco m'a rappelé un distique en latin qui situe successivement quatre grands fondateurs d'Ordres religieux dans l'histoire de l'Eglise. Outre une vue d'ensemble sur trois quarts de cette histoire, ce distique peut expliquer pourquoi tant d'âmes catholiques aujourd'hui ont l'impression que leur Foi ne tient qu'à un fil.

Voici les vers :
Bernardus valles, colles Benedictus amabat,
Oppida Franciscus, magnas Ignatius urbes.

Bernard aimait les vallées, Benoît les collines,
François les bourgades, Ignace les grandes villes.

En ordre chronologique -  légèrement perturbé ici par les exigences de l'hexamètre latin - St Benoît (480-547) a cherché Dieu dans les montagnes (Subiaco, Monte Cassino); les Cisterciens, galvanisés par St Bernard (1090-1153), sont descendus dans les vallées (notamment Clairvaux); St François d'Assise (1181-1226) a sillonné les petites villes de son temps, alors que St Ignace (1491-1556) a lancé l'apostolat moderne des grandes villes. On pourrait dire que la grande ville moderne s'en est vengée lorsque les Jésuites avec les Dominicains (p.ex. de Lubac et Rahner, S.J., Congar et Schillebeeckx, O.P.) se sont mis à la tête de l'effondrement de Vatican II.

Car en descendant des montagnes pour rejoindre les grandes villes, ne quitte-t-on pas la solitude avec Dieu pour ne finir qu'avec l'homme ?  Ce sont l'industrialisme et l'automobile qui nous ont rendu possible la ville moderne avec sa vie de mollesse, mais ce faisant ils nous fabriquent un environnement de tous les jours qui devient constamment plus artificiel, davantage coupé d'avec la Nature de Dieu. Avec les conforts matériels augmentent les difficultés spirituelles. En effet, la vie dans les grandes villes devient à tel point inhumaine que l'instinct suicidaire inhérent au libéralisme peut à tout moment déclencher la Troisième Guerre mondiale, qui va dévaster la vie des villes et des banlieues telle que nous la connaissons actuellement. Et alors si un catholique n'a pas le moyen de s'enfuir en montagne, comment va-t-il se tenir à l'écart des asiles psychiatriques ?

Il y a une réponse logique. Il doit vivre avec Dieu, à l'intérieur de lui-même, dans une grotte intérieure, en laissant au monde de se rendre fou tout autour. Il doit transformer son cœur en ermitage, et au moins son foyer, s'il le peut, en une espèce de sanctuaire, tout en respectant les besoins naturels de la famille. Cela ne veut pas dire vivre dans un monde irréel à soi, mais dans le monde réel de Dieu au-dedans, autre chose que le monde fantaisiste du Diable dehors, qui nous harcèle actuellement de tous les côtés.

De même l'Eglise conciliaire a fermé des monastères et couvents sans nombre depuis Vatican II, ce qui semble laisser bien moins d'ouvertures pour une âme qui pense entendre un appel intérieur de Dieu. Dieu a-t-il mené cette âme dans un cul-de-sac, ou l'a-t-il laissé tomber ?  Ou bien l'appelle-t-il peut-être à mener une vie religieuse dans son cœur, en transformant en ermitage son petit appartement dans la grande ville, et son bureau sans Dieu dans un champ d'apostolat par le moyen de la prière, la charité et l'exemple ?  N'en doutons pas, notre monde a grand besoin d'âmes catholiques qui rayonnent à l'extérieur leur calme intérieur, leur paix avec Dieu.

Kyrie eleison.

22 octobre 2010

[Paix Liturgique] Vers la célébration de la Messe traditionnelle dans les séminaires diocésains (1)

SOURCE - Paix Liturgique - lettre 253 - 22 octobre 2010

Le Motu Proprio de 2007 consacre une longue et tenace persistance de la liturgie traditionnelle face à la véritable révolution qu’a été la refonte du rite romain par l’équipe Bugnini à la fin des années 60. En même temps, Summorum Pontificum provoque un nouvel élan pour la diffusion de la forme traditionnelle, susceptible d'atteindre d’étonnantes proportions, compte tenu du contexte ecclésial présent.

En effet, tous les indicateurs montrent que l’on se trouve aujourd’hui, et ce alors que le mouvement de dépression du catholicisme occidental s’aggrave, dans une phase favorable à une « reprise » aussi bien des formes traditionnelles de la liturgie que de tout ce qui leur correspond du point de vue du catéchisme, du type des vocations, etc. Il apparaît clairement, 40 ans après la réforme liturgique, que celle-ci n’a pas, c’est le moins qu’on puisse dire, produit les fruits escomptés.

De cette reprise, les prêtres sont par nature les principaux acteurs.

Le Motu Proprio, analysé sous l’aspect des ministres de la célébration de la messe traditionnelle – dite forme extraordinaire du rite romain – évoque deux cas de figure que l’on pourrait qualifier, si l’on veut bien nous pardonner ces appellations à consonance médicale, de « ministres spécialistes » et de « ministres généralistes », distinction permettant de mieux réfléchir aux évolutions qui se dessinent.

A - Les « ministres spécialistes » de la forme extraordinaire : une nécessaire existence

Après la radicale réforme de 1969, un certain nombre de prêtres de paroisses ont continué à célébrer la messe traditionnelle. Ensuite, d’abord à Ecône pour la Fraternité Saint Pie X puis, à partir du Motu Proprio de 1988, dans d’autres communautés de même visée mais canoniquement reconnues, ont commencé à être formés des prêtres voués exclusivement (ou très majoritairement) à la célébration selon l’usus antiquior.

Le Motu Proprio de 1988 qui jette les bases de l’encadrement de ces diverses communautés (de celles déjà reconnues et, peut-être bientôt, de la Fraternité Saint Pie X), et le Motu Proprio de 2007 qui affirme la possibilité de paroisses personnelles vouées à la forme traditionnelle de la liturgie romaine, consacrent l’existence de prêtres directement préparés et formés pour répondre à une demande pastorale qui n’a cessé de croître.

Allant crescendo, on pourrait dire que l’existence de fidèles de rite tridentin a rendu nécessaire la formation de prêtres de rite tridentin, et que l’existence de prêtres tridentins appelle logiquement l’émergence d’évêques de rite tridentin. Canoniquement, ce fut le cas avec l’érection officielle de l’administration apostolique sise dans le diocèse de Campos, au Brésil. Ce sera le cas, dans des délais aujourd’hui difficiles à déterminer, lors de la reconnaissance canonique de la Fraternité Saint Pie X. Cela pourrait aussi prendre la forme de nominations d’« évêques Ecclesia Dei », laquelle avait été évoquée très sérieusement dans divers projets canoniques élaborés autour des cardinaux Ratzinger et Castrillón à la fin du pontificat de Jean-Paul II.

Ce clergé spécialisé est à certains égards un clergé de suppléance, compte tenu de la résistance active et passive des cadres « conciliaires » à accepter un retour aux formes liturgiques anciennes au sein de la vie normale des diocèses. Mais la configuration canonique adoptée par les communautés qui rassemblent ce clergé (communautés de vie commune sans vœux) lui donne une spécificité qui lui permettra assurément de durer, même si – on n’en est pas encore là ! – le clergé « généraliste » adoptait massivement la célébration de la forme extraordinaire et les autres services pastoraux que cette forme appelle naturellement (catéchisme, aumôneries scolaires, mouvements de jeunesses, etc.) Certes, du fait de cette « spécialisation », on peut du coup craindre une certaine ghettoïsation des groupes desservis et communautés desservantes. Mais ces communautés de prêtres représentent au sein d’une crise des vocations sans exemple dans le passé, des réservoirs sacerdotaux remarquables, engendrés par, et engendrant un catholicisme jeune et fécond, qui est devenu une composante dont on ne pourra pas se passer dans la perspective d’un « rebond » possible du catholicisme en notre pays.

B - Les « ministres généralistes » pratiquant aussi la forme extraordinaire : une inéluctable croissance

Car si le Motu Proprio Summorum Pontificum évoque la création de paroisses personnelles, sa visée propre est, on le sait, la célébration de la forme extraordinaire dans les paroisses territoriales des diocèses. Le droit commun du Motu Proprio concerne la coexistence des deux formes du rite dans les paroisses, avec pour effet escompté leur « enrichissement » mutuel (c'est-à-dire, essentiellement et très concrètement, l’« enrichissement » de la forme la plus pauvre héritée de la réforme de Bugnini sous Paul VI).

On ne reviendra pas ici sur le bilan de trois ans d’application du Motu Proprio, sinon pour remarquer que le fait le plus prometteur pour l’avenir est la constitution dans les diocèses d’un véritable « clergé Motu Proprio » bi-formaliste : prêtres nombreux apprenant à dire la messe traditionnelle, même s’ils ne la célèbrent pas encore le dimanche ; séminaristes déclarant vouloir apprendre à la célébrer et ensuite la dire.

Le schéma logique en crescendo (le peuple appelle des chefs) évoqué plus haut pour les « ministres spécialistes » pourrait être ici inversé, pour les « ministres généralistes », en schéma decrescendo (les chefs suivent la tendance du peuple), tout aussi inéluctable que le précédent, et même beaucoup plus encore.

1°/ Les évêques diocésains :

Bien que le Motu Proprio concerne au premier chef les curés de paroisses, auxquels s’adressent des groupes stables de fidèles leur demandant la célébration de la messe traditionnelle, requêtes auxquelles ils peuvent accéder sans avoir à demander à qui que ce soit une permission, il est clair que l’attitude de l’évêque du lieu, favorable ou hostile à la diffusion de cette célébration dans son diocèse, est toujours d’un grand poids.

D’autant que, depuis le dernier concile – un concile « épiscopalien », a-t-on dit – et depuis le nouveau Code de Droit canonique, le statut des curés de paroisse est beaucoup moins favorable par rapport à ce qu’il était traditionnellement : les curés ont perdu, de fait, leur inamovibilité, et peuvent être bien plus facilement mutés ou révoqués par leur évêque. Il est donc rare, de fait, qu’un prêtre prenne l’initiative – pourtant parfaitement légale, et qui ne nécessite aucune permission supérieure – de dire la messe traditionnelle au titre de messe paroissiale sans en référer aux autorités diocésaines.

Lesquelles, comme on sait, sont loin d’être toujours favorables, même si elles peuvent de moins en moins ignorer l’importance, au moins morale, de la demande.

2°/ Les curés et les prêtres diocésains :

Qu’ils soient ou non encouragés par leurs évêques, le mouvement général amorcé par le Motu Proprio fait que le nombre des célébrants de la forme extraordinaire va et ira croissant dans les diocèses. Si tous les prêtres qui, depuis trois ans, ont appris à dire la messe en forme extraordinaire, la célébraient le dimanche dans leur paroisse, le nombre de ces messes serait d’un coup multiplié par 30 au minimum.

Cette célébration qui ne peut donc que croître dans les années qui viennent, provoque déjà « l’enrichissement » de la forme ordinaire usitée par ces mêmes prêtres, tant dans la manière qu’ils ont désormais de célébrer cette dernière que dans les choix qu’ils font au sein des multiples options qu’elle propose (première prière eucharistique, usage large du latin, etc.), ce qui devrait logiquement, dans un certain nombre de paroisses, rapprocher progressivement la forme ordinaire de la forme extraordinaire qui y est célébrée.

3°/ Les séminaristes diocésains :

En bout (et en bas) de la chaîne, sont les séminaristes, bien plus fragiles encore que le curés. Certes, les « années de plomb » sont théoriquement derrière nous. Mais tout le monde sait que les séminaristes diocésains sont particulièrement surveillés du point de vue idéologique. Les plus progressistes ont aujourd’hui largement disparu, mais il faut savoir et il est très important de faire savoir que les plus traditionnels sont toujours écartés de la voie diocésaine, parfois alors qu’ils sont très avancés dans leur cursus de vocation. Il ne faut pas craindre d’affirmer que c’est un véritable scandale : aujourd’hui encore, en un contexte de pénurie catastrophique de vocations, le nombre des candidats mis sur la touche pour avoir un profil trop traditionnel reste impressionnant. Quand on refera l’histoire des séminaires de l’après-Concile, on notera non seulement l’effondrement inouï du nombre des séminaristes – tout le contraire, est-il besoin de le souligner, de ce que l’on pouvait attendre en suite d’un concile réformateur –, mais aussi le gâchis continuel depuis 40 ans, parmi les vocations restantes, des séminaristes non conformes, par épurations individuelles ou au moyen de renvois par fournées entières, y compris en pleine époque Benoît XVI. Il n’y a plus de vocations, dit-on. Peut-être, mais la vérité est qu’on en décourage de nombreuses, toutes celles considérées comme dérangeantes quand elles sont repérées comme telles.

Nous poursuivrons cette étude dans notre prochaine lettre qui paraîtra mardi 26 octobre.

21 octobre 2010

[liberation-champagne.fr] Trompes de chasse et messe en latin à Saint-Rémi

SOURCE - liberation-champagne.fr - 21 octobre 2010

Ils étaient une cinquantaine voilà une dizaine d'années. Actuellement, chaque dimanche matin, lors de la messe célébrée à 10 h 30 en l'église Saint-Rémi à Troyes, une centaine de fidèles sont réunis pour l'office. Et le 7 novembre prochain, lors de la messe de la Saint-Hubert, ils seront sans doute encore plus nombreux pour suivre la célébration et pour écouter les sonneurs, autrement dit les trompes de chasse.

Qui sont-ils ? Ce sont les fidèles du chapitre Saint-Loup, une association réunissant des fidèles du Saint-Siège et de Benoît XVI, la plupart impliqués dans les différents services diocésains, mais aussi très attachés à la célébration de la messe selon le rite de saint Pie V, la messe dite tridentine. Une messe célébrée en latin longtemps marginalisée. « Lorsque la célébration d'une telle messe a été autorisée en 1993 par monseigneur Daucourt [alors évêque de Troyes, ndlr], elle réunissait surtout des personnes opposées au concile Vatican II. Car le nouveau rite était inséparable du nouveau concile », rappelle Jean-Pierre Moreau, l'une des chevilles ouvrières du chapitre Saint-Loup.

Aucune division

Célébrée dans un premier temps à Macey, cette messe a ensuite été relocalisée dans la chapelle du monastère de la Visitation à Troyes, puis en la chapelle Saint-Joseph, enfin en l'église Saint-Rémi à Troyes. Dans une lettre apostolique datée de 2007, le pape souligne qu'il est permis de célébrer la messe selon deux formules : le rite de Paul VI (Vatican II) et le rite plus ancien de saint Pie V, réédité par Jean XXIII, les deux n'induisant « aucune division de l'Église » et représentant « deux mises en œuvre de l'unique rite romain ».
Lorsque le motu proprio de Benoît XVI a été publié en 1997, monseigneur Marc Stenger a autorisé la célébration d'une telle messe chaque dimanche. Au-delà de l'office du matin, l'évêque de Troyes a autorisé le Salut au Saint-Sacrement, le dimanche, à 17 h. Et toujours en l'église Saint-Rémi.

Auteur : J.-F. L.

20 octobre 2010

[Slobodan Despot] La machine à remonter le temps

SOURCE - Slobodan Despot - 20 octobre 2010

Le séminaire d’Ecône, capitale de l’antimodernité. Ou pas?

On voit d'abord le clocher, au loin. Un clocher simple, carré, sans façons. Puis le fronton de l’église qui pourrait, moyennant un peu de grâce, être romane. Bâtie dans le même schiste que les ouvrages de génie civil ou les cabanes alpines d’il y a cinquante ou cent ans. De gigantesques pylônes électriques la ceinturent, implantés tout autour, dans les  vignes, tels les miradors d’un camp.

Il vaut la peine de traverser les vergers, depuis Fully ou Leytron, à pied ou à vélo, pour se préparer, dans le ressac de l’autoroute et le hurlement du vent, à entrer dans ce lieu de silence. Au bout de la promenade, il vous faut encore passer sous les fourches Caudines d’une de ces conduites à haute tension qui vous emplissent la tête de grésillements. Cet incommode portail achève de vous convaincre que le lieu où l'on  pénètre n'est pas un lieu ordinaire.

Austérités

Les schismes sont toujours empreints de tragédie et de grandeur. Le séminaire d’Ecône, comme jadis le palais d’Avignon, est entré dans l’histoire. Il aura suffi d'un évêque et de quelques disciples pour implanter cette écharde du refus dans le flanc d'une institution qui ne recherche rien tant que l'unité et l'ordre. Le nombre n'y fait rien. La chose n'est pas sans précédent. Athanase d’Alexandrie n’eut-il pas raison, à lui tout seul, contre l'ensemble de l'Eglise contaminée par l'hérésie arianiste, au IVe siècle? Il n’empêche: quoi de plus moderne que la désobéissance? Que la citadelle traditionaliste soit imbriquée dans l’imposant réseau électrique alpin, symbole même du progrès, n’est pas la moindre ironie ici. A moins que ce ne soit un signe?

L'église d'Ecône, lorsqu'on y pénètre, vous soulage tout à fait de ce monde haletant. Le transept et la nef sont vastes. Les solides voûtes cintrées rassurent. Tout cela est flambant neuf, mais conçu pour durer. Ce temple consacré au Cœur immaculé de Marie témoigne d’une volonté d'arrêter le temps, de le faire reculer vers une époque où, selon les bâtisseurs de ce lieu, l'Eglise était dans le droit chemin. Seule anomalie dans cette reconstitution historique: les murs sont entièrement blancs. On se croirait par moments dans un temple protestant. Comment ressusciter la tradition vivante de l'Eglise catholique sans sa peinture? Sans se rappeler Michel-Ange — mais peut-être était-il déjà hérétique? —, sans recopier Giotto et Piero della Francesca? La Fraternité Saint-Pie-X n'a sans doute pas le temps de s'occuper de cela. La Fraternité est en guerre: on n'orne pas les casernes. Même le chemin de croix, sur les murs de la nef, en est réduit à sa plus simple expression : des chiffres romains gravés sur de simples croix de bois. L'austérité est impressionnante. On se croirait à Montségur, chez les cathares, qui préférèrent périr par le feu que d'admettre que ce monde n'était pas entièrement mauvais.

La fidélité aux idées, au mépris de tout opportunisme, a trouvé ici son monument. Le lieu est profondément émouvant. Il est comme une branche détachée d'un grand fleuve qui s’acharne à faire son chemin dans une terre aride. Alors que le lit principal du même fleuve, tout en charriant des tonnes de boue, a connu des passages exubérants: la théologie de la libération, les prêtres loubards, les chansons de Sœur Sourire et de sa guitare, les flirts en tout genre, avec les jeunes, le communisme, l'américanisation, et même avec les orthodoxes. Là-bas, dispersion et détente; ici, mémoire et concentration.

En attendant la tempête

Quelle serait, entre les deux, la voie de l’Evangile? Le Christ n'était pas venu, me semble-t-il, pour inculper la joie ni pour faire marcher au pas ses disciples. Il était venu pour les faire ressembler aux fleurs des champs. Peut-être l'Eglise dite "conciliaire", celle de Vatican II, là où tout le mal a commencé selon Mgr Lefebvre, s'est elle noyée dans les délicieux remous de la modernité. Mais peut-être a-t-elle failli, dans cette aventure, comprendre que le christianisme n'était ni une morale ni une discipline, mais une poésie. Quoi qu’il en soit, les moutons du troupeau des fidèles sont devenus des colombes, et ces colombes se sont dispersées au vent. Elles ne reviennent que quand cela leur chante, et uniquement pour chanter. Dans l'intervalle, Sœur Sourire s'est suicidée. Le pape actuel freine des quatre fers les réformes de ses prédécesseurs et semble tacitement se rallier aux critiques traditionalistes. Car, à l'heure où la déchristianisation s'avance en même temps que l'islam et la globalisation, les vols de colombes ne servent à rien. Il faut des soldats. L’armée de la Fraternité n'est pas nombreuse, se dit-on peut-être ici, mais étaient-ils nombreux, ces Spartiates qui bloquèrent l’armée perse aux Thermopyles?

Les habitants de ce lieu s'entêtent à faire vivre des vertus austères que l'on s'emploie à éteindre. Dont on ne connaît même plus le nom. Savez-vous, par exemple, ce qu'est la longanimité?… L’effort est admirable. Et tout à fait dénué de poésie.

J'ai, parmi mes amis, quelques traditionalistes avec qui j’adore me quereller. Nous retournons à nos duels philosophiques, parfois féroces, comme de vieux joueurs d'échecs reprennent leur partie à heures fixes, en se frottant les mains. J’admire la netteté de leurs convictions. En ce lieu, on croit encore que notre destin ne s'accomplit pas dans notre bon plaisir mais dans le devoir. Qu’on est formé par l’histoire qui nous précède. Que la vie n'est pas qu'un butinage sensuel sur des fleurs qui se font de plus en plus rares. Des idées, réprouvées aujourd’hui, qui furent pourtant à la base de cette civilisation. Etait-elle plus chrétienne pour autant? Je n’ai pas de réponse. Mais j’apprécie qu’on vienne soulever la question.

La nef d’Econe n’est pas faite pour la plaisance, mais pour le gros temps. Elle semble se morfondre en eaux calmes. Et si c’était le dernier rempart de la tragédie en Occident?

(Le Nouvelliste, 02.10.2010)

17 octobre 2010

[Athanase - leforumcatholique.org] Transcription de la conférence de M. l'abbé Barthe donnée au Centre Sain-Paul, mardi 12 octobre 2010

SOURCE - Athanase - leforumcatholique.org - 17 octobre 2010

Très clairement, M. l’abbé BARTHE a rappelé que la réforme de la réforme visait à un infléchissement et non une application de la reforme liturgique. Il s’agit du rapprochement du NOM avec l’usus antiquor. Il a d’abord rappelé la nécessité de ne pas perdre de vue l’état du Catholicisme français. Diocèses morts ou quasi morts. L’état du catéchisme est également catastrophique. Baisse de la pratique générale. Situation décourageante. Il y a de faibles assemblées paroissiales. Bref, c’est un effondrement. On note aussi un faible taux de vocations. Moins de séminaristes diocésains. Les autres aires du catholicisme non traditionaliste connaissent un succès : communautés traditionnelles, charismatiques, semi traditionnelles ou classiques. Présentation plus identitaire du clergé qui éprouve un retour liturgique. Nous vivons une époque de transition. La situation est semblable à celle de Jean XXIII, mais inversée. Alors qu’avec ce dernier on est passé de Pie XII à Paul VI, on serait dans une sorte de transition entre Jean-Paul II et Pie XIII ( !).

L’abbé BARTHE a rappelé que traditionnellement l’Eglise a toujours pratiqué la réforme. Ce terme a aussi un sens classique.

Concernant la critique de la réforme liturgique, il a rappelé deux critiques se sont affrontés. Une critique radicale, la critique « lefebvriste » qui a voulu opposer au missel de Paul VI le missel tridentin. Mais il existe aussi une critique réformiste caractérisée par le Cardinal RATZINGER. La diffusion du missel traditionnel va progresser, mais pas d'un coup de baguette magique. Actes de la reforme de la reforme sont peut-être moins importants que la messe traditionnelle. Difficultés qu’un évêque fasse comme le pape. La réforme de la réforme est plus difficile que la célébration du missel de Saint pie V. Ce sont les curés qui font la réforme de la réforme. Il a souligné quelques gestes. La communion dans la main n’est pas seulement permise, mais c'est la loi ! Il faut d’ailleurs s’entendre sur le terme de reforme. L’Eglise est toujours à réformer. Elle faiblit quand elle ne le fait pas. Par définition, l’Eglise s’est toujours adaptée à ceux auxquels Elle s’est adressée. Son message doit être entendu. Le mouvement d’inculturation dont nous sommes les enfants est ancien et complexe. Elle a happé une culture pour la transformer. Il en est ressorti une diversité liturgique. Les perspectives ont changé avec l’apparition de la culture moderne. Cette culture n’a rien à voir avec les cultures anciennes. C est une anti culture. Adapter, dans ce cadre revient à affadir. La liturgie des années 70 est une noyade dans la modernité.

Dans le Mouvement liturgique, il y avait les modernisateurs et les mainteneurs. Mais ces derniers voulaient aussi expliquer. L’aspect réformateur existe dans les communautés traditionnelles. Le rite traditionnel a été redécouvert. L’abbé a rappelé la différence entre les célébrations traditionnelles actuelles et celles antérieures au Concile (célébrations rapides !...). Il y a un aspect réformateur dans le maintien du rite ancien. Recréation du rite dans les communautés traditionnelles. Des clercs ont été formés à son usage, ce qui est inédit dans l’histoire de l’Église. Même s’il y a eu une critique frontale, une autre critique réformiste a été crée. État du Catholicisme est trop faible pour qu'on s ignore.

Genèse de la reforme de la reforme

C’est une mutation formidable, un tremblement de terre qui eut lieu dans les années 1960. Avant Vatican II, il y a eu des concélébrations. Le développement des concélébrations a entraîné une volonté de moderniser. On est passé à l’obligation célébrer face au peuple. « Messe à l'envers ». Mais à partir des années 1964, 1965, 1966 et 1967, les choses vont profondément basculé. C’est encore le rite de la messe traditionnel, mais on est déjà dans la messe de 1969. Les abus existaient avant 1969 avec toutes les aberrations connues et dénoncées. Des traductions personnelles ont été utilisées. Pour autant, ceux qui ont gardé le missel de Saint Pie V ont, dans un premier temps, utilisé les rubriques de 1965 (simplification des prières au bas de l’autel, etc.). Ce fut, par exemple, le cas à Ecône jusqu'en 1974. Il y eut une opposition frontale au NOM. Itinéraires a cristallisé tout une opposition en réunissant des plumes : SALLERON, etc. Refus exprimé par le Bref examen critique du 21 octobre 1969. Positions intermédiaires comme celle de l’abbé de Nantes. Il préconise l assistance au NOM, tout en l’ayant critiqué. Dom PROU et SOLESMES n’ont pas rejoint l’opposition. La première réunion du Coetus s’est tenue à Solesmes. L’opposition à la réforme est assez surprenante. Tel curé, moins traditionnel que son voisin, a pu refuser la reforme.

En 1966, un ancien expert au Concile, Joseph RATZINGER a prononcé au Katholitentag un discours célèbre sur le Catholicisme a près le concile. La critique de la reforme est en gestation. Opposition de Louis BOUYER. Il avait participe a la réforme. Il attaque plus la mise en application que la réforme. Mais en réalité, le masque cache le visage. La réforme contenait elle-même cette application. Le RP BOUYER a été mis sous le boisseau. La modification de l’orientation de l’autel le touchait. Jamais la messe, avant les expériences, n’a été célébrée face au peuple. Invention luthérienne puis du Catholicisme des lumières. Ligugé et Kergonan ont accepté juridiquement la réforme, mais en latin et avec chant grégorien. Fontgombault, Triors gardent la messe traditionnelle jusque en 1974. Puis réutilisation du missel traditionnel à partir de 1988.

D’autres communautés comme Saint Martin ont fait un choix prudentiel : adoption du Missel de Paul VI, mais dans une optique traditionnelle. Interprétation traditionnalisante. Ligne également de l abbé GITON, fidèle a Mgr CHARLES. Héritier du mouvement liturgique, assez proche de la ligne suivie par Solesmes après le Concile. Traditionalisation de la liturgie a amené des vocations. L’abbé cite le Cérémonial a l usage des paroisses. Il souligne les nombreux trous de la liturgie actuelle. Comment encenser ? Rien n est dit. Communion a genoux rétablie dans ces pratiques traditionnelles. Le phénomène « Ratzinger » (Entretiens sur la foi, etc.) y a été pour beaucoup. En fait, il y a eu un très long pré pontificat. Dans cette charge, il a restauré sans remettre en cause le concile. Il a vécu 1969 comme une révolution. Il est chargé en fait de ces questions. En 1982, il a organisé une réunion sur le statut de la liturgie traditionnelle (peut on la célébrer ?) et sur la question « lefebvriste ». Les cardinaux BAGGIO, ODDI et GAGNON ( ?) ont unanimement reconnu que la messe traditionnelle peut être célébrée. Soit 25 ans avant 2007 ! Messe tridentine/Fsspx : tout a marché ensemble. Extension de la messe traditionnelle : Indult de 84, puis visite canonique du Cardinal GAGNON, discussions doctrinales, puis sacres de 1988 et Motu proprio de la même année.

Le travail du Cardinal RATZINGER a encouragé toute une génération. L’abbé BARTHE a cité des cauteurs comme ( ?) ou comme Alcuin REID qui a écrit sur le développement de la liturgie. On peut en citer plusieurs : Pete UWE-LANG ; Mgr BUX enseigne à Bari, il est consulteur a Rome. Enfin, on soulignera le bouquin de Mgr AILLET. Certains voulaient reformer le rite tridentin. Mgr Schneider qui a écrit contre la communion dans la main prévoit aussi enrichissement de la forme extraordinaire. Enfin, Martin MOSEBACH a fait des propositions. La messe a l envers.

Propositions concrètes:

1) usage de la langue latine ;
2) communion sur les lèvres ;
3) canon romain foi dans le sacrifice ;
4) orientation vers le Seigneur. Ce point unanimement souhaité, mais c’est le plus difficile à faire.

5) offertoire traditionnel. Depuis 1969, beaucoup de prêtres utilisent l’offertoire traditionnel. Rien n’exclut qu’une coutume soit en formation. Certes, une coutume a besoin de deux siècles pour exister. Ces prières sont des gloses des canons, des apologies.

Présence de la forme traditionnelle est riche. Beaucoup célèbrent l'une et l'autre. La réforme de la réforme est une rectification, pas une interprétation. Retournement de l autel peut être pratiqué, mais au niveau diocésain, c’est plus dur. Pourtant, cela pourrait avoir des effets si un évêque faisait comme le pape. Ce milieu vital s étendrait.

[Angelus - DICI] Entretien avec l’abbé Niklaus Pfluger : « Le retour à la Tradition est inéluctable »

SOURCE - The Angelus - version française: DICI - octobre 2010

Entretien avec l’abbé Niklaus Pfluger, 1er assistant général de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, paru dans la revue du district des Etats-Unis, The Angelus (octobre 2010)


The Angelus : En tant que premier assistant du Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, vous avez l’occasion de voyager beaucoup. Comment se répartit votre emploi du temps entre vos déplacements et vos séjours à la Maison générale en Suisse ?

Abbé Niklaus Pfluger : En réalité, les deux assistants du Supérieur général se trouvent le plus souvent sur la route. Depuis le Chapitre général de 2006, il nous a fallu faire connaissance avec les prêtres, leurs prieurés et les différentes communautés dans le monde entier. Ces dernières années, nous nous sommes absentés de la Maison générale environ les deux tiers du temps. Par exemple, en 2008, l’abbé Alain-Marc Nély et moi, nous avons séjourné à Menzingen durant respectivement 111 et 112 jours.

Combien de retraites prêchez-vous par an ?

Entre six et huit retraites chaque année. En 2010, il y en aura même neuf. Quatre retraites ont eu lieu en Angleterre, au Canada, aux Etats-Unis et au Mexique. J’en prêcherai une autre en France pour une communauté de prêtres amie de la Fraternité. Les quatre restantes sont pour les religieuses : carmélites, bénédictines et oblates de la Fraternité.

Avez-vous le sentiment que la Fraternité Saint-Pie X se développe ?

En nombre, c’est certain. L’apostolat dans les écoles ainsi que les missions sont en croissance mondiale, et il faut y ajouter l’apostolat par les publications et par la catéchèse sur Internet. Dans certaines régions, le nombre de fidèles augmente : aux Etats-Unis, en France, en Italie, en Pologne, en Asie et en Afrique. Dans ces deux dernières, le nombre d’ordinations a même été au-dessus de la moyenne. En fin de compte, de nouvelles maisons sont ouvertes tous les ans, ce qui implique bien une augmentation de l’activité pastorale.

Une grande part de cet accroissement provient des familles, c’est-à-dire des enfants et des jeunes qui en sont issus. Egalement, depuis le Motu proprio Summorum Pontificum en 2007, de nombreux catholiques ont quitté le Novus Ordo pour la Tradition et la messe tridentine. Cette particularité m’a frappé aux Etats-Unis où j’ai pu visiter plusieurs chapelles, en août. Il y a aussi des prêtres isolés qui ont abandonné la célébration de la nouvelle messe pour travailler avec nous.

La désaffection qui résulte de la crise au sein de l’Eglise et de la société augmente chaque année. Il y a ainsi un plus grand champ d’action dans lequel la Fraternité peut œuvrer et, par conséquent, nous avons besoin d’un plus grand nombre de vocations sacerdotales et religieuses, surtout dans les pays de mission.

Et pensez-vous que le rayonnement de la Fraternité Saint-Pie X augmente de la même façon ?

C’est un aspect de notre développement tout à fait différent mais il est certain que l’influence de la Fraternité sur l’Eglise universelle augmente régulièrement. Et ce n’est pas seulement le cas de beaucoup de ces jeunes prêtres conservateurs qui ont commencé à célébrer la messe tridentine dans le monde entier. Pour eux, la Fraternité représente un espoir réel et une référence stable au sein du chaos théologique et pastoral actuel.

Les discussions théologiques avec Rome indiquent que, quelle qu’en soit la raison, nous sommes pris au sérieux par le pape. Il y a cinq ans, il aurait été impensable de mettre en question le Concile. Aujourd’hui, Rome fait marche arrière et tente de fournir une nouvelle interprétation dans le but de le sauver. Ce qui était incontesté dans le passé doit désormais être justifié : le Concile et ses prétendus fruits. C’est nouveau. Sans la Fraternité Saint-Pie X, c’était impensable jusqu’à récemment. La Fraternité a toujours été une pierre d’achoppement, mais désormais nous devons être pris au sérieux et il n’est plus possible de nous ignorer.

Les événements des derniers mois, et surtout de l’année passée en Europe, nous le démontrent. De temps en temps, certains évêques modernistes donnent l’impression qu’ils nous haïssent, nous et la Tradition. Cela veut dire que l’on doit leur faire peur. Que parfois les médias nous attaquent violemment – je pense à l’émission télévisée « Les Infiltrés » en France ou à la campagne de presse de 2009 – montre qu’ils ne peuvent plus ignorer la Tradition, qu’ils sont plutôt obligés de nous prendre au sérieux.

Enfin, bien qu’on n’en parle pas d’habitude, il y a beaucoup de membres de la Fraternité autour du monde, des religieux et des laïcs, qui avancent avec la grâce de Dieu dans la voie de la sainteté. C’est là un présent particulier de Dieu à notre époque.

Quelles sont les tâches les plus difficiles pour la Fraternité Saint-Pie X ?

La persévérance. Maintenir l’esprit de force et de persévérance. Les menaces principales ne proviennent pas de l’extérieur mais de nous-mêmes. La crise continue et elle devient plus violente. Il y a un effet d’usure. Il en résulte un double risque : vous perdez du courage et de l’espoir, la résignation et le défaitisme s’installent, les gens perdent leur élan et leur motivation et aussi peut-être la ferveur des premiers temps. En conséquence, vous entendez parfois s’exprimer des sentiments tels que : « Vous ne pouvez rien faire ».

Ou, ce qui est encore pire, vous essayez d’ajuster la vérité et de l’aligner ; vous voulez faire la paix à tout prix et vous vous contentez de compromis. Il est donc important de prendre conscience de notre devoir – aussi bien les laïcs que les prêtres –, et il est nécessaire que nous redécouvrions l’enthousiasme et l’esprit de foi des débuts de la Fraternité et de son fondateur. Nous sommes une œuvre d’Eglise ! Nous ne sommes pas seulement en train de sauver la messe et la foi pour nous-mêmes, nous avons une tâche dans l’Eglise et pour l’Eglise. Nous sommes missionnaires ; la situation critique de l’Eglise et des âmes ne peut pas nous laisser indifférents.

Certains soupçonnent la Fraternité Saint-Pie X d’aller vers un compromis avec Rome. Savez- vous ce qui a pu entretenir une telle crainte ?

Ce sont des craintes sans aucun fondement. Ce sont surtout des plaintes provenant de personnes de l’extérieur qui pensent pouvoir juger des questions internes à la Fraternité.

Ces craintes ne proviennent pas d’un esprit de foi. Les auteurs de telles allégations – surtout des personnes proches des idées sédévacantistes – ne veulent pas admettre que quelque chose a changé. Ou bien alors, ils ont simplement une mauvaise vision de la solution à cette terrible crise de la foi. Ils pensent que l’Eglise moderne redeviendra catholique du jour au lendemain ; c’est l’illusion selon laquelle on s’endort moderniste et que l’on se réveille catholique. Comme si c’était si facile ! Le retour vers l’orthodoxie, une vraie réforme, est un chemin long et ardu. Il a fallu des décennies avant que les décrets du Concile de Trente soient appliqués dans une certaine mesure. Les régions qui se sont tournées vers l’arianisme, aussi bien en Orient qu’en Occident, ont mis un temps certain à redevenir catholiques.

Nous ne faisons pas de compromis. Mgr Fellay n’a ni plan, ni stratégie, ni politique secrète concernant les vérités de foi lorsqu’il traite avec Rome. Nous devons répondre à une nouvelle situation. Nous devons dire à cette « église conciliaire » : « Arrêtez ! Vous ne pouvez pas continuer ainsi. Il y a un grand problème au sein de l’Eglise. Le Concile est la raison de cette apostasie et non la solution à la crise ». Certains veulent se retirer dans une sorte de ghetto en attendant que la crise passe. C’est un signe de faiblesse de la foi, ce n’est pas la position catholique. Comme nous le dit Notre Seigneur dans son Sermon sur la montagne, la lumière doit être placée sur le chandelier et non cachée sous un boisseau.

En réalité, seule une petite minorité de prêtres et de fidèles a peur. La grande majorité a confiance dans les autorités de la Fraternité et du Supérieur général. Au début du mois de juillet, tous les supérieurs de la Fraternité se sont réunis à Ecône, pendant quelques jours. Grâce à Dieu, nous avons eu la joie de constater notre unité profonde sur les questions essentielles, ce qui n’est pas si facile dans les moments troubles que nous vivons.

On accuse souvent la Fraternité Saint-Pie X d’être « fondamentaliste ». Que répondez-vous à cela ?

Le problème n’est pas le fondamentalisme en lui-même, mais plutôt de quelle source il tire ses principes et dans quelle direction il va. Un musulman fondamentaliste est, bien entendu, un problème puisque nous devons craindre des actes terroristes. Un chrétien fondamentaliste n’est pas, en lui-même, un problème car notre religion est une religion d’amour.

Alors, si nous sommes traités de « fondamentalistes », cela veut dire que le monde moderne, c’est-à-dire le libéralisme, s’est détourné de Dieu et qu’il trouve ses principes et ses valeurs en lui-même. C’est principalement pour cette raison que le monde se détourne de la chrétienté, qu’il la combat ou – au mieux – ne la comprend pas. Il appelle « fondamentaliste » ce qui est simplement fondamental et radical.

Lorsqu’un chrétien quitte son fondement radical, qui est le Christ, il ne devient pas comme un fondamentaliste musulman, mais plutôt comme le sel qui a perdu sa saveur. Nombre de catholiques modernes sont le meilleur exemple de cette « chrétienté qui a perdu ses principes ». Le monde d’aujourd’hui n’a nul besoin de les combattre et ils ne seront pas persécutés. Ils se détachent de leur foi comme les feuilles mortes tombent de l’arbre. C’est tout le contraire de ces chrétiens missionnaires et convaincus qui font la fierté de l’Eglise. Nous les appelons martyrs, car ils ont témoigné de leur foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Quelle est la meilleure façon pour la Fraternité de réagir dans un monde hostile à la foi catholique?

Le Christ lui-même nous l’enseigne : « Vous êtes dans le monde, mais vous n’êtes pas du monde ». Il y a une tension, mais cette tension est aussi la solution. Les Apôtres l’ont compris. Parce que leur foi était encore faible, ils n’ont pas été capables de supporter la haine du monde contre leur Maître, sa Passion et sa Croix. Par peur des Juifs, ils se sont enfermés à double tour. Mais après Pâques et la Pentecôte, leur foi en Notre Seigneur était inébranlable ; ils sont allés vers le monde et Pierre, le premier pape, a converti 3.000 Juifs et païens lors d’un seul sermon. Saint Jean résume cette expérience de la foi capable de déplacer des montagnes par cette sentence : « Tout ce qui est né de Dieu surmonte le monde. Et ce qui nous fait remporter la victoire sur le monde, c’est notre foi ».

La Fraternité Saint-Pie X doit faire ce que l’Eglise a toujours fait jusqu’au Concile Vatican II : aller dans le monde entier, prêcher et baptiser. De surcroît, nous ne devons craindre ni le monde, ni les juifs, ni les médias. Sodome et Gomorrhe ne sont pas une invention du lobby homosexuel du XXe siècle, nous les retrouvons dans l’Ancien Testament. Vous croyez réellement que les temps étaient plus faciles il y a 2000 ans ? Dieu n’a pas sauvé le monde avec les ressources du monde, mais avec une mangeoire et une croix. Saint Benoît n’a pas incendié Rome, mais il a renouvelé le monde chrétien avec sa devise Ora et labora. C’est une sottise que de vouloir convertir le monde avec l’intelligence humaine, ses astuces et ses arguments rusés. Nous devons enfin comprendre – et croire ! – qu’il n’existe pas d’autres moyens pour sauver ce monde maléfique, rempli de vices et de mensonges, que la foi en Jésus-Christ. C’est là notre force ! Et si nous ne sommes pas assez forts, c’est que notre foi ne l’est pas assez !

Voyez-vous des signes qui indiqueraient que Rome cherche une sorte de restauration ?

Que voulez-vous dire par « Rome » ? Le pape, la curie, les cardinaux, certains prélats ? C’est difficile à dire. Déjà, une distinction s’impose. Nous pouvons avoir un jugement de l’extérieur et nous voyons des signes évidents : la libéralisation de la messe tridentine, le retrait de ce décret d’excommunication de 1988 qui était ridicule, la volonté du pape de discuter des questions théologiques avec nous. Tout ceci n’est pas parfait, mais c’est là et c’est réel.

Même si vous essayez – et il ne faudrait jamais le faire – de présumer certaines intentions du pape, c’est ce qu’il a fait qui est évident. Les attaques contre Benoît XVI de la part des évêques, des médias et même de parlements, a révélé que le monde n’appréciait guère ces mesures. Même le document imparfait Dominus Jesus concernant l’unique Eglise a provoqué la colère des évêques œcuménistes d’Allemagne et de Suisse.

Disons plus encore, le pape a lancé un débat qui ne va plus s’arrêter. Même si les discussions théologiques devaient s’interrompre demain, même si une nouvelle excommunication contre la Tradition était prononcée, même si aucun résultat tangible n’émergeait, le retour à la Tradition est inéluctable au sein de l’Eglise. Les dégâts provoqués par ce Concile sont trop importants. C’est comme « le crépuscule des dieux » : prêtres et fidèles de bonne volonté qui veulent rester catholiques se rapprochent de plus en plus de la Tradition. Lentement, sans doute, et en petit nombre, mais sûrement. Les modernistes le savent et le monde aussi. C’est ce qui explique de telles attaques contre le pape et l’Eglise.

Comme vous avez pu l’apprendre par la presse, il y a beaucoup d’églises et de monastères en cours de démolition ou bien mis en vente. Est-ce une évolution positive du point de vue de la Fraternité Saint-Pie X ?

Non, certainement pas ! Tout affaiblissement ou déclin de la vie catholique est une mauvaise nouvelle et nous peine. Mais « si le grain de blé ne tombe en terre et ne meure… », nous vivons une telle époque. C’est la promesse d’un avenir nouveau et meilleur. A un moment l’Antéchrist achèvera son œuvre. Mais avant que cela ne se produise, le Cœur Immaculé de Marie triomphera.

Notre bonheur est plutôt de voir s’épanouir la chrétienté et se développer la vie catholique dans le monde d’aujourd’hui. Chaque prêtre qui découvre la messe traditionnelle, chaque retour à la vraie foi est un signe d’espoir. Un prêtre conciliaire aura peut-être de la peine en constatant que d’autres prêtres ont plus de succès, sont plus convaincants et apostoliques. Cela devrait être un encouragement, plutôt que de voir s’éteindre la mèche qui se consume au sein de la hiérarchie officielle de l’Eglise. Dans la parabole des ouvriers de la vigne, le Seigneur a condamné l’envie des ouvriers de la première heure qui n’ont pas su reconnaître le moment de la grâce. C’est un sérieux avertissement pour nous tous.

Les fidèles de la Fraternité aux Etats-Unis sont beaucoup plus nombreux qu’il y a 10 ou 20 ans. Comment l’expliquez-vous ?

Non seulement leur nombre est plus élevé, mais il se développe plus vite. Le Supérieur du district des Etats-Unis, l’abbé Arnaud Rostand, qui est Européen, m’a dit il y a un certain temps qu’en Amérique, on trouve le même zèle et le même enthousiasme dans les milieux traditionalistes qu’en Europe dans les années 70 et au début des années 80. Et j’espère que nous allons pouvoir faire fructifier cet enthousiasme, cette générosité et cette loyauté des catholiques américains. Je pense à l’éveil de vocations de frères et de sœurs, à la formation de véritables paroisses et de prieurés, ainsi qu’à la consolidation des écoles. Il y a un grand potentiel sur le plan quantitatif et qualitatif. Globalement, c’est un accroissement très encourageant.

Pensez-vous que les gouvernements adopteront une attitude antireligieuse dans l’avenir ?

Une attitude antireligieuse et la persécution par l’Etat sont déjà d’actualité, c’est le pain quotidien du chrétien. Le cardinal de Cologne a déclaré récemment qu’aucune autre communauté religieuse n’est autant persécutée que les chrétiens dans le monde aujourd’hui. Les papes du Concile ont fait preuve d’une illusion naïve lorsqu’ils ont cru que le monde deviendrait plus doux et plus gentil, si l’Eglise s’y adaptait par l’aggiornamento. Comme dit le proverbe : « Donne un pouce au diable, il prendra un pied ». C’est exactement ce qui s’est passé.

Peut-être la haine croissante et le combat contre Dieu sont-ils les derniers sursauts de l’athéisme ? Mais dans tous les cas, l’Etat est dans l’incapacité de faire quoi que ce soit contre « la revanche de Dieu ». Depuis le 11 septembre 2001, Dieu est de nouveau à la mode aux Etats-Unis et la religion doit être prise au sérieux. En Europe, c’est également de plus en plus évident. Il y a quelques mois, un des journaux les plus libéraux d’Allemagne a écrit un article sur le sujet « Mon Dieu ! La religion revient ». Je cite le début du texte qui reflète bien cette incapacité de l’athéisme :

« De Karl Marx jusqu’à John Lennon, les prophètes de la Modernité étaient unanimes : la religion était condamnée. Alan Posener se demande pourquoi cela ne s’est pas produit. Quand John Lennon a dit en 1966 que les Beatles étaient plus populaires que Jésus, le public britannique a réagi par un haussement d’épaule. Cela semblait si évident que cela se passait de commentaire. Après tout, tous les prophètes des temps modernes considéraient que la religion était essentiellement de la superstition, ‘l’esprit d’une condition sans esprit’, selon Karl Marx. Sigmund Freud réfléchissait à ‘l’avenir d’une illusion’ et pensait qu’elle disparaîtrait en même temps que la répression sexuelle qu’elle engendrait. Bref, plus de modernité signifiait moins de religion.

« La chrétienté ne devait pas durer au delà du culte des Beatles, disait Lennon, elle allait bientôt ‘dépérir’. Et ce qui était vrai pour les chrétiens relativement éclairés, était encore plus valable, aux yeux de l’homme moderne, pour les musulmans passéistes et psychorigides. Puis, deux avions ont frappé le cœur de Manhattan et du fond de cette boule de feu, Oussama Ben Laden a proclamé la victoire d’Allah. La religion était de retour. Brusquement, les intellectuels devaient composer avec des concepts qu’ils avaient bannis dans les coins les plus obscurs des plus petites facultés : sunnisme et shiisme, charia, fatwa et jihad.

« L’Islam n’était pas le seul à revenir avec le 11 septembre. L’ennemi mortel d’Oussama à la Maison Blanche, le président George W. Bush était un chrétien born again. Il ouvrait chaque réunion du cercle de ses proches collaborateurs avec une prière… Au début du millénaire, il aurait été presque indécent qu’un intellectuel allemand confesse sa foi catholique. Cinq ans plus tard, tous s’accordaient pour dire que l’athéisme est ‘intellectuellement pauvre’, comme le soulignait l’écrivain catholique, Martin Mosebach, lançant ainsi une attaque contre le siècle des Lumières et traçant un fil rouge depuis la Révolution Français jusqu’à Himmler et l’Holocauste… »

Est-ce une coïncidence ou est-ce la conséquence de l’évolution de l’Eglise, si les évêques catholiques dans de nombreux pays ne se prononcent pas clairement sur des questions de loi naturelle tels que l’avortement, l’enseignement catholique sur la sexualité ?

Parfois ce manquement pourrait être, en effet, la conséquence d’une attitude moderniste : une nouvelle foi engendre une nouvelle moralité. Evidemment, nous le déplorons. Leur foi « éclairée et moderne » est si banale, fragile et ridicule. Ils suivent un Messie dont ils ne croient même pas qu’il est ressuscité des morts, que son tombeau est réellement vide et qu’il est le vrai Dieu ! Une vieille blague me revient à l’esprit : un jésuite appelle son Supérieur général et lui dit : « Ecoutez, nous avons trouvé le tombeau de Jésus et il n’est pas vide ». Un long silence s’ensuit. Finalement, le Supérieur général dit : « Vous voulez dire qu’il a vraiment existé ? » La foi moderne adaptée au monde est sans conviction et sans force. Mais il peut y avoir beaucoup d’autres évêques qui n’ont simplement pas le courage de proclamer la vérité. Le pouvoir des médias ainsi que la peur de l’opinion publique sont alors plus grands que la loyauté envers le Christ et l’amour de la vérité. Un critique connu de la période postconciliaire en Allemagne, le Professeur George May, a dit un jour que « l’épine dorsale de la plupart des évêques est comme la chambre à air d’une roue de vélo ». Il est vraiment urgent de prier pour le pape et l’Eglise !

Quel serait le moyen le plus efficace pour renforcer la crédibilité de l’Eglise catholique?

La foi vivante. L’Eglise ne regagnera sa crédibilité que si ses membres vivent de la foi. La foi n’est pas simplement un passe-temps ou un jeu intellectuel. C’est la vie, l’engagement, l’action. « Le Seigneur veut voir des œuvres », dit la grande sainte Thérèse d’Avila. L’arbre doit donner des fruits, sinon il est maudit. Une chrétienté sans œuvres, sans fruits et sans vertus n’est pas digne de ce nom. Saint Thomas d’Aquin explique très justement que le chrétien doit être la lumière du monde et que, pour y parvenir, il doit d’abord être le sel de la terre, ce qui veut dire qu’il doit acquérir des vertus et ensuite les appliquer concrètement. C’est une foi profonde et vivante ; une foi qui n’est pas seulement un patrimoine, un héritage, mais qui est couronnée par « l’amour missionnaire », comme l’a écrit Mgr Lefebvre.

(Source : The Angelus – Traduction française : DICI n°223 du 16/10/10)