30 avril 2014

[Riposte Catholique] L’église des Saints Innocents de New-York devrait fermer

SOURCE - Riposte Catholique - 30 avril 2014

Selon le site Capital New-York repris par différents blogs, la Paroisse des Saints Innocents de New-York devrait fermer ces portes dans les prochains mois. En cette paroisse située sur la 37ème rue en plein Manhattan, la messe dans la forme extraordinaire est célébrée tous les jours en semaine, les dimanches et fêtes. C’est la seule paroisse du diocèse où la forme extraordinaire est célébrée tous les jours.

Ironie de l’histoire (si on peut être ironique… ce qui n’est pas sûr), la paroisse serait fusionnée avec la paroisse Saint-François Xavier (31ème rue), paroisse très libérale dont une délégation à participer à la marche des fiertés gays.

La paroisse ferait les frais d’un nouveau plan de « restructuration » des paroisses de l’archidiocèse de New-York qui devrait être validé courant juin par le cardinal Dolan. Il n’est pas précisé exactement ce qu’il adviendra de la communauté attachée au missel de 1962, mais les craintes sont réelles!

29 avril 2014

[Notions Romaines / New Liturgical Movement] Dom Mark Kirby à propos de Jean XXIII sur l'office divin traditionnel

SOURCE - version française par Notions Romaines d'un texte publié sur New Liturgical Movement - 29 avril 2014
[Par M. Peter Kwasniewski]

En compagnie, sans aucun doute, de plusieurs lecteurs de NLM [ndlr, le blogue New Liturgical Movement], je déniche souvent une nourriture spirituelle et intellectuelle très profonde en lisant le blogue Vultus Christi [en anglais], tenu par le prieur de Silverstream, Dom Mark Kirby, OSB. Il y a de cela quelques jours, le Père prieur a publié un article splendide intitulé: «Saint Jean XXIII: l’office divin et le Concile» qui en plus de nous offrir les réflexions de l’auteur nous présente aussi le texte intégral de l’exhortation apostolique Sacrae Laudis de 1962 écrite par le pape Jean. À la lecture de ce document, nous pouvons clairement voir avec quelle âpreté le pape Jean fut trahi, de quelle manière impitoyable sa piété et doctrine furent bafouées et comment la tâche de reconstruction nous incombe si nous souhaitons nous reconnecter avec la tradition vivante du culte de nos ancêtres.

Voici alors quelques réflexions de Dom Kirby:
«L’exhortation apostolique Sacrae Laudis (6 janvier 1962) est, à mon esprit, merveilleusement révélatrice de la piété du «Bon pape Jean». Il y avait et il y a plusieurs personnes, autant au sein de l’Église que dans les médias séculiers, qui voudraient nous faire croire à un Papa Roncalli révolutionnaire, moderniste et iconoclaste. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Comment exactement cette représentation du pape Jean XXIII est-elle devenue si prévalente? Ce fut, il me semble, une question à la fois d’image et de style personnel. Le pape Jean XXIII fut différent et ce de plusieurs façons de son prédécesseur, le Vénérable Pie XII. Alors que Pie XII était mince et hiératique, Jean XXIII était rond et bonhomme, non seulement Papa, mais aussi nonno [ndlr, grand-père en italien]. Bien que les deux papes étaient des diplomates aguerris, la diplomatie de Pacelli avait un style aristocratique; celle de Roncalli avait la perspicacité du paysan bergamasque. Pacelli était convaincant, Roncalli était gagnant.

La piété de Jean XXIII était liturgique, sacerdotale et dévotionnelle. (Ne manquez pas l’assertion charmante de Jean XXII selon laquelle le prêtre qui récite son office divin le récite avec son ange garden!) Cette piété était à la fois élevée, noble, mais aussi enfantine. Sacrae Laudis révèle sa profonde compréhension de la liturgie sacrée dans la vie de l’Église et en particulier du caractère singulièrement exalté de l’office divin, le sacrifice de louange offert quotidiennement par l’Église. En lisant l’exhortation apostolique du saint Pape sur l’office divin, il apparaît clairement qu’il n’avait pas l’intention de rejeter la pratique liturgique de l’Église romaine comme elle s’était développée organiquement, à travers les siècles, sous la douce gouverne de l’Esprit-Saint.

Ainsi il écrivit: »Le Bréviaire est, en toute vérité, la fontaine pérenne et inépuisable de la lumière et de la grâce surnaturelles. Petite merveille, alors, que ce Bréviaire serve de livre-ressource pour ce IIe concile du Vatican comme cela fut indiqué dans les rapports des travaux prudents et incessants des différentes commissions préparatoires. C’est une mine de la plus pure doctrine et des plus sages conseils ecclésiastiques, admirablement adaptés à nos besoins présents. Nous sommes donc justifiés dans notre affirmation que d’entrer dans une nouvelle ère, nous avons préservé intact notre héritage ancien. C’est une ère qui semble promise à une grande avancée spirituelle. » 
Je crois, par contre, être atteint d’une certaine ironie en lisant ces mots. Seulement 10 ans après sa splendide exhortation apostolique, l’office divin, dont Jean XXIII chantait les louanges, fut taillé en pièces et puis ces pièces furent rassemblées en quelque chose de différent. Sans aucun égard envers la loi de continuité organique qui avait – jusqu’aux dangereuses opérations iconoclastes de certains experts liturgiques hauts placés dans les années 60 – sagement restreint même les douteuses réformes liturgiques précédentes, la création de la Liturgia Horarum réformée plutôt que d’encourager le continuel renouveau de la piété liturgique a sonné le glas de celle-ci. L’un des fruits les plus amers de la réforme post-conciliaire (qui ne fut jamais voulue par Jean XXIII) fut l’abandon généralisé du bréviaire par le clergé diocésain, la virtuelle réduction au silence d’innombrables chœurs au sein des ordres mendiants et au sein des ordres monastiques, la dégénérescence de la prière chorale en une diversité chaotique de différentes formes qui d’aucune manière ne ressemble ni à l’esprit ni à la lettre de législation liturgique de saint Benoît. [...] 
L’objectif du Concile était, écrit Jean XXIII, »d’essayer de retrouver un peu de l’ardeur de l’Église en sa jeunesse et ainsi restaurer la pleine splendeur de sa contenance. » Nous pouvons certainement prier, même maintenant via l’intercession du »Bon pape Jean », que l’objectif du Concile, par la grâce de l’Esprit-Saint, se réalisera, même en cette heure tardive en dépit de l’accumulation des contradictions, des déceptions et des échecs des dernières cinquante années. La pleine splendeur de la contenance de l’Église ne sera pas restaurée tant que le prière de l’Église n’occupera pas sa place légitime et tant que les chœurs ruinés, après être réchauffés et illuminés par un piété liturgique vivante, ne commencent à résonner de nouveau avec le chant de nombreuses voix.»
À cela je dis, ainsi soit-il!


[ndlr, lien en anglais. Cette exhortation apostolique est aussi disponible en latin, en espagnol et en portugais sur Vatican.va.]

Traduction: Notions romaines

[Riposte Catholique] Visite canonique ordinaire aussi pour l’ICRSP

SOURCE - Riposte Catholique - 29 avril 2014

Nous avons relayé il y a quelques semaines les informations relatives à la visite canonique ordinaire en cours pour la Fraternité Saint-Pierre, l’Institut du Christ Roi communique qu’une visite canonique ordinaire est également en cours au sein de l’institut :
Soucieuse de la bonne santé et de la croissance de ses fils, l’Église notre Mère (Mater et Magistra) veille sur les différentes familles sacerdotales et religieuses qui la composent. Dans cette optique, elle estime important de les visiter fréquemment, à l’instar de l’évêque qui visite régulièrement les paroisses de son diocèse. 
Cinq ans après son érection canonique comme Société de Vie apostolique en forme canoniale par la Commission Pontificale Ecclesia Dei, l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre connaît actuellement une Visite apostolique ordinaire ordonnée par ladite Commission. Cette dernière a chargé Son Excellence Mgr François Bacqué, Nonce Apostolique, archevêque titulaire de Gradisca, de la mener. Ce dernier connaît le charisme propre de l’Institut pour avoir visité Gricigliano lors de la dernière fête du Christ Roi. Il sera aidé d’un co-Visiteur en la personne du R.P. Luc-Thomas Somme, op.

L’Institut indique que 8 diacres seront ordonnés prêtres l’été prochain : 4 français à Florence en Juillet et 4 américains à Saint-Louis (USA) en Août.

[Aleteia] L’évêque négationniste Richard Williamson condamné définitivement

SOURCE - Aleteia - 29 avril 2014
A la sixième et dernière étape d’un long processus judiciaire, le Tribunal de Nuremberg, en Allemagne, confirme son jugement.
A moins d’un recours devant la cour européenne d’ici quatre semaines – ce qui semble peu probable - la condamnation pénale de Mgr Richard Nelson Williamson est désormais définitive : le tribunal régional supérieur de Nuremberg, dans le sud-est de l'Allemagne, a rejeté son dernier recours et il devra payer les 1 800 euros d’amende pour propos négationnistes, auxquels il avait été condamné en première instance à Ratisbonne, le 16 janvier 2013, puis en appel le 23 septembre de la même année.

Selon un communiqué du Tribunal, le dernier recours de Richard Williamson a été rejeté, le 11 avril dernier, après « examen » de la dernière décision qui « n'a pas révélé d'erreur de procédure en défaveur du prévenu ».

En 2008, dans un entretien accordé en novembre à une télévision suédoise, alors que l'évêque se trouvait au séminaire allemand de laFraternité Saint-Pie X, à Ratisbonne, et diffusé début 2009, le prélat avait nié l'existence des chambres à gaz et contesté le nombre de juifs décédés dans les camps de concentration.

Au cours des divers procès, Mgr Williamson a admis avoir nié l'Holocauste. Mais il pensait, ont souligné ses avocats, que son intervention ne serait diffusée qu'en Suède, pays qui n'engage pas de poursuites pour ce genre de discours.

La publication des propos de l’évêque d’origine britannique avait provoqué tollé sur tollé en Allemagne, puis dans le reste du monde, leur diffusion tombant alors même que le Saint-Siège levait une excommunication à l'encontre de Mgr Williamson et de trois autres évêques intégristes de la Fraternité Saint-Pie-X, réclamée depuis vingt ans par les Lefebvristes et souhaitée par d'autres personnes dans l'Eglise.

Comme l'avait commenté à l’époque par Mgr Jacques Perrier, l’ancien archevêque de Tarbes et Lourdes (cf. Aleteia), Benoît XVI avait joué la carte de « la main tendue » pour « rassembler son troupeau », mais ignorait tout des déclarations négationnistes de l’évêque.

En février 2009, rapporte Vatican Insider, Richard Williamson avait demandé pardon au pape, à Dieu, aux rescapés et aux familles des victimes, leur expliquant qu’il n’avait pas voulu les faire souffrir. Le 9 du même mois, il a été expulsé d’Argentine (où il dirigeait le Séminaire de La Reja aux portes de Buenos Aires), sur ordre de la présidente Cristina Kirchner qui l’a déclaré « persona non grata » pour ses « ignobles déclarations antisémites », donnant à celui-ci 10 jours de temps pour quitter le pays.

Mgr Williamson, né en 1940 dans une famille anglicane, avait été diplômé en architecture à Cambridge et avait travaillé au Ghana avant de se convertir au catholicisme et de se lancer dans les études de théologie au séminaire d’Ecône. Consacré évêque en 1988 par Marcel Lefebvre, sans autorisation du Saint-Siège, il avait été ipso facto excommunié.

[Paix Liturgique] Les vrais «signes des temps»: Quand la sociologie confirme le désir massif des fidèles d'assister à la messe "traditionnelle"

Jeudi-Saint à la basilique Notre-Dame de Fribourg
SOURCE - Paix Liturgique - Lettre 437 - 29 avril 2014

Le 26 février 2014, le décanat de Fribourg (diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg) rendait public les résultats d'une grande enquête sur la pratique religieuse des catholiques locaux :3 457 des 4 800 fidèles ayant assisté à l'une des 69 messes célébrées dans le décanat les samedi 15 et dimanche 16 juin 2013, ont en effet répondu à tout ou partie des 23 questions d'un questionnaire qui leur avait été distribué. Parmi ces interrogations, toute une série portait sur les préférences liturgiques des fidèles et, comme l'écrit sur son blog, l'abbé Dominique Rimaz, il apparaît que « les fidèles veulent la Messe du Christ, la Messe de l'Église ! Voilà sans doute la bonne surprise du sondage de Fribourg ». Mieux encore – mais, pour nous, ce n’est nullement une surprise – à la question de savoir ce que les catholiques fribourgeois pensaient de la « messe en latin (forme extraordinaire) », 2 sur 3 ont déclaré l'apprécier « assez » ou « beaucoup » !!! Un résultat qui confirme largement celui enregistré en 2011 par l'institut Démoscope pour le compte de Paix liturgique dans le cadre d'une enquête menée par téléphone auprès de 722 catholiques de Suisse romande et alémanique (voir notre lettre 280).
I – LES RÉSULTATS COMMENTÉS PAR LE DIRECTEUR DE L'INSTITUT RELIGIOSCOPE
Historien des religions, le Fribourgeois Jean-François Mayer a rendu compte des résultats d'ensemble de l'enquête du décanat sur le site Religioscope avant de s'arrêter plus en détail sur les aspects liturgiques sur le blog orbis.info. Avec son aimable autorisation, nous vous proposons un long extrait de ce dernier texte sur lequel nous appuierons nos réflexions de la semaine.
***
Messe en latin et autres préférences liturgiques : à propos de l’enquête pastorale sur la pratique religieuse catholique à Fribourg

Des messes avec chœur mixte, orgue et au moins certaines parties en latin : tel est le modèle qui semble rencontrer l’accueil le plus favorable parmi les catholiques pratiquants de Fribourg, toutes catégories d’âge confondues, selon les résultats d’une enquête pastorale. Celle-ci révèle aussi le vieillissement du milieu pratiquant (une véritable pyramide des âges inversée) et offre d’autres enseignements utiles pour la réflexion pastorale de l’Église catholique locale. Il vaut la peine de revenir sur l’aspect liturgique, pour essayer de mieux saisir ce que nous enseigne cette recherche à propos de l’évolution des sensibilités liturgiques dans une ville suisse de tradition catholique. Car l’intérêt d’une telle enquête dépasse sans doute le cadre local.

[…]

L'enquête comportait vingt-trois questions. La dixième demandait : « Comment appréciez-vous les différents types de célébration ? ». Il ne s’agissait donc pas de savoir quel type de célébration les fidèles préféreraient, mais d’avoir leur avis sur différents types de célébration. Pour chaque question, cinq choix étaient offerts : « Apprécie beaucoup », « Apprécie assez », « Apprécie peu », « N’apprécie pas », « Ne sais pas ».

Parmi les fidèles qui se prononcent, les taux les plus élevés d’appréciation vont à la messe avec chœur mixte, la messe avec orgue et la messe avec latin (je vais revenir sur la formulation de cette question). La messe avec chorale de jeunes suit d’assez près. Tout au bas de l’échelle viennent les assemblées en l’absence de prêtre (ou « en attente de prêtre », comme le disait l’un des intervenants).

La question sur la messe en latin était en fait formulée de façon beaucoup plus précise : « Messe en latin (forme extraordinaire) » : donc, ce qu’on appelle aussi « rite tridentin » ou « messe de saint Pie V », c’est-à-dire la pratique liturgique antérieure au concile Vatican II, dont le maintien fut l’un des étendards de la résistance de Mgr Marcel Lefebvre et de la Fraternité Saint-Pie X aux réformes qui accompagnèrent le concile Vatican II. Sous la dénomination de « forme extraordinaire du rite romain », la célébration de cette messe est autorisée aujourd’hui dans l’Église catholique romaine, s’il existe localement une demande d’un nombre suffisant de fidèles. En ville de Fribourg, l’évêque, Mgr Charles Morerod, a confié en 2012 à la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre, qui utilise la forme extraordinaire, la basilique Notre-Dame de Fribourg, la plus ancienne église de la ville, fraîchement rénovée et située dans le centre historique de la ville, à deux pas de la cathédrale Saint-Nicolas.

Le dépouillement des réponses reçues a surpris les chercheurs : 45,2 % des fidèles disent apprécier « beaucoup » la messe en latin (forme extraordinaire), 21,6 % l’apprécient « assez », 23,8 % ne savent ou n’ont pas répondu à cette question, tandis que seulement 6,8 % l’apprécient « peu » et 2,7 % ne l’apprécient pas.

Les enquêteurs ont conclu que les fidèles pratiquants avaient voulu en majorité exprimer ici un goût pour l’usage du latin dans la liturgie, sans comprendre pour la plupart ce qui est associé à la notion de « forme extraordinaire ». Cette interprétation est-elle correcte ? Je pense que oui, au moins pour une partie des personnes ayant répondu à l’enquête. La notion (assez récente) de « forme extraordinaire » est loin d’être claire pour tous les catholiques de la ville (un certain nombre d’entre eux savent bel et bien de quoi il s’agit, mais il est impossible de savoir quel pourcentage ils représentent). Ce qui m’incite surtout à partager cette interprétation est le fait qu’une messe chantée dans la forme extraordinaire est célébrée chaque dimanche à 10 h (et chaque jour de semaine à d’autres heures) dans une église centrale de la ville, aisément accessible par les transports publics ; or, le jour de l’enquête, il y avait un peu moins de 100 fidèles dans cette église, révèlent les données de l’enquête. Une personne qui souhaite assister à une messe célébrée dans la « forme extraordinaire » peut le faire sans difficulté dans la ville de Fribourg.

Le résultat n’en reste pas moins intéressant, d’autant plus qu’il n’y a aucune différence entre les fidèles les plus jeunes et les plus âgés : une majorité d’entre eux déclarent apprécier « beaucoup » ou « assez » la messe célébrée en latin, ou, en tout cas, une messe avec des parties en latin. Ce qui apparaît dans l’enquête est qu’une messe assez « classique », si l’on peut dire, recueille le plus large agrément. Une grande majorité des fidèles se sentent à l’aise dans le cadre d’une célébration avec chœur mixte, orgue et au moins certains chants ou prière en latin. D’autre part, même si la notion de « forme extraordinaire » n’est pas toujours clairement comprise, rien n’indique une réaction de refus de ce type de célébration, au vu du très faible pourcentage d’appréciations négatives.

[…]

La réflexion qui me vient, en lisant attentivement les résultats de cette enquête, confirme ce que j’observe dans d’autres domaines de la vie catholique : dans le domaine liturgique, l’attitude d’une grande partie des fidèles semble assez différente de celle qui marquait les débats dans les années 1960 et 1970. La question n’est plus d’être « pour » ou « contre » les réformes liturgiques, sauf dans certains milieux particulièrement sensibles à ces questions. Les résultats de l’enquête suggèrent que la tendance semble plutôt à l’acceptation de la coexistence de plusieurs modèles liturgiques : beaucoup ne voient pas d’inconvénient à s’adapter selon les circonstances. Cependant, des modèles plutôt « classiques » de célébration, avec des références familières, se révèlent les plus « rassembleurs » pour la majorité des pratiquants réguliers (sans exclusive cependant, si j’interprète bien ce que semblent indiquer ces résultats).
[…]
(Jean-François Mayer, 1er mars 2014)
II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
1) Souvent, pour expliquer leur silence ou leur mépris pour les résultats de notre série de sondages sur les catholiques et le Motu Proprio Summorum Pontificum, hommes d'Église et journalistes nous ont expliqué que ceux-ci n'avaient pas de valeur scientifique. Gageons alors qu'ils accorderont plus de crédit à l'enquête grandeur nature menée à Fribourg à la demande de l'Église locale et dont la présentation des résultats a été confiée à deux universitaires suisses : l'un, laïc, le sociologue Christophe Monnot ; l'autre, ecclésiastique, le père François-Xavier Amherdt, professeur de Théologie pastorale. 

2) En 2011, l'institut Démoscope avait enregistré que 35 % des pratiquants de Suisse alémanique et romande assisteraient au moins une fois par mois, dans leur paroisse, à la forme extraordinaire du rite romain, en latin, si celle-ci leur était proposée. Aujourd'hui, dans le décanat de Fribourg (55 000 habitants), 66,8 % des pratiquants déclarent apprécier « assez » ou « beaucoup » la messe en latin. Bien que la question posée mentionne explicitement la « forme extraordinaire », Jean-François Mayer partage l'avis des enquêteurs qui « ont conclu que les fidèles pratiquants avaient voulu en majorité exprimer ici un goût pour l’usage du latin dans la liturgie » et non un quelconque plébiscite en faveur de la forme extraordinaire. Certes, nous convenons de ce que la notion de « forme extraordinaire » n'est pas claire pour de nombreux catholiques, d’autant que nos sondages ont souvent montré que près d'un catholique sur deux n'avait pas eu connaissance du Motu Proprio de Benoît XVI rappelant à tous que la messe traditionnelle n'avait jamais été interdite et la qualifiant de « forme extraordinaire » du rite romain. Toutefois, l'empressement de scientifiques à signifier que les résultats d'une enquête qu'ils ont eux-mêmes pilotée ne signifient pas ce qu'ils signifient est assez troublant. Le fait que la messe traditionnelle à Fribourg ne soit suivie que par une centaine de fidèles n’est nullement significatif : ce que désirent les fidèles, c’est la célébration de la messe traditionnelle dans leur paroisse. Sur le blog de Jean-François Mayer, le professeur Monnot va jusqu'à préciser que la « seule interprétation solide des réponses est bien la messe avec des parties latines (ordinaire) et non la messe de rite extraordinaire » alors que la question est explicitement en contradiction avec cette explication...

3) D'ailleurs, dans les premières orientations pastorales annoncées par le décanat à l'issue de cette enquête (essentiellement des suppressions de messes !), la prise en compte de l'attachement des fidèles à ce que les enquêteurs appellent une « messe classique » ne transparaît pas. De quoi donner raison au Suisse Rom@in, alias l'abbé Rimaz, qui écrit les lignes suivantes sur son blog : « Je retiens surtout qu'il y a un décalage entre la réalité pastorale – la sensibilité des croyants – et la volonté majoritaire d'imposer des Messes sans latin, car selon une vision devenue minoritaire (mais fortement ancrée dans le milieu clérical), cela ne passerait plus aujourd'hui. En ce sens, l'enquête révèle que les fidèles pratiquants veulent des Messes justement fidèles avec une liturgie soignée. Ce furent bien des catholiques pratiquants qui ont été sondés. Le risque est grand de parler au nom du Peuple de Dieu sans l'écouter. Sachons nous ouvrir à sa voix lorsqu'elle s'exprime. »

4) Selon Karl Rahner, l’hyper-théologien conciliaire, la question des signes des temps est « l’une des trois ou quatre formules les plus significatives du Concile, au cœur de ses démarches comme à l’initiative de son inspiration ». Et si, depuis 50 ans, on avait tout faux ? Et si, depuis 50 ans, on avait refusé de les voir et de les lire, ces signes des temps ?

5) De les voir ou de les entendre. S'ouvrir à la voix du Peuple de Dieu, dit l’abbé Rimaz : c'est là tout le sens de la longue campagne de sondages que, grâce à nos généreux donateurs, nous avons pu conduire et que nous allons poursuivre. Nous ne prétendons pas soumettre l'Église à la dictature de l'opinion publique mais simplement concourir à la paix en fournissant aux hommes de bonne volonté, et au futur, des éléments concrets pour essayer de mieux comprendre la crise de la pratique religieuse qui frappe nos vieux pays de catholicisme, et attirer l'attention des responsables – curés et évêques – sur le fait que ce n'est pas en réduisant l'offre liturgique mais en l'élargissant et en l'enrichissant qu'une nouvelle évangélisation sera possible. Toujours selon l'abbé Rimaz, « le Peuple de Dieu possède (expression du Pape François) un flair ou le sensus fidei pour rechercher le Seigneur ». Or la messe, « expression de la foi, n'appartient pas aux prêtres, mais à toute l'Église » et l'enquête de Fribourg « a le mérite de donner un message des catholiques à leurs Pasteurs : célébrez la Messe selon la liturgie de l’Église, avec du latin (et d'autres beaux chants) et aussi, pourquoi pas car l’Église le souhaite, selon la forme extraordinaire. » Ainsi soit-il.

[Correspondance Européenne] Interview de Catholic Family News au Professeur Roberto de Mattei sur l’infaillibilité des canonisations

SOURCE - version française par Correspondance Européenne d'une interview par CFN - 29 avril 2014

Professeur de Mattei, les canonisations imminentes de Jean XXIII et de Jean Paul II suscitent, pour divers motifs, doutes et perplexité. En tant que catholique et historien, quel est votre jugement?
Je peux exprimer une opinion personnelle, sans prétendre résoudre un problème qui s’avère complexe. Je suis avant tout perplexe, de façon générale, de la facilité avec laquelle dans les dernières années se déroulent et se concluent les procès de canonisation. Le Concile Vatican I a défini le primat de juridiction du Pape et l’infaillibilité de son Magistère, selon des conditions déterminées, mais non bien sûr l’impeccabilité personnelle des souverains pontifes. Dans l’histoire de l’Eglise il y a eu des bons et des mauvais Papes et le nombre de ceux qui ont été élevés solennellement aux autels est rétreint. Aujourd’hui on a l’impression qu’on veut substituer au principe d’infaillibilité des Papes celui de leur impeccabilité. Tous les Papes, ou plutôt tous les derniers Papes, à partir du Concile Vatican II, sont présentés comme des saints. Ce n’est pas un hasard si les canonisations de Jean XXIII et de Jean Paul II ont laissé en retrait la canonisation de Pie IX et la béatification de Pie XII, tandis qu’avançait le procès de Paul VI. Il semble presque qu’une auréole de sainteté doive envelopper l’ère du Concile et du post-Concile, pour “rendre infaillible” une époque historique qui a vu s’affirmer dans l’Eglise le primat de la praxis pastorale sur la doctrine.
Mais vous, vous soutenez au contraire que les derniers Papes ne sont pas saints ?
Permettez-moi de m’exprimer sur un Pape qu’en tant qu’historien je connais mieux : Jean XXIII. Ayant étudié le Concile Vatican II, j’ai approfondi sa biographie et consulté les actes de son procès de béatification. Quand l’Eglise canonise un fidèle elle ne veut pas seulement s’assurer que le défunt est dans la gloire du Ciel, mais elle nous le propose comme modèle de vertus héroïques. Selon les cas il s’agira d’un religieux, d’un curé de paroisse, d’un père de famille parfait, ou autres. Dans le cas d’un Pape, pour être considéré comme saint, il doit avoir exercé les vertus héroïques dans l’accomplissement de sa mission de Pontife, comme ce fut le cas, par exemple, pour saint Pie V ou saint Pie X. Enfin, en ce qui concerne Jean XXIII, je nourris la conviction bien réfléchie que son pontificat a représenté un dommage objectif pour l’Eglise et que donc il est impossible de parler pour lui de sainteté. Quelqu’un qui s’y entendait en matière de sainteté, le père dominicain Innocenzo Colosio, considéré comme l’un des historiens de la spiritualité les plus importants des temps modernes, l’affirmait avant moi dans un article célèbre paru dans la “Rivista di Ascetica e Mistica”.
Si, comme vous le pensez, Jean XXIII ne fut pas un saint Pontife et si, comme il le semble, les canonisations sont un acte infaillible des pontifes, nous nous trouvons face à une contradiction. Ne risque-t-on pas de tomber dans le sédévacantisme ?
Les sédévacantistes attribuent un caractère hypertrophique à l’infaillibilité pontificale. Leur raisonnement est simpliste : si le Pape est infaillible et fait quelque chose de mauvais, cela signifie que le siège est vacant. La réalité est bien plus complexe et la prémisse selon laquelle chaque acte du Pape, ou presque chaque acte est infaillible, est erronée. En réalité, si les canonisations prochaines posent des problèmes, le sédévacantisme pose des problèmes de conscience beaucoup plus importants.
Et pourtant la majorité des théologiens, et surtout les plus fiables, ceux de ce que l’on nomme “l’Ecole Romaine”, soutiennent l’infaillibilité des canonisations.
L’infaillibilité des canonisations n’est pas un dogme de foi: c’est l’opinion de la majorité des théologiens, surtout après Benoît XVI qui l’a exprimée par ailleurs en tant que docteur privé et non comme Souverain Pontife. En ce qui concerne “l’Ecole Romaine”, le plus éminent représentant de cette école théologique vivant de nos jours est Mgr Brunero Gherardini. Et Mgr Gherardini a exprimé, dans la revue “Divinitas” qu’il dirige, tous ses doutes sur l’infaillibilité des canonisations. Je connais à Rome des théologiens et canonistes distingués, disciples d’un autre représentant célèbre de l’école romaine, Mgr Antonio Piolanti, qui nourrissent les mêmes doutes que Mgr Gherardini. Ils soutiennent que les canonisations ne rentrent pas dans les conditions requises par le Concile Vatican I pour garantir l’infaillibilité d’un acte pontifical. La sentence de la canonisation n’est pas en soi infaillible parce qu’il manque les conditions de l’infaillibilité, à commencer par le fait que la canonisation n’a pas pour objet direct ou explicite une vérité de foi ou de morale, contenu dans la Révélation, mais uniquement un fait indirectement lié au dogme, sans être à proprement parler un “fait dogmatique”. Le domaine de la foi et de la morale est vaste parce qu’il comprend toute la doctrine chrétienne, spéculative et pratique, le croire et l’agir humain, mais une précision est nécessaire. Une définition dogmatique ne peut jamais impliquer la définition d’une nouvelle doctrine dans l’ordre de la foi et de la morale. Le Pape peut seulement expliciter ce qui est implicite en matière de foi et de morale et est transmis par la Tradition de l’Eglise. Ce que les Papes définissent doit être contenu dans l’Ecriture et la Tradition et c’est cela qui assure à l’acte son infaillibilité. Ce qui n’est certainement pas le cas des canonisations. Ce n’est pas un hasard si ni les Codes de Droit Canon de 1917 et de 1983, ni les Catéchismes, ancien ou nouveau, de l’Eglise catholique, n’expose la doctrine de l’Eglise sur les canonisations. Sur ce sujet, je renvoie, outre à l’étude de Mgr Gherardini que j’ai citée, à un excellent article de José Antonio Ureta dans le numéro de mars de la revue “Catolicismo”.
Soutenez-vous que les canonisations ont perdu leur caractère infaillible suite au changement de procédure du procès de canonisation voulu par Jean-Paul II en 1983 ?
Cette thèse est soutenue dans le Courrier de Rome par un excellent théologien, l’abbé Jean-Michel Gleize. Du reste l’un des arguments sur lequel le père Low, dans la définition des Canonisations dans l’Encyclopédie catholique, fonde la thèse de l’infaillibilité est l’existence d’un ensemble solide d’enquêtes et de vérifications, suivi de deux miracles, qui précèdent la canonisation. Il n’y a pas de doute qu’après la réforme de la procédure voulue par Jean-Paul II en 1983 ce processus de vérification de la vérité soit devenu beaucoup plus fragile et qu’il y ait eu un changement du concept même de sainteté. L’argument cependant ne me semble pas décisif parce que la procédure des canonisations s’est profondément modifiée au cours de l’Histoire.

La proclamation de la sainteté d’Ulrich de Habsbourg de la part du Pape Jean XV en 993, considérée comme la première canonisation pontificale de l’Histoire, fut décrétée sans aucune enquête du Saint-Siège. Le processus d’investigation approfondie remonte surtout à Benoît XIV: c’est à lui que l’on doit, par exemple, la distinction entre canonisation formelle, selon toutes les règles canoniques et canonisation équipollente quand un serviteur de Dieu est déclaré saint du fait d’une vénération séculaire. L’Eglise n’exige pas un acte formel et solennel de béatification pour qualifier un saint. Sainte Hildegarde de Bingen reçut après sa mort le titre de sainte et le Pape Grégoire IX, à partir de 1233, commença une enquête en vue de sa canonisation. Toutefois il n’y eut jamais de canonisation formelle. Sainte Catherine de Suède, fille de sainte Brigitte, ne fut jamais canonisée non plus. Son procès se déroula de 1446 à 1489, mais il ne fut jamais conclu. Elle fut vénérée comme sainte sans être canonisée.
Que pensez-vous de la thèse de saint Thomas, reprise aussi dans la définition des Canonisations du Dictionnaire de Théologie catholique, selon laquelle si le Pape n’était pas infaillible dans une déclaration solennelle comme la canonisation, il se tromperait lui-même et l’Eglise ?
Il faut dissiper avant tout une équivoque sémantique: un acte non infaillible n’est pas un acte erroné, qui trompe nécessairement, mais seulement un acte soumis à la possibilité de l’erreur. De fait cette erreur pourrait être très rare ou ne jamais advenir. Saint Thomas, comme toujours équilibré dans son jugement, n’est pas infaillibiliste à outrance. Il est justement préoccupé de sauvegarder l’infaillibilité de l’Eglise et il le fait avec un argument de raison théologique, a contrario. Son argument peut être compris au sens large, mais en admettant la possibilité d’exceptions. Je suis d’accord avec lui sur le fait que l’Eglise dans son ensemble ne peut se tromper quand elle canonise. Ceci ne signifie pas que chaque acte de l’Eglise, comme l’acte de canonisation soit en lui-même nécessairement infaillible. L’adhésion que l’on prête aux actes de canonisation est de foi ecclésiastique, non divine. Ce qui signifie que le fidèle croit parce qu’il accepte le principe selon lequel normalement l’Eglise ne se trompe pas. L’exception ne supprime pas la règle. Un auteur théologique allemand Bernhard Bartmann, dans son Manuel de Théologie dogmatique (1962), compare le culte rendu à un faux saint à l’hommage rendu au faux ambassadeur d’un roi. L’erreur n’enlève pas le principe selon lequel le roi a de vrais ambassadeurs et l’Eglise canonise de vrais saints.
Dans quel sens alors peut-on parler d’infaillibilité de l’Eglise pour les canonisations ?
Je suis convaincu que ce serait une grave erreur de réduire l’infaillibilité de l’Eglise au Magistère extraordinaire du Pontife Romain. L’Eglise n’est pas infaillible seulement lorsqu’elle enseigne de manière extraordinaire, mais également dans son Magistère ordinaire. Mais comme il existe des conditions d’infaillibilité pour le Magistère extraordinaire, il existe des conditions d’infaillibilité pour le Magistère ordinaire. Et la première de ces conditions est son universalité, qui se vérifie quand une vérité de foi ou de morale est enseignée de façon constante dans le temps. Le Magistère peut enseigner de façon infaillible une doctrine par un acte de décision du Pape, ou alors par un acte non décisif du Magistère ordinaire, à condition que cette doctrine soit constamment conservée et tenue de la Tradition et transmise par le Magistère ordinaire et universel. L’institution Ad Tuendam Fidem de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi du 18 mai 1998 (n. 2) le rappelle. Par analogie, on pourrait soutenir que l’Eglise ne peut se tromper quand elle confirme avec constance dans le temps des vérités connexes à la foi, des faits dogmatiques, des usages liturgiques. Les canonisations aussi peuvent rentrer dans cette catégorie de vérités connexes. On peut être certain que sainte Hildegarde de Bingen est dans la gloire des saints et peut être proposée comme modèle, non parce-qu’ elle a été solennellement canonisée par un Pape, vu que dans son cas il n’y a jamais eu de canonisation formelle, mais parce-que l’Eglise a reconnu son culte, sans interruption, depuis sa mort. A plus forte raison, pour les saints pour lesquels il y a eu canonisation formelle, comme saint François et saint Dominique, la certitude infaillible de leur gloire naît du culte universel, au sens diachronique, que l’Eglise leur a attribué et non de la sentence de canonisation en elle-même. L’Eglise ne se trompe pas, dans son Magistère universel, mais on peut admettre une erreur des autorités ecclésiastiques circonscrite dans le temps et dans l’espace…
Pouvez-vous nous résumer votre opinion ?
La canonisation de Jean XXIII est un acte solennel du Souverain Pontife, qui émane de la suprême autorité de l’Eglise, et qui doit être reçue avec le respect dû, mais elle n’est pas une sentence infaillible en elle-même. Pour utiliser un langage théologique, c’est une doctrine non de tenenda fidei, mais de pietate fidei. La canonisation n’étant pas un dogme de foi, il n’y a pas pour les catholiques d’obligation positive d’y adhérer. L’exercice de la raison, renforcée par une soigneuse reconnaissance des faits, démontre de toute évidence que le pontificat de Jean XXIII n’a pas été bénéfique pour l’Eglise. Si je devais admettre que le Pape Roncalli ait pratiqué les vertus de façon héroïque dans l’accomplissement de son rôle de Pontife je minerais à la base les présupposés rationnels de ma foi. Dans le doute je m’en tiens au dogme de foi établi par le Concile Vatican I, selon lequel il ne peut y avoir de contradiction entre foi et raison. La foi surpasse la raison et l’élève, mais elle ne la contredit pas, parce que Dieu, Vérité par essence, n’est pas contradictoire. Je sens en conscience pouvoir maintenir toutes mes réserves sur cet acte de canonisation.

26 avril 2014

[Notions Romaines] Avancée de Summorum Pontificum au Québec

SOURCE - Notions Romaines - 26 avril 2014

Summorum Pontificum fut un moment charnière pour les États-Unis, l’Allemagne et dans une moindre mesure pour le Royaume-Uni. Statistiquement parlant, le nombre de messes traditionnelles augmenta de manière significative; il explosa aux États-Unis, crut en Allemagne ainsi qu’en France et continua son avancée en Grande-Bretagne. Néanmoins, le Canada ne semble pas avoir bénéficié du même élan, ou en a-t-il bénéficié, mais d’une manière très ténue. Ceci est d’autant plus vrai au Québec.

Nous avions déjà souligné la stagnation (si l’on est optimiste) ou le déclin du catholicisme francophone au Canada comparé à une certaine vitalité du catholicisme canadien anglais. Divers ministères qui émanèrent du Canada anglais ont migré vers le catholicisme canadien-français : Catholic Christian Outreach, qui n’a même pas de générique en français, œuvre à Québec; et Net Ministries œuvra en banlieue de Montréal. Certains signes de vitalité francophone, comme la Communauté de Jérusalem (Montréal) et de l’Emmanuel (Québec), sont de provenance française.

Depuis le Motu proprio de 2007, aucune nouvelle messe traditionnelle ne s’est ajoutée au Québec. Les trois qui existent présentement sont la FSSP à Québec (Saint-Zéphirin), l’hybride FSSP/diocèse de Montréal (Sainte-Irénée) et Notre-Dame-des-Bois de Sherbrooke (diocésaine); elles existaient toutes avant 2007.

Une communauté semblait s’être formée à Saint-Hyacinthe à la paroisse Sainte-Rosalie, desservie sur une base mensuelle par le premier curé de la FSSP à Québec. Elle n’eut pas de suite et à ce sujet le curé de Sainte-Rosalie n’a pas retourné notre courriel. Un autre groupe, de Saguenay cette fois, avait remis une pétition de plus d’une centaine de signatures à l’évêque, Mgr André Rivest, mais celui-ci s’y opposa notamment pour des questions «d’unité».

Donc pratiquement aucune progression sur la scène traditionaliste au Québec, si ce n’est les différents groupes et chapelles de la FSSPX qui quadrillent un peu mieux le territoire québécois. Malgré une grave lenteur du catholicisme canadien-français, il y a de l’espoir. Si des communautés issues du dernier Concile sont arrivées de France, nous sommes en droit de nous attendre à une percée plus grande de la Fraternité Saint-Pierre, peut-être aussi des percées avec les autres sociétés traditionalistes. L’Institut Christ Roi Souverain Prêtre, les Missionnaires de la Miséricorde Divine, l’Institut Bon-Pasteur, tous issus de France, n’ont pas à traverser la barrière linguistique, seulement l’océan Atlantique. Qui ne voudrait pas inviter des bénédictins de l’abbaye de Barroux pour prier et travailler au sein de leur diocèse? Qui ne voudrait pas de solides prédicateurs dominicains de la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier?

Prions pour une avancée de la messe traditionnelle au Québec et des sociétés la promouvant, sociétés qui restaurent âmes et liturgie pour la gloire de Dieu. Quelle voie concrète pour le fidèle catholique québécois ordinaire? Priez pour plus de séminaristes et de vocations traditionnelles. Nous en avons déjà deux au séminaire international de la FSSP; prions pour qu’ils nous soient retournés et qu’ils œuvrent en notre sein.

Saint Jean-Baptiste, patron des Canadiens-français, priez pour nous.

NB : Ce «rapport Summorum Pontificum» du Québec est basé sur les faits qui nous étaient accessibles. Si vous avez des corrections ou des ajouts à apporter, n’hésitez surtout pas à nous contacter via notre page Contact.

[Mgr Williamson] Principes de Résistance - II

SOURCE - Mgr Williamson - 26 avril 2014

La Foi doit être préservée bien que le Pasteur soit frappé (cf. EC 348). S’il fut un homme qui nous a été donné par Dieu pour nous montrer comment nous devons garder la Foi en ces temps de confusion, par la préservation du vrai sacrifice de la Messe et du vrai sacerdoce catholique, cet homme fut certainement Monseigneur Lefebvre (1905-1991). Étant donné que le désastre provoqué dans l’Église par les Pasteurs Conciliaires n’a pas substantiellement changé depuis son époque, ce que lui-même a dit et écrit s’applique substantiellement à la situation d’aujourd’hui, et tout nouveau venu qui se rend compte du désastre ne peut faire mieux que de lire et étudier ses paroles. 

Cependant, le désastre s’est accru dans de telles proportions depuis sa mort que tout mouvement d’une quelconque ainsi nommée « Résistance » aujourd’hui fera bien d’apprendre les leçons qu’on peut tirer de l’impressionnante chute de cette Fraternité Saint Pie X. Celle-ci fut la magnifique réalisation de Monseigneur Lefebvre pour préserver la Foi au milieu de l’effondrement de l’Église officielle. Pour quelles raisons la direction de la FSSPX est-elle actuellement en train de l’engager dans une direction différente de celle qu’avait tracée Monseigneur Lefebvre, une direction qui ne peut conduire la FSSPX qu’à un effondrement tout à fait semblable ? 

Parce que, à mon avis, les chefs que la FSSPX s’est donnée après la mort de Monseigneur survenue en 1991, lors des Chapitres Généraux de 1994 et 2006, n’ont jamais pris toute la mesure du désastre Conciliaire, pour la bonne raison qu’ils étaient des enfants des décadentes années 1950, ou des années révolutionnaires 1960 et plus tard encore. Ayant bu dans le fleuve de la Révolution en même temps que le lait de leur mère, pour ainsi dire, ils n’ont jamais compris à quel point ils font erreur lorsqu’ils se trouvent face à des hommes d’Église qu’ils prennent pour Catholiques alors qu’ils ne le sont pas du tout. Bref, ces chefs ou bien n’ont jamais étudié le modernisme, ou bien n’ont jamais compris ce qu’ils ont étudié, ou bien ont été trop « pieux » ou « surnaturels » pour penser que cela pouvait s’appliquer aux hommes de l’Église officielle qu’ils avaient en face d’eux. 

Ainsi, là où Monseigneur Lefebvre avait vu clairement que l’Église Conciliaire, en perdant chacune des quatre notes de l’Église catholique (une, sainte, catholique, apostolique) n’était pas l’Église catholique, Monseigneur Fellay (Supérieur Général depuis 1994) et l’abbé Pfluger (Premier Assistant depuis 2006) insistent aujourd’hui encore qu’il ne peut y avoir qu’une seule Église, et qu’ainsi l’Église Conciliaire n’est pas autre que l’Église catholique. Il est donc naturel que, là ou Monseigneur Lefebvre maintenait la FSSPX à une distance de sécurité de l’Église Conciliaire, Monseigneur Fellay et l’abbé Pfluger au contraire veulent éliminer cette distance et ramener la FSSPX dans le giron de cette Église qu’est la Conciliaire . Et ni Monseigneur Fellay ni l’abbé Pfluger ne se sentiront catholiques tant qu’ils n’auront pas atteint ce but. 

Mais la Foi réside en premier lieu dans l’intelligence et non pas dans les sentiments. Il s’ensuit que quiconque a, pour quelque raison que ce soit, commencé à reconnaître que l’actuelle direction de la FSPX est sur la mauvaise voie, a besoin de continuer à étudier le problème total de la Révolution, du modernisme et de Vatican II. Il s’agit d’une séquence indispensable parce qu’on peut avoir une connaissance livresque de ce qu’est la Révolution et pourtant ne pas la reconnaître alors qu’on la rencontre juste sous le nez. Je me sens si bien quand je sens que tout le monde est gentil que je perds de vue la fausseté objective du grand nombre d’entre nous – telle que Dieu la voit. On pourrait dire qu’il faut une grâce particulière de Dieu pour voir cette fausseté telle que Lui-même la voit, sans p erdre pour autant la compassion, mais une âme peut obtenir cette grâce si elle recherche Dieu sérieusement, spécialement dans la prière. 

Dieu est bon pour ceux qui le recherchent, dit l’Écriture en de nombreux endroits. A supposer qu’Il existe, comment pourrait-Il être autrement que suprêmement bon pour ceux qui le recherchent ? 

Kyrie eleison. 

Tout le monde d’aujourd’hui sent qu’il est gentil, 
Mais aux yeux de Dieu on ne fait la que s’illusionner soi-même. 

25 avril 2014

[Abbé Alain Lorans, fsspx - DICI] Saint Pie V et saint Pie X, Jean XXIII et Jean-Paul II

SOURCE - Abbé Alain Lorans, fsspx - DICI - 25 avril 2014

Deux papes doivent être canonisés dimanche prochain, deux papes étroitement liés au concile Vatican II qui réalisa dans l’Eglise une révolution comparable à celle de 1789, selon l’aveu du cardinal Suenens, et à celle de 1917, selon le P. Congar.

Comment Jean XXIII et Jean-Paul II pourront-ils s’inscrire dans la ligne continue des saints, à la suite de leurs deux prédécesseurs canonisés, saint Pie V qui appliqua le concile de Trente et saint Pie X qui combattit le modernisme ?

Comment pourrons-nous invoquer Jean XXIII et Jean-Paul II, comme l’Eglise nous demande dans sa divine liturgie d’invoquer saint Pie V : « O Dieu qui, pour écraser les ennemis de votre Eglise et restaurer le culte divin, avez daigné choisir pour pontife suprême le bienheureux Pie, faites-nous trouver secours dans sa protection et nous attacher si fidèlement à votre service, qu’après avoir triomphé des embûches de tous nos ennemis, nous puissions jouir d’une paix perpétuelle » ? (Oraison de la messe du 5 mai)

Comment pourrons-nous solliciter l’intercession de Jean XXIII et de Jean-Paul II, comme l’Eglise nous demande de solliciter l’intercession de saint Pie X : « O Dieu qui, pour défendre la foi catholique et réunir toutes choses dans le Christ, avez comblé le souverain pontife saint Pie d’une sagesse toute céleste et d’une force apostolique, faites, dans votre bonté, qu’en suivant ses règles et ses exemples, nous obtenions les récompenses éternelles » ? (Oraison de la messe du 3 septembre)

Saint Pie V et saint Pie X, dans la gloire de l’Eglise triomphante, priez pour l’Eglise militante ici-bas.

Abbé Alain Lorans

[Loïc Mérian - La Nef] Ca suffit !

SOURCE - Loïc Mérian - La Nef - Avril 2014

Le 20 mars dernier était publiée « la déclaration de la Commission des Épiscopats de la Communauté européenne (COMECE) relative aux prochaines élections européennes ». Il arrive un moment où il faut dire stop ! Voilà un texte qui est certes pétri de bonnes intentions où l’on prône la solidarité, la subsidiarité, le respect de la dignité humaine, du dimanche, des migrants, de la couche d’ozone… Mais enfin à quoi ce genre de texte peut-il donc servir ? Qui peut-il influencer ? Qui est contre la solidarité ? « Nous, les évêques catholiques, plaidons pour que le projet européen ne soit pas mis en danger ni abandonné » ! Mais quel « projet européen » ? Celui qui impose la propagande gay et lesbienne aux politiques publiques à travers la directive Lunacek votée le 4 février ? Celui qui promeut l’avortement et interdit l’objection de conscience ? Celui qui dénonce les références chrétiennes de la constitution hongroise ? Celui qui encourage l’euthanasie pour tous ? Celui qui finance à millions l’idéologie du genre?… 

Ce « projet européen », nous le voyons se déployer sous nos yeux depuis des années, c’est celui d’une « culture de mort », dénoncée à temps et à contre-temps par les papes, de Jean-Paul II à François, qui s’étend partout en Europe et dont l’UE est un vecteur. Cette culture de mort contre laquelle les laïcs en masses se sont élevés, en France, en Espagne, en Italie, que ce soit sur la question du mariage homosexuel ou de l’avortement, que ce soit par l’initiative Un de nous qui a réuni près de 2 millions de signatures dans toute l’Europe en faveur de la protection des embryons. Et qu’en dit ce texte ? Rien ! Pas un mot, ni sur les avancées inquiétantes de cette « culture de mort » dominante en Europe, ni sur les courageuses réactions des peuples ! Rien que de belles pensées sur la solidarité.

Bien sûr ce texte dit qu’il faut protéger la famille, mais sans même évoquer le fait qu’elle est attaquée de toutes parts! Alors qu’un combat titanesque se déroule sous nos yeux, la COMECE publie un communiqué totalement inodore comme si tout allait pour le mieux ! Les fidèles catholiques sont en droit d’attendre d’être défendus et soutenus par leurs pasteurs, qui devraient même être en première ligne en se référant à Dieu et non pas sombrer dans un discours d’un horizontalisme affligeant que n’importe qui pourrait tenir!

La société s’effondre sous les assauts d’idéologues destructeurs du genre humain et négateurs de Dieu, et la COMECE discute de la couche d’ozone, le nouveau sexe des anges ! Au fait, dans ce texte, savez-vous qu’il y a un mot qui n’est jamais cité ? Vous l’avez sans doute deviné, c’est Dieu.

[Sandro Magister - L'Espresso] Le dernier pape roi

SOURCE - Sandro Magister - L'Espresso - 25 avril 2014
Deux de ses prédécesseurs canonisés au lieu d’un seul. La conférence des évêques d’Italie annihilée. Toujours les hommes de la vieille garde à la tête de l’IOR. Tout cela selon la volonté de François 

ROME, le 25 avril 2014 – Sous le pontificat de François la papauté se retrouve dans l'ombre. Toute la lumière est pour lui, le pape. Pas pour l'institution, mais pour l’homme.

Il se sent libre par rapport aux normes canoniques. En une seule année, il a déjà dérogé en six occasions à la règle impérative qui exige un nouveau miracle avant qu’un bienheureux soit proclamé saint. Jean XXIII est le dernier de ces six bienheureux. François voulait à tout prix que Jean-Paul II ne soit pas canonisé tout seul, mais qu’il soit équilibré par un autre pape ayant un profil différent, moins belliqueux, plus miséricordieux.

Et c’est ce qui va être fait le dimanche 27 avril. La congrégation pour les causes des saints s’est inclinée devant sa volonté et elle a agi comme si c’était elle qui avait demandé à François la dérogation, qui a été accordée immédiatement avec bienveillance.

De même le cardinal Angelo Bagnasco, qui occupe toujours le poste de président de la conférence des évêques d’Italie [CEI], a demandé à François que ce soit lui, le pape, qui prononce le discours d’inauguration de l'assemblée plénière des évêques qui a été convoquée pour le mois de mai, ce qui n’a jamais été fait par aucun souverain pontife.

La demande formulée par le cardinal, peut-on lire dans le communiqué officiel, "a tout de suite reçu un accueil favorable du Saint Père, qui a confié qu’il avait conçu le même projet". En effet. On savait depuis un mois au moins que François avait décidé qu’il en serait ainsi.

Depuis qu’il est pape, la CEI est pour ainsi dire annihilée. François a demandé aux évêques italiens de lui indiquer de quelle manière ils préféreraient que soient effectuées la nomination de leur président et celle de leur secrétaire : par le pape, comme cela a toujours été fait en Italie, ou bien au moyen de libres élections, comme cela se fait dans tous les autres pays. Le message ayant été bien reçu, presque tous les évêques ont émis le souhait que la nomination soit laissée au pape. Et s’il veut vraiment qu’il y ait préalablement un vote consultatif, ce sera fait, mais en secret et sans dépouiller les bulletins de vote. Ceux-ci seront remis au pape encore fermés et il en fera ce qu’il voudra.

La CEI constitue ainsi un démenti vivant apporté aux intentions de décentralisation et de "démocratisation" de l’Église qui ont été attribuées à Jorge Mario Bergoglio.

Au sein de la conférence des évêques d’Italie, le seul personnage qui, aujourd’hui, détienne une autorité effective est son secrétaire général, Nunzio Galantino, évêque de Cassano all'Ionio. Toutefois cette autorité qu’il possède est purement et simplement un reflet de celle du pape, qui l’a intronisé et qui supervise chacun de ses actes.

Le premier acte de gouvernement qu’ait accompli Galantino, quelques heures après avoir été reçu en audience par le pape François, a été le licenciement de Dino Boffo, directeur historique des médias de la CEI au temps du cardinal Camillo Ruini et directeur, depuis trois ans, de TV 2000, chaîne qui a été dernièrement récompensée par des taux d’écoute remarquables.

Cela a eu lieu le 14 février. Depuis ce moment, plus de deux mois se sont écoulés et l’outil de communication numéro 1 de la CEI continue à être privé de chef, sans qu’une explication de l’éviction de Boffo ait encore été donnée.

Inversement, si l’on porte le regard à l’intérieur des murs du Vatican, on peut découvrir que des gens qui, dans n’importe quelle autre entreprise, auraient été mis à la porte depuis un bon moment sont toujours en place, avec tous les honneurs attachés à leurs fonctions.

Il s’agit des membres du conseil de surveillance de l’IOR, l'Américain Carl Anderson, l’Allemand Ronaldo Hermann Schmitz, l’Espagnol Manuel Soto Serrano et l’Italien Antonio Maria Marocco.

C’est cette "bande des quatre" qui, le 24 mai 2012, chassa de manière brutale, avec la bénédiction du cardinal Tarcisio Bertone, celui qui était alors le président de l'institution financière du Vatican, Ettore Gotti Tedeschi, homme de pointe du renouvellement. En revanche, elle fit bloc avec la vieille garde représentée par les deux directeurs, Paolo Cipriani et Massimo Tulli, en dépit des enquêtes judiciaires imminentes qui, l'année suivante, allaient les contraindre l’un et l’autre à des démissions sans gloire.

Aujourd’hui la magistrature italienne est en train de faire le procès de Cipriani et de Tulli, alors qu’elle a reconnu que la conduite de Gotti Tedeschi avait été impeccable. Mais les quatre membres du conseil sont toujours là, comme s’il ne s’était rien passé.

Et ce n’est pas tout. François a également tenu compte du conseil qui lui a été donné par les quatre : maintenir en vie l’IOR – qui, au cours de ces derniers mois, a été donné plusieurs fois pour moribond par le pape lui-même – et le faire fonctionner comme ils l’indiquaient.

Le nouveau parcours du pape Bergoglio est encore entièrement à déchiffrer.
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Cette note est parue dans "L'Espresso" n° 17 de 2014, en vente en kiosque à partir du 25 avril, à la page d'opinion intitulée "Settimo cielo", confiée à Sandro Magister.

24 avril 2014

[Abbé Pierre-Marie Laurençon, fsspx - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs] "La Maison Notre-Dame a été fondée à Montgardin en 2011..."

SOURCE - Abbé Pierre-Marie Laurençon, fsspx - Lettre aux amis et Bienfaiteurs de Mongardin - avril 2014

Chers amis et bienfaiteurs 

La Maison Notre-Dame a été fondée à Montgardin en 2011 sous la direction de notre cher et regretté confrère l’abbé Lagneau. Cette nouvelle implantation près de Gap (15 km) a reçu une mission propre, tout à fait inédite dans notre Fraternité Saint-Pie X : il s’agit en effet d’une maison « plus contemplative » selon l’expression de notre vénéré fondateur qui avait lui-même émis le souhait d’une telle institution. Nous prenons très à coeur l’entreprise récente de nos supérieurs à réaliser le voeu de Monseigneur Lefebvre : elle nous engage en priorité à une vie de retraite et de prière. Dans la grande famille de la Tradition, nous ne manquons pas, Dieu merci, de communautés religieuses vouées par état à une telle activité tout intérieure. Nous sommes heureux et rassurés de pouvoir nous inspirer de leur expérience et compter sur leur parrainage pour mieux entrer dans cette nouvelle application de notre vocation et satisfaire l’attente de nos supérieurs. 

Sans doute, cette situation particulière (à l’écart de l’apostolat extérieur) nous place dans la nécessité de vivre d’aumône : nous n’avons donc aucun scrupule à recourir à la générosité de nos bienfaiteurs et à créer un réseau de soutien dans notre noble et délicate tâche. Cependant, comme les communautés amies dont il vient d’être question, nous nous efforçons de subvenir à nos besoins, en partie au moins, par des services rendus et diverses initiatives qui devraient faciliter notre prise en charge et en voici quelques exemples : 
Un oasis pour les prêtres. 
Dans notre Maison Notre-Dame, nous sommes installés pour recevoir des confrères prêtres en recollection spirituelle pour un séjour de durée variable, allant de quelques jours seulement à plusieurs semaines. Jusque-là, une telle opportunité n’était possible pour les prêtres de la Fraternité que dans les monastères de la Tradition mais en suivant le rythme et les offices propres à chaque ordre. Il convenait que notre Fraternité pût offrir un cadre et des avantages comparables mais avec le régime commun à toutes nos maisons. 

D’autre part notre maison est destinée aussi à recevoir des prêtres résidents parfois pour un temps assez long pour des raisons diverses : ils font partie de la communauté indispensable pour accueillir les confrères qui veulent venir en récollection. Par ailleurs ces prêtres à demeure à Montgardin ne sont pas au chômage mais ils mettent à profit leur expérience et leurs compétences acquises dans le passé : ils favorisent et facilitent l’apostolat de leurs confrères dans le ministère par des travaux confiés par notre Maison Générale en préparant des articles pour des bulletins, en assurant des traductions, des retranscriptions et autres travaux d’écriture. 
Un nouveau centre de messe et de propagande spirituelle. 

La Maison Notre-Dame, comme implantation de notre Fraternité dans les Hautes-Alpes, a été longtemps attendue par les fidèles de la région : en effet, entre Marseille et Grenoble (300 km !), il n’existe pas de lieu de culte traditionnel autre que celui de Salérans d’où le Père Avril doit s’absenter régulièrement en raison de ses nombreuses activités au Liban. Sans doute, notre groupe de fidèles ne dépasse guère la trentaine de personnes habituellement, mais en période de tourisme, on atteint assez facilement la centaine : une communauté bien unie et mobilisée. De plus, nous acceptons volontiers de faire des remplacements le dimanche, pour soulager les confrères de la région et leur permettre par notre disponibilité de faire face à des circonstances exceptionnelles et de mettre un peu plus de souplesse dans leur organisation. 

Si notre maison n’a ni la nature ni la fonction de prieuré, nous croyons pouvoir exercer un véritable apostolat bien adapté à notre vie de prière. En effet, notre équipe permanente de prêtres a permis de lancer, du temps même de l’abbé Lagneau, un bulletin de vie spirituelle assez conséquent et (si possible) de fréquence trimestrielle. Ce périodique a pour ambition d’encourager dans leur culture religieuse et leur vie de piété non seulement les âmes consacrées mais aussi tous les fidèles désireux d’approfondir la doctrine des grands auteurs. N’hésitez pas à nous demander des exemplaires de ce bulletin « L’Echo de Notre-Dame » pour le diffuser : c’est peut-être la meilleure manière de faire rayonner notre oeuvre !
Un point d’attache pour la vénération à Notre Dame du Laus. 

Evidemment, nous considérons comme providentielle notre proximité (15 Km) de ce haut-lieu de présence mariale au Laus et cherchons, pour nous-mêmes d’abord, à en tirer tous les précieux avantages en vénérant spécialement Notre Dame sous le vocable de « Refuge des pécheurs » qu’Elle-même a choisi ; selon sa propre promesse, d’innombrables conversions peuvent être ainsi obtenues jusqu’à la fin du monde ! 

Dans les environs du Laus, un peu à l’écart des habitations, vit actuellement une moniale-ermite dominicaine qui mène ce genre de vie contemplative depuis plus de cinquante ans. La vie érémitique - vie de prière et de silence dans la solitude pour se consacrer totalement à la louange et à l’adoration de Dieu - a toujours existé dans l’Eglise et le Laus en a toujours eu des représentants. Dans le hameau lui-même cette ermite a aménagé une chapelle où nous célébrons parfois la messe et qui peut recevoir une trentaine de personnes. Nous nous efforçons de notre mieux à encourager et faciliter la vie sacramentelle de cette religieuse, zélé apôtre de la dévotion à Notre- Dame du Laus et témoin érudit du très abondant message des apparitions (qui ont duré pendant toute la vie de la voyante Benoite Récurel 1647-1718) sur laquelle la soeur a écrit récemment des ouvrages qui font désormais référence. Nous voyons dans cette vocation d’exception qui renoue avec la Tradition dans l’Eglise une source de grâces nombreuses pour notre monde tout matérialiste et pour nous-mêmes un exemple bien entraînant ! 
Une base pour favoriser l’apostolat des retraites dans la région et dans le District. 

Notre magnifique région des Hautes-Alpes est particulièrement excentrée, ce qui ne facilite pas les déplacements pour ceux qui veulent faire des retraites : il faut une journée de train pour aller à Caussade ou au Pointet ; aussi, en répondant aux initiatives des prieurés de Marseille, Grenoble, Toulon et Nice , nous donnons, mon collaborateur l’abbé Devillers et moi-même, au cours de l’année des retraites de genre divers, pour hommes et femmes à Salérans qui offre d’excellentes structures et conditions d’accueil dans un cadre naturel enchanteur. Nous assurons aussi des retraites pour les élèves de nos écoles (au Séminaire de Flavigny par exemple), des récollections de carême ou de l’avent en nous rendant dans les chapelles du District de France qui nous sollicitent. 
Une installation propice pour des activités manuelles. 

Grâce à leurs diverses compétences techniques, les confrères résidents sont capables aussi d’assumer la plupart des travaux d’entretien et d’aménagement de nos bâtiments et nous dispensent d’avoir recours aux interventions d’entreprises en nous permettant de faire de substantielles économies. Il faut dire que nos bâtiments très spacieux sont aussi en bon état, puisque les religieuses carmélites qui ont vendu cette propriété à notre Fraternité, venaient de les construire une quinzaine d’années auparavant seulement. Nous sommes bien reconnaissants à nos Supérieurs d’avoir choisi de nous établir dans des conditions idéales pour la vie de retraite et de prière que nous avons à mener. Le terrain de la propriété (6 hectares) est dans une large mesure en pente et occupé par de petits résineux ; cependant nous avons réussi à créer un potager (de plusieurs centaines de m2) qui nous fait apprécier les produits du terroir et faits maison. Nous envisageons à moyen terme la création de petits ateliers, de reliure par exemple. 

Ainsi, sachant que notre maison de Montgardin est encore peu connue, nous n’avons pas hésité, chers amis et bienfaiteurs, à vous fournir ces indications concrètes pour répondre à votre légitime curiosité. Nous pensons aussi avoir suscité de votre part un plus grand intérêt pour ce que nous représentons avec l’intention d’être stimulés par vous dans cette période d’installation toujours un peu délicate et austère comme dans toute fondation récente. Si nous arrivons en ces débuts à fonctionner grâce à l’aide de la Maison Générale, nous devons chercher à pouvoir vivre selon nos propres moyens, et si nous sollicitons votre générosité pour accélérer nos efforts d’implantation, c’est justement pour parvenir à une certaine autonomie. Notre mission plus spirituelle et surtout notre voisinage avec le sanctuaire du Laus nous offrent d’appréciables privilèges pour recommander les intentions de prière de tous ceux qui voudront bien nous en confier. Nous nous sentons particulièrement redevables à ceux qui, maintenant déjà, et certains depuis le début, nous font bénéficier de leur bienveillante générosité. Régulièrement, avec la parution de chaque nouveau numéro du bulletin «L’Echo de Notre-Dame », nous comptons vous tenir informés des nouvelles de notre oeuvre : à bientôt donc!

Abbé Pierre-Marie LAURENÇON, Prieur

[Notre Dame de Chrétienté] Il y a 20 ans, Jean Ousset était rappelé à Dieu

SOURCE - Notre Dame de Chrétienté - 24 avril 2014

Aujourd'hui dans la joie de la résurrection, nous nous souvenons du rappel à Dieu, il y a 20 ans, de Jean Ousset, le fondateur de la « Rue des Renaudes ». Il aura donné sa vie en serviteur pour le bon combat et le seul roi qui puisse répondre à nos désirs de bonheur : le Christ Roi. Il aura été un courageux « gardien de l'âme française » ! 
L'actualité d'un gouvernement de la France qui a perdu tout sens de la nature humaine et de ce qui est bon pour l'homme, mobilise enfin certains de nos concitoyens pour rechercher sur quoi fonder une vraie sociabilité dans un pays divisé de croyance. La Doctrine Sociale de l'Eglise est redécouverte par les nouvelles générations comme étant finalement le seul « corpus cohérent » qui résiste à l'expérience et à la raison.

Nous vous proposons pour stimuler votre zèle « d'acteur ardent » au service de la Cité de relire son appel à l'action lors du congrès de Lausanne en 1976. C'est plus que jamais actuel et pertinent pour maintenant. Comment face à l'esprit dialectique du « monde », incarner la doctrine dans les faits par la culture et l'amitié ? Comment rejoindre les humbles et ceux qui se croient perdus ? Comment aller « aux périphéries » pour reprendre l'expression du Pape François et « aller au large » ?
"(...) Me comprendrez-vous si je vous dis : n'ayez aucune ambition personnelle !! N'ayez même pas l'ambition des organismes ou des groupes auxquels il vous sera donné d'appartenir. N'ayez que l'ambition (mais inlassable et ingénieuse celle-là) de la Cause à laquelle ces organismes ou ces groupes, comme vous-mêmes, ont le devoir strict de s'ordonner !

Dès lors, sachez travailler inlassablement, judicieusement ! Non par désir d'érudition, ou pour pouvoir briller selon le monde. Il n'en paye pas le prix que ça coûte. Mais travaillez pour être harmonieusement forts au service de cette Cause qui aura tant besoin de vous pour être salvatrice.

Et pourtant, ne vous prenez pas au sérieux ! Croyez m'en c'est la seule façon sérieuse d'être vraiment sérieux.

Sachez rire, comme il importe de savoir rire. Sérieusement ! Harmonieusement ! Vous n'avez pas le droit de laisser supposer autour de vous que la très sérieuse doctrine que vous professez est une doctrine assommante et de perpétuel souci. Une doctrine qui empêcherait de s'enthousiasmer pour toutes formes de l'universalité du Beau !! (...)

Moquez-vous d'un renom qui ne s'attacherait qu'à vous-même !! Ceux qui en sont épris sont tellement ridicules ! Seuls à ne pas le voir ! Et cette passion est un obstacle à se renouveler en cherchant à faire mieux !

Supportez qu'on vous calomnie !! Et que vos amis eux-mêmes vous desservent !! C'est prévu dans l'Evangile. N'ayez crainte ! C'est un coup à prendre !! On s'y habitue très vite !! Ne perdez pas un temps précieux à vous débroussailler de ces ronces-là.

Courrez droit au but, à l'essentiel ! Au réellement sauveur, au plus beau, au plus grand et au plus parfait amour !!! Vous verrez comme c'est plus passionnant, plus grisant, plus tonique, plus consolant.

Détestez l'esprit de boutique, de classe, de secte, de chapelle !! Vous valez mieux que ça !! Et la cause qui a besoin de vous a d'autres dimensions ! Ne soyez pas des « exilés dans votre patrie » ! Ne vous laissez pas confiner, même par vos amis !!Et peu importe si ceux que vous accueillerez à vos assises n'y viennent que pour vous desservir !!Continuez ! Allez de l'avant ! Et laissez-les se nourrir de vos miettes !! Soyez sans rancune !! Le succès de la cause en dépend. (Cela aide de le savoir ! Et d'y croire !!)

Soyez les infatigables et scrupuleux serviteurs d'un amour digne de ce nom « Semper idem ». Car, ainsi qu'on la fort bien dit, « les ignorances du coeur sont sans remède ». Ne l'oubliez jamais ! Prenez-y garde !

« Etre le serviteur de son idée, disait Psichari, ce n'est pas donné à tout le monde ».

Soyez de ces serviteurs là !

Sachez que la connaissance n'est rien si elle ne s'épanouit pas en ferveur et en piété. Plus que jamais, soyez persuadés que tout maître de vérité sera malgré tout un mauvais maître s'il n'a pas souci d'être en même temps et plus encore un maître d'admiration et de contemplation.Soyez les inlassables et scrupuleux serviteurs d'un amour qui mérite vraiment ce nom. « Semper idem » !

Gardez-vous bien surtout de rallier le troupeau de ces « orthodoxes » qui manifestent d'autant plus leur « orthodoxie » en paroles qu'ils trouvent dans cette orthodoxie toute verbale leur justification de ne rien faire !! Puisque tout ce qui s'offre à leur rigueur leur semble indigne par là même sous prétexte (toujours facile à dénicher) d'une imperfection quelconque : insuffisance des chefs, insuffisance des directives, insuffisance de l'organisation, insuffisance des interventions, des animateurs, de la troupe !!! etc. Ce qui fait que ces passionnés apparents de la plénitude du TOUT, en réalité ne font RIEN ; et que (par surcroît) on les trouve assidus à toutes les inutilités, stupidités ou fadaises d'une société qu'ils critiquent et condamnent pourtant mieux que quiconque.

Et cependant prenez bien garde d'écarter qui que ce soit, a priori, ou par système !!! (...) Non l'esprit de parti (donc) mais le patriotisme !! Et pour que ce patriotisme ne soit pas qu'un patriotisme de pur principe, strictement idéal, sans la connaissance et sans l'amour hautement personnalisés de cette vraie et non interchangeable patrie qui est la vôtre : soyez des passionnés de l'étude de son histoire !! Recherchez la jouissance quasi organique de se sentir (à en vivre, à en souffrir, à en mourir) les fils, indignes certes, mais non moins tributaires de cette vie nationale qui, du tréfonds des âges, VOUS a, NOUS a privilégiés ! (...)"

[Abbé Grégoire Celier, fsspx] Un terreau fertile : La Tradition en France avant la Fraternité Saint-Pie X (1958-1976)

SOURCE - Abbé Grégoire Celier, fsspx - date non précisée

Le District de France de la Fraternité Saint-Pie X est fondé le 15 août 1976, et confié à l’abbé Paul Aulagnier (né en 1943), ordonné prêtre par Mgr Lefebvre en 1971. En 1974, Mgr Lefebvre a déjà acheté une maison rue des Carrières, à Suresnes (près de Paris), pour lui servir de tête de pont dans ses activités en France. Ce même 15 août 1976 est béni le prieuré Sainte-Anne à Lanvallay (Bretagne), prieuré tout juste acquis. Le lendemain, 16 août 1976, est signé l’acte d’achat du prieuré Notre-Dame du Pointet (Auvergne), qui sera durant deux ans la résidence du Supérieur de District, avant de devenir une maison d’exercices spirituels. Enfin, au même moment, est fondé le prieuré Saint-Michel à Saint-Michel en Brenne (Centre), qui deviendra l’année suivante la maisonmère des religieuses de la Fraternité Saint-Pie X. Bref, en cette première année 1976, le District de France rassemble au plus quatre maisons, dont une seule est sommairement aménagée.

Or, un peu plus de trente ans plus tard, le District de France comprend plus de quarante maisons où résident des prêtres (sans compter les aumôneries diverses). Il y regroupe 150 prêtres en activité. Le deuxième District en importance, celui des États-Unis, comprend moins de vingt maisons et environ soixante-quinze prêtres. Pour obtenir le même nombre de maisons et de prêtres que le District de France, il faut ajouter au District des États-Unis le troisième District en importance, celui d’Allemagne, ainsi que le quatrième District, celui d’Amérique du Sud.

Ces chiffres étonnants ne sont pas les seuls à considérer. Au sein de la Fraternité Saint-Pie X, on remarque que les prêtres de nationalité française représentent à eux seuls le tiers des membres prêtres. De plus, il faut noter que, dans la Tradition en général, la quasi totalité des congrégations masculines, et une bonne partie des congrégations féminines, sont d’origine française : monastères bénédictins de Santa Cruz, Our Lady of Guadalupe et Notre-Dame de Bellaigue (issus du monastère Sainte-Madeleine du Barroux, fondé par dom Gérard Calvet, 1927-2008) ; Fraternité de la Transfiguration de Mérigny (fondée par le père Bernard Lecareux, né en 1933) ; capucins de Morgon (fondé par le père Eugène de Villeurbanne, 1904-1990) ; dominicains d’Avrillé ; sœurs de la Fraternité Saint-Pie X, fondées par Mère Marie-Gabriel Lefebvre (1907-1987) ; carmels de Tradition, dont le premier fut fondé par Mère Marie-Christiane Lefebvre (1908-1996) ; dominicaines du Saint Nom de Jésus (Brignoles et Fanjeaux) ; Petites Soeurs de saint François du Trévoux ; bénédictines de Perdechat ; Petites Servantes de saint Jean-Baptiste du Rafflay ; clarisses de Morgon ; dominicaines d’Avrillé, etc.

Dans un registre différent, il faut noter aussi que les congrégations attachées à la messe traditionnelles (type Ecclesia Dei) sont en bonne partie elles aussi d’origine française ou liées à la France. Par exemple : monastère de Fontgombault et ses filles (Randol, etc.) ; Petits Frères du Sacré-Coeur de l’abbé de Nantes ; monastère Sainte-Madeleine du Barroux et sa fille (Sainte-Marie de la Garde) ; abbaye Notre-Dame de l’Annonciation ; Dominicaines du Saint-Esprit (fondées par l’abbé Victor-Alain Berto, 1900-1968) ; abbaye Saint-Joseph de Clairval à Flavigny (fondée par dom Augustin-Marie Joly, 1917-2006) ; Institut de la Sainte-Croix à Riaumont (fondé par le père Albert Revet, 1917-1986) ; Fraternité Saint-Vincent Ferrier à Chéméré ; Institut du Christ Roi Souverain Prêtre ; Fraternité Saint-Pierre (sur les douze prêtres fondateurs, sept étaient français) ; Chanoines de la Mère de Dieu, et les Chanoinesses ; Société des Missionnaires de la Miséricorde divine à Toulon ; Bénédictines de Jouques ; Religieuses Victimes du Sacré- Coeur à Marseille ; Institut du Bon Pasteur à Bordeaux, etc.

Comment expliquer, en France, ce développement rapide de la Fraternité Saint-Pie X et, plus généralement, de la Tradition catholique et de la messe traditionnelle ? « C’est dans notre cher pays de France que la résistance est la plus solidement opposée à la subversion dans l’Église », remarquait Mgr Lefebvre lors d’un sermon à l’école Saint-Michel de Niherne, le 2 octobre 1983. 

L’une des causes historiques consiste très certainement en un « terreau fertile » qui existait en France bien avant l’arrivée des premiers prêtres ordonnés par Mgr Lefebvre à Écône. C’est à raconter et à décrire (de façon très succincte) la période qui a précédé cette arrivée de la Fraternité Saint-Pie X que les lignes suivantes vont être consacrées. 

Les personnes et les institutions sont citées et décrites au moment où elles interviennent dans le combat de la Tradition catholique. Leur évolution ultérieure a été très diverse, mais il n’en sera pas parlé ici. Si beaucoup sont restés fidèles jusqu’au bout, quelques-uns ont pu abandonner le combat, ou se rallier au Concile, ou sombrer dans un sédévacantisme agressif. Ces errances postérieures (dont les prémisses ont cependant pu commencer à apparaître dès la période traitée ici) n’appartiennent pas à l’histoire racontée en ce texte. Sont donc citées exclusivement les interventions en faveur de la Tradition catholique, réalisées en France durant la période 1958-1976, sans préjuger des évolutions ultérieures.
La France, terre de révolution et de résistance
Pour comprendre l’émergence de la Résistance catholique en France à partir de la mort de Pie XII, il faut d’abord faire un bond dans le passé. En effet, les catholiques français ont été confrontés depuis plus de deux siècles à des assauts si violents et si nombreux qu’ils ont développé une capacité de résistance tout à fait particulière. Si les Français sont en pointe dans la résistance à la révolution religieuse et politique, c’est malheureusement parce que, trop souvent, la France a d’abord été le laboratoire de cette révolution.

Comme le remarque l’abbé Franz Schmidberger dans Fideliter de janvier 1984 : « Le fait que Mgr Lefebvre est français a provoqué beaucoup de résonance dans son propre pays. Et aussi depuis la séparation de l’Église et de l’État, c’est devenu une nécessité constante pour les Français de se battre, de prendre en mains la défense de leurs propres affaires. Depuis plusieurs générations, ils ont ainsi assumé l’entretien de leurs prêtres, de leurs églises et chapelles, de leurs écoles. Alors la crise dont l’Église souffre actuellement ne les a pas pris totalement au dépourvu. Les Français ont l’habitude du combat pour défendre leur foi ».
Révolution des Lumières et contre-révolution
Sur le plan intellectuel et politique, la France a connu très tôt la révolution, et donc a pu développer parallèlement une riche doctrine contre-révolutionnaire.

La première offensive se situe au XVIIIe siècle, le siècle des « Lumières », avec les prétendus « Philosophes ». Les noms de Rousseau, Voltaire, Diderot, Montesquieu, d’Alembert, d’Holbach, Helvétius, Condorcet, Condillac, etc. rappellent un assaut systématique et concerté contre l’ordre naturel et surnaturel, contre le Christ et l’Église. Face à ce déluge, se dressent des apologistes de la foi, de l’Église, de la société, du bon sens (Barruel, Fréron, Nonotte, Patouillet, Palissot, etc.). Même s’ils sont tournés en dérision par les « Philosophes » et leurs affidés, ils posent néanmoins les prémisses d’une réaction salutaire.

La fin du siècle voit la Révolution déferler sur la France. Essentiellement anticléricale, anticatholique et antireligieuse (selon ses diverses phases), elle va détruire la monarchie parce que celleci est liée à l’Église, et ravager le peuple français parce que celui-ci ne veut pas entrer dans le moule de « l’homme nouveau ». Face à ce cataclysme, se dresse une réaction politique et militaire (Vendée, Chouannerie), mais aussi une réaction intellectuelle (Burke, Clorivière, Bonald, Maistre, Rivarol, etc.) qui va constituer la matrice de la pensée « contre-révolutionnaire ». Deux phrases de Joseph de Maistre (lequel, rappelons-le toutefois, même s’il écrit en français, est Savoyard et non Français) peuvent en donner la tonalité : « Il y a donc dans la Révolution française un caractère satanique qui la distingue de tout ce qu’on a vu et peut-être de tout ce qu’on verra » ; « La contre-révolution n’est pas la révolution contraire, mais le contraire de la révolution ».
Libéralisme et antilibéralisme catholiques
Après la Révolution (et sa continuation, l’Empire napoléonien), la Restauration tente de renouer quelques fils politiques et religieux avec l’Ancien Régime, mais la machine est cassée, l’esprit est perdu. Toutefois, cette période voit une renaissance catholique en France, notamment sous l’influence littéraire de Chateaubriand qui inaugure une forme renouvelée d’apologétique (Génie du christianisme, Les Martyrs).

A la même époque, un prêtre, Lamennais, propose une attitude plus conquérante, plus audacieuse face à la modernité, appuyée sur une doctrine inédite du « sens commun » (Essai sur l’indifférence en matière de religion). Toutefois Lamennais, avec notamment ses amis Montalembert et Lacordaire, va évoluer d’une pensée fortement contre-révolutionnaire à une tentative d’union de l’Église et de la Révolution : autour du journal L’Avenir, il crée le « catholicisme libéral », dont la descendance sera prolifique. Lamennais rencontre évidemment des contradicteurs, des opposants et des critiques, y compris dans sa propre école (dom Guéranger). On peut dire qu’à partir de 1850, et jusqu’à la guerre de 1914, le catholicisme français se sépare en deux camps, qui s’opposent constamment : les libéraux et les antilibéraux, ces derniers élaborant un corpus doctrinal et polémique sans équivalent.
Du Ralliement au modernisme
Sous Léon XIII, cette querelle va reprendre de la vigueur à la suite de la politique de « Ralliement » à la République (anticléricale) lancée par le Souverain Pontife en 1892. Une nouvelle génération d’antilibéraux élabore une doctrine qui rappelle notamment que, dans les actes du Pape, certains touchent plus à la politique qu’à la religion, et n’ont donc pas droit à la même obéissance immédiate. Cette nuance apportée à un « ultramontanisme » souvent massif prendra plus d’importance lors de certains des épisodes suivants.

Sous saint Pie X, une nouvelle bataille s’engage autour de la question moderniste, où la France est aux premières loges : Loisy, Hébert, Blondel, Le Roy, Houtin, Laberthonnière, Turmel, beaucoup des principaux modernistes et modernisants sont français. Cette offensive suscite l’entrée en lice de la troisième génération d’antilibéraux.

Ces derniers ont à combattre sur deux fronts : le front ecclésiastique, contre les modernistes et les semi-modernistes ; le front politique, contre la destruction de ce qui reste de la France chrétienne. En effet, depuis 1879, les républicains anticléricaux concentrent tous les pouvoirs et mènent une politique systématique de déchristianisation, qui entraîne d’abord l’exil de dizaines de milliers de religieux, la mise en civil des religieux qui restent en France (les religieuses dominicaines du Saint Nom de Jésus, par exemple, ne portent pas l’habit religieux durant les quarante premières années du XXe siècle), enfin en 1905 une séparation à la fois radicale et brutale de l’Église et de l’État mise en route par un ancien séminariste devenu franc-maçon, Émile Combes : confiscation de toutes les églises, de tous les presbytères, de tous les évêchés, de tous les séminaires, suppression de tout financement de l’Église, etc. Grâce à la vigilance et à l’énergie de saint Pie X, les catholiques français réagissent de façon unanime et se mobilisent pour leur Église, apprenant à vivre par eux-mêmes et à soutenir de leurs deniers leurs prêtres et leurs clochers, expérience qui sera précieuse plus tard.
Le drame de la condamnation de l’Action Française
En 1926, nouveau drame dans l’Église de France : de façon brutale et maladroite, le pape Pie XI condamne l’Action Française, mouvement contre-révolutionnaire en soi laïc, mais où les catholiques militants les plus antilibéraux sont nombreux. Estimant cette condamnation injustifiée (avec certains arguments fondés), la majorité des dirigeants et des membres la refusent : ils seront frappés de l’excommunication (dont ils contestent la validité et l’existence), peine qui ne sera levée qu’en 1939 par Pie XII, au début de la Seconde Guerre mondiale. A la suite de cette condamnation, l’épiscopat français et les autres instances de l’Église de France (presse, Action catholique, etc.) sont épurés méthodiquement en faveur des catholiques plus libéraux et plus à gauche.
Naissance du progressisme, après la Seconde Guerre mondiale
En 1940, l’armée française est écrasée en quelques semaines par l’armée allemande. Un héros de la Première Guerre mondiale environné d’un immense prestige, le maréchal Pétain, est désigné par la Chambre des députés (eux-mêmes majoritairement de gauche, à la suite du Front Populaire) pour conclure un armistice avec l’Allemagne. Les évêques français se rallient massivement et publiquement au gouvernement du maréchal Pétain, incitant les catholiques à soutenir son action. Mais le gouvernement Pétain se retrouve en 1944-1945 dans le « camp des vaincus », et ceux qui l’ont soutenu sont victimes d’une « Épuration » sanglante. Entretemps, pour un certain nombre de raisons pas toutes injustifiées, les évêques ont subtilement changé de camp, et les catholiques qui ont obéi à leur voix quatre ans plus tôt se retrouvent seuls à assumer les conséquences de leurs actes. Une méfiance durable s’installe chez une partie des catholiques français vis-à-vis de la hiérarchie, au moins sur le plan politique. Par ailleurs, la tête de l’Église de France est de nouveau épurée au profit d’un catholicisme situé plus à gauche.

Les conséquences de ces événements sont dramatiques après la Seconde Guerre mondiale. Sur le plan théologique, la France est au coeur de la « Nouvelle Théologie », avec les pères Jean Daniélou, Henri de Lubac, Yves Congar, Marie-Dominique Chenu, Henri Bouillard, Gaston Fessard, Yves de Montcheuil, sans oublier le déferlement clandestin, notamment dans les séminaires, de l’oeuvre du jésuite Pierre Teilhard de Chardin. Sur le plan politique et social, la France connaît une forte poussée des institutions catholiques vers la gauche, qui aboutit dans beaucoup de cas à une « déconfessionnalisation » (un syndicat chrétien, par exemple, devient un syndicat simplement « démocratique »). Sur le plan religieux, l’Église de France choisit « l’option missionnaire », qui consiste essentiellement à négliger les catholiques pratiquants (considérés comme des « obstacles à la mission » par leurs « habitudes routinières et petites-bourgeoises ») pour aller vers les non-pratiquants, les non-croyants et les non-religieux : ce qui implique évidemment de réduire le message chrétien à sa dimension humanitaire. Sur le plan liturgique, enfin, la France est à la pointe des « expérimentations liturgiques » et popularise le concept (qui se révélera ravageur) de « pastorale liturgique » avec le Centre National de Pastorale Liturgique (CNPL).
Le traumatisme de la guerre d’Algérie
A partir de 1954 se noue en France un nouveau drame qui va avoir des répercussions importantes sur son évolution religieuse : la guerre d’Algérie. L’Algérie est un territoire français depuis plus de 120 ans, où cohabitent des « Pieds noirs » (de diverses origines européennes, Français, Italiens, Espagnols, notamment), des Juifs et des indigènes. La guerre est menée par les « nationalistes algériens » du Front de Libération Nationale (FLN) selon les méthodes du terrorisme (bombes dans les lieux publics, égorgement des otages, massacres de civils), tandis que la population algérienne, consultée démocratiquement, privilégie nettement une évolution politique pacifique en union avec la France. La lutte contre le FLN apparaît donc comme parfaitement légitime : elle est d’ailleurs conduite par un gouvernement français alors socialiste, et c’est le contingent (c’est-à-dire tous les jeunes Français) qui est sur le terrain. Or la presse catholique, en même temps que les organisations d’Action catholique, prend parti assez massivement pour le FLN et contre l’Armée française. Bien plus, un certain nombre de catholiques progressistes vont même soutenir activement le terrorisme, devenant « porteurs de valises » (impliqués dans la logistique) du FLN. Cette attitude de « trahison » scandalise un certain nombre de catholiques plus traditionnels. Mais l’évolution des mentalités en France, et finalement l’indépendance de l’Algérie en 1962 (validée par un référendum massif des Français en sa faveur), donnent politiquement tort à ces catholiques traditionnels qui, une nouvelle fois, ont fait confiance à la parole de leurs gouvernants (le général de Gaulle, par exemple, chef du gouvernement, a déclaré en 1959 : « Moi vivant, jamais le drapeau du FLN ne flottera sur l’Algérie ») et qui se sentent trahis par les hommes d’Église.
La révolution conciliaire en France, et Mai 1968
Dans ces conditions, la période qui s’ouvre en France à partir de la mort de Pie XII, et surtout après l’ouverture du concile Vatican II, constitue un désastre. Un véritable raz de marée, une sorte de vent de folie balaye tout ce qui peut rester de traditionnel dans l’Église de France. La soutane disparaît en quelques mois, au profit de l’habit civil. Les églises sont vidées de leurs confessionnaux, chemins de croix, statues, reliquaires, ex-voto, tables de communion, ornements liturgiques, prie-dieu, etc. qui sont jetés aux ordures ou, dans le meilleur des cas, bradés aux antiquaires. Les expérimentations liturgiques les plus insensées deviennent monnaie courante. L’enseignement du catéchisme est dévasté, les catéchismes traditionnels étant bannis au profit d’un « Fonds obligatoire » qui n’enseigne plus les connaissances nécessaires au salut. Les options politiques les plus hasardeuses (et les plus à gauche) sont soutenues par le clergé. Par milliers, des prêtres abandonnent le sacerdoce et se marient.

Le sommet est atteint durant les événements révolutionnaires de Mai 1968, au cours desquels le cardinal François Marty, archevêque de Paris et président de la Conférence épiscopale française, déclare : « Dieu n’est pas conservateur ». La décennie qui suit, jusqu’à la mort de Paul VI, est calamiteuse pour l’Église de France, qui se vide de sa substance (chute de la pratique, raréfaction du clergé et des vocations, effondrement de la vie religieuse, début des problèmes financiers qui ne vont cesser de s’accroître). Les expériences les plus folles sont poursuivies, les affirmations les plus hétérodoxes et les plus absurdes sont soutenues et diffusées partout.
Un clergé et un laïcat riches d’expérience pour faire face à la crise
Face à cette crise qui met chaque catholique dans « la tragique nécessité de choisir », les catholiques français attachés à la tradition (prêtres comme laïcs) vont être moins démunis que beaucoup d’autres. Ils bénéficient d’une littérature contrerévolutionnaire et antilibérale de qualité, abondante et facilement accessible. Ils savent, après le Ralliement, que Rome peut se tromper en certaines matières. Ils ont constaté, depuis la condamnation de l’Action Française, que des sanctions ecclésiastiques pouvaient être infondées et injustes. Ils ont vécu durant la Seconde Guerre mondiale le lâche retournement de leurs évêques, ce qui les a mis en garde. Le récent traumatisme d’Algérie leur a ouvert les yeux sur la subversion qui règne dans la presse dite catholique, dans l’Action catholique et dans une bonne partie du clergé. La « déconfessionnalisation » massive les a alertés sur le risque prochain de voir disparaître la chrétienté la plus concrète, la plus immédiate. La tempête qui s’abat sur l’Église de France à partir de 1962, et qui les touche dans leur vie religieuse personnelle et immédiate (liturgie, catéchisme, habit sacerdotal, vie des prêtres, prédication, enseignement catholique, etc.), leur montre qu’ils ne peuvent se soustraire à des choix cruciaux. Enfin, depuis soixante ans, les laïcs français sont habitués à soutenir de leur argent (le « denier du culte ») leurs prêtres et leurs églises. Ils sont donc riches d’expérience pour faire face à la crise qui commence à déferler.
Deux institutions-clés après la Seconde Guerre mondiale
Cependant, ces conditions historiques générales ne sont pas suffisantes pour expliquer une Résistance catholique aussi massive en France. Des dispositions plus immédiates contribuent à la préparer juste après la Seconde Guerre mondiale, notamment à travers deux oeuvres emblématiques, la Cité catholique et Chabeuil.
Jean Ousset et la Cité catholique
Il est, en effet, presque impossible de comprendre la vitalité de la Résistance catholique en France sans étudier d’abord la Cité catholique. Une partie très importante de ceux qui réagissent à la fin des années 60 en France se sont formés durant les deux décennies précédentes au sein de cette organisation.

C’est en 1946, à la basilique du Sacré-Coeur de Montmartre, que trois hommes fondent la future Cité catholique, sous le nom provisoire de Centre d’études critiques et de synthèse. Il s’agit pour eux de créer un organisme de laïcs agissant sous leur responsabilité civique à l’avènement d’un ordre social chrétien. Cette oeuvre laïque doit professer et diffuser la doctrine sociale de l’Église catholique plutôt qu’une doctrine personnelle. C’est grâce au droit que reconnaît l’Église à tout catholique de prendre des positions politiques particulières que la Cité catholique exerce cette liberté afin de répandre sa méthode et son action. Le principal dirigeant et animateur de la Cité catholique est Jean Ousset (1914-1994).

La méthode de base de la Cité catholique est la « cellule », petit groupe de militants qui se réunissent régulièrement et qui étudient de façon méthodique la doctrine, principalement celle des encycliques pontificales, soit directement, soit à travers les livres publiés par Jean Ousset, dont le principal et le plus connu s’intitule Pour qu’Il règne, synthèse méthodique d’une « Contre-Révolution catholique », et dont la caractéristique est d’être extrêmement riche en citations variées.

En 1963, alors que la Cité catholique subit (déjà) les attaques virulentes des progressistes, ses dirigeants décident de changer de nom. Ils optent pour le titre d’Office international des oeuvres de formation civique et d’action doctrinale selon le droit naturel et chrétien, nom volontairement imprononçable (on dira couramment « l’Office »). Ils modifient également les structures, créant une multitude d’associations annexes gravitant autour d’un centre, afin d’adapter leur stratégie aux évolutions du combat.

L’Office connaît alors un grand rayonnement, tant en France qu’au niveau international. Le premier congrès a lieu en 1964 à Sion, dans le Valais suisse. De 1965 à 1977, les congrès se déroulent à Lausanne. Deux mille cinq cents à quatre mille personnes, toutes nationalités confondues, se retrouvent trois jours durant : occasion pour des animateurs d’oeuvres très variées d’harmoniser et de concerter leurs actions (les mouvements, associations, journaux catholiques et plutôt traditionnels sont représentés par un stand). A ce rassemblement international annuel, on peut entendre une élite intellectuelle catholique : Marcel De Corte, Jean Madiran, Marcel Clément, Louis Salleron, Gustave Thibon, etc. En 1977, le journaliste du quotidien Le Monde constate encore : « Trois jours durant, le palais Beaulieu de Lausanne a sans doute renfermé la documentation contrerévolutionnaire la plus importante d’Europe ».

La Cité catholique (ou Office) possède une revue : d’abord Verbe, plus orientée vers la doctrine pure (la plupart des grands livres de la Cité catholique y paraissent en « feuilleton ») ; puis Permanences, qui fait une place plus grande à l’analyse critique de l’actualité.

La Cité catholique va permettre à des milliers de catholiques français de prendre une connaissance approfondie de la doctrine sociale de l’Église (avec tous ses présupposés et toutes ses conséquences), d’entrer en contact avec le corpus doctrinal contre13 révolutionnaire et d’être sensibilisés à la subversion progressiste sans cesse grandissante.
Le père Vallet (CPCR) et les Exercices de saint Ignace à Chabeuil
Mais derrière l’organisation doctrinale, militante et laïque de la Cité catholique (ou Office), existe une réalité spirituelle tout à fait essentielle pour comprendre le terreau fertile sur lequel est née et s’est développée la Résistance catholique en France : les Exercices spirituels de saint Ignace réduits en cinq jours par le père Vallet et prêchés par les CPCR à Chabeuil.

L’Espagnol François de Paule Vallet (1883-1947) entre chez les Jésuites en 1907, à la suite d’une retraite selon les Exercices spirituels de saint Ignace qui l’a bouleversé. A partir de 1923, il adapte ces Exercices aux circonstances de la vie moderne en les réduisant à cinq jours et, sur cette base, lance un plan apostolique de grande envergure dans toute la Catalogne. Pendant cinq ans, plus de 12 500 hommes vivent l’expérience de la retraite ignatienne.

Toutefois, la but du père Vallet n’est pas exclusivement « spirituel », dans un sens étroit et restreint. Il veut en réalité étendre le Règne du Christ en évangélisant l’homme adulte, afin que celui-ci devienne un ferment dans sa communauté paroissiale. Il fonde donc l’OEuvre des Exercices Paroissiaux (OEP) qui stimule la persévérance et l’esprit apostolique des retraitants, engagés dans leurs paroisses respectives.

En 1927, brûlé par son zèle évangélisateur, le père Vallet voit sa santé chanceler. Ses supérieurs lui imposent un temps de repos prolongé, pendant lequel il a l’inspiration de fonder la congrégation des Coopérateurs Paroissiaux du Christ-Roi (CPCR).

Le 3 mai 1928, le père Vallet sort de la Compagnie de Jésus, afin d’entreprendre sa nouvelle fondation. Il la commence en Uruguay mais, bientôt, rejoint la France où il ouvre à Chabeuil (diocèse de Valence) la « Maison Nazareth ». A partir de ce moment, des retraites en cinq jours selon les Exercices de saint Ignace sont données sans discontinuer, notamment par le père Ludovic-Marie Barrielle (1897-1983), ancien curé de Marseille (et qui finira ses jours à Écône). Pour prolonger en paroisse l’action des Exercices est fondée l’oeuvre des Anciens Retraitants Paroissiaux (ARP).

Jean Ousset et son équipe ont découvert l’oeuvre du père Vallet et y sont attachés. Car les CPCR diffusent une doctrine et une spiritualité solidement catholiques et contre-révolutionnaires. Et, tout naturellement, ils encouragent leurs retraitants à s’affilier à la Cité catholique, seule organisation franchement contrerévolutionnaire de laïcs catholiques en France. Les dirigeants de la Cité catholique prennent donc l’habitude de faire retraite à Chabeuil, et incitent leurs militants à faire de même. C’est ainsi que des milliers de catholiques français vont désormais se retremper régulièrement dans les fortes vérités spirituelles des Exercices, et se protéger grâce à elles des miasmes mortels du progressisme.
Un monde de revues dès avant le Concile
Cependant, tous les catholiques plutôt traditionnels ne sont pas forcément membres de la Cité catholique ni adeptes des Exercices à Chabeuil. Et même pour ceux qui le sont, il est nécessaire de se nourrir et de se prémunir intellectuellement entre deux retraites ou deux réunions de cellule. C’est dire l’importance d’une presse vraiment catholique et contre-révolutionnaire.

Or, ce qui caractérise la France au début des années 60 est que la grande presse catholique, représentée principalement par deux groupes (Bayard Presse et le groupe La Vie catholique), est tombée entre les mains des progressistes. Les revues catholiques « conservatrices », « traditionnelles », « intégristes », etc. sont déjà en opposition à la pensée dominante, en lutte, en dissidence. Elles forment donc chez leurs lecteurs un esprit critique, réactif, attentif aux menées subversives à l’intérieur même de l’Église : ce qui prépare les esprits à réagir face à la grande révolution ecclésiastique qui ne tardera pas. Voici les principales revues lues par les catholiques traditionnels avant même l’ouverture du concile Vatican II.
La Pensée catholique
La Pensée catholique est fondée à l’automne 1946 par quatre prêtres, les abbés Lucien (Luc) Lefèvre (1895-1987), Henri Lusseau (1896-1973), Victor Berto (1900-1968) et Alphonse Roul (1901- 1969). Il s’agit d’une revue théologique bimestrielle qui représente la tradition du Séminaire français de Rome (dont les quatre fondateurs sont issus) et du père Henri Le Floch (1862-1950). On peut résumer ses principes en trois mots : romanité, thomisme et antilibéralisme. Cette revue mène le bon combat doctrinal mais, par son caractère essentiellement théologique, touche surtout les ecclésiastiques.
Dom Édouard Guillou et Nouvelles de Chrétienté
C’est en 1954 que deux laïcs férus des bonnes doctrines, Charles-Pierre Doazan et Lucien Garrido, fondent un bulletin, d’abord polycopié, ensuite imprimé, Nouvelles de Chrétienté, au départ consacré à des sujets religieux généraux : documents pontificaux, informations diverses, commentaires, histoire religieuse, etc. Mais un homme dont le nom n’apparaît jamais (pour des raisons compréhensibles de discrétion) va animer de son souffle et de sa plume cette publication à partir des débuts du Concile : dom Édouard Guillou (1911-1991), moine à l’abbaye bénédictine de la Source (fondée par Solesmes), à Paris. Dom Guillou comprend dès les prémisses de Vatican II la révolution qui commence. Il analyse jour après jour dans Nouvelles de Chrétienté le déroulement du Concile. Le caractère hebdomadaire de la revue est précieux pour réagir avec rapidité et ne pas laisser les esprits sans munition. La plume érudite et argumentée, fine et lucide, ironique et polémique de dom Guillou fait merveille pour éclairer les lecteurs. Il reste de lui, par exemple, enfouis dans les numéros poussiéreux de la revue, des textes encore aujourd’hui remarquables sur la question de la liberté religieuse ou sur la révolution liturgique.
Jean Madiran et Itinéraires
En mars 1956, Jean Madiran, philosophe et journaliste né en 1920, fonde la revue mensuelle Itinéraires. Au départ, il s’agit d’une revue, certes catholique et traditionnelle, mais orientée surtout vers la culture et l’analyse. Jean Madiran en fait progressivement un carrefour de la pensée catholique française, avec la collaboration (notamment) de l’abbé Berto, des frères Charlier, du père de Chivré, de Gustave Corcao, de Marcel De Corte, de l’abbé Dulac, du père Guérard des Lauriers, de dom Guillou, de Louis Jugnet, de Charles de Koninck, de Mgr Lefebvre, d’Henri Massis, de Thomas Molnar, de Jean Ousset, de Jacques Perret, de Luce Quenette, de Michel de Saint Pierre, de Gustave Thibon, etc. Au cours du Concile, la revue s’efforce d’éclairer les catholiques afin de les aider à « raison garder », mais reste relativement en retrait. En revanche, à partir de septembre 1967 (réédition du Catéchisme de saint Pie X), Itinéraires s’engage successivement dans la bataille du catéchisme face au « Fonds obligatoire » des évêques français, puis dans la bataille de la messe traditionnelle (janvier 1970), enfin dans le soutien ardent à Mgr Lefebvre et à Écône (La condamnation sauvage de Mgr Lefebvre, 1975). La revue est durant toutes ces années un guide et une lumière pour les traditionalistes. Mgr Lefebvre écrit ainsi à Jean Madiran le 1er décembre 1985 pour le remercier de « la revue Itinéraires que vous avez fondée et qui est devenue le symbole de la fidélité à la foi catholique ». Et, le 19 août 1988, dans la dernière lettre qu’il lui envoie, il lui redit : « Votre opinion et votre jugement au cours des vingt années de combat ont eu une grande importance pour soutenir et orienter les combattants».

Parmi les collaborateurs d’Itinéraires, il convient d’en citer particulièrement deux en rapport avec la réaction face à la nouvelle messe. Tout d’abord le père Roger-Thomas Calmel (1914-1975), dominicain, auteur de la vibrante « Déclaration » de fidélité à la messe traditionnelle par laquelle la revue concrétise son engagement dans le combat en janvier 1970. Le père Calmel développe, en des articles magnifiques de doctrine, de clarté et de souffle littéraire, son « apologie du Canon romain » et sa dénonciation argumentée de la « révolution liturgique ». Ce vrai dominicain reste l’une des plus belles figures de la Résistance catholique, et ses écrits demeurent d’une étonnante actualité.

Il faut noter ensuite le nom de Louis Salleron (1905-1992), juriste, économiste et écrivain. Dès le 24 septembre 1969, dans l’hebdomadaire grand public d’information Carrefour, il prend nettement position contre le Novus ordo missæ. Dans ce périodique et dans Itinéraires, il développe notamment des arguments canoniques et dialectiques de belle facture, aboutissant dès décembre 1970 à un ouvrage qui marque les esprits et lance une expression, La nouvelle messe (ce livre connaîtra plusieurs éditions successives régulièrement enrichies).
L’abbé Georges de Nantes et La Contre-Réforme catholique
La réaction française à la crise de l’Église ne s’expliquerait pas sans l’action multiforme d’un prêtre, l’abbé Georges de Nantes (1924-1910). En octobre 1956, il commence à faire paraître chaque mois sa Lettre à mes amis, qui dénonce le progressisme et, notamment, va procéder à chaud à une analyse critique du concile Vatican II et de ses textes. Cette revue est remplacée en octobre 1967 par La Contre-Réforme catholique au XXe siècle. Cette dernière aura jusqu’à 30 000 destinataires, ce qui est considérable. L’abbé de Nantes complète son action de journaliste et d’écrivain par des conférences et des réunions publiques qui drainent un public important. Même si ses interventions sont souvent gâchées par des outrances liées à sa personnalité, même si sa position pratique sur la nouvelle messe est restée finalement ambiguë (puisqu’il conseille à ses fidèles, en réalité, d’assister de façon habituelle à la messe dans leur paroisse), il faut reconnaître à l’abbé de Nantes, à cette époque, le mérite d’intuitions fulgurantes sur le processus révolutionnaire qui se met en place. Il dit haut et fort, très tôt, ce qui convient pour mettre les catholiques en garde et les éclairer sur leur devoir.
Les revues « conservatrices »
Il faut ne pas oublier, dans cette période qui précède la réforme liturgique conciliaire au sens propre, l’influence des revues catholiques que les Anglo-saxons qualifient de « conservatrices ». Décidées par principe à se soumettre à la hiérarchie, elles s’inscrivent néanmoins dans une ambiance de réaction contre les erreurs et impostures qui commencent à se diffuser massivement dans le catholicisme français.

On peut citer parmi celle-ci la revue Défense du foyer dirigée par Pierre Lemaire, qui mène une virulente campagne, d’une part contre les errements du nouveau catéchisme, d’autre part contre les déviances morales de la presse progressiste. Il faut rappeler aussi France catholique-Ecclesia, créée en 1924, ancienne revue de la Fédération Nationale Catholique fondée par le général de Castelnau. On peut noter encore L’Homme nouveau, créé en 1946 par le père Fillère et l’abbé Richard dans un sens nettement anticommuniste, et alors dirigé par Marcel Clément (1921-2005), ancien rédacteur d’Itinéraires.

Il n’est pas déplacé non plus de rappeler l’action de Jean Daujat (1906-1998), collaborateur de France catholique et de L’Homme nouveau, qui a fondé en 1925 à Paris le Centre d’études religieuses, où auront été formés des milliers de catholiques dans une saine doctrine thomiste.
La Résistance catholique après le Concile
Le moment est désormais arrivé d’une crise massive de l’Église en France. Le terreau est certes préparé, mais va-t-il être capable de produire les fruits attendus ? D’autres pays à cette époque (pensons simplement ici à l’Italie) possèdent apparemment un terreau fertile, qui n’a pourtant pas produit les fruits espérés. Or, effectivement, le terreau français va être fertile durant toute cette période.

Si les institutions et revues existant avant le Concile continuent leur action (sous des formes diverses), de nouveaux personnages font leur apparition, qui réagissent spécifiquement à la crise qui commence à déferler. Sont recensés ici les plus notables, sans s’astreindre toutefois à suivre strictement l’ordre chronologique ou honorifique, étant donné l’enchevêtrement des interventions des uns et des autres.
Michel de Saint Pierre et Les nouveaux prêtres
Dans le panorama des grands résistants, il convient de citer quelqu’un qu’on n’attendrait pas forcément et qui pourtant joue un rôle fondamental : un écrivain, un romancier, Michel de Saint Pierre (1916-1987). Cousin de l’écrivain Henry de Montherlant, résistant (décoré de la Légion d’Honneur, de la Médaille Militaire, de la Rosette de la Résistance Française, de la Croix de Guerre avec étoile de vermeil 1939-1945 et de la Croix du Combattant Volontaire), Michel de Saint Pierre a produit une oeuvre déjà abondante et couronnée de succès (en 1954, son roman Les aristocrates se vend à 250 000 exemplaires ; en 1955, il reçoit le Grand Prix du Roman de l’Académie française) quand, en 1964, il publie sous le titre Les nouveaux prêtres un roman qui « met en scène » la crise de l’Église. Ce livre rencontre un véritable « succès de scandale », car il pose le doigt sur les fondements mêmes de la crise qui commence à déferler. Les progressistes sont furieux d’avoir été percés à jour, les catholiques désemparés se trouvent éclairés et encouragés à résister, et le grand public est informé de la situation réelle de l’Église. L’auteur complète ce roman par d’autres ouvrages sur la crise de l’Église, tels que Sainte colère en 1965, Ces prêtres qui souffrent en 1966, Église en ruine, Église en péril en 1971, Les fumées de Satan en 1976 (en collaboration avec André Mignot), Le ver est dans le fruit en 1978, etc. Michel de Saint Pierre soutient sans défaillance Mgr Lefebvre et Écône : il fonde notamment en 1975 l’association Credo pour organiser le pèlerinage de la Fraternité Saint-Pie X à Rome à l’occasion de l’Année sainte.
L’abbé Louis Coache et le Vade mecum
Il est presque impossible de comprendre la vitalité du traditionalisme en France sans évoquer la figure de l’abbé Louis Coache (1920-1994), qui est au coeur des principales initiatives de résistance face au raz de marée de la révolution conciliaire. Ordonné en 1943 pour le diocèse de Beauvais, docteur en droit canonique, l’abbé Coache est nommé en 1958 curé de Montjavoult (près de Gisors, à l’extrême sud-ouest du département de l’Oise). Depuis 1955, devant les ravages grandissants du progressisme, il prend des notes en vue d’un ouvrage sur ce sujet. Mais le déferlement de « l’esprit du Concile » rend cet ouvrage beaucoup plus urgent, en sorte qu’à Noël 1964, l’abbé Coache envoie à ses confrères du diocèse de Beauvais une Lettre d’un curé de campagne à ses confrères. Le 8 septembre 1965, paraît une Nouvelle lettre d’un curé de campagne, qui connaît une diffusion beaucoup plus importante. La même année est publié à la Table ronde, sous le pseudonyme de Jean-Marie Reusson, un ouvrage intitulé La foi au goût du jour.

En juin 1966 paraît, dans le mensuel Le Monde et la Vie (un magazine illustré de grand format faisant concurrence à Paris Match) un article de l’abbé Coache intitulé « La nouvelle religion ». Cet article de quatre grandes pages a l’honneur de faire la couverture du numéro (avec une saisissante photographie de Paul VI) et d’être introduit par un éditorial du rédacteur en chef, André Giovanni. Il a un si considérable retentissement qu’il vaut à l’auteur un blâme de son évêque et à la revue une condamnation par le Conseil permanent de la Conférence épiscopale de France (en même temps que Défense du Foyer, Lumière et Itinéraires). En juin 1967 paraît une Dernière lettre d’un curé de campagne, dont le tirage total sera de 150 000 exemplaires, preuve de la notoriété acquise par l’auteur en quelques années.

Cette période est celle où l’abbé Coache agit par l’écrit, afin de s’opposer au déferlement du modernisme. Le curé de Montjavoult ne se voulant pas un écrivain, ses brochures auraient dû trouver un écho limité. Mais, dans la débâcle de la foi, les catholiques fidèles donnent un retentissement très important à ces modestes écrits. Encouragés par cette voix audacieuse, des prêtres se ressaisissent, entrent en contact, des laïcs se regroupent, bref, la résistance traditionnelle commence à se mettre en place.

A cette époque, si l’abbé Coache est déjà très mal vu par son évêque, sa situation canonique est parfaitement régulière et il n’a encore entrepris, en dehors de ses écrits, aucune action susceptible de la mettre en cause. La situation va changer radicalement le 28 février 1968. Ce jour-là, l’abbé Coache, qui a prévu dans sa paroisse une manifestation eucharistique solennelle à l’occasion de la Fête-Dieu, pour la clôture de l’Année de la Foi, envoie à Mgr Desmazières une invitation à venir présider cette cérémonie. L’évêque de Beauvais, qui n’attend qu’une occasion pour faire barrage à l’abbé Coache, engage immédiatement les hostilités. Il lui répond deux jours plus tard en lui demandant un acte explicite de soumission. La réponse de l’abbé Coache ne l’ayant pas satisfait, il lui intime le 19 mars l’ordre de cesser toutes ses publications et de décommander la manifestation eucharistique. 

Devant cette attitude, l’abbé Coache décide de saisir les tribunaux romains pour obtenir justice. C’est le début d’une longue et tortueuse procédure : pas moins de 80 lettres seront échangées entre l’abbé Coache, Mgr Desmazières et les autorités romaines (cardinal Wright, Mgr Palazzini, cardinal Seper, cardinal Villot, etc.). C’est seulement le 10 juin 1975 qu’une commission cardinalice approuve officiellement la destitution de l’abbé Coache par l’évêque de Beauvais. Le curé accepte de se soumettre à la décision romaine, comme il l’a proclamé par avance, et quitte le presbytère de Montjavoult où il continuait à résider, pour se retirer à la maison Lacordaire, à Flavigny, qu’il a acquise entre-temps. Mais, durant toutes ces années, les processions de la Fête- Dieu à Montjavoult ont été l’un des grands rendez-vous annuels du traditionalisme.

En février 1968, l’abbé Coache fonde le Combat de la Foi, un bulletin mensuel destiné à relayer son action. Mais surtout, il rédige, avec l’aide du père Noël Barbara, l’oeuvre qui va avoir la plus grande influence dans la constitution du traditionalisme : le très célèbre Vade mecum du catholique fidèle. Cette courte brochure, qui rappelle les points essentiels concernant la prière, la confession, la communion, la messe, les lectures, le catéchisme, la presse catholique, la morale, est un véritable raz de marée. Publié à la fin de 1968 par l’imprimerie Ferrey, il s’en est déjà écoulé 150 000 exemplaires à la fin de janvier 1969. En 1975, la quatrième édition (toujours disponible aux Éditions de Chiré) porte le chiffre total du tirage à 360 000 exemplaires, chiffre énorme si l’on y prête attention.

Ce qui fait la valeur de ce Vade mecum, outre les précieux conseils qu’il contient, ce sont les noms des 400 prêtres qui ont signé la première édition (d’autres les rejoindront ensuite), dessinant ainsi la carte de France de la fidélité catholique. Il prend toute sa mesure surtout à partir de l’introduction, en 1969, de la « Nouvelle messe », que l’abbé Coache rejette sans retard et publiquement. Les catholiques désorientés par la débâcle liturgique n’ont qu’à consulter le Vade mecum pour connaître à proximité de leur domicile le prêtre qui garde la vraie messe. De plus, afin de soutenir le Vade mecum, l’abbé Coache se dépense sans compter : réunions publiques à la Mutualité et à la salle Wagram (de l’une d’elles sort la brochure Évêques, restez catholiques, tirée à 120 000 exemplaires) et pèlerinages. Les plus importants de ces derniers sont évidemment les « Marches vers Rome » de 1970, 1971 et 1973. Pèlerinages internationaux au coeur de la catholicité pour obtenir la restauration de la foi, de la liturgie et de l’Église, ces marches manifestent la vitalité de la Tradition. Elles se concluent en 1975 par un grand pèlerinage, sous la présidence de Mgr Lefebvre, à l’occasion de l’Année sainte. Un peu plus tard, l’abbé Coache crée les pèlerinages à Lourdes, dans une ambiance de combativité spirituelle.

Toutes ces initiatives ont une importance primordiale pour encourager les catholiques fidèles, les soutenir, enflammer leur zèle. L’abbé Coache est au coeur de ce combat héroïque des débuts.

De l’abbé Coache, il faut encore citer de nombreuses actions. Il y a la campagne de destruction des mauvais journaux dans les églises, qui aboutit à plusieurs procès. Il y a certaines actions de « commando », notamment contre des emblèmes sacrilèges. Il y a des luttes diverses contre les modernistes, soit à l’occasion de cérémonies scandaleuses, soit pour des congrès de prêtres contestataires. Il y a des interventions dans les médias, par exemple la Radioscopie du 5 mai 1975 avec Jacques Chancel. Mais surtout, l’abbé Coache est un élément capital (sous la direction de Mgr Ducaud Bourget) de la reprise et du maintien dans la Tradition de l’église Saint-Nicolas du Chardonnet.

En quelque sorte, l’abbé Coache est un de ces soldats de première ligne qui se sacrifient pour tenir coûte que coûte la ligne de front, pendant qu’à l’arrière se forment les jeunes recrues. Comment ne pas attribuer en bonne partie au difficile combat de l’abbé Coache pendant les « années terribles » la magnifique floraison religieuse qui s’observe aujourd’hui dans la Tradition ?
L’abbé Raymond Dulac et le Courrier de Rome
C’est en 1967 qu’est créé un bulletin bimensuel ronéotypé intitulé Courrier de Rome, alors que la liturgie est en train de se déliter, en France notamment. Son principal animateur est l’abbé Raymond Dulac (1903-1987), ancien élève du Séminaire français de Rome, docteur en théologie et en droit canonique. Le Courrier de Rome, sous la plume très claire et incisive de l’abbé Dulac, va illustrer notamment les aspects juridiques et canoniques de la nouvelle liturgie, démontrant d’une part que la messe traditionnelle n’a jamais été interdite et ne peut l’être (l’abbé Dulac traduit et présente au public la bulle Quo primum) ; d’autre part, que la nouvelle messe n’a pas valeur obligatoire, les textes apportés en ce sens étant soit inexistants, soit falsifiés, soit sans force obligatoire. L’abbé Dulac ajoute à ces considérations canoniques d’autres observations pertinentes, tant théologiques qu’historiques et liturgiques. La caractéristique de l’action du Courrier de Rome est d’intervenir très tôt, avec une vigueur et une clarté sans équivalent. Il contribue à éclairer, à rassembler et à galvaniser les prêtres et les fidèles qui veulent conserver la Tradition, mais qui à cette époque se sentent perdus et isolés.
Le père Noël Barbara et Forts dans la Foi
Le père Noël Barbara (1910-2002), prêtre rapatrié d’Algérie, joue un rôle certain dans la Résistance, principalement par ses talents de catéchiste et de vulgarisateur. Ayant appartenu aux Coopérateurs Paroissiaux du Christ-Roi (qu’il quitte avant ses voeux définitifs), il a reçu notamment du père André Romagnan la tradition des Exercices spirituels selon la méthode et l’esprit du père Vallet. Il en garde une force de doctrine et une clarté d’exposition qui caractérisent son apostolat dans la crise.

En 1963, il se fait connaître en publiant une remarquable Catéchèse catholique du mariage. Puis, devant la crise doctrinale et catéchétique, il multiplie les conférences à travers la France pour éclairer, mettre en garde et encourager à conserver la foi. En 1967, afin d’amplifier son action, il fonde Forts dans la Foi, revue bimestrielle de catéchèse catholique, où sa limpidité de style et son sens du concret font merveille. En 1968, il est avec l’abbé Coache à l’origine de ce monument du traditionalisme français qu’est le Vade mecum du catholique fidèle.
Le père Michel Guérard des Lauriers et le Bref examen critique
La nouvelle messe est promulguée le 3 avril 1969. Immédiatement, Cristina Campo (1923-1977), écrivain et poète, inspiratrice d’Una Voce Roma, et son amie Emilia Pediconi, réunissent cinq ou six ecclésiastiques afin de préparer une étude critique à présenter au pape Paul VI avant le 30 novembre, date fatidique de la mise en application de cette nouvelle messe. En avril et mai, au local d’Una Voce, souvent en séances nocturnes, Mgr Renato Pozzi (membre de la Congrégation des Études, ancien expert au Concile), Mgr Gerrino Milani (également membre de la Congrégation des Études), Mgr Domenico Celada (liturgiste de renom) et quelques autres élaborent un projet. La rédaction est confié au père Michel Louis Guérard des Lauriers (1898-1988), dominicain, professeur à l’Université pontificale du Latran. A partir de ses notes en français, le père Guérard dicte un texte à Cristina Campo, qui le traduit en italien et le complète avec minutie sous le titre Breve esame critico del Novus Ordo Missæ, le datant du 5 juin 1969, jour de la Fête-Dieu. 

Campo et Pediconi ayant leurs entrées dans des cercles ecclésiastiques influents, notamment chez le cardinal Ottaviani, il est décidé de rechercher des « signatures » prestigieuses pour ce document. Mais l’affaire traîne en longueur, les prélats se défilant les uns après les autres. Finalement, seuls les cardinaux Ottaviani et Bacci signent la lettre de présentation du texte. De guerre lasse, l’abbé de Nantes publie le 15 octobre 1969 dans la Contre-Réforme catholique la lettre signée du seul Ottaviani. L’affaire est éventée, on ne peut donc attendre davantage. La lettre des cardinaux est alors datée du 3 septembre, fête de saint Pie X, et remise avec le Breve esame à Paul VI le 21 octobre 1969.

Durant ce temps, le Breve esame a été traduit en français par le père Guérard, en allemand par Elisabeth Gerstner, en espagnol par don Luigi Severini, en anglais par le professeur Anderson (sous le titre The Ottaviani intervention). Il est très largement diffusé, notamment en France, et demeure une pierre milliaire de la Résistance catholique.

Comme l’écrit dans une lettre publique du 27 novembre 2004 le cardinal Alfons Maria Stickler (1910-2007), qui lui-même est resté attaché à la messe traditionnelle, « les résultats de la réforme [liturgique] sont jugés dévastateurs par beaucoup aujourd’hui. Ce fut le mérite des cardinaux Ottaviani et Bacci de découvrir très vite que la modification des rites aboutissait à un changement fondamental de la doctrine. (…) L’analyse du Novus Ordo faite par ces deux cardinaux n’a rien perdu de sa valeur ni, malheureusement, de son actualité ».
Mgr François Ducaud Bourget et Saint-Nicolas du Chardonnet
L’abbé Germain Ducaud (1897-1984), décoré à la Libération en raison de son aide aux Juifs persécutés, écrivain et poète ayant pris le nom de plume de François Ducaud Bourget, a fondé en 1936 la revue littéraire Matines. Bénéficiant du titre de Monseigneur du fait de sa fonction d’aumônier général de l’ordre de Malte (titre qu’on continue couramment à lui attribuer, même lorsqu’il a quitté cette fonction), ce prêtre du diocèse de Paris est aumônier de l’hôpital Laennec lorsque survient la nouvelle messe. Il continue à célébrer la messe traditionnelle à la chapelle de l’hôpital, ce qui lui amène au fil des semaines des fidèles de plus en plus nombreux. Expulsé de Laennec en 1971 à la suite de pressions politico-syndicales, il erre avec la communauté rassemblée autour de lui dans diverses salles, notamment en 1972 dans un ancien entrepôt du quartier des Halles, rue de la Cossonnerie, ou encore au Musée social, rue Las Cases. Il trouve finalement refuge à la salle Wagram le dimanche, et dans une annexe de ladite salle en semaine, annexe devenue la chapelle Sainte-Germaine. Entouré d’une petite équipe de prêtres attachés à la Tradition, Mgr Ducaud Bourget dirige de par les circonstances la plus importante communauté traditionnelle française, sur le plan numérique. A de nombreuses reprises, il sollicite respectueusement de l’archevêque de Paris, le cardinal François Marty, un lieu de culte pour cette communauté, mais n’essuie que des refus et des rebuffades.

C’est en désespoir de cause qu’il se décide à prendre une initiative qui va le faire entrer dans l’Histoire : celle d’offrir à la Tradition une magnifique église au coeur de Paris, Saint-Nicolas du Chardonnet.

L’habitude s’est prise de se rencontrer régulièrement, Mgr Ducaud Bourget, l’abbé Coache, madame Buisson (une fidèle très active, pivot de toute les oeuvres traditionnelles à Paris) et quelques amis au restaurant Le Tourville, tout près du domicile de Mgr Ducaud Bourget. Dès 1974, l’abbé Coache y évoque la possibilité de prendre une église à Paris. Mgr Ducaud Bourget, plus tempéré que le bouillant curé de Montjavoult, retarde toujours l’exécution. Le 20 octobre 1976, une réunion organisée par l’abbé Coache sous la présidence de Mgr Ducaud Bourget a lieu à la Mutualité devant 3 000 personnes. Avec la permission de Mgr Ducaud Bourget, l’abbé Coache annonce qu’avant six mois, une église parisienne sera prise. La foule s’enthousiasme pour un tel projet.

Cinq personnes sont du secret : Mgr Ducaud Bourget, l’abbé Vincent Serralda (1904-1998), l’abbé Coache, madame Buisson et Monsieur Ducaud (neveu de Mgr Ducaud Bourget). Chacun des trois prêtres apporte au projet sa contribution spécifique : Mgr Ducaud Bourget est le « patron », la figure de proue parisienne qui donne sa caution morale ; l’abbé Serralda désigne l’église, Saint-Nicolas du Chardonnet où il a été vicaire et qui se trouve située juste à côté de la salle de la Mutualité ; l’abbé Coache apporte son audace, son sens de l’organisation, ses équipes bien rodées par de nombreuses opérations antérieures.

La suite est bien connue : elle a été abondamment racontée en plusieurs ouvrages. Il y a la grande réunion prévue à la salle de la Mutualité, mais d’où le peuple fidèle est détourné vers l’église proche. Cet envahissement pacifique mais ferme aboutit à la célébration de la messe traditionnelle, la première dans cet édifice après de trop longues années. Et depuis ce temps-là, « l’admirable église de Saint-Nicolas du Chardonnet » est, selon le mot de Mgr Lefebvre, « célèbre dans le monde entier ». Mgr Ducaud Bourget y est enterré dans le déambulatoire.
Le père Michel André et l’Association Noël Pinot
Le père Michel André (1915-2000) doit être cité dans cette galerie des grands résistants, même si son action publique en France est un peu plus tardive. Prêtre des Pères du Saint-Esprit (spiritains), il est missionnaire en Argentine de 1962 à 1971. Face à la crise de l’Église, il commence par faire imprimer à 10 000 exemplaires le Bref examen critique en espagnol et circule à travers toute l’Amérique du Sud pour le répandre.

Sur les conseils notamment de Mgr Lefebvre, son ancien Supérieur général, il quitte l’Argentine en avril 1971 et revient en France. En 1972, il crée, à Angers, l’Association Noël Pinot (du nom d’un prêtre guillotiné en habits sacerdotaux durant la Révolution française), pour la défense de la messe traditionnelle et pour l’aide aux prêtres fidèles à cette messe, aide même matérielle : chaque année, l’Association Noël Pinot reçoit environ 15 000 intentions de messe, qu’elle redistribue à des prêtres qui s’engagent à célébrer exclusivement dans le rite traditionnel. Depuis sa création, plus de 2 000 prêtres ont appartenu à l’A.N.P.

En juin 1973, le père André fonde un bulletin trimestriel, Introibo. Cette publication de doctrine et d’informations connaît une belle diffusion, puisque son tirage atteint jusqu’à 6 000 exemplaires.
Luce Quenette et La Péraudière
En 1946, Luce Quenette (1904-1977), qui a « la passion de l’éducation catholique » (selon le mot de Mgr Lefebvre), achète une ferme sur la commune de Montrottier, dans les monts du Lyonnais, afin d’y fonder une école de garçons. Elle veut donner aux enfants le goût de la civilisation chrétienne et française par l’étude des lettres classiques, dans un cadre familial et campagnard, et déjà avec un esprit de réaction contre le progressisme. En 1954, elle achète des bâtiments au lieu-dit La Péraudière. En 1969, elle fonde une école de filles à Malvières, dans la Haute-Loire (transférée à Saint-Franc, en Savoie, en 1994).

Luce Quenette réagit très tôt face à la subversion, d’abord en raison de la déliquescence du catéchisme, ensuite à cause du cataclysme liturgique. « Tout au long de l’année 1969, écrit Jean Madiran dans son hommage mortuaire, avec une terrible impatience, Luce Quenette nous pressait de faire le possible et l’impossible pour écarter la menace de la nouvelle messe annoncée. On verra, lui disions-nous, attendez (…). Je ne peux pas attendre, répondait-elle ; les enfants ne peuvent pas attendre : c’est maintenant, c’est aujourd’hui qu’il faut leur dire, pour la vie entière, où est la vraie messe ». Et Jean Madiran n’hésite pas à déclarer, le 19 mars 1974, lors d’une conférence à Écône : « Sans elle, la revue Itinéraires, sur la messe, n’aurait peut-être pas pris si vite une position aussi ferme ». Luce Quenette rencontre pour la première fois Mgr Lefebvre en 1970 à Fribourg, et l’archevêque vient à l’école de La Péraudière dès l’année suivante, pour la Fête- Dieu.

Luce Quenette se fait d’abord connaître littérairement dans une petite revue professionnelle intitulée Entre paysans. En 1967, elle commence à collaborer à Itinéraires. En 1968, elle fonde la Lettre de la Péraudière, qui devient l’une des premières revues traditionalistes en France et éclaire beaucoup de personnes dans la crise de l’Eglise. En 1974, ses textes relatifs à l’éducation sont regroupés et harmonisés aux éditions Dominique Martin Morin dans un ouvrage intitulé L’éducation de la pureté.

Son testament exprime clairement le combat qu’elle a mené : « Seule la Tradition de l’Église fondée par Notre Seigneur Jésus-Christ il y a deux mille ans et parvenue jusqu’à nous représente la religion catholique dans laquelle nous avons été baptisés et dans laquelle nous pouvons faire notre salut : avec la messe traditionnelle en latin, le catéchisme authentique transmis aux enfants et la sainte Écriture sans les falsifications d’aujourd’hui ».

Dans les années de la révolution conciliaire, l’école de La Péraudière est « l’école de la tradition » pour les garçons en France, donne beaucoup de vocations, et constitue un modèle et un exemple pour les écoles traditionnelles de garçons qui commencent à être fondées à la fin des années 1970 (beaucoup des premiers prêtres travaillant dans ces écoles sont issus de l’école de La Péraudière).

Dans le même temps, la renaissance de l’éducation traditionnelle des jeunes filles se prépare à Toulouse, au sein de la congrégation des Dominicaines enseignantes du Saint Nom de Jésus, en particulier sous l’influence de leur aumônier, le père Calmel. Après de longues réflexions et de douloureuses discussions, un premier essaim de 26 religieuses, sous la conduite de Mère Hélène Jamet, ancienne Supérieure générale, s’installe à Brignoles en juillet 1974. Un an plus tard, en juillet 1975, un deuxième essaim de 21 religieuses, sous la direction de Mère Anne-Marie Simoulin, Supérieure générale en titre, quitte Toulouse pour rejoindre Fanjeaux. 
Les « conservateurs »
Parmi ceux qui agissent contre la subversion généralisée dans l’Église en ces années-là, il faut également parler de ceux que l’on peut appeler les « conservateurs », parce qu’ils n’ont pas pris entièrement le parti de la Tradition.

Au premier rang de ceux-ci, on doit citer l’association Una Voce, fondée en France en 1964, et d’où est issue en 1966 la Fédération internationale Una Voce et ses sections en de nombreux pays. L’initiative de la fondation d’Una Voce revient à Georges Cerbelaud–Salagnac (1906-1999) et à sa femme Bernadette Lécureux (1913-2011, archiviste-paléographe, auteur de l’ouvrage Le latin, langue de l’Église). Elle est présidée durant vingt ans, en particulier, par Henri Sauguet (1901-1989), de l’Institut, musicien réputé.

Fondée avant même la fin du Concile, Una Voce n’a pas pour objet la nouvelle messe (qui n’est promulguée que cinq ans plus tard). Ses buts sont clairement définis : défendre et promouvoir le latin, le chant grégorien et la polyphonie sacrée dans la liturgie catholique romaine occidentale, ainsi que l’art sacré.

Mais l’arrivée de la nouvelle messe oblige Una Voce à prendre position. Alors que la plupart des associations nationales (juridiquement indépendantes) de la Fédération internationale optent clairement pour la seule liturgie traditionnelle, l’association française reste plus réservée, parce que ses membres et ses responsables sont divisés sur l’attitude à adopter. Marquant une nette préférence pour la liturgie traditionnelle, Una Voce France accepte pourtant la liturgie de Paul VI, s’efforçant de la faire célébrer en latin et grégorien. Elle publie une revue bimestrielle, édite des ouvrages, dirige une émission de radio dédiée au grégorien et possède un site internet.

Au plus fort du combat, la plupart des défenseurs de la Tradition en France sont membres d’Una Voce ou lecteurs de sa revue, car chaque munition est alors précieuse. L’Opus sacerdotale, association de prêtres se soutenant dans leur vie sacerdotale, fondée également en 1964 par le chanoine Étienne Catta (1901-1974), travaille dans un esprit analogue à celui d’Una Voce.

Il faut encore signaler l’existence de groupes non négligeables qui, acceptant le Concile ainsi que la réforme liturgique, travaillent cependant à dénoncer et à combattre les dérives doctrinales et liturgiques qui se multiplient. Parmi les plus actifs, le Rassemblement des Silencieux de l’Église, fondé en 1969 par Pierre Debray (1922-1999), agit au sein des paroisses, action que Pierre Debray prolonge par la fondation en 1972 d’un Courrier hebdomadaire, puis par un nouveau groupe intitulé Chrétiens pour un monde nouveau. Dans le même ordre, l’association Fidélité et Ouverture, fondée en 1971 par Gérard Soulages (1912-2005), cible, elle, d’abord les milieux plus intellectuels.
Les « caisses de résonance »
Comme il a été dit, la grande presse, laïque comme catholique, est alors aux mains des progressistes et de ceux qui leur sont favorables. Les initiatives des catholiques traditionnels sont donc souvent étouffées. Il existe toutefois quelques « caisses de résonance » qui permettent d’atteindre un plus vaste public. En voici quelques exemples caractéristiques parmi d’autres possibles.

Dans les années 60 paraît un magazine très grand public (fondé au début des années 50), intitulé Le Monde et la Vie, dont le sous-titre, « Tout savoir par le texte et l’image », est explicite. Ce magazine, sorte de Paris Match mensuel, sous l’impulsion de son rédacteur en chef, André Giovanni (lequel, en 1976, fondera Santé Magazine, promis à un bel avenir), consacre à partir de 1962 plusieurs dossiers aux problèmes religieux, donnant volontiers la parole aux « traditionalistes ». Par exemple, en décembre 1962, « Où va l’Église de France ? », dont voici le sommaire : « L’Évangile trahi », « L’Église en danger », « Teilhard de Chardin, jésuite maudit ou futur Père de l’Église », « La bataille des intégristes et des progressistes », « Après l’abandon de la soutane », « Pourquoi la messe à l’envers ? », « Un ancien prêtre-ouvrier parle ». Mais on peut relever aussi au hasard, au fil des numéros, en février 1964 « Les démagogues de l’art sacré », en juin 1964 « Les infiltrations communistes par l’intermédiaire du mouvement Pax », en août 1964 « Vernet contre Teilhard », en janvier 1965 « Dossier des nouveaux prêtres », en février 1966 « L’abbé de Nantes », etc. Le Monde et la Vie disparaît à la fin des années 60 pour renaître comme bimensuel en 1972, sous le titre Monde et Vie, en un sens ouvertement « traditionaliste ».

Dans l’hebdomadaire politique Rivarol, Édith Delamare (1921-1993) tient une chronique religieuse fort lue et clairement favorable à la Résistance traditionnelle. En 1967, elle bataille Contre la liturgie d’après Concile et s’oppose à l’abbé Georges Michonneau (1899-1983), l’un des précurseurs de la révolution conciliaire, qui proclame son engagement Pour la liturgie d’après Concile (Berger- Levrault). Avec Léon de Poncins, Jacques Bordiot, Gilles de Couessin et Georges Virebeau (Henry Coston), Édith Delamare participe en 1969 au livre collectif intitulé sans ambiguïté Infiltrations ennemies dans l’Église (La Librairie Française). Dans le même hebdomadaire Rivarol, durant les années 60, sous le pseudonyme transparent de « Civis Romanus », écrit en faveur de la Tradition un Monsignore français résidant à Rome, Mgr Carbonnel.

Quelques courageux petits éditeurs à contre-courant s’efforcent de soutenir la Résistance catholique, comme les Nouvelles Éditions Latines, Dominique Martin Morin, La Librairie Française, les éditions du Cèdre, etc.

La Résistance catholique peut difficilement s’appuyer sur le réseau des librairies classiques, commercialement liées aux grandes maisons d’édition, elles-mêmes largement acquises aux idées progressistes. C’est pourquoi se développe à cette époque en France la pratique de la vente des livres par correspondance. Plusieurs maisons se fondent pour cela, mais parmi celles-ci il convient de distinguer particulièrement Diffusion de la Pensée Française (DPF). Créée en 1966 par un étudiant à l’université de Poitiers, Jean Auguy (né en 1942), cette librairie par correspondance s’installe rapidement dans le petit village poitevin de Chiré en Montreuil, et ne tarde pas à s’adjoindre un département éditorial sous le nom d’éditions de Chiré. DPF remplit un rôle majeur au long de ces années de combat, principalement en diffusant de nombreux ouvrages sur la doctrine et la liturgie. L’orientation de la maison de Jean Auguy peut facilement être caractérisée en rappelant trois livres des éditions de Chiré. Dès 1971, Jean Vaquié y publie un remarquable ouvrage intitulé La révolution liturgique, qui analyse d’une part la constitution conciliaire sur la liturgie, d’autre part le Novus ordo missæ. En 1975, Jacques Ploncard d’Assac y fait paraître L’Église occupée, analyse historique de la pénétration révolutionnaire dans le monde ecclésiastique. Enfin, toujours en 1975, y sort la traduction française (par Cerbelaud-Salagnac, fondateur d’Una Voce) de l’ouvrage du Brésilien Arnaldo Xavier Da Silveira, La nouvelle messe de Paul VI, qu’en penser ?

Dans les années 70, le quotidien l’Aurore, aujourd’hui disparu, joue un rôle non négligeable dans le réveil des catholiques français, en raison d’une chronique religieuse tenue successivement par deux dominicains « de choc ». Le père Maurice Lelong (1900-1981) est un prédicateur assez connu (différent du père Michel Lelong, père blanc, né en 1925 et toujours vivant) : il assure notamment la prédication chaque dimanche sur la radio d’État France Culture. Mais en 1971, il publie aux éditions Robert Morel le Lexicon de l’Église nouvelle, pastiche sous forme de dictionnaire du « nouveau langage ecclésiastique ». Il récidive l’année suivante avec Le livre blanc et noir de la Communion solennelle (Mame, 1972), critique de la destruction programmée de cette cérémonie religieuse capitale dans la formation religieuse des jeunes catholiques français. Ceci, conjugué à la saine doctrine de ses sermons radiodiffusés, lui vaut la disgrâce de ses supérieurs et la fin brutale de son poste à France Culture. Il est donc accueilli en 1972 à l’Aurore où il tient une chronique religieuse hebdomadaire (recueillie dans Les feux de l’Aurore, Robert Morel, 1973) qu’il prolonge en 1973 (Puisqu’il fait encore jour, Robert Morel, 1974) et en 1974 (Les jeudis de l’Aurore, Robert Morel, 1975). Appuyé sur une théologie très solide et traditionnelle, le père Lelong n’hésite pas, au fil de ses chroniques, à prendre à partie les massacreurs de l’Église, notamment les journalistes religieux, les prêtres en goguette et les évêques lâches et irresponsables. Le père Lelong préface encore en 1976 Un nouveau piège de la subversion : l’expression corporelle, publié par Dominique François aux éditions du Cèdre (liées à La Pensée catholique).

A cette chronique religieuse de l’Aurore, le père Lelong a pour successeur le père Raymond-Léopold Bruckberger (1907- 1998), dominicain résolument inclassable. Ancien résistant, homme de lettres et de cinéma, ami des artistes, menant une vie pour le moins non conventionnelle, il a toutefois, par attachement sincère à la bonne doctrine, participé à l’ouvrage Dialogue théologique, publié en 1947 par les pères Labourdette et Nicolas, qui proposait une critique argumentée de la « Nouvelle Théologie » en ses premiers feux. Dans la période de l’après- Concile, il commence à exprimer avec une grande liberté de ton et un vrai style littéraire ses interrogations et ses surprises face à l’évolution inquiétante de l’Église (Lettre ouverte à Jésus-Christ, Albin Michel, 1973). Les dirigeants de l’Aurore (et ceux du Journal du Dimanche) lui offrent alors une tribune. Ses réflexions critiques sur la situation dramatique de l’Église, qui ont un formidable retentissement, sont recueillies dans L’âne et le boeuf, publié par Plon en 1976 avec une introduction de Jean Dutourd, et surtout dans Toute l’Église en clameurs, publié par Flammarion en 1977, ouvrage que le père Bruckberger n’hésite pas à dédier à Louis Salleron et à Michel de Saint Pierre. Chaque jeudi de ces années (celles de la condamnation de Mgr Lefebvre et de la prise de Saint- Nicolas du Chardonnet), la chronique du « père Bruck » est attendue avec impatience par les catholiques inquiets et désemparés.
La résistance des prêtres et des laïcs
Grâce à tout cet héritage, à cette formation largement diffusée, aux encouragements venus de tous ces « ténors », les catholiques français vont entrer en résistance de façon certes modeste en soi, mais cependant réellement massive au regard de l’Église universelle.

Un peu partout, des prêtres gardent la soutane, conservent l’enseignement du catéchisme, célèbrent la liturgie traditionnelle, maintiennent les formes reçues de la piété catholique. Ils sont plusieurs centaines certainement, dépassent même peut-être le millier. Ce qui signifie qu’ils représentent entre 2 % et 3 % du clergé français (qui compte à l’époque entre 40 000 et 35 000 prêtres) : dans l’état de cataclysme où est alors l’Église, ce chiffre est loin d’être négligeable, et doit être comparé à celui de tant d’autres lieux où il n’y a aucune réaction ou presque.

Dans chaque diocèse (la France en comprend une petite centaine), des prêtres (et notamment des curés de paroisse rurale) gardent donc la Tradition. Dans tel diocèse, c’est un seul. Dans un autre, ce sont deux ou trois. Mais dans certains diocèses, ce sont six, sept, voir dix prêtres ou plus qui maintiennent. Ce qui représente un maillage, certes inégal et irrégulier, mais finalement assez dense. En gros, tout catholique français peut trouver la messe traditionnelle à moins de cent kilomètres de chez lui. Il est évidemment impossible de citer ici les centaines de noms de ces prêtres résistants. D’une part, ce serait long et fastidieux. D’autre part, pour proposer un « livre d’or » exhaustif des diverses résistances locales, il faudrait réaliser un travail de recherche minutieux et complexe. En effet, les situations sont très variées, dans des laps de temps différents, avec des lieux qui parfois varient d’une semaine sur l’autre, des prêtres qui se croisent ou se succèdent, des revirements et des retours.

Pour exprimer toutefois reconnaissance et piété envers ces courageux combattants qui ont permis à la Tradition de survivre en France malgré la tempête, citons presque au hasard quelques noms (qui seront ainsi sauvés d’un oubli complet) : le père Avril, le père Aymard, l’abbé de Bailliencourt, le père Baillif, le père Barcelonne, l’abbé Bayot, l’abbé Bénéfice, l’abbé Bertrand, l’abbé Bouteille, l’abbé Bovadilla, l’abbé Burdin, le père de Chivré, l’abbé Choulot, l’abbé Claisse, le chanoine Cousseran, le père Crespel, l’abbé Dirat, l’abbé Duboscq, l’abbé Dupanloup, l’abbé Ehanno, l’abbé Emmanuelli, le père Étienne de Sainte-Madeleine, l’abbé Fellich, le père Gérentet de Saluneaux, le père Givry, Mgr Gillet, l’abbé Goyenetche, Mgr Grasselly, l’abbé des Graviers, le père Grymonpré, l’abbé Guerle, l’abbé Houghton, l’abbé Jamin, l’abbé Juan, l’abbé Lagarde, le chanoine Lavigne, le père Le Boulc’h, l’abbé Le Perderel, le père Londos, l’abbé Lourdelet, le père Magentis, l’abbé Mazué, l’abbé Montgomery-Wright, le père Morandi, l’abbé Mouraux, le chanoine Poncelet, le chanoine Porta, le père Pozzéra, le père Reynaud, le chanoine Robin, le père Rohmer, le père Rousseau, le chanoine Roussel, le père Sausin, le père Simon, l’abbé Son, l’abbé Sulmont, le père Vermeille, le père Vinson, le père Zucchelli, etc.

Cette énumération est partielle, voire partiale en oubliant tant et tant de noms qui mériteraient d’être sortis de l’oubli : aussi n’est-elle proposée que comme la composante d’un hommage global à tous ces prêtres redevenus anonymes et souvent injustement oubliés.

Ces prêtres résistants sont, dans la plupart des cas, persécutés (souvent de façon ignoble) par leur évêque et par beaucoup de leurs confrères qui ont « pris le virage ». Menacés, moqués, attaqués publiquement, privés de ressources, destitués, chassés, ils doivent souvent faire face à des situations dramatiques. Beaucoup meurent de chagrin, de souffrance, de misère.

Certains « hauts lieux » spirituels permettent toutefois de se ressourcer. A Bédoin, par exemple, dans le Vaucluse, existe depuis août 1970 une communauté bénédictine fervente sous la direction du père Gérard Calvet, moine issu de Tournay. A Pontcallec, les Dominicaines du Saint-Esprit gardent l’esprit de leur fondateur, l’abbé Berto, théologien de Mgr Lefebvre durant le Concile. Mais surtout, en ces années-là, c’est l’abbaye Notre-Dame de Fontgombault qui constitue en France l’un des principaux centres de résistance, sous la direction de son père abbé, dom Jean Roy (1921-1977), « ami et confident » de Mgr Lefebvre, comme le rappelle Mgr Tissier de Mallerais dans sa biographie du fondateur de la Fraternité Saint-Pie X. En 1973, Mgr Lefebvre ordonne ainsi prêtre à Fontgombault l’abbé Jean-Yves Cottard, de la Fraternité Saint-Pie X.

Inquiet de ce pôle traditionnel, Rome dépêche expressément le Nonce apostolique afin d’influencer dom Roy. En janvier 1973, Mgr Lefebvre s’efforce encore de relever son courage : « Gardons la messe, notre but commun. Nous sommes de plus en plus poursuivis depuis quelques semaines à cause de la liturgie ; pas question d’abandonner ! » Malheureusement, en 1974, dom Roy cède aux pressions, et l’abbaye de Fontgombault abandonne en public la messe traditionnelle (tandis que le desservant de la paroisse de Fontgombault à l’époque, l’abbé Lecareux, y reste fidèle). Cette défection majeure affaiblit considérablement la Résistance catholique.

Les laïcs, de leur côté, se mobilisent par dizaines de milliers. Certains font de nombreux kilomètres chaque dimanche pour assister à une messe célébrée selon le rite traditionnel (guidés en cela par le célèbre Vade mecum de l’abbé Coache). D’autres, résidant à côté d’une paroisse où vit un prêtre attaché à la Tradition, apportent à ce dernier aide, secours et protection face aux persécutions cléricales. D’autres enfin, éloignés géographiquement d’un prêtre traditionnel, se regroupent, s’organisent, créent une association (les célèbres « Associations Saint-Pie V », qui fleurissent sous divers noms à travers tout le territoire français), et se mobilisent pour aller chercher un prêtre disponible à des centaines de kilomètres, s’il le faut. Ils lui proposent un lieu de célébration de fortune (les « centres de messes »), lui offrent gîte et couvert, et enfin le ramènent chez lui dans les mêmes conditions rocambolesques. Ces groupes assurent également souvent le catéchisme des enfants, dans le désert catéchétique qu’est devenue la France à cette époque.

Des dizaines de bulletins locaux font leur apparition, rédigés soit par des ecclésiastiques soit par de simples fidèles, bulletins qui s’efforcent, selon leurs moyens, de défendre la foi, la Tradition, la liturgie de toujours. Ces écrits font flèche de tout bois, car chacun s’est improvisé apologète, liturgiste, théologien ou historien : la cité sainte est menacée, et il faut tenir le créneau, même si l’on n’a pas forcément été formé pour cela. Dans la tourmente du moment, ces bulletins encouragent, éclairent, raffermissent les bonnes volontés.

Tous ces résistants correspondent, se rencontrent, se rassemblent. Un laïc, Gérard Saclier de la Batie, essaie même de créer une fédération des Associations Saint-Pie V. Le mouvement n’aboutit pas complètement, mais il aide certains inorganisés à se prendre en main, et fortifie les associations déjà existantes.

La France est ainsi quadrillée par un réseau de prêtres, de groupes de laïcs, de revues, de bulletins, de « centres de messes » qui constituent la Résistance catholique. C’est sur ce terreau fertile que les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X vont missionner à partir de 1976, date de la fondation du District de France, c’est ce terreau fertile qui explique pour une grande part l’expansion étonnante de ce District au cours des plus de trente ans écoulés.

C’est grâce à ces premiers résistants, à ces héros, que la tradition n’a pas purement et simplement disparu. Pensons au prêtre qui garde la soutane quand tous ses confrères prennent l’habit civil, et qui essuie les moqueries desdits confrères sur la « défroque » qu’il porte encore ! Il y a de quoi voir sa raison vaciller, se demander si l’on n’est pas fou de conserver un mode de vie que tous ses amis, tous ses confrères de séminaire, tous ses supérieurs ont joyeusement abandonné au nom des temps nouveaux qui commencent.

Quant aux fidèles, ils sont expulsés sans ménagement des associations catholiques, avant d’être carrément jetés hors de leurs paroisses. Et tout cela pour le crime d’attachement à la tradition catholique la plus évidente, celle que ces mêmes prêtres qui les persécutent désormais leur enseignaient quelques années auparavant sous la menace des châtiments du Ciel.

Ces hommes, ces femmes, en restant fidèles au milieu de la tourmente, ont sauvé l’essentiel. Ils ont préservé des pans entiers de la tradition catholique qui, sans eux, se seraient engloutis sans retour.

Il ne faut pas oublier de rendre hommage à tous ceux-là, clercs et laïcs qui, par leur foi, leur courage, leur enthousiasme, leurs sacrifices énormes, ont permis que la messe traditionnelle vive et survive, que la doctrine catholique soit toujours enseignée et transmise au milieu de la plus formidable tempête que l’Église aura jamais connue.