30 juin 2014

[Guillaume Luyt / Notions Romaines] Père Stefano Manelli: De puissants protecteurs

SOURCE - Guillaume Luyt / Notions Romaines - 30 juin 2014

C’est le site d’informations du diocèse de Rome qui nous l’apprend: la phase diocésaine du procès en béatification des époux Manelli, fils spirituels de Padre Pio et parents de padre Stefano, le fondateur des Franciscains de l’Immaculée, est close.

L’enquête diocésaine a été conclue vendredi 27 juin au Palais du Latran, en présence de nombreux membres de la famille Manelli et de tout autant de frères et sœurs représentant les Franciscains de l’Immaculée.

Comme l’a souligné le vicaire judiciaire en charge du dossier, Monseigneur Oder, « le plus édifiant chapitre » de leur existence a été la façon dont ils ont mené leur vie de famille (très) nombreuse « dans l’amour obéissant à la volonté de Dieu, vivant en époux enracinés dans l’Évangile, toujours ouverts à la vie ». Il faut dire que les époux Manelli ont bénéficié pendant plus de 40 ans, de la direction spirituelle de Padre Pio de Pietrelcina et ont donné naissance à une descendance extraordinairement féconde : 21 enfants dont 10 sont encore en vie aujourd’hui ; 55 petits-enfants et, pour l’heure, 80 arrière-petits-enfants. Une descendance qui compte de très nombreux religieux et religieuses et à laquelle on est tenté d’ajouter les Franciscains de l’Immaculée fondés par leur fils Stefano. 

Dans les temps troublés que vit aujourd’hui padre Stefano mais aussi toute sa famille – biologique comme religieuse –, il n’est pas anodin de rappeler, comme l’a fait le vicaire judiciaire, que la famille Manelli jouit d’une protection particulière de Padre Pio qui disait volontiers d’eux : «C’est ma famille. Je me fais un devoir de la protéger et de la défendre.»

Et Notions romaines est en mesure de révéler que la protection de Padre Pio semble avoir commencé à se manifester efficacement puisque padre Stefano, privé ces derniers mois de sa liberté de mouvement (voir ici), était à Rome vendredi au milieu de ses parents et des membres de sa communauté. Une bonne nouvelle pour tous les amis de padre Manelli et des Franciscains de l’Immaculée, et en particulier les laïcs du tiers-ordre des FI, qui ne cessent de prier pour lui. 

Ce n’était pas la première apparition romaine de padre Stefano puisque, ce mardi 24 juin, il était à l’université pontificale de la Sainte-Croix (Opus Dei) pour la soutenance de thèse d’une Franciscaine de l’Immaculée. À cette occasion, le corps enseignant de l’université a tenu à saluer l’excellence de la formation reçue par la candidate et féliciter et remercier publiquement padre Stefano pour son œuvre. Un geste d’autant plus fort que, la veille, le vaticaniste Andrea Tornielli avait fait écho de l’étrange rencontre survenue le 10 juin entre le pape et une délégation de Franciscains de l’Immaculée soigneusement triés sur le volet par la nouvelle direction de l’ordre religieux dont on sait combien elle est en rupture avec padre Stefano.

Alors que la levée du secret qui entourait cette rencontre à la Maison Sainte-Marthe semble avoir été voulue pour mettre un point final à la mise sous tutelle de la congrégation – Tornielli disant en substance que le pape suit pas à pas l’action du commissaire et la soutient –, les compliments publics des membres du jury de la Sainte-Croix à padre Stefano démontrent en revanche que la gestion exagérément unilatérale de l’affaire par le père Volpi et la congrégation pour les religieux commence à susciter des réactions.

Padre Pio, l’Opus Dei : le père Manelli et les siens ne sont décidément pas seuls.

[Riposte Catholique] Décret du pape contre les Franciscains de l’Immaculée : des interrogations !

SOURCE - Riposte Catholique - 30 juin 2014
Le 23 juin dernier, Andrea Tornielli, vaticaniste devenu pratiquement un organe officiel, a publié sur Vatican Insider: «Le Pape dialogue avec les jeunes franciscains de l’Immaculée». Les réactions à cet article n’ont pas manqué, comme on l’a vu sur les blogues français. En fait, son titre est déjà en soi une désinformation : le Pape a vu des jeunes franciscains de l’Immaculée et non pas les jeunes franciscains de l’Immaculée. Comme le révèle d’ailleurs cet article, qui s’appuie sur des témoignages directs, les supérieurs actuels ont soigneusement sélectionné les participants – pratique qui en dit long sur l’ambiance dans la congrégation. En revanche cet article, montre, chiffres à la clé, que l’accusation selon laquelle l’usage du Missel dit de saint Pie V était devenu quasi exclusif dans la congrégation est pour le moins erronée. Un seul couvent l’avait adopté à titre exclusif – l’ermitage qui, par définition, ne reçoit que très peu de public. Les autres couvents étaient de « pratique mixte » ou alors ne célébraient que selon le Novus Ordo. Le comptage de l’auteur donne ceci : 1 couvent pour la forme extraordinaire uniquement, 21 pour le “bi formalisme”, 11 pour la forme ordinaire seulement. Comme dans certains couvents la pratique de la forme extraordinaire se limitait à une seule messe quotidienne, voire hebdomadaire, il est difficile d’alléguer un «usage quasi exclusif» de la forme extraordinaire. D’autant que l’auteur n’a pas compté tous les couvents, notamment dans les pays de mission où se vivait « au maximum » le bi formalisme avec une nette tendance à la forme ordinaire. Mais ces chiffres, le pape les a-t-il eus ? Quant à l’attitude à propos de Vatican II, reprochée par le pape aux Franciscains, un article de Roberto De Mattei donne un scoop très intéressant. Selon Tornielli, le Pape, en qualifiant comme il l’avait déjà fait l’archevêque Marchetto de « meilleur herméneute » du dit Concile, le donne en référence aux Franciscains. Or, il se trouve que le Père Serafino M. Lanzetta, Père franciscain mis au pilori par les nouveaux supérieurs, et Roberto De Mattei travaillent avec Mgr Marchetto sur le sujet dans un groupe de travail depuis plus de deux ans. Mais comme le Père Lanzetta était absent à cette rencontre, personne ne l’a relevé. Dire que Mgr Marchetto est le meilleur interprète de Vatican II, c’est faire en réalité le même compliment aux Franciscains de l’Immaculée. D’autant que l’archevêque est intervenu au colloque des FFI sur Vatican II en 2010, ce que sans doute ignore le pape, comme il ignore les travaux de ce colloque, car il ne s’intéresse que très vaguement à ces questions d’interprétation du Concile. Mais n’a-t-il aucun informateur ou collaborateur compétent pour préparer ses interventions ? Notons une dernière chose intéressante. Le début de l’article de Tornielli énumère les raisons de la nomination du commissaire, et – oh surprise ! – les deux dernières raisons énumérées n’existaient pas dans le décret du 11 juillet 2013 : ils ont été rajoutées ! À savoir les rapports avec la branche féminine et l’interprétation du Concile Vatican II. D’où cette question plus grave encore : alors que l’entrevue avec le Pape a été organisée pour montrer à tout le monde que celui-ci assumait pleinement tout ce qui survenait aux Franciscains et qu’il suivait de près le dossier, le Pape connaît-il vraiment le décret qu’il a signé contre les Franciscains?

29 juin 2014

[Don Stefano Carusi - Disputationes Theologicae] Episcopalisme, collégialisme et Souverain Pontificat - Face aux “vents épiscopalistes”: étude sur la collégialité et la doctrine catholique

La vraie réalité du synodalisme épiscopaliste
SOURCE - Don Stefano Carusi - Disputationes Theologicae - 29 juin 2014

Introduction
Tu es Petrus et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam.
Aedificabo, sur cette pierre. Super hanc petram Ae-di-fi-ca-bo. Sur cette pierre et sur aucune autre. Pierre - avec ses successeurs jusqu’à la fin des temps - est le fondement, le rocher, la base, le récif sur lequel l’Eglise du Christ se construit. Enlevé le fondement, c’est l’édifice entier qui s’écroule.

En témoignage de ce que nous venons de dire il suffit de rappeler que les hérétiques de toutes espèces ont toujours eu en commun la haine du primat romain. Qui haït l’Eglise, haït le primat de Rome qui en est le fondement. C’est pour cela que tout discours sur le rôle et la structure hiérarchique de l’Eglise, sur la soumission hiérarchique des Evêques à Pierre, sur le gouvernement de l’Eglise ne peut jamais être une simple dissertation sur la meilleure forme de gouvernement pastorale à une époque donnée ou à une autre, mais nécessairement doit se fonder sur des prémisses doctrinales, révélées par le Christ une fois pour toute, parce que personne - même pas un Pape - peut changer le rôle du Pape dans l’Eglise. C’est le dogme de la divine constitution de l’Eglise.

Il n’est pas toujours aisé de démasquer les argumentations fallacieuses des adversaires du primat du Pontife Romain. De nos jours, le vent de l’épiscopalisme souffle avec force et il a ses (éphémères) jours de gloire; il n’arrive pas toujours aux cris ouverts du protestantisme et à son ouvert “non serviam” et n’arrive pas toujours au synodalisme déclaré des schismatiques orientaux. L’épiscopalisme, hier serpentant aujourd’hui éclatant, se cache - en bon moderniste - derrière des formules plus enchantantes pour le monde catholique : “collégialité”, “gouvernement collégial”, “subsidiarité”, “réforme du gouvernement mais pas de la doctrine”, “pastoralité” et ainsi suivent d’autres expressions trompeuses. C’est la technique consolidée de vider et de d'abâtardir certaines notions à la saveur catholique, ainsi que Saint Pie X l’avait déjà dénoncé. C’est le modernisme.

Pour faciliter la lecture, nous diviserons cette brève étude sur le pouvoir du Pape en chapitres, le premier - préliminaire à la compréhension de la problématique soulevée - est la distinction entre le pouvoir de juridiction et pouvoir d’ordre ; nous analyserons ensuite certains points du document conciliaire Lumen Gentium sur la “collégialité épiscopale”, en rappelant que sur ce sujet la bataille dans l’aula conciliaire fût des plus brûlantes avant d’arriver à un certain compromis par la Nota Praevia. Aujourd’hui celle-ci aussi est largement surpassée par les modernistes, mais demeure néanmoins la constatation qu’autrefois sur des questions aussi capitales – et publiquement contestées – l’Eglise définissait soigneusement, en passant de l’implicite à l’explicite; par contre l’absence des nécessaires précisions a permis dans les faits que certaines déviations doctrinales trouvent leurs aises.
Pouvoir d’ordre et pouvoir de juridiction. Une distinction capitale
Un théologien dominicain de renom, le Père de la Soujeole, affirmait récemment dans son intervention orale « Le vocabulaire et les notions à Vatican II et dans le Magistère postérieur » du 16 mai 2009 au Congrès de Toulouse de la Revue Thomiste sur l'herméneutique de continuité entre Vatican II et Tradition, que le Concile Vatican II avait d’une certaine façon signé l’abandon de la distinction entre ordre et juridiction en ecclésiologie. De fait, à partir des années 70, la distinction - considérée jusque là comme indispensable par les écclésiologues - disparait, avec la technique invétérée de faire tomber les grandes vérités en “désuétude”. Sur ce sujet les textes conciliaires ne brillent certainement pas par leur clarté, c’est peut-être même l’un des sujets traité de la façon la plus ambigüe et confuse, avec des retours continuels sur ce thème. Cependant on n’arrive pas à un rejet explicite de la distinction, mais à une invitation implicite à ne plus s’en occuper dans les termes consacrés par l’Eglise pendant des siècles. Les définitions du pouvoir papal et épiscopal en payent les frais, d’où l’importance capitale de ramener l’attention sur cette irremplaçable distinction.

Un discours cohérent en effet sur le pouvoir dont jouit le Souverain Pontife sur l’Eglise ne peut faire abstraction de la distinction entre le pouvoir de juridiction et le pouvoir d’ordre. Pour Saint Thomas une telle distinction est capitale et “exclusive”[1]: c’est deux là sont les pouvoirs dans l’Eglise et il n’y en a pas d’autre ( «In Ecclesia non est aliqua spiritualis potestas nisi ordinis seu jurisdictionis»[2]).

L’Eglise n’est pas seulement guidée par l’intérieur, pour ainsi dire, par le Christ Chef qui influe par la grâce capitale, mais elle est aussi - souligne Saint Thomas - guidée de l’extérieur: après l’Ascension de Jésus au ciel il est nécessaire que des ministres visibles restent sur cette terre, constitués pour guider le troupeau et pouvoir lui administrer les sacrements.
Pouvoir d’ordre
Il y a donc un pouvoir donné par le Christ à certains hommes en relation aux sacrements et spécialement à l’Eucharistie, il est conféré à des ministres, qui « agissent in persona Christi en fonction de la consécration qu’ils ont reçu » ; le Père Bonino, dans un article qui recueille et analyse les textes du Docteur Commun sur les “deux pouvoirs” - article qui est d’ailleurs consacré à la place du Pape dans l’Eglise - définit ainsi le pouvoir d’ordre : «le pouvoir d’ordre ou pouvoir sacramentel, conféré de façon indélébile par la consécration de l’ordination, n’est rien d’autre que cette participation ontologique à la vertu sanctifiante du Seigneur qui s’exerce dans les sacrements et principalement dans l’Eucharistie»[3]. Un pouvoir donc que l’on reçoit en vertu d’une consécration et qui donne cette mystérieuse participation à l’œuvre sanctifiante du Christ, par exemple en donnant aux prêtres la capacité de consacrer le Corps du Christ. Cependant, la réception d’un tel pouvoir n’implique pas nécessairement que l’on possède, en vertu de ce dernier, un pouvoir sur le troupeau; il ne suffit pas d’être validement prêtre ou évêque pour avoir “automatiquement” un pouvoir sur l’Eglise. Ce dernier est un autre pouvoir, distinct du pouvoir d’ordre.
Pouvoir de juridiction
Notre Seigneur, avant de monter aux Cieux, voulut disposer la société fondée par lui de façon qu’il puisse continuer de gouverner l’Eglise au moyen de ses ministres et il confia le gouvernail du bateau à l’Apôtre Pierre. Le propre de la messe des Saints Souverains Pontifes rappelle qu’ils furent constitués sur les gens et les royaumes pour édifier, fonder, arracher, détruire et planter en fonction de la construction de l’édifice mystique : « ecce constitui te super gentes et super regna ut evellas et destruas et aedifices et plantes » (Jer. I, 9-10).

Notre Seigneur voulut que Ses Vicaires jouissent d’un pouvoir de gouvernement, de direction, de guide, de coercition sur toutes les brebis sans exception. Telle est la correcte exégèse de « pasce agnos meos, pasce oves meas » (Jn XXI, 15-17). Conduis aux pâturages les brebis, les agnelets et les agneaux plus âgés (le «probatia» grec, les jeunes brebis à élever), c’est à dire l’intégralité du troupeau, sans exclusion[4]. Tout l’ensemble est confié à Pierre. Et à lui, avec ses successeurs, le gouvernement du Corps mystique est confié “immediate”. “Immediate” c’est à dire sans médiation, Pierre a reçu “immédiatement” du Christ le pouvoir sur toute l’Eglise et “immédiatement” du Christ le reçoivent tous ses successeurs[5]. Il ne s’agit pas d’une délégation de l’Eglise, ce n’est pas un pouvoir conféré par le peuple - ni par l’ensemble des Evêques - au chef : Pierre est investi immédiatement par le Christ de la “intensive summa extensive universalis potestas” sur toute l’Eglise. Cette extraordinaire et unique pouvoir donné au Pape pour agir comme Vicaire du Christ sur l'Eglise universelle est un pouvoir de juridiction, un pouvoir de gouverner et d’ordonner dans la société les moyens en vue de la fin, en préservant la vérité révélée, en défendant des ennemis et de l’erreur l’Eglise et en la gouvernant selon sa divine constitution, laquelle est établie non pas par un Pape, mais par le Christ lui-même dont il est le Vicaire.

Ce pouvoir de juridiction - nous le soulignons en majuscules - est un pouvoir distinct du pouvoir d’ordre. Et cela à un tel point que, en soi, un Pape peut avoir le plein pouvoir juridictionnel sans jouir du pouvoir d’ordre. En soi un homme baptisé peut être Pape, en pouvant exercer déjà la souveraine juridiction connexe à la papauté, sans être même pas prêtre. Fusse-t-il encore un simple baptisé, déjà il pourrait donner des ordres aux Evêques, les promouvoir ou les déposer.
Pape et Evêques
Capitale est cette distinction pour saisir quelle est la potestas pontificia, quel est le pouvoir juridictionnel des Evêques diocésains ou plus largement des “prélats” - qui est un pouvoir médiat et restreint - et quel est enfin le pouvoir sacramentel de celui qui a reçu la consécration épiscopale valide.

Une fois cette distinction saisie on comprend que le Pontife Romain - validement élu et ayant validement accepté le munus - jouit d’un pouvoir sur l’Eglise qui ne souffre aucune restriction qui viendrait du fait d’être partagé avec les Evêques, mais il est même (selon la saine métaphysique de la participation) la cause, le principe, la source du pouvoir juridictionnel des Evêques diocésains[6]. Ce dernier par contre est (et sera toujours) un pouvoir restreint et médiat. “Restreint” parce qu’il ne sera jamais “suprême” comme celui du Pape et parce qu’il reçoit ses limites de ce dernier qui, tout en respectant la divine constitution de l’Eglise qui prévoit l’institution épiscopale[7], peut en restreindre l’ampleur parce qu’il en est la source et peut même en priver complètement un sujet déterminé, en le déposant. “Médiat” parce que le pouvoir de juridiction de l’évêque n’est pas reçu immédiatement du Christ en vertu de la consécration épiscopale, mais il est reçu de façon “médiate”. C’est à dire par l’intermédiaire du Pape, détenteur des Clés et de la “intensive summa et extensive universalis potestas ecclesistica”, en vertu de laquelle peut être conférée à l’Evêque la juridiction épiscopale sur un troupeau déterminé, en passant - pour ainsi dire - par le Pape et non pas dans un “passage” direct entre l’Evêque et le Christ (comme le voudraient les gallicans d’hier et les collégialistes d’aujourd’hui). Par contre, ce que l’Evêque validement ordonné reçoit sans nécessaire médiation du Pape, c’est le pouvoir d’ordre, c’est à dire cette spéciale consécration qui le rend successeur des Apôtres quant au pouvoir en matière de sacrements, mais pas de gouvernement[8].

Si on renonce à distinguer pouvoir d’ordre et pouvoir de juridiction il ne reste rien d’autre qu’un vague, magmatique et impétueux pouvoir épiscopalo-apostolique, duquel seraient détenteurs (d’une façon qu’aucun théologien n’a su vraiment préciser) tous les Evêques de l’Eglise validement ordonnés en vertu de leur consécration. L’Evêque, par le seul fait d’être consacré, détiendrait un pouvoir sur l’Eglise entière, le détiendrait per se,le détiendrait sans médiation papale, donc presque “indépendamment” du Pontife Romain, qui n’en est plus la source, mais à la limite (dans certaines versions “modérées”) seulement la condition[9]. Les Evêques détiendraient du Christ même, en vertu de leur consécration, non seulement le pouvoir d’ordre, mais aussi un certain pouvoir de juridiction sur l’Eglise entière et ils seraient, dans leur ensemble, d’une certaine façon déjà aptes à l’exercer. C’est une version juridictionnelle de ce qui fleurit à l’époque du Conciliarisme : on reconnait à l’ensemble des Evêques un pouvoir de juridiction sur l’Eglise entière et cela même si en théorie on continue de laisser au Pape la détermination d’un troupeau particulier (à quel titre, dans pareille perspective, le Pape continuerait de détenir un semblable pouvoir, cela n’est pas toujours clair)[10]. En effet, dans cette thèse on parle d’un pouvoir juridictionnelle sur l’Eglise universelle en vertu de l’incorporation au “collège apostolique”, qui viendrait à se fonder en dernière analyse sur le pouvoir d’ordre validement conféré dans l’Eglise, et en faisant en partie abstraction du troupeau particulier confié. Il est évident que dans cette thèse le Pape tout en ne devenant pas toujours officiellement un simple “primus inter pares” à la mode des schismatiques orientaux, il n’est plus la source du pouvoir juridictionnel comme peut l’être l’unique source pour un fleuve, mais il serait seulement un torrent plus grand qui se joindrait à la “force juridictionnelle” déjà existante dans les Evêques, lesquels avec lui auraient titre à gouverner l’Eglise universelle. Et l’Evêque de Rome n’est plus l’Evêque des Evêques, l’Episcopus episcoporum détenteur des Clés de Pierre, mais un Evêque en plus à ajouter (en lui concédant peut-être un peu plus d’honneur) au nombre des Evêques total.

Ici réside le problème, dans une telle perspective les Evêques ne gouvernent pas seulement avec pouvoir ordinaire, quoique médiat et restreint, une portion du troupeau qui leur serait confiée par le Pape, mais ils gouvernent - et ils auraient radicalement titre à le faire - sur l’Eglise universelle, et cela principalement en vertu du pouvoir d’ordre. Cependant le dogmatique Concile Vatican Ier a défini solennellement que les Evêques paissent les troupeaux singuliers qui leur sont confiés - “assignatos sibi greges singuli singulos pascunt et regunt”[11] - et aucun document de l’Ecriture, de la Tradition et du Magistère n’a jamais enseigné l’existence d’un pouvoir suprême de l’ensemble de l’épiscopat sur l’Eglise universelle. Il y a seulement, nous le répétons, un pouvoir médiat et restreint qui dérive du pouvoir papal, comme tout ruisseau dérive de l’unique source, le pouvoir papal, lequel - en étant suprême et immédiat - n’a pas besoin du concours du pouvoir juridictionnel épiscopal parce qu’il en est la source.

A suivre...

Don Stefano Carusi

[1] S.T. BONINO, La place du Pape dans l’Eglise selon Saint Thomas d’Aquin, in Revue Thomiste(1986) p. 393.

[2] SAINT THOMAS D’AQUIN, In IV Sent., d. 24, q. 3, a. 2, q. la 2, ob. 3.

[3] S. T. BONINO, cit., p. 395.

[4] T. ZAPELENA, De Ecclesia Christi, Roma 1955, t. I, p. 283, 284. Il est à remarquer le double usage dans le grec des verbes “boskein” et “poimanein”, dans les sens plus proprement de “pascere” (le premier) et de “regere” (le second).

[5] SAINT THOMAS D’AQUIN, In Jo, XXI, Lect. 3; S.T. BONINO, cit., p. 395.

[6] L. BILLOT, De Ecclesia Christi, Rome 1921, l. II, q.13, th. 26, n°828 et ss; q. 14, th. 28, n°864 et ss; S.T. BONINO, cit., p. 413, 419, l’auteur, en commentant S. Thomas, fait recours à la philosophie de la participation pour expliquer l’ “éminence” du pouvoir papale e le “pouvoir participé” des évêques.

[7] Denz., nn. 3112-3117.

[8] L. BILLOT, cit., l. II, q. 9, n. 499 e ss.; q. 15, n. 1074 e ss; B. GHERARDINI, La Chiesa mistero e servizio, Roma 1994, pp. 207-219.

[9] Au sujet de certaines thèses théologique sur la matière et sur leur compatibilité avec la doctrine catholique cf. L. BILLOT, cit., l. II, q. 15, n° 1071, 1072 ; T. ZAPELENA, cit., l. II, p. 105-108.

[10] Cf. note précédente.

[11] Denz. n. 3061.

[Mgr de Galarreta, fsspx - Ecône] Sermon des ordinations 2014

SOURCE - Mgr de Galarreta, fsspx - Ecône - 29 juin 2014

Mgr de Galarreta fustige «50 ans d'esprit conciliaire libéral et moderniste» (1)
Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ainsi soit-il. (2)

Messeigneurs, très chers confrères dans le sacerdoce, très chers ordinands, très chers fidèles
O bone Jesu fac cor nostrum secundum Cor tuum. Oportet Illum regnare.
Voilà deux phrases qui peuvent résumer le lien intime qui existe entre le sacerdoce et le Sacré-Cœur de Jésus, la dévotion au Cœur Sacré de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
O bone Jesu fac cor nostrum secundum Cor tuum !
Tout d'abord, que nous ayons un Cœur semblable au Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ et puis que nous consacrions notre vie à faire régner le Cœur de Jésus.

On pourrait résumer ces liens intimes en disant que le prêtre doit se consacrer au Cœur de Jésus, qu'il doit se consacrer à la réparation et qu'il doit être apôtre du Cœur de Notre-Seigneur. Saint Thomas d'Aquin dit que l'homme est débiteur par rapport à Dieu à double titre. Premièrement en raison des bénéfices des bienfaits reçus. Par exemple, la création, l'incarnation, la rédemption, Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Cœur sacré de Jésus. Mais qu'il est débiteur de Dieu aussi à cause du péché, par la nécessité de réparer, expier, satisfaire pour le péché qui offense Dieu. Et se consacrer, c'est donner à Notre-Seigneur, à son Cœur, nos personnes et nos biens, les biens extérieurs, les biens intérieurs, les biens d'ordre matériel, corporel, spirituel, les biens naturels et les biens surnaturels. Il s'agit donc de se donner, en profiter et en même temps de tout donner.

La consécration est une donation, par définition, totale. Et aussi pour toujours. Et on se donne au service en même temps que Notre-Seigneur Jésus-Christ. Le prêtre, il est l'homme de Dieu, le religieux de Dieu. Il est consacré et voué à Dieu. Toute sa vie est offerte et dévouée à Dieu. Voilà pourquoi nous devons accomplir plus que quiconque ce devoir qui est de charité, qui est d'amour et qui accomplit et parfait l'acte par excellence de la vertu de religion.
Oportet Illum regnare
En même temps, cette vie vraiment consacrée et totalement consacrée à Notre-Seigneur et à son Cœur réalise et établit, comme le montre le pape Léon XIII, la royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Dans son encyclique Annum Sacrum, le pape rattache la consécration particulièrement à la royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui a un droit, par nature et par conquête, à cette consécration, à ce service qui a une vraie domination sur nous, sur tout, mais qui veut que par amour et pour répondre à son amour, vraiment et spontanément, nous nous consacrions à son service et nous proclamions donc par ces moyens-là, sa royauté, autrement dit la dévotion et la consécration au Sacré-Cœur est la meilleure façon d'établir le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans nos cœurs et dans le cœur des fidèles, et dans la société.

Car cette dévotion définit mieux que toute autre la nature même de la royauté de Notre-Seigneur qui est une royauté d'amour, l'amour qui né de l'amour de Notre-Seigneur s'établit par la charité de Notre-Seigneur et par l'amour qu'en retour nous lui donnons. Et le propre de cette dévotion au Sacré-Cœur de Jésus est par la demande même de Notre-Seigneur Jésus-Christ, c'est la réparation, c'est cette obligation de satisfaire, de réparer, d'expier les péchés, nos propres péchés, les péchés des fidèles, les péchés des hommes. Car Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même a été avant tout réparateur et son amour est avant tout rédempteur et réparateur.

La réparation c'est une sorte de compensation qui est offerte librement aussi à Dieu, à Notre-Seigneur, à l'amour incréé, compensation pour les oublis, les indifférences, les offenses, les outrages, les injures. Il y a donc aussi, dit le pape Pie XI, un double titre, ou plutôt nous devons souffrir réparation au Cœur sacré de Jésus, réparation à double titre, de justice mais aussi et surtout de charité, d'amour. Et c'est pourquoi cet esprit de réparation, que nous pouvons satisfaire pour nos péchés, et nous pouvons aussi satisfaire pour le péché des autres. On peut satisfaire pour un autre, on peut réparer pour un autre. Voilà ce qui est demandé explicitement dans cette dévotion.

C'est surtout au Saint Sacrifice de la messe que nous pouvons le faire et comme nous l'a appris Mgr Lefebvre, nous nous unissons à cet esprit réparateur de Notre-Seigneur par le Saint Sacrifice de la messe. En nous conformant aux dispositions de Notre-Seigneur sur la croix. Si la consécration nous établit fermement dans l'union d'amour avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, l'esprit de réparation, dit le pape Pie XI, nous y établit de la même façon que la consécration.

Cette union d'amour avec Notre-Seigneur s'établit d'abord en effaçant nos péchés, en nous purifiant de nos péchés. Ensuite, en nous faisant compatir aux souffrances de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et c'est là le motif proprement d'amour qui nous fait embrasser cet esprit de réparation, c'est de compatir avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, souffrant, patient, et mourant sur la croix.
Réparer et compatir aussi aux souffrances de la Sainte Eglise
Et c'est de réparer et de compatir aussi aux souffrances de la Sainte Eglise qui est son corps mystique, qui est le Christ. Le Christ continue à souffrir dans son corps qui est l'Eglise. Et nous, nous devons achever dans notre chair ce qui manque à la Passion du Christ pour son Eglise qui est son Corps. Donc il s'agit bien de réparer devant les souffrances contre Notre-Seigneur Jésus-Christ dans son corps qui est la Sainte Eglise. Cette Passion que vit l'Eglise doit nous encourager profondément à cet esprit de réparation et de consolation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, du Cœur de Jésus.

On console celui qui est dans la souffrance, celui qui est dans la tristesse. Et c'est bien nous, les prêtres de Notre-Seigneur, qui devons réparer et consoler. Et finalement, dit le pape Pie XI, l'esprit de réparation établit l'union avec le Christ en nous faisant nous offrir comme des oblations simples, pures, immaculées, en nous faisant comme le Christ. Nous sacrifier, nous immoler pour les âmes et pour le salut des âmes.
Soyons des apôtres du Cœur de Jésus et de la dévotion au Sacré-Cœur
Mais troisièmement il faut aussi, cela ressort clairement des révélations du Sacré-Cœur à sainte Marguerite, il faut aussi que nous soyons des apôtres du Cœur de Jésus et de la dévotion au Sacré-Cœur. C'est précisément la vocation du prêtre de faire connaître et de faire aimer le Cœur de Jésus, de le faire honorer et lui rendre un culte public car il s'agit bien d'une dévotion de portée sociale et publique. Donc, nous devons nous consacrer à découvrir les trésors qui sont dans le Cœur sacré de Notre-Seigneur Jésus-Christ, trésors de vérité et de grâce. Comme nous venons de l'entendre dans l'épître, dans cette belle épître de saint Paul.

Je souhaite que nous grandissions dans l'homme intérieur, par l'Esprit, afin que le Christ habite en nous par la foi et qu'en conséquence, bien enracinés et fondés sur la charité, nous connaissions, nous goûtions, nous découvrions et nous fassions découvrir aux âmes l'éminente science de la charité du Christ. Voilà la science par excellence qu'il faut que nous prêchions et que nous enseignions aux âmes. C'est la science de la charité et de l'amour du Christ. Et de tous les trésors de vérité vivaces et de charité et de vertu de sainteté qui sont renfermés dans le Cœur de Notre-Seigneur. Il est certain que s'il n'est pas plus aimé, c'est qu'il n'est pas connu, ou pas assez connu, ou pas assez bien connu, assez profondément, assez surnaturellement connu. Eh bien voilà notre mission. Il faut que nous soyons des apôtres du Cœur de Jésus.

Les papes qui ont parlé de cette dévotion ont montré qu’il a une puissance extraordinaire dans l'apostolat et les conversions. Déjà Notre-Seigneur le dit lui-même à sainte Marguerite :

« Le prêtre qui sera vraiment un disciple du Cœur de Jésus et qui fera l'apostolat par le Cœur de Jésus, il aura une efficacité particulière dans son apostolat et il connaîtra l'art de convertir les Cœurs les plus endurcis. »

Et les papes ont insisté à tous les fidèles, à tout le peuple chrétien mais particulièrement aux prêtres, de pratiquer, approfondir, vivre cette union au Cœur de Jésus et cette dévotion au Sacré-Cœur devant les maux chaque jour plus graves qui se présentent devant nous, qui s'amoncellent devant nous. Or aujourd'hui il est évident que cette raison est encore plus valable.
Dans la Sainte Eglise, la situation s'aggrave, elle ne fait qu'empirer
Elle est encore plus valable car nous voyons de toutes parts, que ce soit dans la société, que ce soit dans la Sainte Eglise, la situation s'aggraver, elle ne fait qu'empirer.

Il faut bien ouvrir les yeux. Si nous regardons le monde et la situation politique ou sociale, nous voyons bien comment le monde s'est enlisé de plus en plus dans ce cri : nous ne voulons pas que le Christ règne sur nous, nous ne voulons pas que Jésus-Christ règne sur nous. Et on passe tout doucement à la haine même de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de Dieu.

Voilà ce qui est devant nous, qui est déjà là. Saint Thomas d'Aquin se demande pourquoi l'homme peut haïr Dieu alors que Dieu est le bien souverain, parfait et qu'il est la source de tous les biens pour nous, pour chacun d'entre nous. Il explique que c'est la volonté dépravée de l'homme qui ne veut pas renoncer au monde, à son péché, et qui haït Dieu donc, premièrement comme législateur. Il haït Dieu parce qu'il ne veut pas de la loi de Dieu. Et deuxièmement Dieu comme rémunérateur, comme juge. Or c'est bien Notre-Seigneur Jésus-Christ qui est le souverain législateur et qui viendra juger les vivants et les morts.

C'est pour cela que nous voyons aujourd'hui comment il y a une tendance claire dans la société à rejeter Notre-Seigneur Jésus-Christ, Dieu, sa loi et son jugement. Etre législateur et être juge, c'est le propre du roi et en conséquence nous ne voulons pas qu'il règne sur nous.

Mais cela ne serait rien en dernière instance s'il n'y avait pas un problème infiniment plus grand, plus grave et c'est cette apostasie immanente, que nous pourrions dire, en suivant cet ordre d'idées un peu modernes, que cette apostasie devient transcendante d'immanente qu'elle est, et elle consiste dans cette folie des hommes d'Eglise de vouloir se concilier avec ce monde, ennemi de Dieu et de son Christ, de son Eglise et de sa doctrine, voilà l'utopie, la chimère, la folie de ces hommes d'Eglise qui veulent rester bien avec Dieu et en même temps se concilier avec ce monde qui va vers la haine et le rejet du Christ et de Dieu. C'est cela que nous vivons. Dieu n'est pas législateur, Dieu n'exige rien et Dieu pardonne tout. C'est bien ça ? Evidemment c'est une façon d'éviter la haine de Dieu, alors en déformant ce que Dieu est Lui-même et la foi catholique telle qu'elle nous a été transmise, par les apôtres, par toute la Tradition et révélée par Notre-Seigneur.
50 ans d'esprit conciliaire libéral et moderniste et nous arrivons au temps des conséquences
Voyez-vous, je pense que pour rester au-delà des personnes et dans une vue plutôt générale et surnaturelle, on dirait que nous arrivons au temps des conséquences. Il y a les aboutissements de ces faits, comme les fruits les plus précieux de cinquante ans d'esprit conciliaire, c'est-à-dire d'esprit libéral et moderniste. Depuis 50 ans, les autorités ne font qu'appliquer, plus ou moins intensément mais en tout cas toujours dans le même sens, et établir quand même peu à peu dans la Sainte Eglise cet esprit, cette vue qui est profondément libérale et moderniste.

Alors, qu'est-ce qui arrive ? Il arrive que le pape de la première moitié du XXème siècle nous avait annoncé premièrement le relativisme dogmatique – il faut s'ouvrir au doute, il faut être dans l'incertitude ; la vérité qui est en accord avec la vie évolue avec celle-ci et donc avec l'homme, elle doit s'adapter à l'homme moderne. Les principes, on n'y touche pas mais la doctrine traditionnelle ne suffit pas pour répondre à la pastorale d'aujourd'hui. Relativisme donc dogmatique de la doctrine, de la foi, qui a pour conséquence nécessaire, avec le temps, ce que nous vivons actuellement d'une manière particulière, un peu nouvelle, plus grave, disons.

Il y a quand même un changement substantiel, c'est le relativisme dans l'ordre moral. C'est la remise en question de l'ordre moral lui-même et bien sûr en premier de la morale révélée, mais aussi de la morale qui est inscrite dans la nature.
Qui suis-je pour juger ?
Qui suis-je pour juger ? (3) Ma fonction, c'est d'aider chaque homme à garder sa conscience, à suivre sa conscience, postulat et principe de l'autonomie de la conscience qui n'a aucun rapport extérieur, objectif, avec une loi quelconque au naturel, révélée, surnaturelle, divine, surtout pas avec Dieu. C'est là entrer nécessairement dans l'indifférentisme religieux. Tout est ravalé au niveau des opinions, et toutes les religions sont des opinions, mais elles sont toutes valables, peut-être il y en a des meilleures, des moins bonnes, mais en tout cas elles opèrent toutes le salut et plus que cela, elles peuvent, toutes les religions, nous obtenir les biens naturels et les biens surnaturels, dont la paix, la fraternité, l'entente des hommes.

Nous y sommes pleinement, c'est acquis, c'est normal, c'est pratiqué sans état d'âme, sans gêne, sans souci. Cela aboutit, comme disait un grand Pape, à un certain naturalisme, naturalisme humaniste. On reste au niveau naturel, dans des valeurs naturelles et plutôt avec un vernis humaniste, humanitaire.
La religion du sentiment
Nous arrivons au point de départ, que c'est la religion du sentiment. Pour un moderniste, la religion c'est un sentiment, sentiment de Dieu, du sacré, et un sentiment surtout humanitaire, fraternel, solidaire, qui reste admiratif de la dignité de l'homme, de la grandeur de l'homme. On a entendu récemment dire, je crois en l'homme, je crois en ce qu'il y a dans le Cœur de l'homme, je crois en la dignité de l'homme. C'est l'écho de ce qu'avait dit le pape Paul VI : « Nous, nous avons le culte de l'homme » (4) . Voilà où nous en sommes.
Démolition de l'institution, de la hiérarchie, des principes
Et en même temps, on démolit systématiquement, c'est la déliquescence de l'autorité, autorité magistérielle, autorité morale, autorité par rapport bien sûr au culte, au gouvernement, c'est la démolition de l'institution, de la hiérarchie, des principes, car bien sûr ils veulent contrôler la situation, ils veulent gouverner le bateau quand même mais tout en démolissant la notion même de l'autorité catholique. Et même de l'institution en tant que telle, de la papauté, du Saint-Siège. On n'a jamais vu de telles choses.

Saint Hilaire commente le texte de saint Jean lorsque saint Jean dit : vous avez entendu dire que l'Antéchrist vient, va venir. Or, dit saint Jean, il y a déjà beaucoup d'antéchrists. Saint Hilaire dit que du fait que l'antéchrist sera à la fin des temps, en personnel, individuel, n'empêche pas bien au contraire, qu'il y aura, tout le long de ce développement du mystère d'iniquité qui est déjà parmi nous comme le dit saint Paul, où les antéchrists se multiplieront, ils seront nombreux, multiples et ils se succèderont dans la préparation de la venue du fils de perdition.

Et saint Jean nous explique ce que ça veut dire être un antéchrist. C'est celui qui nie la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, celui qui nie son humanité. Celui qui dit en conséquence ce qui s'ensuit de la divinité et de l'humanité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, c'est pourquoi il ajoute : celui qui dissout le Christ, c'est-à-dire celui qui dissout le mystère du Christ, tout le mystère de Notre-Seigneur Jésus-Christ et toutes les conséquences de sa divinité et de son humanité. C'est celui, dit saint Jean aussi, qui nie la doctrine du Christ. Et saint Hilaire commente : celui qui nie le Christ tel qu'il nous a été prêché et enseigné par les apôtres et donc transmis par la Tradition, celui-là est un antéchrist car, dit-il, l'antéchrist signifie à proprement parler celui qui est contraire au Christ.
Ce sont les autorités mêmes de l'Eglise qui sont contre le Christ
Voilà le drame et la passion de l'Eglise, c'est que ce sont les autorités mêmes de l'Eglise qui sont contre le Christ. Et qui s'y font écho et c'est le point de départ de ce monde qui haït Dieu : « Nous ne voulons pas qu'Il règne sur nous ». Ils ont commencé par démolir la royauté de Notre-Seigneur.

Alors, comme vous le voyez, il est d'autant plus urgent et nécessaire que nous soyons vraiment des vrais serviteurs du Cœur de Jésus, des vrais réparateurs, consolateurs. Devant cela nous devons réaffirmer notre foi, comme nous l'avons appris de notre fondateur Mgr Lefebvre qui centrait tout sur le Christ et sur le mystère du Christ et le Sacrifice de Notre-Seigneur où se révèle surtout le Cœur de Jésus.

Nous devons donc surtout confesser et prêcher Notre-Seigneur Jésus-Christ, sa divinité, son humanité avec toutes ses conséquences. Nous devons défendre l'honneur de Notre-Seigneur, les droits de Notre-Seigneur Jésus-Christ. C'est ça qui nous sépare, c'est ça qui nous oppose, c'est là le point de contradiction, il n'y en a pas d'autre. C'est Notre-Seigneur et c'est toute notre foi à Notre-Seigneur Jésus-Christ et Notre-Seigneur Jésus-Christ qui est la Vérité, qui est la Vie et qui est la Voie. C'est en lui qu'il y a tous les trésors de science, de sagesse, de vérité. C'est lui qui est l'auteur et le conservateur de notre foi, qui en est l'objet principal. C'est Notre-Seigneur Jésus-Christ qui a la plénitude des grâces, c'est de Lui que découlent toute grâce et toute sainteté, toute vertu, mais Notre-Seigneur est aussi le chemin, le chemin comme Souverain prêtre, le chemin comme Roi.

Et donc nous devons plus que jamais et face à cette vague véhémente, antichristique et antichrétienne, de prêcher et de réaffirmer à temps et à contre temps que Notre-Seigneur Jésus-Christ est le seul médiateur, le seul pontife, le seul sauveur ; que Notre-Seigneur est le seul rédempteur, le seul réparateur, le seul restaurateur. Il n'y a qu'en lui que nous pouvons restaurer toutes choses. Il est la seule porte par laquelle on peut aller au Père, par laquelle on peut entrer au Ciel. Il n'y a pas d'autre fondement sur lequel on puisse bâtir quoi que ce soit dans l'ordre surnaturel, il n'y a pas d'autre nom sous le ciel par lequel nous pouvons nous sauver. Voilà notre foi, voilà ce qui nous oppose à la Rome officielle, à la Rome moderniste, conciliaire, comme vous préférez.

Dans l'Apocalypse - il est toujours intéressant de relire l'Apocalypse, surtout pour y trouver quelles sont les dispositions plus particulières que Dieu, que le Saint-Esprit, que Notre-Seigneur nous demande d'avoir, de prendre justement au temps où le mystère de l'iniquité croîtra et deviendra presque dans son apogée et aboutira, nous le savons, à la venue de l'antéchrist. Bien sûr, il s'agit d'une révélation plutôt d'espérance et de victoire. D'espérance car Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même nous l'a dit : Ne craignez rien, j'ai vaincu le monde, et je serai avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles.
La victoire finale au travers des persécutions
De victoire, car il s'agit bien de la victoire définitive, éternelle et finale de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de la Sainte Eglise. Mais dans cette révélation nous voyons quelles sont les dispositions particulières qu'il faut avoir dans ces derniers temps. Notre-Seigneur Jésus-Christ nous est présenté comme vrai, véritable et fidèle. Saint Jean insiste tout le long de l'Apocalypse dans ce témoignage, fidèle et véritable de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il nous dit que c'est par le sang de l'Agneau, par la confession de la parole, que les chrétiens des derniers temps persévéreront.

Par le Saint Sacrifice de la Messe, par le sang de l'Agneau et par la confession de la foi catholique que nous persévérerons. Il nous est montré dans l'Apocalypse que ce qui fait intervenir Dieu et revenir Notre-Seigneur Jésus-Christ, ce sont les prières des saints qui montent sur l'autel d'or qui est devant Dieu, devant la majesté de Dieu. Ces prières qui s'amoncellent sur l'autel de Dieu, prières de détresse, face aux persécutions des chrétiens, c'est la patience des sens devant toutes les souffrances et devant toutes les persécutions. C'est la patience donc extrême, c'est toute la patience qu'il faut que nous ayons devant toutes les adversités, devant toutes les épreuves, celles qui sont déjà passées et celles qui sont à la porte, sans doute. Patience et mansuétude, douceur devant ce que la Providence nous envoie, et je dirais même un amour, le vrai amour de la Croix car nous savons bien que c'est par la Croix que s'opère la rédemption et que nous, prêtres, nous continuons cette rédemption de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

L'Apocalypse nous montre aussi comment dans ces derniers temps, le rempart et le refuge des chrétiens sera la Très Sainte Vierge Marie. Refuge de la Sainte Eglise, Notre-Dame, la Très Sainte Vierge Marie, le Cœur Immaculé de Marie. Nous savons bien que le chemin le plus court, le plus rapide, le plus parfait pour arriver à Notre-Seigneur est Notre-Dame. Nous savons bien que le chemin le plus court, rapide, parfait pour aller au Cœur de Jésus est le Cœur de la Très Sainte Vierge Marie.

Alors, chers fidèles, chers confrères, soyons plus que jamais les apôtres de Jésus et de Marie, soyons plus que jamais les apôtres du Cœur de Jésus et du Cœur de Marie.

Ainsi soit-il.
Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ainsi soit-il.
Mgr Alfonso de Galarreta, évêque auxiliaire de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Transcription : Y. R-B pour LPL

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Notes de la rédaction de La Porte Latine
(1) Ce titre-résumé est repris de la dépêche de l'APIC, agence de presse pas spécialement favorable à la FSSPX
(2) Les titres, les sous-titres et les surlignages sont de la rédaction de LPL
(3) Interrogé sur le « lobby gay » au Vatican, le pape François a répondu : "On écrit beaucoup sur le lobby gay. Je n’ai encore trouvé personne au Vatican qui me donne sa carte d’identité avec « gay ». On dit qu’il y en a. Je crois que lorsqu’on se trouve avec une telle personne on doit distinguer le fait d’être « gay », du fait de faire un lobby ; parce que les lobbies, tous ne sont pas bons. Celui-ci est mauvais. Si une personne est gay et cherche le Seigneur, fait preuve de bonne volonté, qui suis-je pour la juger ?".
(4) Discours de Paul VI à la dernière séance publique de Vatican II, le 7 décembre 1965 : "La religion du Dieu qui s'est fait homme s'est rencontrée avec la religion (car c'en est une) de l'homme qui se fait Dieu. Qu'est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver ; mais cela n'a pas eu lieu. La vieille histoire du bon Samaritain a été le modèle et la règle de la spiritualité du Concile. Une sympathie sans bornes pour les hommes l'a envahi tout entier. La découverte et l'étude des besoins humains (et ils sont d'autant plus grands que le fils de la terre se fait plus grand), a absorbé l'attention de notre Synode. Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous, humanistes modernes, qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes, et sachez reconnaître notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l'homme".

[APIC] Mgr de Galarreta fustige «50 ans d’esprit conciliaire libéral et moderniste»

SOURCE - APIC - 29 juin 2014

Ecône: Ordination de huit prêtres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Mgr de Galarreta fustige «50 ans d’esprit conciliaire libéral et moderniste»
Ecône, 29 juin 2014 (Apic) L’évêque traditionaliste Alfonso de Galarreta a ordonné vendredi 27 juin 2014 à Ecône, en Valais, huit prêtres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) et un moine bénédictin de l’Abbaye traditionaliste Notre-Dame de Bellaigue, en Auvergne. A cette occasion, il a dénoncé les fruits de «50 ans d’esprit conciliaire libéral et moderniste».

Folie des hommes d’Eglise «de vouloir se concilier avec ce monde ennemi de Dieu»Des huit prêtres de la FSSPX ordonnés sous la grande tente dressée en contrebas du séminaire Saint-Pie X d'Ecône, sept sont Français et un est de nationalité suisse. Mgr Alfonso de Galarreta, dans un sermon consacré au Sacré Cœur de Jésus, a relevé que «nous voyons de toute part, que ce soit dans la société et dans la sainte Eglise, que la situation ne fait qu’empirer: il faut bien ouvrir les yeux… Nous ne voulons pas que Jésus Christ règne sur nous ! On passe tout doucement à la haine de Notre Seigneur Jésus Christ et de notre Dieu».

Et de mettre en cause «50 ans d’esprit conciliaire libéral et moderniste», en fustigeant «cette apostasie immanente qui devient transcendante», qui consiste en «cette folie des hommes d’Eglise de vouloir se concilier avec ce monde ennemi de Dieu et de son Christ, de son Eglise et de sa doctrine».

Mgr Alfonso de Galarreta a poursuivi en dénonçant l’utopie et la chimère «de ces hommes d’Eglise qui veulent rester bien avec Dieu et en même temps se concilier avec ce monde qui va vers la haine et le rejet du Christ et de Dieu, et c’est cela que nous vivons !»

Rappelons que le 13 juin 2014, Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la FSSPX, a ordonné sept prêtres (tous Américains) ainsi que cinq diacres au séminaire Saint-Thomas d’Aquin de Winona (USA). (apic/be)

28 juin 2014

[Abbé Simoulin, fsspx - Le Seignadou] In Memoriam Mère Anne-Marie Simoulin 24 mai 1928 - 16 juin 2014

Abbé Simoulin, fsspx - Le Seignadou – Juillet-août 2014

«C’était une grande dame»
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Mère Anne-Marie

Deuxième fille d’une famille de 14 enfants (qui donnera à Dieu 3 de ses filles et un de ses fils), après de bonnes études littéraires, elle entre dans la Congrégation des Dominicaines enseignantes du Saint-Nom-de-Jésus de Toulouse en 1948. Elle en reçoit l’habit à Montréjeau le 8 septembre 1949, prononce ses premiers vœux le 8 septembre 1951 et y fait profession perpétuelle le 8 septembre 1956. Prieure de l’Institution Sainte Marthe à Grasse en 1964, elle est élue prieure générale de la congrégation en 1967. Elle n’a pas 40 ans, et doit donc obtenir la dispense que Rome lui accorde sans difficulté.

Qui sont ces dominicaines ? Il s’agit d’une Congrégation enseignante fondée à Toulouse le 25 mars 1800, par un prêtre, Monsieur Vincens, qui, au lendemain de la Révolution, avait voulu restaurer l’enseignement chrétien des filles. Cette Congrégation a trouvé une vigueur nouvelle en se greffant, en 1886, sur l’ordre des frères prêcheurs, comme Tiers-Ordre régulier dominicain. Elle a connu un grand renouveau sous le pape Pie XII, grâce à de nouvelles Constitutions rédigées par le Père Calmel à la demande de la Supérieure Générale, Mère Hélène Jamet, et approuvées par Rome le 5 septembre 1953. Ce renouveau, accepté et vécu avec enthousiasme par la congrégation n’est cependant pas du goût de certaines sœurs, éprises d’une autre forme de nouveauté, et une visite apostolique conclut, entre autres, à des mesures de mise à l’écart du P. Calmel. Le concile Vatican II, et les normes nouvelles données par l’épiscopat de France pour l’éducation et l’enseignement dans les écoles catholiques, introduisent – comme ailleurs – la division dans les communautés.

C’est dans ce climat difficile que Mère Anne-Marie est élue Prieure Générale en 1967. Dès 1968 elle obtient de Rome la restauration de la liberté du P. Calmel « pour tout ce qui est correspondance et visites individuelles ». Avec l’accord et le soutien de la grande majorité des sœurs, elle maintient la ligne donnée par Mère Hélène et le P. Calmel dans les nouvelles constitutions, cherchant en outre à maintenir l’unité de la congrégation et au sein des communautés. Une minorité agissante entretient toutefois la division au sein de la congrégation, et, encore confiante (certains diront : naïve), elle fait appel à Rome en 1971. Une visite apostolique se déroule alors dans toutes les maisons, et après un nouveau recours de Mère Anne-Marie, la S.C. des religieux annule la convocation du Chapitre général prévu en 1973. C’est alors que Mère Anne-Marie fait l’acquisition de la propriété de Saint-Pré. Finalement convoqué en 1974, le Chapitre est reporté une nouvelle fois, tandis que Mère Anne-Marie est déposée avec retrait de sa voix passive (ne peut ni élire ni être élue) et une administratrice est nommée. Entretemps un premier groupe de sœurs s’est retiré à Saint-Pré. Ce sont principalement les sœurs de la communauté de Toulon, ainsi que quelques sœurs de l’Annonciation, dont le noviciat, accompagnées du P. Calmel qui résidait à Toulon. Les 17 sœurs professes seront « réduites à l’état laïc » le 24 mai 1975, quelques jours à peine après le décès du P. Calmel le 3 mai. Mère Anne-Marie et les autres sœurs « rebelles » vont tenter de sauver ce qui pouvait l’être encore, en espérant pouvoir encore vivre et agir selon les traditions de la congrégation. Mais les nouvelles obédiences de 1975 et leur dispersion dans les maisons – Mère Anne-Marie étant reléguée à Saint Étienne-de-Tulmont – montrent bien la volonté de ruiner toute possibilité d’une fidélité aux saintes traditions, et un deuxième groupe de 19 religieuses se retire à la Clarté-Dieu à Fanjeaux le 2 juillet 1975. Elles seront « réduites à l’état laïc » le 7 juin 1976. Selon l’étrange formule venue de Rome, le pape leur a « imposé la dispense de leurs vœux ».

Mère Anne-Marie considérait tout cela comme d’honorables décorations pour fidélité à l’Église et à sa profession religieuse, et ne se privait pas de faire malicieusement remarquer à Mgr Lefebvre qu’elle avait été condamnée avant lui ! C’est lui qui viendra bénir ses 25 années de profession religieuse à Fanjeaux le 8 septembre 1976, ainsi que la profession perpétuelle de sa sœur plus jeune, sœur Myriam, tandis que le curé local survole la cérémonie en jetant des tracts hostiles sur le village. Mgr Lefebvre aimait dire alors que dans le midi, il n’y avait que deux hommes : Dom Gérard et Mère Anne-Marie ! C’était avant les tristes séparations de 1988, et il disait ensuite qu’il n’y en avait plus qu’un : Mère Anne-Marie.

Louis Jugnet, le grand philosophe toulousain, ne craignait pas d’affirmer, lui aussi, qu’elle était le seul homme du diocèse.

Des liens se nouent alors avec un autre grand dominicain, le P. de Chivré. Très différent du P. Calmel, mais tout aussi ardent, il use ses ultimes forces à aider la congrégation renaissante à la Clarté-Dieu et au Cammazou, et même à aider la génération d’une branche contemplative, chez lui en Normandie.

Mère Hélène, que vénérait grandement Mère Anne-Marie, s’est éteinte à Saint-Pré le 21 novembre 1982. En 1993, Mère Anne-Marie a passé le flambeau à Mère Marie-Geneviève, et, après un priorat de six années à Cressia, elle s’est retirée à Romagne. Entretemps, les deux groupes de sœurs ont donné naissance à deux nouvelles congrégations, qui totalisent aujourd’hui plus de 300 religieuses dans une vingtaine de maisons.

La Congrégation de Fanjeaux, quant à elle, compte environ 200 religieuses réparties dans 14 maisons, en France, en Allemagne et aux États-Unis… Alors que la congrégation d’origine a fermé la plupart des siennes (7 maisons sont encore ouvertes) et compte moins de quarante religieuses.

Monsieur Vincens, encore une fois, a tenu sa promesse. La tradition orale de la congrégation rapporte que, sur son lit de mort, il aurait promis une agonie sans terreur à toutes les sœurs du Saint-Nom-de-Jésus, dans la mesure de leur fidélité à l’esprit de l’Institut. Après beaucoup d’autres, Mère Anne-Marie, au terme d’une vie mouvementée, a vécu une longue agonie paisible, et c’est très paisiblement qu’elle a remis son âme entre les mains de Dieu, au matin du 16 juin 2014. Le Salve Regina, chanté par toute la communauté a accompagné son départ vers celui dont le Saint-Nom avait été toute sa raison de vivre. Avec Mère Anne-Marie c’est sans aucun doute une des dernières grandes figures de la première résistance dans la bourrasque conciliaire qui vient de s’éteindre. D’autres figures sont apparues depuis mais, tous aujourd’hui, nous sommes fils et filles de ces premiers combattants de la fidélité, persécutés et condamnés pour nous permettre de vivre aujourd’hui encore en fils de l’Église, heureux bénéficiaires des plus beaux trésors de sa grande Tradition.

Les caractères se sont fait rares aujourd’hui ! Ils avaient leur violence et leurs excès, mais ils avaient aussi leur fierté, ne supportant pas ce qui contredit l’Evangile, l’Eglise, la consécration religieuse et la charité envers les âmes les plus démunies, les âmes des enfants. Sans aucun doute, Mère Anne-Marie avait un caractère fort, parfois excessif ; elle a eu ses violences (certains cardinaux, évêques, religieuses ou laïcs en ont gardé longtemps le souvenir !), elle a pu commettre des erreurs et ne s’est pas fait que des amis, même parmi les siens. Mais ne fallait-il pas un tel caractère pour mener la congrégation que ses sœurs lui avaient confiée sur les chemins ardus de la fidélité à sa vocation ? Elle a peut-être échoué en cela, mais qui peut nier qu’elle a réussi au-delà de toute espérance par la survie de cette vocation dans les deux congrégations qui sont nées de cet échec ?

Fille de l’Église, comme S. Exc. Mgr Lefebvre, c’est son amour de l’Église qui l’a obligée à s’opposer aux hommes d’Église et à leurs théories nouvelles. Des autorités de l’Église, au-delà de tout ce qu’elles ont pu décréter, décider, accorder ou refuser durant ces dernières années, elle n’attendait qu’une chose : la réhabilitation de Mgr Lefebvre.

Fille de saint Dominique et de sainte Catherine de Sienne, elle aimait son habit et ses vœux, et aucune autorité au monde n’aurait pu obtenir qu’elle acceptât d’en diminuer la vérité et la signification. Telle elle était au jour de ses premiers vœux, telle elle a vécu et telle elle est demeurée au dernier de ses jours. Fille de Mère Hélène et du P. Calmel, c’est son amour pour sa congrégation qui a guidé ses décisions pour tenter de maintenir l’unité entre ses sœurs, et pour tenter d’y demeurer jusqu’au bout, dans l’espoir d’en sauver l’âme et l’esprit. Et l’une de ses plus grandes souffrances a été sans aucun doute de n’avoir pas toujours su aimer ses sœurs comme elles en avaient besoin et de ne pas avoir été toujours comprise de ses sœurs.

Fille de France, c’est son amour pour les enfants de France qui lui a fait dépenser jusqu’au bout toutes ses forces pour leur transmettre le goût et l’art du vrai, du beau, du grand. Au plus fort de sa dernière maladie, elle voulait encore remettre son voile pour aller enseigner le grec aux élèves qui oublieront peut-être le grec, mais n’oublieront certainement pas son enthousiasme ! Toutes celles qui l’ont connue, et ont bénéficié de son enseignement, savent combien elle les aimait : son cœur de mère était toujours disponible pour aller vers elles ou pour les accueillir.

Mais encore, il serait impie de l’oublier, fille et sœur d’une humble famille de France, au sein de laquelle la grâce a trouvé un terrain prédisposé à de belles œuvres. Elle vénérait son père, polytechnicien et officier, mais aussi lettré, poète et musicien (sa boutonnière arborait fièrement la Légion d’honneur mais aussi les Palmes Académiques !), à l’affection pudique et à la religion discrète. Sa mère était plus douce, artiste également et tout aussi discrète. Auprès de ses parents elle avait appris à aimer et à servir sans phrases, et elle aimait chacun de ses frères et sœurs, heureuse de leur manifester son affection en toute occasion, et consolée de les voir accourir auprès d’elle avec leur affection silencieuse jusqu’aux derniers jours.

Au terme d’une vie consacrée à Jésus-Christ et de 62 années de fidélité à sa consécration, elle avait tout donné, aux siens, aux enfants, à ses sœurs, aux familles, à l’Eglise, à Jésus-Christ et à la Vierge Marie. Servante du Seigneur jusqu’au bout, il ne lui restait plus rien à donner que son âme consacrée… Elle attendait, offerte et offrante, et c’est Jésus-Christ lui-même qui est venu la chercher durant son sommeil pour lui donner la récompense promise aux bons serviteurs.
« O Dieu, dont le propre est de pardonner toujours et de faire miséricorde , nous vous implorons humblement pour l’âme de votre servante Anne-Marie, à qui vous avez commandé de quitter aujourd’hui le monde ; ne la livrez pas au pouvoir de l’ennemi, et ne l’oubliez pas à jamais ; mais daignez ordonner à vos saints Anges de la recevoir et de l’introduire dans la patrie céleste, afin qu’après avoir cru et espéré en vous, elle n’ait point à souffrir les peines de l’enfer mais qu’elle possède les joies éternelles. »

[Michel Janva / Le Salon Beige] Ordinations en la cathédrale de Chartres

SOURCE - Michel Janva / Le Salon Beige - 28 juin 2014
Ce matin en la cathédrale Notre-Dame de Chartres, Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, Oloron et Lescar, est venu ordonner prêtres 3 nouveaux prêtres français pour la Fraternité Saint-Pierre : les abbés Jean de Massia, Olivier de Nedde et Thibault Paris (photos). Mgr Aillet est venu récemment à Chartres puisque c'est lui-même qui avait célébré la messe de clôture du pèlerinage de Chrétienté.

La scène avait des allures prophétiques : la nef en cours de restauration était envahie d'échafaudages tandis que le choeur déjà rénové resplendissait, envahi de tous ces jeunes prêtres, engagés pour restaurer une Eglise de plus de 2000 ans...
 
Outre la Fraternité Saint-Pierre et ses supérieurs, étaient présents les pères abbés du Barroux et de Triors, le supérieur de la Fraternité Saint-Vincent Ferrier, une vingtaine de prêtres diocésains et amis.

Deo Gratias!
Michel Janva

[Lettre à Nos Frères Prêtres / FSSPX France] L'âme de tout apostolat

SOURCELettre à Nos Frères Prêtres / District de France de la FSSPX - n°62 - juin 2014

Si un prêtre veut toujours davantage servir l’Église, il faut qu’il se maintienne dans l’esprit de foi, de sainteté qui était le sien au début de sa vie sacerdotale. Or, pour persévérer dans ce désir, il faut que ses bonnes dispositions durent, demeurent, malgré les épreuves, malgré le poids du jour, malgré les difficultés de l’apostolat. Il faut qu’il ne se laisse donc pas prendre par un activisme qui lui ferait perdre la piété, le sens de la prière.

Il lui faut ainsi conserver le désir de se sanctifier, ne pas se laisser entraîner par une agitation extérieure qui diminuerait la valeur de sa vie intérieure, de sa vie spirituelle. Le prêtre ne doit pas se perdre pour sauver les autres, il doit se sauver en sauvant les autres.

Le succès apparent ou caché de son apostolat importe peu. Le grand nombre ou le petit nombre des âmes ne doit pas le préoccuper. « Une seule âme est un grand diocèse », disait saint François de Sales. Son apostolat sera strictement surnaturel dans tous ses motifs s’il est voulu pour la gloire et le règne de Notre-Seigneur, exclusivement. C’est la condition sine qua non de l’efficacité réelle de cet apostolat. Ce sera le secret de son zèle jamais fatigué, jamais découragé par l’épreuve ou l’insuccès, par les obstacles ou les oppositions.
Se sauver en sauvant les âmes
Ses prédécesseurs lui ont donné l’exemple de la persévérance jusqu’au bout, et Notre-Seigneur attend de lui cette persévérance : « Celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé » (Mt 10, 22 ; 24, 13). Particulièrement aujourd’hui, le prêtre doit s’attacher à cette parole de Notre-Seigneur. S’il persévère jusqu’à la fin dans la foi et dans la vertu chrétienne, selon l’enseignement qu’il a reçu dans la tradition de l’Église, selon les beaux exemples que les martyrs et les saints lui ont donnés, il sera sauvé et, avec lui, il entraînera de nombreuses âmes, soutenues par sa parole, par son courage, par sa vertu. Aujourd’hui plus que jamais, le peuple fidèle a besoin de prêtres qui soient la lumière du monde et le sel de la terre.

Cherchons donc de toute notre âme, de tout notre coeur, à être fidèles, afin qu’un jour Dieu puisse nous dire, comme dans l’Évangile : « Bienheureux serviteur bon et fidèle. Parce que tu as été fidèle sur peu de choses, tu seras établi pour l’éternité sur beaucoup » (d’après Mt 25, 23). Ainsi Notre-Seigneur nous a promis de nous donner la récompense éternelle si nous sommes fidèles.
 
Demandons à la très sainte Vierge Marie de nous donner cette grâce de la persévérance finale et de la fidélité. La très sainte Vierge Marie, elle aussi, a été fidèle à Jésus jusqu’au bout, jusqu’au martyre, jusqu’à avoir le coeur transpercé par un glaive. Elle ne l’a pas abandonné. Efforçons-nous de demeurer auprès de la Vierge Marie, de Notre-Dame de Compassion, afin de partager la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ et celle de son Église.

[Lettre à Nos Frères Prêtres / FSSPX France] L'apostolat comme fruit de la Messe

SOURCELettre à Nos Frères Prêtres / District de France de la FSSPX - n°62 - juin 2014

Une fois que le prêtre a offert le saint sacrifice de la messe, toutes les grâces de son apostolat en découlent. Et même s’il n’a pas d’apostolat à réaliser pour une raison ou pour une autre, s’il est souffrant, ou dans un lieu où malheureusement l’apostolat n’est pas fructueux, il a néanmoins la consolation d’avoir offert le saint sacrifice de la messe et d’avoir par là répandu des grâces selon la mesure voulue par Dieu.
Le prêtre, homme de la messe
Le prêtre est en effet, par nature, par l’institution et la volonté de Notre-Seigneur, celui qui, en son nom et comme son ministre, offre à Dieu un sacrifice de louange, d’action de grâce et de propitiation pour les péchés des hommes. Il applique toutes les grâces de salut par le canal des sacrements et par ce sacrifice eucharistique, qui n’est autre que le sacrifice de Jésus sur la croix. C’est en prêchant la bonne nouvelle du salut et en communiquant la grâce par les sacrements, et surtout par l’Eucharistie, que le prêtre édifie le Corps Mystique de Notre-Seigneur.

Voilà ce qu’est le prêtre de l’Église catholique : essentiellement et d’abord, celui qui monte à l’autel et offre la divine Victime substantiellement présente sur l’autel.
L’apostolat, application des mérites de la messe
Tout ce que le prêtre fait dans la journée est la conséquence du sacrifice de la messe qu’il a offert, ou une préparation au sacrifice de la messe. Par exemple, le prêtre, durant le catéchisme, apprend la foi aux enfants ; il veut les amener à Jésus-Christ. Or où est Jésus-Christ ? Il est présent essentiellement dans l’Eucharistie. Donc, en définitive, le prêtre prépare les enfants à recevoir l’Eucharistie.

 Imaginez qu’on ait un sacerdoce sans messe, on ne voit pas bien quel apostolat on pourrait réaliser. C’est vraiment la messe qui est au coeur de notre apostolat, car notre apostolat est avant tout surnaturel, il est avant tout l’application des grâces de Notre-Seigneur aux âmes. Ce n’est pas nous qui convertissons les âmes. Nous sommes incapables de changer l’esprit, le coeur, les dispositions intérieures de l’âme d’une personne. Nous pouvons parler pendant des années, s’il n’y a pas la grâce de Dieu qui la transforme, cette âme sera sourde à nos appels. Tandis que si nous pensons que, par la messe, Notre-Seigneur a en quelque sorte mis dans nos mains toutes les grâces de la Rédemption, de son Calvaire, de son sacrifice, nous partons vers les âmes avec toutes ces grâces. Nous pouvons être certains que notre apostolat aura un résultat, même si apparemment nous ne le voyons pas. Les grâces de Notre-Seigneur descendront dans les âmes, tandis que sans le sacrifice de la croix, source de toutes les grâces, notre apostolat serait vain.
La messe est le coeur de l’apostolat du prêtre
C’est pourquoi, quand il a célébré la messe, un prêtre peut dire qu’il a fait quatre-vingts pour cent du ministère sacerdotal de la journée, qu’il a réalisé pratiquement presque toute sa journée. En effet, c’est Notre-Seigneur qui opère avant tout la Rédemption et non le prêtre lui-même, qui n’est qu’un instrument. Sa journée n’est plus qu’une application du sacrifice de la messe.

Lui-même doit d’ailleurs vivre sa messe tous les jours, à tous les instants de sa vie, et en faire vivre tous ceux qui l’entourent. Il doit continuer sa messe au cours de la journée, c’est-à-dire continuer l’enseignement qu’il donne par l’épître, l’Évangile, continuer la vie de sacrifice et d’amour qu’il réalise sur l’autel par la présence de Notre-Seigneur. Vivre la messe doit être ainsi pour le prêtre son soutien, sa joie, son bonheur. Et, par conséquent, toute sa vie sacerdotale est une messe continuelle. Voilà l’idéal du prêtre, idéal qui le maintient dans la joie et dans la paix spirituelles. 

[Lettre à Nos Frères Prêtres / FSSPX France] Le prêtre au confessionnal

SOURCELettre à Nos Frères Prêtres / District de France de la FSSPX - n°62 - juin 2014

Étant donné la faiblesse des âmes blessées par le péché originel, mais aussi les multiples occasions de péché dans la société, et dont le nombre ne s’est pas amenuisé à notre époque, bien au contraire, les chutes sont malheureusement fréquentes. Notre-Seigneur a institué, dans son infinie miséricorde, une deuxième planche de salut, le sacrement de pénitence, de réconciliation de l’âme avec Dieu, qui occupe normalement une partie du temps que le prêtre consacre à l’apostolat.
Misère corporelle et misère spirituelle
La miséricorde consiste à se pencher sur ceux qui sont dans la misère : particulièrement la misère spirituelle, qui est plus grave que la misère corporelle. Évidemment, nous nous penchons volontiers sur ceux qui souffrent dans leur corps, qui sont abandonnés, qui sont malades. C’est très bien, c’est très beau, mais la misère spirituelle est celle qui doit être avant tout l’objet de la sollicitude du prêtre. Le prêtre doit sentir battre en lui ce coeur miséricordieux et être attiré par ces âmes qui sont dans un état de péché, de misère spirituelle, afin de leur apporter la vie.
Un moyen privilégié pour toucher les âmes
Le confessionnal est un des moyens privilégiés pour le prêtre de toucher les âmes et de transmettre l’Esprit-Saint, comme le note saint Jean : « Recevez le Saint-Esprit, ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (Jn 20, 22-23). C’est pourquoi l’Église a toujours estimé le sacrement de pénitence. Beaucoup de saints ont d’ailleurs passé leur vie au confessionnal : par exemple le Curé d’Ars ou, plus près de nous, le Padre Pio. Mais les bons prêtres en général ont toujours eu une grande dévotion envers le sacrement de pénitence et s’adonnaient à ce ministère avec un zèle surnaturel.

Ce n’est pas que ce ministère, naturellement parlant, soit tellement attrayant. Il est éprouvant de passer des heures au confessionnal, d’entendre toutes les misères humaines. Il y a une tension exigée du prêtre qui, certainement, est très fatigante, très éprouvante. En revanche, du point de vue surnaturel, le ministère de la confession est vraiment très beau. En effet, c’est là que le prêtre a vraiment le contact avec les âmes et, par l’absolution qu’il donne, c’est vraiment le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ qu’il répand sur ces âmes pour les laver de leurs péchés.
Un ministère exigeant
Le ministère de la confession est certainement celui qui demande le plus de qualités sacerdotales. C’est notamment un sacrement qui fait exercer au prêtre tout le savoir acquis au cours du séminaire. Il n’est pas tellement difficile de bien célébrer le saint sacrifice de la messe : il suffit de connaître les rites et de prendre conscience de ce que l’on fait. Tandis que, pour le sacrement de pénitence, le prêtre a tout un ensemble de principes à connaître, de qualités à posséder et de jugements à exercer.

L’exercice fructueux de ce ministère exige ainsi du prêtre de nombreuses qualités : la science de la loi divine et des lois de l’Église pour juger de la gravité du péché qui est confessé, la prudence, la discrétion, le conseil, la charité miséricordieuse à l’exemple de Notre-Seigneur, afin d’apporter à l’âme infirme les secours appropriés. C’est certainement une charge très lourde que Notre-Seigneur a mise sur les pauvres épaules du prêtre que de devoir guider des âmes qui ne lui appartiennent pas, des âmes que Dieu lui amène pour les diriger vers lui. C’est un ministère délicat, et l’un des plus importants du sacerdoce.
Un oeuvre de miséricorde
Le prêtre joue le rôle de médecin des âmes. Notre-Seigneur l’a devancé dans ce rôle, et avec quelle perfection ! Cela a-t-il de quoi nous étonner ? Non, c’est logique.

Quelle est la vertu qui porte à guérir les âmes et les corps ? La miséricorde. Qu’est-ce que la miséricorde ? C’est la perfection de la charité, car la charité est par essence un don désintéressé. Or, pour pratiquer la miséricorde, il faut être désintéressé car, dans le pécheur, dans le malade, il y a un commencement de mort, et la mort répugne, elle est repoussante.

Le coeur miséricordieux aperçoit à travers ces laideurs une possibilité de vie et, domptant ses répugnances, s’oubliant lui-même, il ramène à la vie le malade, le pécheur. Notre-Seigneur a été la miséricorde par excellence. Toute sa vie est miséricorde. « Dieu, qui est riche en miséricorde à cause de l’amour extrême dont il nous a aimés, alors que nous étions morts par nos péchés, nous a rendu la vie dans le Christ » (Ep 2, 4-5).

Tout en demeurant confondus devant l’oeuvre de miséricorde qu’est toute la Rédemption, méditons pour notre éducation sacerdotale et pastorale ces faits et paroles de Notre-Seigneur vis-àvis des pécheurs. Voyons l’admirable miséricorde du père de famille envers l’enfant prodigue : « Comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, et accourant il se jeta à son cou et le baisa » (Lc 15, 20). Quel magnifique exemple ! A la femme adultère, il dit : « Va, et désormais ne pèche plus » (Jn 8, 11). Enfin, tout est résumé dans cette parole : « Soyez donc miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux » (Lc 6, 36).
Le médecin des âmes
Le prêtre zélé sonde les coeurs, il sait tantôt corriger, car « le Seigneur châtie celui qu’il aime » (He 12, 6), tantôt patienter, tantôt conseiller, comme un médecin sait diagnostiquer la maladie et appliquer le remède approprié. Il se penche donc sur la misère du pécheur avec miséricorde.

Si le prêtre a une attitude de condamnation, de dureté vis-à-vis du pécheur, celui-ci va se renfermer sur lui-même, ce qui provoquera peut-être sa mort. Il n’aura plus confiance dans le prêtre, il ne saura plus à qui s’adresser et il dépérira.

Le prêtre doit donc avoir cette miséricorde dans son coeur et savoir écouter les gens. Il est là pour recevoir les doléances, les difficultés, les misères des gens et essayer de les remettre sur le chemin, doucement, paisiblement, tout en étant ferme quelquefois. Car Dieu seul peut peser toutes choses, savoir dans quelles circonstances ces gens-là ont pu vivre.

Tant qu’une personne est sur la terre, elle peut être sauvée, toujours ! Bien sûr, on peut concevoir qu’il y ait quelquefois une indignation vis-à-vis du péché, devant une situation vraiment abominable, devant des actes odieux, devant des manières de faire absolument inadmissibles, mais il faut toujours garder au pécheur la possibilité de se convertir.

Un conseil précieux pour cet apostolat, c’est de se comporter dans la société, dans les relations sociales, de telle sorte que les personnes n’aient pas d’appréhension à demander le sacrement de pénitence, c’est-à-dire de toujours garder un comportement vraiment sacerdotal.
Un ministère sanctifiant pour le prêtre
Le ministère de la confession bien exercé est évidemment efficace pour les fidèles, qui sont ainsi purifiés du péché et emplis de grâce, mais également pour la sanctification du prêtre lui-même.

Il est clair que celui qui exerce sérieusement et avec la désir de plaire à Dieu ce ministère exigeant y trouvera la source d’un progrès spirituel tangible. Le fait d’entendre les fautes d’autrui nous met en garde contre nos propres fautes, nous découvre souvent des tentations ou des faiblesses en nous-même que nous n’avions pas bien repérées et contre lesquelles nous pouvons ainsi nous mettre en garde. Souvent aussi, le prêtre est édifié et encouragé dans ses propres difficultés spirituelles en constatant l’héroïsme caché d’une âme, ou bien la grande miséricorde de Dieu à son égard. Pour donner de bons conseils, il est évidemment obligé de songer à lui-même et d’appliquer ses conseils dans sa propre vie.

Si donc le prêtre exerce cet apostolat de la confession comme Dieu le veut, il reçoit des grâces particulières qui lui permettent de faire du bien à ceux vers lesquels il est envoyé, et en même temps de progresser chaque jour dans l’amour de Dieu.

[Lettre à Nos Frères Prêtres / FSSPX France] Le prêtre à l'autel

SOURCELettre à Nos Frères Prêtres / District de France de la FSSPX - n°62 - juin 2014

Pour la justification des pécheurs, pour la sanctification des âmes, Jésus a tout organisé autour de cette fontaine de vie qu’est le sacrifice du Calvaire. Il fonde l’Église, il transmet son sacerdoce, il institue les sacrements pour faire part aux hommes des mérites infinis du Calvaire. Or le sacrifice du Calvaire est renouvelé chaque jour sur l’autel par le sacrifice de la messe, source de la grâce, source de la vie chrétienne, source de la Chrétienté.
Le sacrifice, prière par excellence
Le sacrifice est ce qu’il y a de plus essentiel dans la vie humaine. L’acte le plus important d’une créature humaine normale, c’est-à-dire de quelqu’un qui croit en Dieu, qui reconnaît Dieu comme le Créateur de toutes choses, c’est d’exprimer cette reconnaissance de Dieu tout-puissant par le sacrifice, par l’oblation, par l’immolation d’un être qui signifie l’oblation de l’homme lui-même à Dieu. Pour manifester vraiment l’entière donation qu’on fait de cette chose à Dieu et pour qu’elle ne puisse plus servir à un usage profane, on la détruit. Cet objet sacré est détruit pour montrer qu’on le donne complètement à Dieu en signe de notre propre donation complète. Le sacrifice confère ainsi sa véritable dimension à l’homme, sa véritable place par rapport à Dieu.
Le sacrifice, acte principal de la vertu de religion
Saint Thomas montre très clairement que la vertu de religion, qui est une vertu annexe à la vertu de justice, nous relie à Dieu, et il précise (Somme de théologie, II-II, q. 81, a. 1) : «La religion, au sens propre, implique l’idée de sacrifice».

Nous avons besoin d’exercer notre vertu de religion. Cette vertu de religion est ce qu’il y a de plus intime dans l’homme, déjà au point de vue naturel, car elle est l’expression de ce que nous sommes vis-à-vis de Dieu et vis-à-vis de notre prochain. Rendre les devoirs que nous devons à Dieu, à notre prochain, c’est exercer la vertu de justice. Nous avons des devoirs à exercer vis-à-vis de Dieu, et le premier devoir, c’est précisément la vertu de religion, c’est-à-dire l’adoration de Dieu. L’enfant naissant, s’il était conscient de ce qu’il est, de ce qu’il doit à Dieu, devrait déjà dans son coeur adorer Dieu, remercier Dieu de l’avoir créé, et cela même simplement au point de vue naturel. C’est d’ailleurs ce que les parents doivent inculquer à leurs enfants dès qu’ils sont capables de comprendre qu’ils sont des créatures de Dieu.

Cette vertu de religion s’exerce surtout par l’adoration intérieure. Toutefois, étant simultanément corps et âme, nous avons besoin d’adoration extérieure. Si nous n’exprimons pas sensiblement ce sentiment d’adoration vis-à-vis de Dieu, nous risquons de perdre nos dispositions d’adoration intérieure qui ne sont pas autre chose que notre soumission, l’oblation de nous-mêmes à Dieu, qui fait que nous soumettons toute notre volonté, notre intelligence, tout ce que nous sommes à ce Dieu qui nous a créés et qui nous attend pour l’éternité.

Or, si la vertu de religion doit s’exercer même sur le simple plan naturel, à plus forte raison doitelle s’exercer sur le plan surnaturel. Dieu a voulu venir parmi nous. Il s’est incarné, voulant en quelque sorte lui-même nous montrer comment l’homme religieux, la créature, doit se comporter vis-à-vis de lui. Notre-Seigneur est venu sur la terre ; il a prié, il a adoré son Père ; il a manifesté ce qu’était la religion ; finalement, il s’est donné tout entier en sacrifice à son Père sur la Croix ; il s’est offert totalement, complètement pour la gloire de son Père et le salut des âmes.
Le sacrifice du Christ renouvelé sur l’autel
Le sacrifice de la Croix, dit le catéchisme du concile de Trente, fut infiniment agréable à Dieu. Le sacrifice de la Croix, à peine Jésus-Christ l’eut-il offert que la colère et l’indignation de son Père furent entièrement apaisées. Aussi l’Apôtre a-t-il soin de nous faire remarquer que la mort du Sauveur fut un vrai sacrifice. « Jésus-Christ nous a aimés, dit-il, et il s’est livré lui-même pour nous, en s’offrant à Dieu comme une victime et une oblation d’agréable odeur » (Ep 5, 2).

La Passion de Notre-Seigneur est donc un véritable sacrifice. C’est une vérité de foi définie au concile d’Éphèse et au concile de Trente. Le concile d’Éphèse dit : « Nous avons un Pontife et un Apôtre qui s’est offert lui-même en odeur de suavité pour nous ». Et le concile de Trente affirme : « Le Christ s’est offert sur l’autel de la croix » ; « par sa mort, il s’est offert à Dieu son Père pour nous racheter », « pour qu’il réalise la Rédemption de tous les hommes ».

Les conséquences du fait que la Passion est un véritable sacrifice sont  immenses, parce que cela élargit ce mystère aux dimensions de toute l’histoire de l’humanité, de toute l’histoire de la Création, de tout ce qui peut précéder ou suivre ce sacrifice offert à la louange et à la gloire de Dieu.

D’une certaine manière, on peut dire qu’il n’y a qu’un sacrifice, qu’un Prêtre, qu’une Victime et qu’une oblation avec le peuple fidèle, qui s’est réalisée au sacrifice de la Croix : il n’y a pas deux sacrifices de la Croix. Mais Dieu a voulu que ce sacerdoce, ce sacrifice, cette Victime et cette oblation continuent, afin que l’effet de son sacrifice se poursuive dans le temps.

Le sacrifice du Calvaire devient, sur l’autel, le sacrifice de la messe, lequel, en même temps qu’il réalise le sacrifice de la Croix, réalise aussi le sacrement  de l’Eucharistie, qui nous rend participants à la divine Victime, Jésus crucifié. C’est donc autour du sacrifice de la messe que s’organisera l’Église, Corps mystique de Notre-Seigneur, que vivra le sacerdoce pour édifier ce Corps mystique, qui par la prédication attirera les âmes à se purifier dans les eaux du baptême pour être dignes de participer au sacrifice eucharistique de Jésus, à la manducation de la divine Victime, et s’unir ainsi toujours plus à la Trinité sainte, inaugurant déjà ici-bas la vie céleste et éternelle.
La grande prière de l’Église
Si Notre-Seigneur transmet la vérité à l’Église par la foi, c’est pour en faire une Église priante, car Jésus fut le grand priant. Au cours de son existence terrestre et maintenant encore dans le Ciel, il est toujours présent pour prier pour nous (He 7, 25). Jésus est le grand priant. Alors l’Église aussi, à son image, doit être la grande priante. La foi qui ne conduirait pas à la prière serait une foi morte.

Quelle est donc cette prière que Jésus a transmise à son Église ? Il est évident que c’est le saint sacrifice de la messe, comme la grande prière de Notre Seigneur Jésus-Christ fut son Calvaire. C’est sur la croix qu’il a été le plus grand priant, et c’est le sacrifice de la messe qui est la grande prière de l’Église, prière à laquelle l’Église demande que tous les fidèles s’associent intimement, profondément, adorant Dieu, adorant Notre Seigneur Jésus-Christ, adorant notre Créateur, adorant notre Rédempteur.

Quelle magnifique prière que celle que Jésus a transmise à son Église ! Et, dans cette prière, il a voulu que nous participions à son corps, à son sang, à son âme, à sa divinité, afin de devenir nous aussi des priants comme lui ; que toute notre vie soit une prière, une offrande, un chant, un cantique d’action de grâces.
Le but du sacerdoce
Les paroles que le prêtre prononce lors de la consécration constituent à la fois la réactuation du sacrifice de Notre-Seigneur et la réalisation de ce sacrement extraordinaire, admirable, divin qu’est l’Eucharistie, présence de Notre Seigneur Jésus-Christ destinée à être reçue par nous en nourriture.

Voilà, en définitive, le coeur, l’essence, le but même de l’ordination : le saint sacrifice de la messe. C’est bien ce que dit le concile de Trente : le but du sacerdoce est de consacrer, offrir, administrer. « Consacrer » signifie réaliser l’Eucharistie, faire venir Jésus, qui est Dieu, sur l’autel, l’offrir de nouveau à Dieu son Père pour le salut des âmes, et le donner aux âmes.

Lorsqu’il prononce les paroles de la consécration, le prêtre fait descendre sur l’autel Notre Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu. Pauvre créature, petite créature insignifiante, il a le pouvoir par ses paroles de faire descendre celui qui est le Créateur de toutes choses, le Rédempteur de l’univers. Comme la très sainte Vierge par son Fiat a pu faire descendre dans son sein le Fils de Dieu, ainsi le prêtre, chaque fois qu’il prononce les paroles de la consécration, fait descendre sur nos autels Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même. C’est là le pouvoir du prêtre, pouvoir incroyable, inimaginable. Que Notre-Seigneur ait donné ce pouvoir à des créatures est un acte de sa toutepuissance et de sa grande charité, afin que s’applique sa Rédemption.
La clé de l’apostolat
La seule grande prière, c’est le saint sacrifice de la messe. C’est le coeur de l’apostolat du prêtre. On ne comprend rien à l’apostolat si on ne comprend pas ce qu’est le sacrifice de la messe, parce que le saint sacrifice de la messe est la grande prière de Notre-Seigneur. C’est là que tout prêtre trouve la source de tout son apostolat, et le zèle dont il a besoin pour aller prêcher aux âmes et les attirer vers l’autel.

Le saint sacrifice de la messe manifeste les étapes que tout chrétien doit franchir pour parvenir à la sainteté. Une âme qui monte vers Dieu commence par la vie purgative, poursuit par la vie illuminative, pour en arriver à la vie unitive. Ce sont les étapes que les auteurs spirituels donnent pour arriver à l’union à Dieu. La messe exprime parfaitement ces trois étapes.

La première partie de la messe consiste en lectures de l’Écriture et en chants spirituels. C’est la messe de ceux qui se purifient pour se détacher des choses de ce monde afin que Dieu puisse agréer leur prière. Elle représente la vie purgative. Puis on arrive au sommet du sacrifice, au moment de la consécration. Cette partie correspond à la vie illuminative. Nous contemplons Dieu dans la sainte Eucharistie. Jésus est là, présent dans sa gloire, entouré de tous les saints du Ciel. Enfin, on passe à l’union à Jésus dans la sainte communion. Cette dernière partie de la messe correspond à la vie unitive. Elle aboutit à une vie d’amour, d’union, d’attachement, de dévouement total à Notre-Seigneur. Le chrétien alors n’a plus qu’un désir, ne plus s’appartenir, être tout à Notre-Seigneur, être son apôtre afin de donner Jésus aux âmes. Voilà ce qu’exprime la messe et ce qu’elle réalise.
La source de la civilisation chrétienne
Parce que le sacrifice de la messe est la source de la sanctification du chrétien, il est logiquement aussi la source de la civilisation chrétienne, de la Chrétienté, c’est-à-dire de la cité terrestre qui rassemble les chrétiens. Cela a toujours été compris ainsi à toutes les époques. Il ne peut pas y avoir de civilisation chrétienne sans autel, sans messe, ce n’est pas possible. Pourquoi ? Parce que la famille est la cellule de base de toute société, et que la famille est sanctifiée au Calvaire, elle est sanctifiée au saint sacrifice de la messe.

De l’autel naissent ainsi les vertus familiales, naît l’ambiance chrétienne de la famille. Et si la famille est foncièrement chrétienne, alors par conséquence la société sera chrétienne aussi. Les vertus, non seulement familiales, mais également sociales, civiques, politiques, toutes ces vertus-là découleront du sacrifice de la messe.

C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner de ce que nos ancêtres aient construit des églises magnifiques : ils comprenaient que de ces églises découlaient tous les bienfaits sur la famille et sur la société, même les bienfaits purement politiques, économiques.

Lorsque la foi, lorsque l’Église revit dans un pays, ce pays-là se porte mieux économiquement, politiquement, socialement. Parce que la vertu de justice est rétablie, et que la justice c’est l’ordre véritable. Et cette vertu de justice est même complétée, renforcée, élargie par la vertu de charité, qui ne se contente pas de ce qui est dû, mais qui donne davantage, en surabondance, par amour surnaturel de Dieu et du prochain.

L’histoire de la civilisation chrétienne trouve ainsi son fondement et son développement, sa vitalité dans la grande prière publique de l’Église qui infuse l’esprit de justice, l’esprit de charité à ceux qui en vivent. Toutes les initiatives charitables et saintes ont leur origine dans l’esprit qui nous est donné par le sacrifice de l’autel, et par tout ce qui en découle.