31 août 2013

[Mgr Williamson] Edit de Milan

SOURCE - Mgr Williamson - 31 août 2013

En notre temps où on peut penser que la mise en péril de la Fraternité St Pie X par le libéralisme ne représente pas plus que simplement la dernière d’une longue série de défaites de l’Église catholique, on a de la peine à s’imaginer qu’il y eut un temps où c’est une victoire après l’autre que l’Église a marquée. N’empêche, en 2013 nous célébrons le 1700ème anniversaire de l’Édit de Milan de 313, qui fut une de ces victoires. L’Empereur Constantin, connu sous le titre de « Constantin le Grand », naquit en 272 et ne fut baptisé chrétien que peu de temps avant sa mort en 337, mais depuis longtemps il sympathisait sérieusement avec le christianisme. Lorsqu’en 312 il descendit avec son armée sur Rome pour se battre avec son rival, l’Empereur Maxence, Notre Seigneur lui promit la victoire s’il affichait sur ses étendards le « labarum », à savoir un X avec P superposé, ces lettres-ci étant les deux premières lettres en grec du mot Christ. Constantin fit ce que lui avait dit Notre Seigneur et il vainquit Maxence dans la bataille du Pont Milvien. Une fois maître de Rome, Constantin promulgua l’année suivante l’Édit de Milan. 

Au cours des 250 années précédentes les fidèles du Christ avaient souffert sous les Empereurs romains dix persécutions sanguinolentes, de Néron (37-68) à Dioclétien (243-316). Les Chrétiens avaient refusé la religion païenne d’État, et alors l’État avait mis au ban le christianisme. C’est l’Édit de Milan qui a pour la première fois rendu légal le christianisme à côté des autres religions permises dans l’Empire. Cet Édit fut le pas décisif dans la conversion de Rome au christianisme. En 380 l’Empereur Théodose fit du christianisme la religion d’État de Rome, et en 392 le même Théodose a mis au ban le culte païen. 

Ainsi Constantin a-t-il lancé cette union d’Église (catholique) et d’État qui fonda la chrétienté dont les reliques s’intitulent aujourd’hui « la civilisation occidentale ». Quels qu’aient pu être dans la suite des siècles les abus en pratique de cette union, le principe en est énormément fructueux pour le salut des âmes. Il suffit de penser aux grands services que peut rendre à n’importe quelle ville même aujourd’hui la coopération mutuelle d’un bon prêtre avec un bon policier. Pendant 1600 siècles l’Église catholique a tenu au principe de l’union d’Église et d’État, tandis que depuis 200 ans le libéralisme Révolutionnaire a tout fait pour la dissoudre. Ce n’est qu’à Vatican II que l’église a enfin cédé; en renonçant à la doctrine de l’État catholique par son enseignement sur la liberté religieuse, contenu dans Dignitatis Humanae. C’est un chef de la bande néo-moderniste au Concile, le R.P. Yves Congar, qui s’est réjoui que l’Église en finît avec « l’Église constantinienne ». 

Certes, le lien entre les hommes d’Église et les autorités mondaines va entraîner des tentations de mondanité, mais il n’en reste pas moins que les lois que tout État doit appliquer correspondront forcément à telle ou telle vision, religieuse ou anti-religieuse, de l’homme et de Dieu. Et pour voir combien il est difficile aujourd’hui de mener une vie catholique, il suffit de regarder autour de soi. C’est la pression exercée tout à l’entour des évêques de Vatican II par les États modernes anti-religieux qui a fait que ces Pères du Concile ont cherché à adapter l’Église catholique au monde moderne. La pression n’est pas autre qui fait que les chefs de la FSPX veulent maintenant suivre le chemin de la Révolution. 

Au contraire, en frayant le chemin à l’État chrétien Constantin a dû contribuer au salut de millions d’âmes, exploit qui lui a valu sûrement le Ciel. Empereur Constantin, priez pour nous. 

Kyrie eleison.

29 août 2013

[Abbé Jacques Mérel, fsspx - Sainte-Anne (bulletin)] L'apostolat de la Militia Mariae

SOURCE - Sainte Anne (bulletin) - août-septembre 2013

Depuis quelques temps à Lanvallay (fin 2009), on entend parler de « milice de Marie » (Militia Mariae en latin), parfois de « légion ». Que font-ils, de quoi s’agit-il ? Voici dans un premier temps une présentation sans doute incomplète de cette œuvre d’apostolat par les laïcs.

La « Militia Mariae », relancée dans le district de France de la Fraternité parM. l’abbé de Cacqueray en 2008, s’inspire largement de la « Légion de Marie », ce grand mouvement mondial d’apostolat marial, fondé à l’origine en Irlande en 1921.

Un laïc, Frank Duff, touché par la grâce au tombeau du Père de Montfort à Saint-Laurent-sur-Sèvres, se lance dans l’apostolat, avec, au cœur de cet apostolat, la Vierge Marie. Voici comment il exprime le but de l’œuvre :
« la sanctification personnelle de ses membres par la prière et leur coopération active, sous la direction des supérieurs ecclésiastiques, à l’œuvre de Marie et de l’Eglise : l’écrasement de la tête du serpent et l’extension du règne de Jésus-Christ ».
Chez Duff, il ne s’agissait pas de jolis mots mystiques mais sans portée pratique. Il mit au point une méthode rigoureuse et avec les premiers apôtres recrutés, il quadrilla la ville de Dublin. Les quartiers les plus mal famés, ignorés de la Police et dans lesquels on pénétrait au péril de sa vie furent méthodiquement « attaqués » par une jeune fille audacieuse, incarnant parfaitement ces propos du « manuel » de la Légion : la Légion « porte avec une inexprimable fierté le nom de Marie. Organisation mariale, elle est fondée sur une confiance illimitée d’enfant envers cette bonne Mère, confiance qu’elle fortifie en l’implantant profondément au cœur de chacun, possédant ainsi des membres qui travaillent ensemble dans la plus parfaite harmonie de fidélité et de discipline. »

En peu de temps, la ville de Dublin fut transformée. Dès lors les conquêtes de la Légion de Marie n’auront plus de bornes. En 1942, 230 diocèses ont fait appel à elle, 1300 en 1961, année qui recense l’existence dans le monde de 50 000 groupes.

La Fraternité, dans le contexte de la crise de la Foi qui a fait perdre son âme à cette œuvre comme à tant d’autres choses, se fait une joie et un honneur de reprendre le flambeau, fondée sur l’enthousiasme de son fondateur :
« devant la dégradation progressive de l’idéal sacerdotal, transmettre, dans toute sa pureté doctrinale, dans toute sa charité missionnaire, le sacerdoce catholique de Notre Seigneur Jésus-Christ, tel qu’Il l’a transmis à ses apôtres et tel que l’Eglise romaine l’a transmis jusqu’au milieu du 20ème siècle. »
Le premier « presidium » (nom du groupe local dans le langage de la Militia) démarra à Gastines fin 2008. Presidium pilote, il traça la voie aux nombreux groupes qui existent maintenant en France, dont Lanvallay (presidium Notre-Dame de Pontmain). Tractage dans la rue, dans les cimetières le 2 novembre, visites à domicile (porte-à-porte), les actions vont se mettre en place avec méthode. Car la Militia Mariae est organisée sur le modèle d’une armée, spécialement celle de l’ancienne Rome dont elle a adopté la terminologie ; un président, un bureau, un aumônier et des soldats de Marie qui agissent sur le terrain ; avec l’assistance essentielle de troupes auxiliaires chargées de prier pour ceux qui sont sur le terrain (on peut ainsi être soit membre « actif » soit membre « priant »). Les réunions des membres actifs se font en principe tous les 15 jours dans un décor immuable : une statue de l’Immaculée Conception entourée de deux cierges allumés au centre du groupe. L’ordre du jour ne change pas non plus : chapelet, compte-rendu des actions menées, lecture et instruction de la part du prêtre, prière au milieu de la réunion, décision des actions des semaines à venir, prière finale. Du pragmatisme anglo-saxon !

La méthode, si elle est bien suivie, donne tout son souffle surnaturel au groupe local et à ses membres, l’enthousiasme et le courage aussi ; il faut vaincre sa timidité, ses peurs, les rebuffades parfois des personnes que l’on tente d’attirer à Jésus-Christ par Marie, les échecs, ou simplement le froid ou la pluie. Mais il faut dire aussi que ce n’est pas si difficile. La prière et le zèle communs sont un encouragement constant à se dépasser ; les fruits bien visibles aussi aident beaucoup : retours à la pratique religieuse, grâces d’une bonne mort, catéchismes pour les enfants, retraites spirituelles de cinq jours…
Témoignage d’un membre quelque part en France au sujet du porte-à-porte :
« au début, je pensais qu’on nous jetterait des seaux d’eau, qu’on nous insulterait, qu’on nous prendrait pour une secte ! C’est certain que tout le monde ne nous ouvre pas la porte dans la joie et la bonne humeur, mais c’est loin d’être difficile. Il faut juste regarder les gens avec amour, les voir comme ce qu’ils sont, des enfants de Dieu, et leur sourire de tout cœur. Cela, même une âme fermée, blessée et souffrante, le perçoit tout de suite. C’est comme un parfum qui se dégage de vous… C’est le parfum de Marie ! Et si ça ne marche pas dans l’instant, peu importe, il en reste toujours quelque chose…»
Pour ma part, j’aime à dire que la Milice de Marie, c’est « l’avenir ». L’apostolat n’est pas l’œuvre exclusive des prêtres mais le rayonnement de la charité. Dans un monde qui s’éloigne toujours plus de Dieu, où la charité se refroidit de jour en jour, les fidèles doivent faire une couronne et un SAS de charité aux prêtres, pour entraîner les âmes dans la vérité, qui est Notre Seigneur Lui-même ; témoigner le règne de Dieu, redonner le sens de Dieu et du sacerdoce catholique autour d’eux, sens perdu par les papes depuis Vatican II. L’apostolat de l’Eglise, autrement dit le prolongement de la venue du Christ, c’est de conduire les hommes dans les voies du Ciel (directement par l’apostolat, indirectement par les activités temporelles des catholiques). La mission directe de l’Eglise, l’apostolat des âmes, consiste à unir les âmes au grand élan de charité de Jésus-Christ, tel qu’il s’est exprimé principalement dans son sacrifice. La vierge Marie est l’école nécessaire où l’on apprend cette union. Aussi, la charité est nécessairement missionnaire, comme la Messe, et comme Notre-Seigneur et Notre Dame sont les grands apôtres de nos âmes. La charité de soi rayonne, et la Milice de Marie donne un cadre remarquable à ce rayonnement. La définition du but de l’apostolat par Mgr Lefebvre donne bien le but de la Militia Mariae et son rayonnement surnaturel : le but de l’apostolat c’est : « aimer le Christ pour le porter aux autres, afin que cet amour se diffuse et chante la gloire de Dieu. »

Les moyens offerts pour ce but dans la Milice de Marie sont à la hauteur. Ce sont : une doctrine mariale solide (celle du Père de Montfort) ; un idéal élevé joint à une méthode rigoureuse et efficace (car souvent, dans les œuvres, il manque soit l’idéal soit la méthode) ; une fécondité apostolique fondée sur un renoncement à soi-même dans la dépendance de Marie ; l’autorité et l’influence constante de l’aumônier, dont l’un des rôles essentiels, explique le manuel de la Milice, est « d’infuser à tous les membres un amour éclairé et ardent pour la mère de Dieu, et particulièrement pour ceux de ses privilèges que la Légion honore d’une façon spéciale » ; un esprit de prière commune très consolant : « Avec tous les détails de la réunion ne formant qu’un tout, les affaires traitées reçoivent une singulière empreinte de prière, féconde en fruits remarquables d’héroïsme et d’efforts » (manuel) ; un esprit de conquête : « dans chaque cas il faut se proposer d’accomplir un bien précis et considérable » (manuel) ; un grand esprit de charité, première qualité requise pour être membre : « pratiquée entre eux, la charité le sera bientôt dans le public. Des abîmes qu’ils auront comblés entre eux-mêmes en tant que membres ne tarderont pas à disparaître aussi parmi leurs frères du dehors » (manuel) ; enfin un grand désintéressement surnaturel : « le but direct de leur activité n’est pas d’obtenir des résultats mais bien de travailler pour Marie » (manuel).
Quelques citations pour terminer et en guise d’invitation !
- M. l’abbé de Cacqueray :
« C’est vrai qu’il y a la crise de l’Eglise, que le prosélytisme est mal vu, que nous ne sommes qu’un petit nombre de catholiques, que nous manquons de formation doctrinale, d’expérience et que, par-dessus tout, nous sommes timides. Mais si nous ne le faisons pas, qui va le faire ? Plus que jamais, nous devons faire preuve d’audace apostolique ».
- Un membre de la Militia Mariae :
J’ai tout reçu de la Tradition et il faudrait que je reste chez moi à tout garder pour moi ? Aujourd’hui, les gens n’ont plus rien, même plus la possibilité d’une belle messe dans l’église d’à-côté et nous, nous resterions bien planqués, dans nos prieurés ? Non, c’est impossible… »
- Le manuel de la Militia Mariae :
« les systèmes matérialistes déclarent aimer les hommes et les servir. Ils prêchent un évangile vide de fraternité. Des millions d’hommes ont cru à cet évangile ; pour l’embrasser, ils ont abandonné une religion qu’ils croyaient sans vie, et se sont soumis avec enthousiasme à toutes les tyrannies. Convaincus que leurs nouveaux chefs les aimaient davantage, ils les ont suivis, et dès lors ils s’appliquent avec ardeur à entraîner à leur suite le genre humain tout entier. Ils semblent bien triompher. La situation n’est pourtant pas désespérée. Car il est un moyen de ramener à la foi ces millions d’obstinés et d’en sauver une multitude d’autres : c’est simplement d’appliquer le grand principe qui gouverne le monde, ce principe que le saint Curé d’Ars formulait ainsi : Le monde appartient à celui qui l’aime le plus et lui prouve cet amour. Ces millions d’infortunés n’écouteront pas, sans doute, l’exposé des vérités de la foi ; mais ils ne pourront pas s’empêcher de remarquer l’amour héroïque du prochain qu’inspire notre foi, et d’en être profondément touchés. Persuadez-les que l’Eglise les aime plus, et ils tourneront bientôt le dos à ceux qui les égarent. En dépit de tout ils reviendront à la foi ; ils iront même jusqu’à donner leur vie pour la foi. Pour subjuguer ainsi les hommes, un amour ordinaire ne saurait suffire, pas plus qu’un catholicisme médiocre, à peine capable de se maintenir lui-même. Seul peut y réussir un catholicisme profond, qui aime de toute son âme Jésus-Christ, son Seigneur, et qui sait le voir et l’aimer dans tous les hommes sans distinction. Mais cette sublime charité du Christ doit être tellement concrétée dans l’action que tout observateur soit contraint d’admettre qu’elle est vraiment la caractéristique de toute l’Eglise, et non pas simplement le fait de ses membres de choix. Il faut donc qu’elle se manifeste dans la vie de l’ensemble des catholiques laïques. »

Abbé Jacques Mérel, prieur-doyen de Lanvallay

Source : Sainte Anne n° 253 d'août-septembre 2013

[L'Homme Nouveau] Un nouveau supérieur pour les Serviteurs de Jésus et de Marie

SOURCE - L'Homme Nouveau - 29 août 2013

Entretien avec le père Laurent-Marie Pocquet du Haut-Jussé
Vous venez d'être élu supérieur des Serviteurs de Jésus et de Marie, quand entrez-vous dans vos fonctions ?
Le chapitre s'est réuni le 23 août dernier, j'ai été élu ce jour-là pour six ans et suis entré dans mes fonctions à partir du moment où j'ai accepté l'élection et qu'elle a été validée par l'évêque. Je succède donc au père Élie Ferrandon qui avait été élu en 2007.
Quel a été votre parcours jusqu'à présent ?
Je suis entré à Ourscamp en 1988, à 19 ans, pour y faire ma formation puis je suis parti en Argentine un an avec Points-Coeur. J'ai ensuite passé six ans dans notre prieuré d'Ottmarsheim pour suivre ma formation à l'université de Fribourg en Suisse. Enfin, je suis revenu en 1997 à Ourscamp pour y prendre la direction des études.
Quand et par qui ont été fondés les Serviteurs de Jésus et de Marie ?
La congrégation a été fondée par le père Jean-Édouard Lamy (1853-1931) en 1930 pour répondre à la demande que lui avait fait la Vierge de fonder une communauté axée sur la vie de prière, de pénitence et l'action apostolique. Mais cette première fondation a échoué, le père Lamy mourut un an plus tard, après avoir confié à l'un des postulants la charge de poursuivre sa mission. La congrégation a vraiment démarré en 1941 et s'installa à Ourscamp dans l'Oise. À cette époque-là, nous faisions partie de l'ordre des cisterciens, d'où l'habit que nous portons encore aujourd'hui. Puis le 15 juillet 1948, avec l'approbation du Saint-Siège, Mgr Roeder, évêque de Beauvais, érigeait la congrégation des Serviteurs de Jésus et de Marie en institut de droit diocésain.
Quelle est la spiritualité de votre congrégation ?
Notre spiritualité, héritée du père Lamy, est celle de l'éducation à la foi des jeunes à l'école de saint Bernard et de saint François de Sales. Même si nous avons une vocation apostolique, nous insistons beaucoup sur la vie conventuelle, la vie de communauté. Nous plaçons Jésus-Eucharistie au centre de nos vies et avons une dévotion toute spéciale à la Vierge Marie. Nous avons confié chacune de nos maisons au Cœur Immaculé de Marie l'année du centenaire de la congrégation.
Combien la congrégation compte-t-elle de religieux aujourd'hui ?
Nous sommes une trentaine, répartis dans trois prieurés différents : Ourscamp dans l'Oise, Ottmarsheim en Alsace, ouvert en 1991, et enfin la Casa Padre Lamy en Argentine, ouverte en 1994. Notre communauté était déjà présente là-bas avec Points-Cœur, œuvre humanitaire avec laquelle nous avons un lien particulier puisqu'elle fut fondée par le père Thierry de Roucy alors qu'il était supérieur de notre congrégation.
Quels sont vos apostolats ?
Nous avons d'abord un patronage dans chacune de nos maisons. Nous accueillons aussi des jeunes pour des camps ou de manière moins formelle lorsqu'ils cherchent un lieu où se ressourcer et être accompagnés spirituellement. Nous recevons ainsi des jeunes professionnels, des étudiants, des fiancés… Si nous ne sommes pas en charge de paroisse, nous aidons néanmoins les curés notamment lors de missions paroissiales auprès des jeunes. Je suis pour ma part aumônier militaire, une autre forme d'apostolat !
Dans quelle forme du rite célébrez-vous la messe ?
Le motu proprio Summorum Pontificum a été accueilli avec une grande joie dans la communauté, pour autant la plupart des religieux célèbrent la messe dans la forme ordinaire. Pour ma part, j'ai pris l'habitude de célébrer plutôt dans la forme extraordinaire.

[SPO] Roberto de Mattei: «Sint ut sunt aut non sint»

SOURCE - Roberto de Mattei - via SPO - 29 août 2013

En relation avec la douloureuse question des Franciscains de l’Immaculée, le professeur Robert de Mattei va faire paraître dans la prochaine livraison de l’édition en français du mensuel Correspondance Européenne (10 septembre), un remarquable texte de controverse. Très hardi et très intéressant… Nous avons obtenu de l’éditeur, que nous remercions, la permission de le reproduire ici en avant-première… Bonne lecture ! À noter que la traduction en français de l’ouvrage fondamental du professeur de Mattei,Vatican II. Une histoire à écrire, vient de paraître aux Éditions Muller. Une formidable contribution d’un grand historien de l’Église à notre compréhension du dernier en date des conciles œcuméniques.
« Sint ut sunt aut non sint » (qu’ils soient ce qu’ils sont ou qu’ils ne soient pas) : ce serait une phrase qui, selon certains historiens, aurait été prononcée par le Préposé général des Jésuites, Lorenzo Ricci, en réponse à une proposition de “réforme” de la Compagnie de Jésus qui aurait voulu « l’adapter » aux besoins du monde. Nous nous trouvions au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle et les Jésuites représentaient le rempart contre lequel se brisaient les attaques des ennemis extérieurs et intérieurs de l’Église. Les ennemis extérieurs avaient à leur tête le « parti philosophique »des “Lumières”, alors que les ennemis internes étaient divisés en courants hérétiques, qui, sous le nom de gallicanisme, de juridictionnalisme, de régalisme, de fébronianisme, prétendaient plier l’Église aux vouloirs des États absolus.

Les Jésuites, fondés par saint Ignace de Loyola, défendaient avec vigueur le primat du Pontife romain, auquel ils étaient liés par un quatrième vœu d’obéissance. Les souverains absolus, influencés par les idées des “Lumières”, avaient commencé à expulser les Jésuites de leurs royaumes, les accusant de pervertir l’ordre social. Ceci ne suffisait cependant pas. Il fallait transformer la Compagnie de l’intérieur et, puisque le Préposé général des Jésuites s’y opposait, il ne restait qu’à la supprimer, ce que seul le Pape pouvait faire.

L’occasion se présenta à la mort de Clément XIII, le 2 février 1769. L’historien Ludwig von Pastor, dans le XVIe volume de son Histoire des Papes (Storia dei Papi, trad. it. Desclée, Roma 1943), décrit avec une très riche documentation à l’appui les manœuvres qui se déroulèrent avant, durant et après le conclave qui, après trois mois et 179 scrutins, vit, le 14 mai, l’élection du franciscain Lorenzo Ganganelli, qui prit le nom de Clément XIV. Le nouveau Pape fut élu à la condition qu’il abolisse la Compagnie de Jésus. Tout en ne mettant pas par écrit une promesse formelle, ce qui aurait constitué un acte de simonie, le cardinal Ganganelli prit cet engagement devant les ambassadeurs des cours des Bourbons. L’Esprit Saint ne manqua pas d’assister le conclave, mais les cardinaux n’y furent pas suffisamment attentifs, leur choix s’arrêtant sur un prélat que Pastor qualifie de « caractère faible et ambitieux, qui aspirait à la tiare » (Storia dei Papi, cité, p. 66).

Le 21 juillet 1773, par le bref Dominus ac Redemptor,le pape Clément XIV supprima la Compagnie de Jésus qui comptait à l’époque environ 23 000 membres répartis en 42 provinces. « Ce bref du 21 juillet 1773 – écrit Pastor – représente la victoire la plus manifeste de l’illuminisme et de l’absolutisme royal sur l’Église et sur son Chef » (p. 223). Le Père Lorenzo Ricci fut incarcéré au Château Saint-Ange où il mourut le 24 novembre 1775. Clément XIV le précéda dans la tombe le 22 septembre 1774, soit un an après la dissolution de l’ordre. La Compagnie fut dispersée mais survécut en Russie, où la tsarine Catherine II refusa de donner l’exequaturau bref de suppression. Les Jésuites de Russie Blanche furent accusés de désobéissance et de rébellion envers le Pape mais assurèrent la continuité historique de l’ordre alors que, dans d’autres nations, d’anciens Jésuites assuraient la promotion de nouvelles congrégations religieuses selon l’esprit ignacien.

En 1789, éclata la Révolution dite « française » et une époque dramatique s’ouvrit pour l’Église qui vit les Jacobins envahir la ville de Rome et déporter deux successeurs de Clément XIV : Pie VI et Pie VII. La résistance à la Révolution fut surtout assurée à cette période par une association secrète, les « Amitiés chrétiennes », fondée à Turin par l’ancien Jésuite suisse Nikolaus Albert von Diessbach.

Finalement, après quarante ans, par la constitution Sollicitudo omnium ecclesiarumdu 17 août 1814, Pie VII révoqua le bref du 21 juillet 1773 et rétablit la Compagnie de Jésus dans le monde entier. « Nous nous croirions coupables devant Dieu d’une faute très grave, si, au milieu des besoins pressants qu’éprouve la chose publique, nous négligions de lui prêter ce secours salutaire que Dieu, par une providence singulière, met entre nos mains, et si, placé dans la nacelle de saint Pierre sans cesse agitée par les flots, nous rejetions les rameurs robustes et expérimentés qui s’offrent à nous pour rompre la force des vagues qui menacent à tout instant de nous engloutir dans un naufrage inévitable », écrira-t-il (selon une traduction du Père de Ravignan, S.J., Clément XIII et Clément XIV, Paris, Julien, Lanier et Cie éditeurs, 1854).

Un pape franciscain, Clément XIV, supprima les Jésuites en 1773. Le Pape jésuite François sera-t-il celui qui supprimera ou, pire encore, “réformera”, un Institut franciscain en 2013 ? Les Franciscains de l’Immaculée n’ont pas le passé glorieux des Jésuites mais leur cas présente quelque analogie avec celui de la Compagnie de saint Ignace et représente surtout une expression symptomatique de la profonde crise dans laquelle se débat aujourd’hui l’Église catholique.

Fondés en 1970 par le Père Stefano Maria Manelli, les Franciscains de l’Immaculée conduisent une vie évangélique et pénitente et se sont caractérisés, depuis l’origine, par leur attachement à la morale et à la foi traditionnelles. Le Motu proprio par lequel Benoît XVI a restitué tous ses droits au Rite romain antique, a représenté pour eux la possibilité de vivre également au plan liturgique cet amour de la Tradition. Le Père Manelli n’a jamais imposé le Vetus Ordo, mais l’a suggéré à ses religieux, dont les ordinations sacerdotales ont été faites, au cours de ces dernières années, par d’éminents princes de l’Église, selon la ligne de la « réforme dans la continuité » de Benoît XVI.

De la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et pour les Sociétés de vie apostolique (CIVCSVA), aujourd’hui présidée par S. Ém. le cardinal João Braz de Aviz, dépendent des congrégations, masculines et féminines, qui ont abandonné, en tout ou partie, l’habit religieux et vivent dans le relâchement moral et le relativisme doctrinal sans qu’aucun rappel à l’ordre ne leur soit adressé par les autorités compétentes. Les Franciscains de l’Immaculée représentent une pierre d’achoppement, qui explique le désir de la CIVCSVA de les “normaliser” c’est-à-dire de réaligner leur vie religieuse sur les “standards” en vigueur. La présence d’un petit nombre de religieux “dissidents” a offert à la Congrégation l’occasion d’intervenir par l’envoi d’un visiteur apostolique, Mgr Vito Angelo Todisco, le 5 juillet 2012. Sur la seule base d’un questionnaire captieux envoyé aux religieux par Mgr Todisco, sans qu’il les ait rencontrés personnellement, la CIVCSVA a disposé, le 11 juillet 2013, la mise sous tutelle de l’Institut par un décret qui contient une interdiction, absolument illégitime, de célébrer la Messe traditionnelle (selon la forme extraordinaire du Rite romain).

Au cours des prochains jours et des prochaines semaines, nous connaîtrons mieux le plan du commissaire, le Père Fidenzio Volpi, dont il est cependant déjà possible de pressentir les grandes lignes : isoler le fondateur, le Père Manelli ; décapiter le conseil qui lui est fidèle ; transférer en périphérie les religieux “traditionnels” et attribuer le gouvernement central de l’Institut aux dissidents ; confier les maisons de formation à des Pères non suspects de sympathies “traditionalistes” ; stériliser les publications des Franciscains abordant des thèmes “controversés”, en particulier éviter le “maximalisme” mariologique, l’excessive “rigidité” dans le domaine moral et surtout toute critique, même respectueuse, à l’égard du concile Vatican II ; ouvrir l’Institut au “dialogue œcuménique” avec les autres religions ; limiter la célébration du Vetus Ordo à des situations exceptionnelles ; dénaturer en somme l’identité des Franciscains de l’Immaculée, qui est quelque chose de bien pire que de les supprimer.

Si telle devait être la “réforme”, il faut souhaiter une séparation des deux âmes qui coexistent actuellement au sein des Franciscains de l’Immaculée : d’une part, les religieux qui interprètent le concile Vatican II à la lumière de la Tradition de l’Église et qui ont, dans cet esprit, redécouvert le Rite romain antique, dans toute sa vérité et sa beauté ; et, d’autre part, ceux qui réinterprètent le charisme de l’Institut à la lumière du progressisme postconciliaire. Le pire est naturellement la confusion et la crise d’identité et, aujourd’hui, le garant de l’identité des Franciscains de l’Immaculée ne peut qu’être leur fondateur, le Père Stefano Maria Manelli, sur les épaules duquel pèse la responsabilité des décisions ultimes. Il est en effet le seul à pouvoir répéter, comme cela a déjà eu lieu dans l’histoire : Sint ut sunt aut non sint.

Roberto de Mattei

27 août 2013

[SPO] Prier dans la langue des Saints

SOURCE - SPO - 27 aout 2013

Un article qui invite à découvrir la messe dans la forme extraordinaire sur le site d’un diocèse ? rassurez-vous – si puis-je dire ! –, ce n’est pas en France… mais aux États-Unis.

Le blog The New Liturgical Movement a diffusé le lien vers ce blog de l’archidiocèse de Miami. Une journaliste, Blanca Morales, du journal Florida Catholic, a raconté, le 19 août, sa première messe dans la forme extraordinaire. On retrouve son récit intégral sur le blog du diocèse (avec même un lien depuis le site principal du diocèse ; voir également sur ce site un article du 23 juillet de la même Blanca Morales, intitulé «Old form od Mass attracts new generation», l’ancienne forme de la Messe attire la nouvelle génération ).

L’ensemble de l’article (en anglais ou en espagnol) mérite d’être lu. Vous en trouverez quelques extraits ci-dessous (traduits par nos soins) :
« Prier dans la langue des Saints.
C’est par curiosité que j’ai été amenée à assister pour la première fois à la messe dans la forme extraordinaire. J’avais entendu parler des termes : messe chantée, grand-messe, rite tridentin ou messe latine traditionnelle, mais ils signifient tous pour moi la même chose : la messe célébrée comme dans la longue tradition des siècles passés. Je savais très peu de choses sur la Messe latine traditionnelle, qui était tombée en désuétude après le Concile Vatican II. Je ne savais pas que, en 2007, le pape émérite Benoît XVI a rendu plus facile pour les prêtres de célébrer la messe en latin dans son motu proprio Summorum Pontificum. […] Grande fut ma surprise quand une majorité des participants étaient des gens de ma génération. […] J’ai toujours su que nous, catholiques, sommes unis dans l’Eucharistie, mais maintenant, à la messe latine, le terme « Église universelle » a un sens plus profond. Lors d’une messe comme celle-ci, sainte Thérèse de Lisieux ou bienheureux Pier Giorgio Frassati ont récité le même Credo, priaient le même Pater Noster, ont répondu le même « et cum spiritu tuo. » Maintenant, plus que jamais, je me suis sentie unie à la communion des saints : je priais dans la même langue et eux dans la même langue que moi. Ils ne semblaient plus si lointains. Comme je continuais à profiter du mystère de tout cela, pas de plus grand sentiment d’abandon est venu qu’au moment de la communion. Dans la messe en latin, il faut s’agenouiller pour la communion et recevoir l’hostie sur la langue. J’étais dans une sorte de panique. J’avais seulement appris à communier à la main. Et ici, il n’y avait pas “d’option” pour la réception de la communion. […] J’ai avancé dans l’allée centrale vers l’autel, je me sentais nerveuse comme une jeune mariée le soir de sa nuit de noces, recevant son époux pour la première fois. Et c’est exactement ce qui se passait : je recevais l’Époux d’une manière que je n’avais pas connu. À ce moment, j’ai arrêté de penser et je me suis concentrée sur Lui seul. […] Et je l’ai fait. Ce n’était pas une situation difficile comme je pensais que cela le serait, et le sentiment d’abandon de cette première expérience a été tellement libérateur que je trouve que c’est ce que je préfère maintenant pour recevoir la communion. Je suis retournée à la messe latine dans les semaines qui ont suivi, attirée par la beauté indescriptible de la tradition, de la musique sacrée, et la révérence. Lentement mais sûrement, j’apprends les prières et les réponses, mon vocabulaire latin augmente à chaque nouvelle visite. J’apprends des vérités plus profondes sur la célébration de la Cène de l’Agneau. Je sais également maintenant pourquoi le prêtre dans le Missel de mes enfants était “dans le mauvais sens”, comme je l’avais pu observer enfant.»

26 août 2013

[SPO] Une nouvelle paroisse personnelle en Australie

SOURCE - SPO - 26 août 2013

En la fête de l’Assomption de la Sainte-Vierge, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre (FSSP) a vu son ministère à l’église du Cœur Maternel de Marie à Sydney (Australie) érigé en paroisse personnelle par le cardinalGeorge Pell, archevêque de Sydney. L’abbé Duncan Wong, FSSP, en a été nommé curé. La FSSP est en charge de la communauté de Sydney depuis 2001. Elle est présente dans quatre diocèses en Australie. La FSSP est en charge d’une trentaine de paroisses personnelles dans le monde (majoritairement aux États-Unis).

La paroisse personnelle est une disposition prévue par le Motu ProprioSummorum Pontificum (du 7 juillet 2007) : « Art. 10. S’il le juge opportun, l’Ordinaire du lieu a le droit d’ériger une paroisse personnelle au titre du canon 518, pour les célébrations selon la forme ancienne du rite romain, ou de nommer soit un recteur soit un chapelain, en observant les règles du droit ».

Canoniquement, la paroisse personnelle n’a pas de “territoire” équivalent à une paroisse normale. Sa juridiction peut se cumuler sur le territoire de plusieurs paroisses : Can. 518 – En règle générale, la paroisse sera territoriale, c’est-à-dire qu’elle comprendra tous les fidèles du territoire donné; mais là où c’est utile, seront constituées des paroisses personnelles, déterminées par le rite, la langue, la nationalité de fidèles d’un territoire, et encore pour tout autre motif.

La France compte 4 paroisses personnelles pour les fidèles attachés à la forme extraordinaire : Saint-François de Paule à Toulon (administrée par la Société des Missionnaires de la Miséricorde divine), Saint-Eloi à Bordeaux (administrée par l’Institut du Bon Pasteur), la Croix Glorieuse à Strasbourg (administrée par des prêtres du diocèse) et les Saints-Apôtres à Blois (administrée par la Fraternité Saint Thomas Beckett).

[Paix Liturgique] Traduction/trahison - Où il est encore question d'une traduction liturgique...

SOURCE - Paix Liturgique - lettre n°402 - 26 août 2013

Il est des points particuliers qui révèlent en fait une crise profonde. La traduction du consubstantialem Patri du Credo ou profession de foi par « de même nature que le Père » représente un exemple très caractéristique de l’effondrement du langage de l’Église dans son catéchisme et dans sa liturgie, et de l’aveuglement de bien des pasteurs à ce propos.
1. Ce que signifie « consubstantiel au Père »
L’hérésie du prêtre Arius au 4ème siècle a provoqué une des crises les plus profondes qu’ait connues l’Église. À peine sortie de la grande période des persécutions elle doit affronter la contestation de ce prêtre d’Alexandrie qui refuse de voir dans le Christ la parfaite image du Père, « Dieu né de Dieu, lumière né de la lumière, vraie Dieu né du vrai Dieu ». Très sensible aux influences de la philosophie, Arius ne peut concevoir que Jésus soit véritablement et littéralement le Fils de Dieu, devenu dans le sein de la Vierge Marie, et par pure miséricorde, le Fils de l’homme, selon la belle formule de la tradition patristique : « Sans cesser d’être ce qu’Il est, il est devenu ce qu’Il n’était pas. » Les théologiens fidèles à l’Écriture et à la Tradition de l’Église élaborèrent la notion de « consubstantialité », concept qui fut reconnu par les Pères du Concile de Nicée (325) comme exprimant parfaitement la foi chrétienne depuis les temps apostoliques. Jésus est vraiment le Fils de Dieu. Il est un seul être avec Lui et avec le Saint-Esprit, chacune des trois personnes divines étant Dieu. C’est là le premier et le plus grand mystère de la foi catholique, un seul Dieu en trois Personnes, et c’est Dieu lui-même qui a ainsi révélé ce qu’Il est à ses enfants par la médiation de son Fils et par l’envoi du Saint-Esprit sur l’Église pour la conduire à la vérité tout entière. Cette vérité dogmatique fondamentale est la gloire de l’Église, le trésor des fidèles, et beaucoup de chrétiens ont préféré donner leur vie, subir la persécution et supporter d’incroyables souffrances pour défendre et servir la foi qu’ils ont reçue des Apôtres. Au cours des siècles, le Credo de Nicée a été inséré dans la liturgie de la messe : les fidèles pouvaient ainsi mieux comprendre la foi et les mystères qu’ils célébraient. Voilà pourquoi l’Église a toujours veillé avec un soin jaloux, dans sa prédication comme dans sa liturgie, à l’exactitude et la rectitude doctrinales des formules et des concepts employés. C’est ce que rappelait solennellement le pape Paul VI dans son encyclique Mysterium fidei du 3 septembre 1965 : « Qui pourrait jamais tolérer l’opinion selon laquelle les formules dogmatiques appliquées par les conciles œcuméniques aux mystères de la sainte Trinité et de l’Incarnation ne seraient plus adaptées aux esprits de notre temps et devraient être témérairement remplacées par d’autres ? ». C’est pourtant à cette œuvre d’« adaptation » que devaient s’atteler les artisans de la réforme liturgique…
2. « De même nature que le Père… »
Comme nous l'explique en détail Étienne Gilson dans le texte mis en annexe, les traducteurs du nouveau missel, sous prétexte que la notion de « substance » ne signifiait plus rien pour les contemporains, ont préféré utiliser la notion de « nature », qui appliquée à ce que désignait consubstantiel était beaucoup plus vague. Ce terme de nature désigne un certain nombre de caractéristiques essentielles qui font qu’une réalité est ce qu’elle est. Cependant elle n’implique pas nécessairement une identité d’être. Pierre est de même nature que Jacques, la nature humaine. On peut aussi parler de la nature humaine de Pierre. Mais même si Pierre est le père de Jacques ou son frère jumeau, ils ne sont pas un, ils ne constituent pas un seul être. On peut même dire que Jacques n’est pas égal à Pierre, si Jacques est le fils de Pierre (même s’ils sont égaux du point de vue de leur commune nature humaine).

Cette traduction a soulevé bien des objections. Louis Salleron (La nouvelle messe, Paris, 1970) notait qu’en suivant les principes selon lesquels, pour nos contemporains, le vocabulaire théologique et philosophique ne signifiait plus rien, ne "parlait plus", il faudrait aussi renoncer à toutes les notions dogmatiques : Trinité, Incarnation, Rédemption. On peut ajouter d’ailleurs que le fait d’employer des expressions techniques évite justement de tomber dans la confusion et la banalisation. Il permet de montrer le caractère divin, transcendant et surnaturel des mystères qui sont révélés à l’Homme, et il donne l’occasion aux pasteurs, par le catéchisme et la prédication, d’instruire les fidèles en les « adaptant » aux vérités de la foi (et non pas l’inverse !). C’est ainsi qu’ils sont les auxiliaires du don surnaturel de la foi, lumière divine qui surélève les capacités naturelles de l’intelligence humaine. Tout cela allait dans le sens de la critique du langage dogmatique et scolastique que la « nouvelle théologie » des années cinquante du XXe siècle avait mise à la mode, et que Pie XII avait condamnée dans son encyclique Humani generis.
Pour Jacques Maritain, dans son Mémorandum adressé à Paul VI, la traduction actuelle du Credo est « hérétique »
Les protestations contre cette fâcheuse "traduction" ne vinrent pas uniquement du monde traditionaliste. Ainsi le grand historien et philosophe de la Sorbonne Etienne Gilson, à qui le monde universitaire doit la redécouverte de la richesse de la philosophie médiévale, voit dans cette traduction le refus des réformateurs d’affirmer clairement l’unicité de la Trinité : « On ne dit assurément pas que le Fils soit un autre Dieu que le Père, on interdit seulement de faire usage de la seule formule dogmatique qui exclut toute possibilité d’erreur à cet égard. » (La société de masse et sa culture, Paris, 1967, p. 128). Et l’on retiendra la conclusion qui est d’une grande portée pastorale : « Dissimuler un mystère n’est pas une bonne méthode pour le faire accepter ; mépriser les foules n’est pas une bonne manière de gagner leur suffrage. Le peuple n’est jamais vulgaire ; il déteste plutôt qu’on affecte la vulgarité dans l’espoir de lui faire plaisir. » (Ibid., p. 130). On peut encore citer un autre grand philosophe catholique, ami de Paul VI et du cardinal Charles Journet. Jacques Maritain, dans un texte inédit traitant de cette question, écrit à propos des fidèles qui emploient désormais la formule sans se rendre compte de sa portée exacte : « Ces fidèles-là sont mis dans l’illusion. Être induit à employer des mots trompeurs sans savoir qu’ils sont trompeurs, c’est être soi-même trompé. » 
Le texte de Jacques Maritain [Mémorandum adressé à Paul VI]
Il faut enfin signaler une faute de traduction qui n’est pas seulement une inexactitude plus ou moins grave, mais une erreur purement et simplement inadmissible. Je sais bien que cette erreur sera certainement corrigée dans une future édition révisée. Mais je sais aussi qu’elle a chance d’être corrigée d’autant plus rapidement qu’elle aura été plus nettement signalée.
Sous prétexte que le mot « substance », et, a fortiori, le mot « consubstantiel » sont devenus impossibles aujourd’hui, la traduction française de la messe met dans la bouche des fidèles, au Credo, une formule qui est erronée de soi, et même, à strictement parler, hérétique. Elle nous fait dire, en effet, que le Fils, engendré, non créé, est « de même nature que le Père » : ce qui est l’« homoiousios » des Ariens ou semi-Ariens, opposé à l’« homoousios », ou consubstantialis, du Concile de Nicée. Pour refuser un iota, on a su en ce temps-là souffrir la persécution et la mort. Tout cela est passé. Tant pis si les chrétiens qui récitent aujourd’hui le Credo en français usent de mots dont, qu’ils le sachent ou non, la résonance est arienne. L’essentiel est que, fût-ce dans un énoncé sur les Personnes de la Trinité, on les dispense d’employer un mot qui n’est pas du langage courant. 
Il est cependant bien évident que pour exprimer une réalité absolument unique, il faut un mot lui-même unique. Ou bien faudra-t-il remplacer aussi le mot Trinité lui-même, ou le mot Eucharistie, par des mots du langage de tous les jours ? 
Si en prononçant le mot consubstantiel les gens ne savent pas ce que ça veut dire, on peut espérer qu’ils demanderont des explications au clergé, qui leur rappellera leur catéchisme et le sens du dogme. Mais s’ils disent, dans le Credo, que le Fils est de même nature que le Père, ils ne songeront jamais à demander une explication, puisqu’on a justement choisi des mots qui ne font pas difficulté pour eux, et qu’ils comprennent sans plus de peine que lorsqu’ils disent avec tout le monde qu’un oiseau est de même nature qu’un autre oiseau. 
Qu’importe, après tout, dira-t-on peut-être, il ne s’agit que d’une formule. Les gens dont vous parlez sont des catholiques. Du moment que leur pensée au sujet du Père et du Fils est juste et exempte d’erreur, peu importe que pour l’exprimer ils usent d’une formule approximative qui apparaît comme erronée quand on serre de près les mots dont elle est faite. 
À vrai dire, cela importe beaucoup. Car ou bien les fidèles en question pensent juste tout en employant une formule erronée et en sachant qu’elle est erronée : et, du fait même, ces fidèles-là, quand on en vient à la formule dont il s’agit, sont obligés de garder le silence ou de parler contre leur conscience. Ou bien ils pensent juste tout en employant une formule erronée sans savoir qu’elle est erronée. Et, du fait même, ces fidèles-là sont mis dans l’illusion. Être induit à employer des mots trompeurs sans savoir qu’ils sont trompeurs, c’est être soi-même trompé. 
J’ajoute que les traducteurs anglais, moins sensibles sans doute que les traducteurs français à ce qui chatouille désagréablement les oreilles contemporaines, n’ont pas éprouvé de scrupule à employer le mot consubstantial, ni estimé que les fidèles pouvaient sans inconvénient, tout en pensant juste, proférer une formule qui en elle-même est en désaccord avec la foi catholique.
Jacques Maritain (Œuvres complètes, vol. XVI, Fribourg, Paris, 2000, p. 1115)

La note de Jacques Maritain est volontairement provocatrice. Il eût pu préciser que le « de même nature » de soi juste, ne devenait hérétique que dans la mesure où il était un refus de la précision qu’apportait le « de la même substance ». En fait, on remplaçait le plus clair par le moins clair, très exactement comme dans la messe l’expression liturgique du sacrifice propitiatoire, de la présence réelle et du sacerdoce ministériel n’étaient pas niée mais exprimée de manière plus vague. La colère de Jacques Maritain était donc amplement justifiée. Face à ces protestations, la Hiérarchie de l’époque n’a évidemment rien fait ni rien corrigé. Le Cardinal-Archevêque de Bourges, Joseph Lefebvre, président de la Conférence des Evêques, voyait principalement dans ce mouvement de protestation, une remise en cause de l’orthodoxie des évêques et un jugement négatif sur les intentions des réformateurs. Dans une lettre datée de juin 1967, il mentionne cependant la recherche d’une formulation plus précise de cette vérité dogmatique essentielle. L’histoire prouvera que rien ne sera fait au cours des 45 années qui suivirent… Espérons de tout cœur que la version française de la troisième édition de la forme ordinaire de la liturgie sera enfin conforme à la doctrine de la foi, telle qu’elle est enseignée dans le Catéchisme de l’Église catholique (cf. n° 242).
Annexe : Les explications d' Étienne Gilson tirée de son ouvrage (La société de masse et sa culture, pp. 120-131)
Le cas du ‘ consubstantiel ’ est particulièrement digne d’attention, car resté inébranlable depuis la conclusion du Concile de Nicée en 325, incorporé par la liturgie au Credo de la messe et à la Préface de la Sainte Trinité, inséparable, pour tout catholique né avant la réforme liturgique, de la foi même pour laquelle il eût préféré mourir plutôt que de la renier, maintenu d’ailleurs dans le texte latin du symbole comme l’expression authentique de cette fois, le mot ‘ consubstantiel ’ a été exclu du texte français de cette prière. C’est un phénomène digne d’attention et même, en un sens, passionnément intéressant. 
Il l’est d’autant plus que le problème était simple. Il s’agissait de traduire en français le texte latin du symbole où saint Thomas entendait parler « les Pères ». Ce texte, qui se dit ou se chante chaque jour à la messe, professe la foi en Dieu le Père, puis en Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, « genitum non factum, consubstantialem Patri ». Aucune difficulté de traduction : « engendré non créé, consubstantiel au Père ». Les traducteurs du texte en langue vulgaire ont pourtant traduit consubstantialem Patri par les mots : « de même nature que le Père », comme si le texte liturgique disait : connaturalem Patrii. Beaucoup de ceux qui entendirent pour la première fois ce nouveau symbole furent d’abord surpris, mais, croyant à un simple lapsus, ils se turent. Aucune rectification ne venant, certains exprimèrent leur surprise et attirèrent l’attention des autorités ecclésiastiques sur ce curieux problème. Il n’en résulta rien, car loin de redresser cette traduction apparemment inexacte, les nouveaux liturgistes remplacèrent la substance par la nature partout où l’occasion s’en offrait. La Préface de la Sainte Trinité ne permet à aucun fidèle de l’ignorer, le Fils est un avec le Père, « non dans la singularité d’une seule personne, mais dans la trinité d’une seule substance » ; quelques lignes plus loin, le même texte liturgique propose cette autre formule de la même vérité dogmatique : « et in personis proprietas, et in essentia unitas » ; unité de substance donc, ou unité d’être, c’est tout un. Pendant tant de siècles que l’Église a chanté et dit ces mots, elle a eu le temps de penser au mot ‘ nature ’ ; l’idée ne lui en est pas venue ; on se demande pourquoi il a soudain semblé urgent d’y recourir. 
On ne tient à le dire que pour éviter de dire autre chose. Le texte français de la nouvelle liturgie n’a pas l’intention d’affirmer que le Fils est de même nature que le Père, mais plutôt de ne pas affirmer que le Fils et le Père sont de même substance. Ce qui fait l’intérêt du problème, c’est que le symbole français ne veut pas non plus nier que le Père et le Fils soient de même substance, ou, comme le dit encore la Préface de la Trinité, de même « essence », ou être ; les auteurs de ce texte n’en doutent certainement pas, sans quoi il ne leur suffirait pas de changer la traduction du texte latin de la liturgie romaine, il leur faudrait le supprimer. Tant que le Fils et le Père restent un in unius Trinitate substantiae, ce que les Français chantent ou non ne fait rien à l’affaire ; il y a donc lieu de s’interroger sur les raisons de cette singularité. 
Un fait invite à les chercher du côté de la France même, car parmi les autres pays comptant un nombre considérable de Catholiques, deux au moins n’ont pas cru devoir modifier la lettre de leur Credo, qui fut jusqu’à présent celui de l’Église même. Il le reste en Italie, mère de notre liturgie occidentale, où le Fils est encore della stessa sostanza del Padre ; aux États-Unis aussi, où un clergé largement irlandais veille avec attention pour prévenir toute déviation possible, le Fils reste of one substance avec le Père. Il est donc parfaitement clair, dans ces deux cas, qu’il n’y a qu’un seul être divin, commun, si l’on peut dire, au Père et au Fils. Or, si on y prend garde, c’est là tout ce que le texte du Symbole et celui de la Préface entendent affirmer avec une clarté telle que nulle équivoque, incertitude ni hésitation ne soient possibles. L’unicité de Dieu vient d’abord : Credo in unum Deum. La Préface spécialement écrite pour la Sainte Trinité n’en affirme que plus fortement l’unité divine : Qui cum unigenito Filio tuo et Spiritu Sancto, unus es Deus, unus es Dominus. Le reste de ces deux textes liturgiques doit être entendu à la lumière de ce fait. Lorsque le symbole dit du Fils qu’il est consubstantiel au Père, ou que la Préface affirme que Dieu est un « dans la Trinité d’une seule substance », la racine verbale et le mot substance ne sont là que pour affirmer cette unité de l’être divin sans aucune équivoque possible. Dire que la Trinité divine est une seule substance, ou dire qu’il n’y a qu’un seul Dieu, c’est tout un. 
Il faut comprendre en outre que, signifiant cela, le mot substance ne signifie ici rien d’autre. Aucune notion philosophique de la substance n’y entre en jeu. Il ne serait d’ailleurs pas facile de trouver une définition de la substance sur laquelle, à s’en tenir à ceux qui en admettent la validité, tous les philosophes soient d’accord. On connaît différentes définitions scolastiques de la substance, outre celle d’Aristote lui-même, et ceux qui refusent aujourd’hui toute valeur philosophique à cette notion, dont ils se font d’ailleurs l’idée la plus étrange, peuvent seulement dire qu’ils la récusent en quelque sens que ce soit. La formule dogmatique du symbole et de la Préface reste entièrement indifférente à ces controverses, car le mot substance y connote seulement la notion d’un être individuel un, unique, indivisible en soi et actuellement existant. Le Dieu de la foi catholique est un, mais tellement plus un, que sa transcendante unicité va permettre à son sujet des affirmations ultérieures qu’on ne concevrait pas du point de vue de notre propre unité substantielle relative et imparfaite. Il est donc extrêmement important de comprendre que l’analphabète qui dit : « Je crois en un seul Dieu le Père tout puissant, et en un seul seigneur Jésus-Christ… consubstantiel au Père », et le théologien qui prononce les mêmes paroles l’esprit plein de souvenirs philosophiques, théologiques et historiques, disent identiquement la même chose ; la notion de substance ne signifie rien de plus pour l’un que pour l’autre ; elle veut seulement dire qu’il n’y a qu’un seul Dieu et que ce Dieu est un. C’est tout. 
On demandera sans doute alors pourquoi faire usage de ce mot savant dans un contexte où sa signification technique n’est pas en cause ? À quoi la première réponse à faire est qu’en effet ce mot n’est pas nécessaire ; il n’a même été choisi que parce qu’on n’en a pas trouvé, en latin, de meilleur ni même d’aussi bon. Saint Thomas d’Aquin, dont l’autorité théologique n’est pas médiocre, est un de ceux qui n’aimaient pas parler de Dieu comme d’une substance. On en apprendra les raisons en se reportant à laSumma theologiae, I, 29, 4, où se voient à plein les misères du langage humain, même dans la bouche des théologiens les plus illustres, quand il faut parler de Dieu. C’est un labyrinthe dont on n’est jamais sûr d’avoir trouvé l’issue. En ce qui concerne ‘ substance ’, le mot ne peut pas signifier quelque chose qui, en Dieu, se trouverait sous sa nature, ou sous son essence ; de telles propositions ne signifient rien, c’est pourtant ce que le mot ‘ substance ’ suggère directement à l’esprit. Selon Thomas d’Aquin, qui ne tient pas à le lui appliquer, le mot « convient à Dieu en tant qu’il signifie exister par soi » (I, 29, 3, 4m). Je ne crois pas exagérer en disant que, lorsqu’un chrétien dit que le Fils est ‘ consubstantiel ’ au Père, il pense rarement à la ‘ perséité ’ de Dieu. Il pense probablement plutôt que le Fils est identiquement le même Dieu que le Père, parce que la substance d’une des personnes divines est la même que celle de l’autre ; les deux personnes sont un seul et même être ; il n’y a rien à ajouter. 
Le mot substance suffit donc, si on en en use. En effet, là où la substance est une, la nature l’est aussi. On atteindrait le même degré de précision en remplaçant ‘ substance ’ par ‘ être ’, ou, comme fait la Préface que nous avons citée, par essentia, mais ce mot latin conserve encore ses attaches natives avec le verbe esse, au lieu que l’essence, mot français, signifiant ce qui constitue la nature spécifique d’un être, dire que le Fils est de même essence que le Père serait dire qu’il est de même nature ; on a donc bien fait de préférer ce dernier mot. On pourrait encore rendre essentia par entité, car ce dernier mot vient deens, entis, et signifie l’état de ce qui est un ‘ étant ’ ; mais ici encore le français a laissé le mot perdre de sa force, car même quand il ne signifie pas ‘ une entité ’, notion abstraite prise pour un être réel, le sens le plus fort qu’on puisse lui donner est celui d’une essence, ou nature, conçue comme douée de réalité. Là encore, nature vaut mieux en français que ce qu’on pourrait vouloir lui substituer. 
Nature n’est pourtant qu’un pis-aller et ne résout pas le problème, car saint Thomas d’Aquin, désireux d’éviter substance, n’emploie jamais natura sans lui adjoindre essentia et inversement. On en trouvera maint exemple dans la Somme contre les Gentils, IV, 7 : « est ergo eadem essentia et natura Patris et Filii… » ; « oportet quod eadem sit numero natura et essentia Patris et Filii » ; « sequitur de necessitate quod sit eadem numero natura et essentia in Patre et Filio ». Les deux mots sont alors nécessaires, car dire que le Fils est de même nature que le Père, c’est dire qu’il est lui aussi de nature divine, et par conséquent qu’il est Dieu ; mais dire que le Fils est de même entité, ou être que le Père, bref de mêmeessentia, c’est dire qu’il est, non seulement un Dieu, mais le même Dieu : « Cum enim ex Scripturis divinis ostensum sit Patris et Filii eamdem numero essentiam esse et naturam divinam secundum quam uterque verus dicitur Deus, oportet Patrem et Filium non duos deos, sed unum Deum esse ». (IV, 8). Parce que les deux personnes ont même nature, l’une et l’autre sont divines ; parce qu’elles ont même être, elles sont un seul et même Dieu. 
Les données du problème posé aux traducteurs étaient donc telles : ou bien traduire consubstantialempar consubstantiel, comme il avait été toujours fait avant Vatican II ; ou bien remplacer ‘ substance ’ par ‘ nature ’, mais en ajoutant « être » (essentiam), comme a soin de faire Thomas d’Aquin, ce qui donnerait : de même nature et être que le Père, formule plus longue que ‘ consubstantiel ’ mais dogmatiquement irréprochable ; ou bien enfin ne mentionner ni la substance ni la nature et dire simplement ‘ de même être que le Père ’, car en Dieu la substance et la nature sont identiquement l’être même : esse. De ces solutions possibles, dont chacune avait ses avantages et ses inconvénients, aucune n’a été retenue. On a préféré introduire une nouvelle, dont on ne peut imaginer un instant qu’elle n’ait pas été retenue sans de bonnes et graves raisons, mais comme on ne nous a pas dit lesquelles, le commun des fidèles se trouve engagé dans la nouvelle église de masse sans pouvoir faire plus que rêver à ce qui lui arrive. 
Des auteurs de la réforme liturgique ont probablement pensé que les fidèles ne se poseraient pas de questions. C’est une erreur psychologique. On ne peut pas imposer de nouvelles formes de prière à des croyants élevés dans la conviction que la substance du dogme est intangible sans leur inspirer quelque surprise. Le mot nature leur est familier et qu’on l’introduise ne leur crée aucune difficulté, ce qui les surprend est qu’on élimine le mot substance. Avec lui disparaît ce que Jean Duns Scot nommait fort bien la « consubstantialité d’origine », qui est la relation même du Fils au Père au sein de la Trinité. Il va sans dire que les auteurs de la liturgie réformée le savent mieux que quiconque. Ils ne peuvent pas non plus ignorer quelle situation ils créent par leur décision, car le nouveau texte liturgique n’est pas facultatif, il est obligatoire : le fidèle qui s’obstinerait à chanter le Credo en latin plutôt qu’en français pour préserver le ‘ consubstantiel au Père ’, ferait preuve d’un manque de discipline et d’un esprit de rébellion dont, n’étant pas théologien, je ne puis apprécier la gravité ; un prêtre qui s’obstinerait à proclamer le Fils consubstantiel au Père pourrait s’attendre, j’imagine, à être l’objet de sérieux avertissements, puis de sanctions. Le fait est donc que la consubstantialité a été éliminée au profit de la connaturalité. Les auteurs de la réforme liturgique ne peuvent pas ne pas avoir vu les conséquences de leur décision. La première et principale est que le nouveau symbole omet d’affirmer l’unicité de la Trinité. Il ne la nie certes pas, mais il ne l’enseigne pas non plus et, en imposant cette omission aux fidèles, il leur interdit de continuer à la professer comme ils l’ont toujours fait depuis le Concile de Nicée. Car si le Fils est de même nature que le Père, il est Dieu comme lui, mais s’il n’est pas de la même substance ou du même être que le Père, il peut être un deuxième Dieu, en attendant que le Saint-Esprit en soit un troisième. On ne dit assurément pas que le Fils soit un autre Dieu que le Père, on interdit seulement de faire usage de la seule formule dogmatique qui exclut toute possibilité d’erreur à cet égard. « Haec praepositio de », note fermement saint Thomas, « semper denotat consubstantialitatem ». (S.T. I, 41, 3, ad 2 m.). 
Doit-on prêter aux réformateurs un désir d’œcuménisme, qui leur ferait assouplir certaines formules du dogme pour en faciliter l’acceptation à des religions différentes ? C’est peu probable, car le dogme de la Sainte Trinité, pierre angulaire du Christianisme, est aussi la pierre d’achoppement qui bloque toute possibilité d’accord avec le Judaïsme et l’Islam. Pour ces deux religions, le Christianisme est un polythéisme. Le Chrétien pouvait jusqu’ici répondre que non, puisque les trois personnes divines ne sont qu’un seul et même Dieu ; il ne le peut plus, s’il est français, car si les trois personnes n’ont en commun que la nature, non la substance ou l’être, chacune d’elles est un Dieu comme les deux autres. De même qu’un père et son fils sont deux hommes de même nature, le Père et le Fils sont deux dieux. 
Ce n’est pas ce qu’on a voulu dire, mais alors pourquoi remplacer le mot juste par un qui ne l’est pas ? Je l’ignore, mais je dois d’abord constater que, de tous les prêtres à qui j’ai posé la question, aucun n’a semblé penser que ce changement de mot pût avoir la moindre importance. J’ajouterai que, si on les pressait un peu, ils opinaient que les réformateurs avaient sans doute voulu éviter le mot ‘ substance ’ comme trop technique, ou trop savant, ne disant rien à la masse des simples fidèles, au lieu que le sens de ‘ nature ’ leur est compréhensible et connu. Il se peut, mais l’objet du symbole n’est pas de faire comprendre le mystère, c’est de le définir. Or on ne le définit pas en disant que le Fils est de même nature que le Père, car c’est vrai de tous les fils. Ce qui serait un mystère insondable serait qu’un fils ne fût pas de même nature que son père. En affirmant qu’ils le sont, on ne dit rien du tout, sinon une vérité du même ordre que celles qui ont rendu célèbre le nom de Monsieur de la Palisse. En fait, on a voulu parler aux masses un langage de masse ; substance est un mot savant, nature est plus populaire et simple ; on le substituera donc à substance, même s’il n’est pas le mot juste. Quel que soit l’avenir de la nouvelle formule, le seul fait qu’elle ait pu être un jour proposée et acceptée, est en soi riche d’enseignements. 
Nous ne discutons pas ici le problème pour lui-même, mais comme exemple de cette vérité, commune à la peinture, à la musique, à la littérature et à la liturgie même, que toute massification entraîne une vulgarisation. L’abandon de la consubstantialité serait une monstruosité théologique, si ceux qui le favorisent ne pensaient pas qu’au fond cela n’a pas d’importance, que nature et substance sont la même chose et que si on veut gagner les masses, ou ne pas les perdre, il faut s’ajuster au niveau intellectuel qui est le leur. Leur donner l’impression qu’ils comprennent un mystère qui n’est pourtant pas une opération rentable à longue échéance. On commet une méprise analogue en partant de ce principe que les masses religieuses aiment la vulgarité. C’est tout le contraire. On ferait mieux d’admettre sans glose que Dieu est un être unique en trois personnes, et de dire cette vérité dans la nudité de sa formule théologique exacte, plutôt que de servir aux foules une théologie frelatée, toujours assez bonne pour elles, en réservant la vérité pour les écoles où la sacra doctrina s’enseigne comme une science ésotérique réservée aux initiés. Dissimuler un mystère n’est pas une bonne méthode pour le faire accepter ; mépriser les foules n’est pas une bonne manière de gagner leur suffrage. Le peuple n’est jamais vulgaire ; il déteste plutôt qu’on affecte la vulgarité dans l’espoir de lui faire plaisir. 
L’Église elle-même ne veut rien de tel ; elle sait même qu’elle doit s’attendre à des déviations de ce genre à partir du moment où elle renonce pour sa langue liturgique au privilège dont celle-ci jouissait depuis tant de siècles. Le pape Paul VI a clairement défini l’enjeu et le risque de la réforme dans son allocution du 7 mars 1965 à la foule réunie sur la place Saint-Pierre de Rome. Son motif principal s’y définit clairement : « Le bien du peuple exige ce souci de rendre possible la participation active des fidèles au culte public de l’Église. » Pour « rendre intelligible sa prière », l’Église a donc fait le sacrifice de « sa langue propre », le latin, « qui est une langue sacrée, grave, belle, très expressive et élégante ». Puis, découvrant le fond de sa pensée et de la question, le Pontife ajoutait que l’Église « a fait le sacrifice de traditions séculaires, et, surtout, de l’unité de la langue entre ses divers peuples, pour le bien d’une plus grande universalité, pour arriver à tous ». 
On ne saurait mieux définir la difficulté que les sociétés de masse doivent surmonter et que leurs efforts de massification ne réussissent que bien rarement à vaincre complètement. Pour que tous les fidèles participent réellement au culte, qui est sa vie même, l’Église décide, à regret, d’accepter, de recommander et au besoin d’imposer l’usage des langues vulgaires comme langues liturgiques. La division des Chrétiens en deux ordres, ceux qui savent la langue liturgique et en comprennent le sens, ceux qui, ne la sachant pas, ne peuvent que suivre indirectement et imparfaitement l’action liturgique à laquelle ils assistent, va faire place à l’immense société des fidèles qui participeront tous directement à la célébration du même culte entendu en un même sens ; seulement, afin que ce résultat soit possible, il faut que l’Église sacrifie l’unité de sa langue pour obtenir cette unité de sens. C’est ce que signifient les paroles mêmes de Paul VI, lorsque, marquant avec une force insurpassable ce que la situation a de paradoxal, il parle de sacrifier « l’unité de langue entre les divers peuples » de l’Église, en vue d’atteindre une plus grande universalité, celle de tous les Chrétiens. En fait, on vient de voir la difficulté du problème, car pour assurer son propre œcuménisme, l’Église de France vient de se séparer d’un œcuménisme plus vaste : elle n’a plus le même Credo que celle de Rome, La Messa della communità cristiana n’est plus la messe de toute l’Église ; pour s’œcuméniser en France, elle perd son universalité. 
Étienne Gilson (La société de masse et sa culture, Vrin, Paris, 1967, pp. 120-131)

24 août 2013

[ouest-france.fr] Savigny en fête avec une messe à l'ancienne et en latin

SOURCE - ouest-france.fr - 24 août 2013

Le comité des fêtes organise dimanche 25 août, une fête intitulée « Savigny en fête ».

Comme l'an dernier, la messe sera célébrée en latin avec des chantres, des enfants de choeur et des séminaristes au sein de l'église datant du XII e siècle et classée monument historique. « Pour l'occasion, j'ai invité l'abbé Charles Gauthey qui est venu auparavant à la fête ancienne comme cérémoniaire et qui a été ordonné prêtre le 29 juin dernier en Allemagne pour la fraternité Saint-Pierre. Il célébrera la messe comme autrefois à 10 h 45 et donnera des premières bénédictions à la fin de l'office. Une autre nouveauté attend les paroissiens, cette année : des vêpres en grégorien auront lieu à 17 h dans cette même église », explique le père Benoit Le Mieux, prêtre de la paroisse Saint-François-d'Assise.

Au programme, dimanche, un vide-greniers prendra place au coeur du bourg dès 7 h. Renseignements et réservations auprès de Philippe Groualle au 02 33 07 97 29. Le midi, le comité proposera de la restauration sur place avec grillades, gigot et frites.

Tous les visiteurs pourront découvrir les animaux de la ferme et leurs petits, admirer le matériel ancien, les vieux tracteurs et goûter aux produits du terroir : galettes, pain chaud, teurgoule, beurre frais, crème fermière etc.

Les danses des jeunes de Savigny, animées par le groupe Air Folk, mettront l'ambiance pendant cet après-midi de fête. Les petits écoliers en blouse devant leur plumier feront leur rentrée un peu en avance. Des promenades en carriole et des structures gonflables seront à la disposition des enfants pendant toute la journée.

« Dimanche après-midi, le travail commencera par l'arrachage des pommes de terre et continuera avec l'ensilage à l'ancienne et la fête de la moisson. Pour les plus téméraires, le tir à la corde en surprendra plus d'un. Le soir, un méchoui sera organisé et le bal clôturera la fête », conclut Adeline Lesouef, membre du comité des fêtes.
Dimanche 25 août, Savigny en fête. Entrée gratuite. Site internet : www.savigny-fete.fr

[Mgr Williamson] Vision de résistance

SOURCE - Mgr Williamson - 24 août 2013
La direction encore et toujours suivie par les chefs de la Fraternité St Pie X effraie bon nombre de catholiques qui gardent aujourd’hui la Foi catholique, et puisqu’ils apprécient tout ce qu’ils reçoivent de la FSPX depuis des dizaines d’années, ils désirent désespérément une Fraternité semblable qui la remplace. La vision autre d’un réseau de poches de résistance indépendantes leur fait peur. Ce qui peut les rassurer, c’est que c’était plutôt la vision d’un prophète et pionnier insigne du mouvement Traditionnaliste, le prêtre dominicain français, Roger-Thomas Calmel (1914-1975). Voici des pages adaptées de sa Brève Apologie de l’Église de toujours (pp.48-51, 58) :-- 

« Quoi qu’il en soit des aberrations de l’autorité hiérarchique dans la sainte Église, les prêtres ne peuvent tenir la place des évêques, ni les laïcs tenir la place des prêtres. Songeons-nous alors à mettre sur pied une immense ligue mondiale de prêtres et chrétiens fidèles qui, devenus des « interlocuteurs valables » pour la hiérarchie officielle, l’obligeront à restaurer l’ordre catholique ? Dessein grandiose et émouvant, mais chimérique. Car enfin ce groupe qui se voudra d’Église mais ne sera ni diocèse, ni archidiocèse, ni paroisse, ni ordre religieux, qui n’entrera dans aucun des secteurs sur lesquels et pour lesquels s’exerce l’autorité dans la sainte Église, ce groupe sera artificiel : artefactum étranger aux groupes réels, établis et reconnus. 

« Comme pour tout groupement, le problème du chef et de l’autorité se posera pour ce groupe ; et même avec d’autant d’acuité que le groupe sera plus énorme. Nous ne tarderions pas à aboutir à ceci : le groupe, étant une association, doit résoudre la question de l’autorité ; étant artificiel (n’appartenant à aucune espèce de groupe naturel ni surnaturel) elle ne peut la résoudre. Des groupes rivaux ne tarderont pas à s’élever, la guerre en deviendra inévitable, et il n’y aura aucun moyen canonique de terminer ni de conduire cette guerre. 

« Sommes-nous alors condamnés à l’impuissance au milieu du chaos, souvent sacrilège ? Je ne le crois pas. D’abord, l’Église de Jésus Christ est assurée jusqu’à la fin du monde de conserver assez de hiérarchie personnelle authentique pour maintenir les sacrements, en particulier ceux de l’autel et de l’ordre, et pour prêcher la doctrine du Salut, unique et invariable. Et ensuite, quelles que soient les défaillances de la hiérarchie réelle, nous détenons tous, prêtres et laïcs, chacun pour notre compte, une petite part d’autorité. 

« Donc que le prêtre fidèle capable de prêcher aille jusqu’au bout de son pouvoir et de sa grâce de prêcher, de pardonner les péchés et de célébrer la vraie Messe. Que la sœur enseignante aille jusqu’au bout de sa grâce et de son pouvoir de former les jeunes filles dans la foi, les bonnes mœurs, la pureté, les belles-lettres. Que tout prêtre et laïc, chaque petit groupe de prêtres et de laïcs, ayant autorité et pouvoir sur un petit fortin d’Église et de chrétienté, aille jusqu’au bout de ses possibilités et de son pouvoir. Que les chefs de fortin et les occupants ne s’ignorent pas et communiquent entre eux. Que chacun de ces fortins, protégé, défendu, entraîné, dirigé dans sa prière et ses chants par une autorité réelle, devienne au tant que possible un bastion de sainteté : voilà qui assurera la continuité certaine de la vraie Église et préparera efficacement les renouveaux pour le jour qui plaira au Seigneur. 

« Nous n’avons donc pas à craindre, mais à prier en toute confiance, exercer sans peur, selon la Tradition et dans notre sphère, le pouvoir qui est le nôtre, préparer ainsi les temps heureux où Rome se ressouviendra d’être Rome et les évêques d’être évêques. » 

Kyrie eleison.

22 août 2013

[Aigle - Le Forum Catholique] L'Eglise et les Riches : une nouvelle théorie

SOURCE - Aigle - Le Forum Catholique - 22 août 2013

Bon l'avantage des déplacements estivaux, c'est de rencontrer des têtes nouvelles. En l'occurrence un prof de philo tradi mais un peu original. Il m'a soumis une conception étonnante des relations entre l'Eglise (enfin le clergé et l'épiscopat) et les riches depuis 1945 en répondant à ma question : "pourquoi l'Eglise "qui est en" France est elle si discrète sur les inégalités spectaculaires de revenus qui caractérisent notre société et l'enrichissement massif de gens qui ne créent pas grand chose : traders, animateurs télé ou joueurs de foot alors que jadis (avant 1990 en gros) tant d'évêques soutenaient sans hésiter manifs et grèves ?" 

Je résume à grands traits sa réponse et voudrais avoir votre avis. 

Son point de départ : entre 1945 et 1960, l'épiscopat français et la majorité du clergé "installé" se plaçaient dans une relation d'amicale coopération avec les "riches" (les patrons si vous préférez) qui étaient massivement catholiques pratiquants, finançaient les diocèses et partageaient la même culture conservatrice et anticommuniste (même sous la forme démo-chrétienne). Cette attitude était contestée de plus en plus fortement par une frange croissante du jeune clergé soutenu par des intellectuels bruyants, très sensibles aux questions sociales, intimidés voire influencés par le PCF et la CGT et qui voyaient les pauvres de l'Evangile dans la classe ouvrière. 

Dans les années 1960, le rapport de force s'inverse brutalement et la position "ouvriériste" des jeunes devient sinon la thèse officielle de tout l'épiscopat, du moins un élément très important du discours officiel ecclésial qui prend une orientation très méfiante à l'égard de l'initiative privée, de l'entreprise, etc ... et très soucieuse de défendre les droits des salariés, des ouvriers, des immigrés, etc ... Le courant "conservateur" est obligé de se taire. 

Bon tout cela est peut-être simpliste - mais il s'agit d'échanges effectués un verre de rosé à la main ! 

Cette seconde période aurait pris fin depuis une quinzaine/vingtaine d'années selon mon interlocuteur. Désormais les anciens riches cathos(nobles, grands ou petits bourgeois) ont vu leur patrimoine se contracter, leurs domestiques disparaître comme leurs châteaux et ils vivent désormais du fruit de leur travail dans des conditions relativement proches des classes moyennes. 

En revanche les vrais riches, qui roulent en Porsche, volent en jets privés, se soignent à l'hôpital américain de Neuilly, prénomment leurs enfants "William" ou "Kate" et ont une adresse à Londres et une autre en Suisse, sont très rarement des catholiques pratiquants. Soit il s'agit d'ex catholiques vendus à l'esprit du monde, soit il s'agit de musulmans (surtout dans le sport professionnel cher à XA) soit il s'agit d'adeptes d'autres religions. En toute hypothèse, des gens qui adhèrent à des religions que le clergé contemporain s'interdirait de critiquer - même de manière indirecte - de peur d'âtre accusé de racisme (injure suprême). 

En gros pour cet intellectuel (qui à mon avis pousse le bouchon un peu loin) dire que les traders sont des voleurs voire simplement rappeler qu'on ne peut servir deux maîtres (Dieu et l'argent) seraient assimilables à du racisme, maintenant que bien rares sont les catholiques pratiquants richissimes ... 

Qu'en pensez vous ? le clergé contemporain serait il assez sot ? ou y a-t-il une autre explication ?

[Chiesa (blog)] Journal du Vatican / Le dernier coup du pape Benoît

SOURCE - Chiesa (blog) - 22 août 2013

Le dernier coup du pape Benoît - Il concerne le rite du baptême. Benoît XVI a voulu que l'on dise "Église de Dieu" au lieu de "communauté chrétienne". C'est quelques jours avant de démissionner qu'il a donné cet ordre de changer, qui est entré en vigueur après l'élection du pape François

CITÉ DU VATICAN, le 22 août 2013 – Le dimanche qui suit l'Épiphanie est celui du baptême de Jésus. Et ce dimanche-là, année après année , Benoît XVI a administré le premier sacrement de l’initiation chrétienne à un certain nombre d’enfants, à la Chapelle Sixtine.

À chaque fois, il a donc eu l’occasion de prononcer les formules prévues par le rite du baptême qui est en vigueur depuis 1969. Mais il y a, dans ce rite, deux mots qui ne l’ont jamais complètement convaincu.

Voilà pourquoi, avant de renoncer à la chaire de Pierre, il a ordonné qu’ils soient modifiés dans le texte original en latin et par conséquent, en cascade, également dans ce que l’on appelle les langues vernaculaires.

Cette décision, mise en œuvre par la congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, a été publiée dans le journal officiel de ce dicastère, "Notitiæ". Son existence a été signalée, dans le silence des médias du Vatican, par le quotidien de la conférence des évêques d’Italie, "Avvenire".

Le décret qui introduit cette innovation, publié en latin, commence de la manière suivante :

"Porte de la vie et du royaume, le baptême est un sacrement de la foi par lequel les hommes sont incorporés dans l’unique Église du Christ, qui subsiste dans l’Église catholique, gouvernée par le successeur de Pierre et par les évêques en communion avec lui".

C’est précisément en partant de cette considération que la congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements a motivé la modification apportée à la seconde "editio typica" latine du rite du baptême des enfants, publiée en 1973 (et qui, en ce qui concerne la formule en question, est identique à la première "editio typica", datant de 1969) :

"Afin que soit mieux mis en lumière, dans ce même rite, l’enseignement de la doctrine relative à la mission et au devoir de notre Mère l’Église en ce qui concerne les sacrements à célébrer".

La modification apportée est la suivante.

Désormais, à la fin du rite de l’accueil, avant de marquer du signe de la croix le front de l’enfant ou des enfants, le prêtre ne dira plus : "Magno gaudio communitas christiana te (vos) excipit", mais : "Magno gaudio Ecclesia Dei te (vos) excipit".

Concrètement, le pape Joseph Ratzinger, en fin théologien qu’il est, a voulu que, dans le rite baptismal, on dise de manière claire que c’est l’Église de Dieu – qui subsiste complètement dans l’Église catholique – qui accueille les candidats au baptême et non pas, de manière générale, la "communauté chrétienne", terme qui sert aussi à désigner chacune des communautés locales ou encore les confessions non catholiques telles que les églises protestantes.

Dans le décret publié par "Notitiæ" il est précisé que Benoît XVI "a bien voulu décider" la modification du rite mentionnée ci-dessus au cours d’une audience qu’il a accordée au préfet de la congrégation, le cardinal Antonio Cañizares Llovera, le 28 janvier 2013, à peine deux semaines avant d’annoncer qu’il renonçait à sa charge pontificale.

Le décret est daté du 22 février 2013, jour de la fête de la Chaire de saint Pierre, et il porte les signatures du cardinal préfet et de l’archevêque secrétaire Arthur Roche. Et il y est indiqué qu’il entrera en vigueur le 31 mars 2013, c’est-à-dire déjà sous le règne du pape François, qui, bien entendu, n’a soulevé aucune objection à propos de la décision de son prédécesseur.

L'introduction de la modification dans les textes en langues vernaculaires sera supervisée par la conférence des évêques de chaque pays.

En anglais, la phrase actuelle dans laquelle les deux mots “communauté chrétienne” devront être changés en “Église de Dieu” est : "The Christian community welcomes you with great joy".

En français : "La communauté chrétienne t’accueille avec une grande joie".
En espagnol : "La comunidad cristiana te recibe con gran allegria".
En portugais : "È com muita allegria que la comunidade cristã te recebe".

Il y a deux versions qui s’éloignent légèrement du texte original en latin. L’une est la version allemande : "Mit großer Freude empfängt dich die Gemeinschaft der Glaubenden [La communauté des croyants t’accueille avec une grande joie]". L’autre est celle qui est en vigueur en Italie : "Con grande gioia la nostra comunità cristiana ti accoglie [Notre communauté chrétienne t’accueille avec une grande joie]", dans laquelle est ajouté un mot, "notre", qui n’est pas présent dans le texte original en latin.

La version italienne est celle que Benoît XVI a utilisée à chaque fois qu’il a administré le sacrement le dimanche du Baptême de Jésus. Et c’est peut-être justement ce "notre" trop autoréférentiel qui a conduit le pape théologien à décider le changement.

Jusqu’en 2012, en effet, Benoît XVI omettait le "notre" et, bien que célébrant en italien, il disait aux enfants qui allaient être baptisés : "La communauté chrétienne vous accueille avec une grande joie".

Mais, à la fin, il a probablement considéré que le texte original en latin était lui aussi ambigu. C’est ainsi que, le 13 janvier dernier, lorsqu’il a célébré le baptême pour la dernière fois en tant que souverain pontife, il a dit : "Chers enfants, l’Église de Dieu vous accueille avec une grande joie".

Et peu de temps après, l’une des dernières mesures de son pontificat a été de prescrire cette formule pour toute l’Église.
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LE TEXTE DU DÉCRET
Dans le décret publié dans "Notitiæ", 557-558, Jan.-Feb. 2013, 1-2, pag. 54-56, "communitas christiana" est remplacé par "Ecclesia Dei" aux paragraphes 41, 79, 111, 136 et 170 de la seconde "editio typica" (c’est-à-dire normative) du rite du baptême des enfants, rédigée en latin et datant de 1973.

Le paragraphe 41 concerne précisément l’"Ordo Baptismi pro pluribus parvulis" (le rite du baptême pour plusieurs enfants).

Le paragraphe 79 l’"Ordo Baptismi pro uno parvulo" (le rite pour un seul enfant).

Le paragraphe 111 l’"Ordo Baptismi pro magno numero parvulorum" (le rite pour un grand nombre d’enfants).

Le paragraphe 136 l’"Ordo Baptismi parvulorum absente sacerdote et diacono a catechistis adhibendus" (le rite célébré par des catéchistes en l’absence du prêtre et du diacre).

Le paragraphe 170 l'"Ordo deferendi ad Ecclesiam parvulum iam baptizatum" (le rite pour faire entrer dans l’Église un enfant déjà baptisé).

Voici donc le texte du décret :

CONGREGATIO DE CULTU DIVINO ET DISCIPLINA SACRAMENTORUM

Prot. N. 44/13/L

DECRETUM

Vitae et regni ianua, Baptismus est sacramentum fidei, quo homines incorporantur unicæ Christi Ecclesiæ, quæ in Ecclesia catholica subsistit, a Successore Petri et Episcopis in eius communione gubernata.

Unde Congregationi de Cultu Divino et Disciplina Sacramentorum visum est variationem quandam in editionem typicam alteram Ordinis Baptismi Parvulorum inducere, eo ut in eodem ritu melius in lucem ponatur tradita doctrina de munere et officio Matris Ecclesiae in sacramentis celebrandis. Dicasterium proinde ea, quae sequuntur, disponit :

Ordo Baptismi Parvulorum in posterum sic recitet :

1. "41. Deinde celebrans prosequitur dicens :
N. …, N. (vel Filioli), magno gaudio Ecclesia Dei vos excipit. In cuius nomine ego signo vos signo crucis ; et parentes vestri (patrinique) post me eodem signo Christi Salvatoris vos signabunt.
Et signat unumquemque parvulum in fronte, nihil dicens. Postea invitat parentes et, si opportunum videtur, patrinos, ut idem faciant".

2. "79. Deinde celebrans prosequitur dicens :
N. …, magno gaudio Ecclesia Dei te excipit. In cuius nomine ego signo te signo crucis ; et parentes tui (patrinique vel et matrina) post me eodem signo Christi Salvatoris te signabunt.
Et signat parvulum in fronte, nihil dicens. Postea invitat parentes et, si opportunum videtur, patrinum (matrinam), ut idem faciant".

3. "111. Celebrans prosequitur dicens :
Filioli, magno gaudio Ecclesia Dei vos excipit. In cuius nomine ego signo vos signo crucis.
Producit signum crucis super omnes infantes simul, et ait :
Et vos, parentes (vel patrini), infantes in fronte signate signo Christi Salvatoris.
Tunc parentes (vel patrini) signant parvulos in fronte".

4. "136. Catechista prosequitur dicens :
Filioli, magno gaudio Ecclesia Dei vos excipit. In cuius nomine ego signo vos signo crucis.
Producit signum crucis super omnes infantes simul, et ait :
Et vos, parentes (vel patrini), infantes in fronte signate signo Christi Salvatoris.
Tunc parentes (vel patrini) signant parvulos in fronte".

5. "170. Deinde celebrans prosequitur dicens :
N. …, magno gaudio Ecclesia Dei, cum parentibus tuis gratias agens, te excipit testificaturque te iam ad Ecclesia fuisse receptum. In cuius nomine ego signo te signo Christi, qui tibi in Baptismate vitam largitus est et Ecclesiæ suæ te iam aggregavit. Et parentes tui (patrinusque vel et matrina) post me eodem signo crucis te signabunt.
Et signat infantem in fronte, nihil dicens ; postea invitat parentes et, si opportune videtur, patrinum, ut idem faciant".

Ego infrascriptus Congregationis Praefectus, hæc Summo Pontifici Benedicto XVI exposuit, qui, in audientia die 28 mensis ianuarii 2013 eidem concessa, textum praesentem editionis typicæ alteræ Ordinis Baptismi Parvulorum modo sopradicto posthac variari benigne statuit.
Quæ statuta de Ordine Baptismi Parvulorum statim ab omnibus, ad quos spectant, serventur et inde a die 31 mensis martii 2013 plenum habeant vigorem.
Curæ autem Conferentiarum Episcopalium committitur ut variationes, in Ordine Baptismi Parvulorum factæ, in editiones eiusdem Ordinis lingua vernacula apparandas inducant.
Contrariis quibuslibet minime obstantibus.

Ex aedibus Congregationis de Cultu Divino et Disciplina Sacramentorum, die 22 mense februarii 2013, in festo Cathedræ sancti Petri Apostoli, datum.

Antonius Card. Cañizares Llovera, Præfectus

Arturus Roche, Archiepiscopus a Secretis
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Traduction française par Charles de Pechpeyrou