30 novembre 2015

[Riposte Catholique] Mgr Fellay s’exprime sur l’Année sainte

SOURCE - Riposte Catholique - 30 novembre 2015

Dans sa dernière Lettre aux Amis et Benfaiteurs, Mgr Fellay, supérieur de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, s’exprime sur la situation actuelle de l’Église (synodes romains sur la famille, etc.). Il se penche notamment sur l’Année sainte, décrétée par le pape François, au cours de laquelle sera célébré le Jubilé de la Miséricorde.

Concernant les récations entendues contre les prévarications qui s’inscrivent dans les débats relatifs aux synodes de la famille, Mgr Fellay s’exprime:
Pourtant il y a eu des initiatives positives à l’occasion de ce synode. Tel le livre de onze cardinaux – après celui de cinq cardinaux l’an passé –, également l’ouvrage des prélats africains, celui des juristes catholiques, le vade-mecum de trois évêques…
Les initiatives heureuses qui sont apparues récemment en faveur de la défense du mariage et de la famille chrétienne donnent une lueur d’espoir. Il y a une réaction salutaire, même si tout n’est pas d’égale valeur. Espérons que cela soit le commencement d’un réveil dans toute l’Eglise qui conduise à un redressement et une conversion de fond.
Avant l’été, dans un sermon à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris, Mgr de Galarreta disait que l’Eglise paraissait commencer à fabriquer des « anticorps » contre les propositions aberrantes qui sont faites par les progressistes au sujet du mariage, s’alignant sur les mœurs actuelles plutôt que de chercher à les redresser selon l’enseignement évangélique. Cette réaction au plan moral est bénéfique. Et comme la morale est intimement liée à la doctrine, cela pourrait être le début du retour de l’Eglise à sa Tradition. C’est l’objet de nos prières quotidiennes !
Au sujet de l’Année sainte, on notera les propos de Mgr Fellay:
Il est vrai que, dans le climat actuel, l’appel à la miséricorde, prend trop facilement le pas sur l’indispensable conversion, qui réclame la contrition de ses fautes et l’horreur du péché, offense faite à Dieu. C’est ainsi que, comme je le déplorais dans la dernière Lettre aux amis et bienfaiteurs (n°84), le cardinal hondurien Maradiaga se fait l’écho complaisant d’une nouvelle spiritualité où la miséricorde est tronquée, coupée d’une nécessaire pénitence qui n’est presque jamais rappelée.
Pour autant, Mgr Fellay reste prudent:
Cependant, en lisant de près les différents textes publiés au sujet de l’Année sainte, et notamment la bulle d’indiction du Jubilé, on voit que la pensée fondamentale de la conversion et de la contrition des péchés pour obtenir le pardon est présente. Malgré la référence à une miséricorde équivoque qui consisterait à rendre à l’homme plus sa « dignité incomparable » que l’état de grâce, le pape veut favoriser le retour de ceux qui ont quitté l’Eglise, et multiplie les initiatives concrètes pour faciliter le recours au sacrement de pénitence. Malheureusement, il ne se demande pas pourquoi tant de gens ont quitté l’Eglise ou ont cessé de pratiquer, et s’il n’y a pas un rapport avec un certain Concile, son « culte de l’homme » et ses réformes catastrophiques : l’œcuménisme débridé, la liturgie désacralisée et protestantisée, le relâchement de la morale, etc.
Mgr Fellay procède à une distinction assez fine, qui est dans la ligne des grands théologiens catholiques: il faut bien distinguer les «circonstances» (les motifs qui poussent à décréter une année jubilaire) de l’«essence» (le droit pour tout pape de décréter une année jubiliaire). Une telle confusion ne peut que paralyser la compréhension de certains actes de l’Église.
Dès lors, les fidèles attachés à la Tradition peuvent-ils sans risque de confusion prendre part au Jubilé extraordinaire décidé par le pape ? D’autant plus que cette Année de la miséricorde entend célébrer le 50eanniversaire de Vatican II qui aurait abattu les « murailles » où l’Eglise était enfermée…
Bien évidemment se pose la question de notre participation à cette Année sainte. Pour la résoudre, une distinction est nécessaire : les circonstances qui appellent une Année sainte ou jubilaire, et l’essence de ce qu’est une Année sainte.
Les circonstances sont historiques et liées aux grands anniversaires de la vie de Jésus, en particulier sa mort rédemptrice. Tous les cinquante ans ou même vingt-cinq ans, l’Eglise institue une Année sainte. Cette fois-ci, l’événement de référence pour l’ouverture du jubilé n’est pas seulement la Rédemption – le 8 décembre est forcément lié à l’œuvre rédemptrice commencée en l’Immaculée, Mère de Dieu –, mais aussi le concile Vatican II. Cela est choquant et nous le rejetons fortement, car nous ne pouvons pas nous réjouir mais bien plutôt pleurer sur les ruines occasionnées par ce Concile, avec la chute vertigineuse des vocations, la baisse dramatique de la pratique religieuse, et surtout la perte de la foi qualifiée d’ « apostasie silencieuse » par Jean-Paul II lui-même.
Le pape peut parfaitement ordonner une année sainte:
Toutefois ce qui fait l’essentiel d’une Année sainte, lui, demeure : c’est une année particulière où l’Eglise, sur décision du Souverain Pontife qui détient le pouvoir des clefs, ouvre tout grand ses trésors de grâces afin de rapprocher les fidèles de Dieu, spécialement par le pardon des fautes et la remise des peines dues au péché. L’Eglise fait cela par le sacrement de pénitence et par les indulgences. Ces grâces-là ne changent pas, elles sont toujours les mêmes, et seule l’Eglise, Corps mystique du Christ, en dispose. On peut également noter que les conditions pour obtenir les indulgences de l’Année sainte sont toujours les mêmes : confession, communion, prière aux intentions du pape – intentions traditionnelles et non intentions personnelles. Nulle part dans le rappel de ces conditions habituelles, il n’est question d’adhérer aux nouveautés conciliaires.
Il rappelle la participation de Mgr Lefebvre à l’Année sainte de 1975:
Lorsque Mgr Lefebvre est allé avec tout le séminaire d’Ecône à Rome, lors de l’Année sainte 1975, ce n’était pas pour célébrer les 10 ans du Concile, bien que Paul VI eût rappelé cet anniversaire dans la bulle d’indiction. Mais ce fut l’occasion de professer notre romanité, notre attachement au Saint-Siège, au pape qui – comme successeur de Pierre – a le pouvoir des clefs. A la suite de notre vénéré fondateur, au cours de cette Année sainte, nous nous concentrerons sur ce qui en fait l’essentiel : la pénitence pour obtenir la miséricorde divine par l’intermédiaire de son unique Eglise, malgré les circonstances que l’on a cru devoir invoquer pour célébrer cette année, comme ce fut le cas déjà en 1975, et encore en 2000.
Mgr Fellay procède à une distinction entre « l’essentiel et les circonstances ». Rien n’oblige à approuver les motifs qui poussent à proclamer une Année sainte, mais autre chose est la faculté de proclamer une Année sainte. Elle reste intacte.
On pourrait comparer ces deux éléments, l’essentiel et les circonstances, au contenu et à l’emballage qui l’entoure. Il serait dommageable de refuser les grâces propres à une Année sainte, parce qu’elle est présentée dans un emballage déficient, à moins de considérer que cet emballage n’altère le contenu, que les circonstances n’absorbent l’essentiel, et à moins que, dans le cas présent, l’Eglise ne dispose plus des grâces propres à l’Année sainte à cause des dégâts occasionnés par Vatican II. Mais l’Eglise n’est pas née il y a cinquante ans ! Et, par la grâce du Christ qui est « le même hier, aujourd’hui et éternellement » (Hb 13,8), elle demeure et demeurera, malgré ce Concile d’ouverture à un monde en perpétuel changement…
Un éminent théologien avait écrit: « nous appelerons enveloppement l’état d’un germe dans lequel l’élément de vie se trouve mêlé à des matériaux étrangers ou contraires. De ce point de de vue, négatif, le développement sera l’effort que fait le germe pour se délivrer. Nous appelons esprit l’idée qui anime, qui informe et qui dirige le développement. (…) Autre est l’esprit d’une doctrine, autre l’enveloppe mentale sous laquelle elle paraît (…). Et voilà pourquoi, faute de cette distinction, on risque de s’égarer et de mettre au compte d’un message vital les misères qui n’affectent que son enveloppe. »

C’est une manière de répondre aux « résistants » qui s’abstiennent de participer au Jubilé. Ils ont tort, car même en 1975, Mgr Lefebvre l’avait fait. Il avait même pu accéder aux basiliques romaines et célébrer selon la forme extraordinaire du rite romain. Cet épisode a été un peu oublié, mais il méritait d’être rappelé. Ce qui était possible en 1975 ou en 2000 l’est aussi actuellement…

[Soeurs Missionnaires de Jésus et Marie, fsspx - Tout est Grâce] Encore un 21 novembre...

SOURCE - Soeurs Missionnaires de Jésus et Marie, fsspx - Tout est Grâce - novembre 2015

Comme chaque année maintenant, le 21 novembre est pour nous une journée importante car elle voit notre communauté grandir au pied de l’Autel. Cette année, nos deux postulantes nigérianes ont reçu l’habit et nos deux novices, française et gabonnaise, ont prononcé leurs premiers voeux.

Tout a commencé par une retraite de huit jours prêchée pour une partie de la communauté, par Monsieur l’Abbé Daniel Couture, sur le thème de la Sainte Vierge Marie. En parcourant les mystères de la vie de Notre Dame, nous avons pu approfondir notre connaissance et notre amour envers Celle qui à chaque instant veille sur nous.

Il y a bien des années maintenant que St Joachim et Ste Anne sont venus dans le temple, offrir leur petite Marie pour être toute au Bon Dieu, réservée pour Son service, pour Son Amour.

A notre tour, à la suite de notre Mère, nous venons aussi au “temple”, offrir à Dieu nos vies et nos efforts ou plutôt nos efforts pour vivre pour Lui!

Après l’invocation traditionnelle du Saint Esprit, les postulantes sont appelées et s’approchent de l’Autel. Elles expriment leur désir de recevoir l’habit de la Congrégation.

Le célébrant, Monsieur l’Abbé Alain Marc Nély, bénit alors les Habits, Scapulaires, Voiles et les remet à chaque postulante ainsi qu’un cierge.

Ensemble elles quittent la chapelle pour revêtir leurs Habits.

Grand moment d’attente et ...de suspense avant de voir la nouvelle tête de nos soeurs!

De retour dans la chapelle, les postulantes lisent chacune leur tour le texte d’Oblation marquant leur premier engagement au sein de notre congrégation.

En retour le célébrant leur remet leur nom de religieuse ainsi qu’un chapelet et un crucifix. Le chapelet, comme dit notre Sainte patronne, Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, est “comme une longue chaine qui relie le ciel et la terre”. Une des extrémités est entre nos mains et l’autre dans celles de la Sainte Vierge”. Voilà une arme incroyable dont une soeur missionnaire ne saurait se passer pour déposer les intentions de l’apostolat dans le Coeur de notre mère céleste.

Les deux novices retournent alors à leur place. Commencent alors les deux ans de noviciat pendant lesquelles elles étudieront et découvriront les secrets de la vie religieuse dans le silence du noviciat...

C’est au tour des novices de s’approcher pour leur premiers voeux: moment d’une grandeur infinie qui les unira si intimement à Notre Seigneur.

Ce moment est si grand que le célébrant se met lui aussi à genoux pour demander d’abord l’aide et la lumière de la Sainte Vierge Marie par le chant des litanies.

Le Tabernacle est ensuite ouvert et les novices, chacune leur tour, prononcent pour une durée de trois ans les voeux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Elles recoivent ensuite l’alliance et le titre d’épouses du Christ ainsi que le voile brun des professes et un crucifix, “fondement de la Foi, défense dans l’adversité et étendard perpétuel de la victoire”...

Après la cérémonie, nous avons pu avoir un grand repas dans le jardin entourées des familles, des fidèles et de nombreux prêtres qui nous ont fait la joie de venir... Monsieur l’Abbé Alain-Marc Nély, Second assistant de la FSSPX, venu représenter notre fondateur, Monseigneur Bernard Fellay. L’Abbé Daniel Couture, Supérieur du District du Canada, l’Abbé Loic Duverger, notre supérieur sur le District d’Afrique, L’Abbé Prudent Balou, Prieur de la Mission Saint Pie X au Gabon, venu spé- cialement pour Soeur Clara, l’Abbé Louis Pieronne, le frère de Soeur Hélène Marie, notre aumônier, l’Abbé Rainer Becher, notre confesseur, l’Abbé Nicolas Bély, prieur de Nairobi, l’Abbé Champroux son assistant ainsi que le Frère Remy... C’est en ce moment la pleine saison des pluies… et nous avons donc fini la journée sous un veritable déluge! Des rideaux de pluie ont ainsi symboliquement montré les torrents de grâce qui s’étaient déversés sur notre couvent pendant cette journée!

Pour clore cette fête nous avions préparé quelques chansons. La tradition veut que l’on chante dans la plupart des langues qui sont représentées au noviciat...Il y a donc eu de l’Igbo, du Gabonnais, du Philippin, du Suisse allemand, du français, de l’Italien, de l’Anglais et...du Latin! Nos deux nouvelles professes ont pu recevoir, grâce à la famille de l’une d’elle, une bénédiction apostolique, invoquant “par l’intercession de la Sainte Vierge Marie une nouvelle abondance des grâces divines”...Puis la journée s’est terminée par la prière du chapelet devant le St Sacrement. Que Notre Dame d’Afrique vous garde! Les Soeurs Missionnaires de Jésus et Marie Si vous souhaitez recevoir cette newsletter directement sur votre boite email, envoyez-nous votre adresse email, votre nom et votre pays de residence à sspxkaren@yahoo.com

Les postulantes, les novices et les professes vous assurent de leurs gratitude et de leurs prières!

[Monastère San José (Colombie)] "...pour marquer l’anniversaire des deux ans de notre fondation..." (éditorial)

SOURCE - Monastère San José (Colombie) - Lettre aux Amis et bienfaiteurs - octobre novembre 2015

Chers amis et bienfaiteurs,

Nous vous remercions une fois de plus pour votre aide, vos prières et votre générosité pour le Monastère Saint Joseph. En octobre, en l’honneur de Notre Dame du Très Saint Rosaire et en remerciement pour marquer l’anniversaire des deux ans de notre fondation, nous avons fait notre pèlerinage annuel au sanctuaire national de Notre Dame de Chiquinquirá, en marchant 38 kilomètres. Le nombre de pèlerins cette année a augmenté et nous étions 33! Nous avons aussi eu la joie de voir notre frère Mauro José (Nelson de Lima) recevoir l’habit bénédictin la veille de la Toussaint. Nous avons aussi reçu trois postulants de plus. Notre communauté a grandi et nous sommes maintenant 8 membres venus de 5 pays différents!

Pendant tout le mois de novembre, nous prierons pour vos fidèles défunts sur base des courriers que vous nous avez envoyés.

Nous avons commencé à construire le deuxième étage de notre monastère ce qui va nous permettre d’agrandir l’espace disponible pour être en mesure d’accueillir plus de vocations qui toquent déjà à nos portes. Ce projet comprend 15 cellules supplémentaires avec cabinet de toilette, une bibliothèque et une salle de cours. Nous continuons à compter sur votre soutien!

Pour être en mesure de comprendre la catastrophe en matière de foi et de morale que l’Eglise Conciliaire a amené, en particulier à cause de leur «œcuménisme», et aussi pour comprendre le naufrage progressif mais réel du dernier bastion organisé qui défendait la foi, la FSSPX, naufrage causé par leur esprit de compromis, de silence et d’omission coupable en matière de foi, il est nécessaire d’évoquer une lettre excellente de l’évêque éclairé de Campos, Mgr De Castro Mayer. Monseigneur Lefebvre le tenait en haute estime et considération. Pour s’en rendre compte, il suffit de lire ce que Mgr Lefefebvre écrivait à l’évêque de Campos, le 17 octobre 1987, au sujet de manœuvres romaines dont l’objectif était d’empêcher les consécrations de 1988: «quelque chose de vraiment mystérieux se cache derrière ce changement d’attitude de Rome à notre égard : il n’y a maintenant plus rien à signer! Autorisation des livres liturgiques de 1962 ; reconnaissance de notre oeuvre telle qu’elle est («avec son charisme» comme ils disent) ; acceptation d’une visite amicale dans un but d’information. Pourquoi ce brusque changement? Est-ce à cause de notre intention de sacrer des évêques? Peut-être. On verra bien. Mais nous allons rester vigilants : nous ne leur faisons pas confiance. C’est dommage que vous soyez si éloigné ; sinon j’aurais été vous rendre visite là-bas pour écouter vos conseils et vos avis : ils vont beaucoup me manquer. Je veux vous tenir au courant de ces évènements, parce que nous avons toujours marché main dans la main. Et en ce moment nous n’allons pas marcher sur des chemins différents»

Monseigneur de Castro Mayer (lettre pastorale, 6 janvier 1953) : «de sa nature même, la foi ne se contente pas de ce que certains appellent «les grandes lignes»; mais au contraire, la foi exige l’intégrité et la plénitude. Pour que cela soit plus clair pour vous, je vais vous donner un exemple avec la vertu de chasteté. En ce qui concerne la chasteté, toute concession à ce sujet devient une tâche sombre, et toute imprudence met la vertu en danger. On a comparé une âme pure à une personne qui se tient debout sur une sphère ; tant qu’elle est debout en équilibre sur la sphère, elle n’a rien à craindre, mais tout mouvement imprudent va causer sa chute dans les profondeurs de l’abîme. Et pour cette raison, les moralistes et les auteurs spirituels affirment unanimement que la condition essentielle pour garder la vertu angélique consiste en une prudence attentive et intransigeante. C’est exactement ce qui se passe en matière de foi. Quand un catholique se trouve dans une situation d’équilibre parfait, sa persévérance sera facile et sûre. Néanmoins, cet équilibre ne consiste pas à simplement accepter «les grandes lignes» de la foi ; mais cela consiste plutôt dans la profession de toute la doctrine de l’Eglise, profession fait non seulement des lèvres mais aussi avec toute son âme, qui englobe l’acceptation fidèle, non seulement de ce que le Magistère de l’Eglise enseigne, mais aussi de toutes les conséquences logiques de cet enseignement».

Père Prieur et la Communauté Bénédictine du Monastère de Saint Joseph

[Mgr Fellay, FSSPX - DICI] Interview - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs n°85

SOURCE - DICI - 30 novembre 2015

Chers Amis et Bienfaiteurs,

Ces dernières semaines nous montrent – avec la multiplication d’attentats meurtriers en Europe et en Afrique, avec la persécution sanglante de nombreux chrétiens au Moyen-Orient –, combien la situation dans le monde est profondément troublée. Dans l’Eglise, le récent synode sur la famille et la prochaine ouverture de l’Année sainte ne manquent pas de soulever de légitimes inquiétudes. Face à une telle confusion, il nous a semblé utile de vous faire part de nos réflexions en répondant à vos interrogations. Nous pensons que cette présentation permettra de mieux faire ressortir comment nous qui sommes attachés à la Tradition, nous devons réagir aux problèmes qui se posent aujourd’hui.
Le 1er septembre, le pape François a donné, de son propre chef, la possibilité à tous les fidèles de se confesser aux prêtres de la Fraternité Saint-Pie X, pendant l’Année sainte. Comment interprétez-vous ce geste ? Qu’est-ce qu’il apporte de nouveau à la Fraternité ?
– Nous avons effectivement été surpris par cet acte du Saint-Père à l’occasion de l’Année sainte, car nous l’avons appris, comme tout le monde, par la presse. Comment comprenons-nous ce geste ? Permettez-moi de recourir à une image. Lorsqu’un incendie fait rage, tout le monde comprend que ceux qui en ont les moyens doivent s’efforcer d’éteindre l’incendie, surtout si les pompiers font défaut. C’est ainsi que les prêtres de la Fraternité, pendant toutes les années de cette crise terrible qui secoue l’Eglise sans discontinuité depuis 50 ans, et en particulier face au manque tragique de confesseurs, nos prêtres se sont dévoués auprès des âmes des pénitents, en utilisant le cas d’urgence prévu par le Code de Droit canonique.
L’acte du pape fait que pendant l’Année sainte nous aurons une juridiction ordinaire. Dans mon image, cela consiste à nous donner l’insigne officiel des pompiers, alors que cela nous était contesté depuis des décennies. En soi, pour la Fraternité, ses membres et ses fidèles, cela n’apporte rien de nouveau si ce n’est que cette juridiction ordinaire rassurera les inquiets et tous ceux qui jusqu’ici n’osaient pas s’approcher de nous. Car, comme nous l’avons dit dans le communiqué où nous remercions le pape, les prêtres de la Fraternité ne souhaitent qu’une chose : « exercer avec une générosité renouvelée leur ministère au confessionnal, suivant l’exemple de dévouement inlassable que le saint Curé d’Ars a donné à tous les prêtres ».
A l’occasion du synode sur la famille, vous avez adressé une supplique au Saint-Père, puis une déclaration. Pourquoi ?
– L’objet de notre supplique était d’exposer le mieux possible au Souverain Pontife la gravité de l’heure présente et la portée décisive de son intervention dans des matières morales si importantes. Le pape François en a pris connaissance le 18 septembre, avant son départ pour Cuba et les Etats-Unis, et il nous a fait savoir qu’il ne changerait rien à la doctrine catholique du mariage, en particulier sur l’indissolubilité. Mais ce que nous craignions, c’est que, dans le concret, s’instaure une pratique qui fasse fi de cette indissolubilité du lien matrimonial. Et c’est ce qui est arrivé, d’une part avec le motu proprio de réforme de la procédure de déclaration de nullité du mariage, d’autre part avec le document final de ce synode. D’où ma déclaration qui entendait rappeler l’enseignement constant de l’Eglise sur une multitude de points qui ont été discutés et parfois remis en question durant ce mois d’octobre. Je ne vous cache pas que le triste spectacle qu’a pu donner le synode me paraît particulièrement honteux et scandaleux à plus d’un titre.
Quels sont ces points honteux et scandaleux ?
Eh bien, par exemple cette dichotomie entre la doctrine et la morale, entre l’enseignement de la vérité et la tolérance pour le péché et les situations les plus immorales. Que l’on soit patient et miséricordieux pour les pécheurs, c’est entendu, mais comment se convertiront-ils, si leur situation de péché n’est pas dénoncée, s’ils n’entendent plus parler de l’état de grâce et de son contraire : l’état de péché mortel, qui plonge l’âme dans une mort spirituelle, qui la voue aux tourments de l’enfer ? Si l’on mesurait l’offense infinie que cause le moindre péché grave contre l’honneur de Dieu et sa sainteté, on en mourrait de stupéfaction. L’Eglise doit résolument condamner le péché, tous les péchés, les vices et les erreurs qui corrompent la vérité de l’Evangile. Elle ne doit pas pactiser ou afficher une coupable compréhension pour des comportements scandaleux, pour les pécheurs publics qui attentent à la sainteté du mariage. Pourquoi l’Eglise n’a-t-elle plus le courage de parler ainsi ?
Pourtant il y a eu des initiatives positives à l’occasion de ce synode. Tel le livre de onze cardinaux – après celui de cinq cardinaux l’an passé –, également l’ouvrage des prélats africains, celui des juristes catholiques, le vade-mecum de trois évêques…
Les initiatives heureuses qui sont apparues récemment en faveur de la défense du mariage et de la famille chrétienne donnent une lueur d’espoir. Il y a une réaction salutaire, même si tout n’est pas d’égale valeur. Espérons que cela soit le commencement d’un réveil dans toute l’Eglise qui conduise à un redressement et une conversion de fond.
Avant l’été, dans un sermon à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris, Mgr de Galarreta disait que l’Eglise paraissait commencer à fabriquer des « anticorps » contre les propositions aberrantes qui sont faites par les progressistes au sujet du mariage, s’alignant sur les mœurs actuelles plutôt que de chercher à les redresser selon l’enseignement évangélique. Cette réaction au plan moral est bénéfique. Et comme la morale est intimement liée à la doctrine, cela pourrait être le début du retour de l’Eglise à sa Tradition. C’est l’objet de nos prières quotidiennes !
C’est au nom de la miséricorde que certains, comme le cardinal Kasper, veulent sinon changer la doctrine de l’Eglise sur l’indissolubilité du mariage, au moins en assouplir la discipline sur la communion des divorcés-remariés, ou en modifier le jugement sur les unions contre-nature. Que faut-il penser de toutes ces exceptions soi-disant pastorales ?
L’Eglise peut légiférer, c’est-à-dire établir des lois propres, qui ne sont que des précisions de la loi divine. Mais dans le domaine du mariage dont on débat aujourd’hui, Notre Seigneur a déjà tranché la question de façon claire et nette : « Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni » (Mt 19,6), et tout de suite après : « Celui qui épouse une femme renvoyée, commet un adultère » (Mt 19,9). Donc l’Eglise n’a qu’une chose à faire, rappeler la loi divine et la consacrer dans ses lois ecclésiastiques. En aucun cas, elle ne peut se permettre une quelconque divergence, ce serait manquer à sa mission qui est de transmettre le dépôt révélé. En clair, dans la question présente, l’Eglise ne peut que constater qu’il n’y avait pas de mariage au départ, mais elle ne saurait rendre nul ou dissoudre un mariage valide en soi.
Certes les lois ecclésiastiques peuvent ajouter des conditions nécessaires à la validité d’un mariage, mais toujours en conformité avec la loi divine. L’Eglise pourra ainsi déclarer invalide un mariage par manque de forme canonique, mais jamais elle ne sera maîtresse de la loi divine à laquelle elle est soumise. Et qui plus est, il faut affirmer qu’à la différence de la loi humaine et ecclésiastique, la loi divine ne connaît pas d’exceptions, car elle n’est pas faite par des hommes qui, eux, ne peuvent prévoir tous les cas et sont tenus de laisser la place à des exceptions. Dieu infiniment sage a prévu toutes les situations, comme je l’écris dans la supplique au pape : « La loi de Dieu, expression de son éternelle charité pour les hommes, constitue par elle-même la souveraine miséricorde pour tous les temps, toutes les personnes et toutes les situations. »
Le Motu proprio du 8 septembre qui simplifie la procédure des déclarations de nullité des mariages n’est-il pas une façon de rappeler le principe de l’indissolubilité du mariage, tout en offrant des facilités canoniques pour s’y soustraire ?
Le nouveau Motu proprio réglant les dispositions canoniques concernant les procès en nullité prétend certes répondre à un grave problème actuel : celui des très nombreuses familles brisées par une séparation. Que l’on examine ces cas pour proposer une solution plus rapide, dans la mesure où elle correspond à la loi divine sur le mariage, fort bien ! Mais dans le contexte actuel, celui de la société moderne, sécularisée et hédoniste, et celui des tribunaux ecclésiastiques où l’on pratique déjà ce qui est défendu, ce Motu proprio risque fort de devenir une ratification légale du désordre. Le résultat pourrait être bien pire que le remède préconisé. Je crains fort que l’un des points clés du synode n’ait été résolu par la « petite porte », celle qui ouvre la voie à un prétendu « divorce catholique » car, dans les faits, on s’expose à beaucoup d’abus, spécialement dans les pays où les épiscopats sont peu regardants et gagnés au progressisme et au subjectivisme…
L’Année sainte qui doit s’ouvrir le 8 décembre prochain, n’est-elle pas placée sous le signe d’une miséricorde où le repentir et la conversion seraient absents ?
Il est vrai que, dans le climat actuel, l’appel à la miséricorde, prend trop facilement le pas sur l’indispensable conversion, qui réclame la contrition de ses fautes et l’horreur du péché, offense faite à Dieu. C’est ainsi que, comme je le déplorais dans la dernière Lettre aux amis et bienfaiteurs (n°84), le cardinal hondurien Maradiaga se fait l’écho complaisant d’une nouvelle spiritualité où la miséricorde est tronquée, coupée d’une nécessaire pénitence qui n’est presque jamais rappelée.
Cependant, en lisant de près les différents textes publiés au sujet de l’Année sainte, et notamment la bulle d’indiction du Jubilé, on voit que la pensée fondamentale de la conversion et de la contrition des péchés pour obtenir le pardon est présente. Malgré la référence à une miséricorde équivoque qui consisterait à rendre à l’homme plus sa « dignité incomparable » que l’état de grâce, le pape veut favoriser le retour de ceux qui ont quitté l’Eglise, et multiplie les initiatives concrètes pour faciliter le recours au sacrement de pénitence. Malheureusement, il ne se demande pas pourquoi tant de gens ont quitté l’Eglise ou ont cessé de pratiquer, et s’il n’y a pas un rapport avec un certain Concile, son « culte de l’homme » et ses réformes catastrophiques : l’œcuménisme débridé, la liturgie désacralisée et protestantisée, le relâchement de la morale, etc.
Dès lors, les fidèles attachés à la Tradition peuvent-ils sans risque de confusion prendre part au Jubilé extraordinaire décidé par le pape ? D’autant plus que cette Année de la miséricorde entend célébrer le 50e anniversaire de Vatican II qui aurait abattu les « murailles » où l’Eglise était enfermée…
Bien évidemment se pose la question de notre participation à cette Année sainte. Pour la résoudre, une distinction est nécessaire : les circonstances qui appellent une Année sainte ou jubilaire, et l’essence de ce qu’est une Année sainte.
Les circonstances sont historiques et liées aux grands anniversaires de la vie de Jésus, en particulier sa mort rédemptrice. Tous les cinquante ans ou même vingt-cinq ans, l’Eglise institue une Année sainte. Cette fois-ci, l’événement de référence pour l’ouverture du jubilé n’est pas seulement la Rédemption – le 8 décembre est forcément lié à l’œuvre rédemptrice commencée en l’Immaculée, Mère de Dieu –, mais aussi le concile Vatican II. Cela est choquant et nous le rejetons fortement, car nous ne pouvons pas nous réjouir mais bien plutôt pleurer sur les ruines occasionnées par ce Concile, avec la chute vertigineuse des vocations, la baisse dramatique de la pratique religieuse, et surtout la perte de la foi qualifiée d’ « apostasie silencieuse » par Jean-Paul II lui-même.
Toutefois ce qui fait l’essentiel d’une Année sainte, lui, demeure : c’est une année particulière où l’Eglise, sur décision du Souverain Pontife qui détient le pouvoir des clefs, ouvre tout grand ses trésors de grâces afin de rapprocher les fidèles de Dieu, spécialement par le pardon des fautes et la remise des peines dues au péché. L’Eglise fait cela par le sacrement de pénitence et par les indulgences. Ces grâces-là ne changent pas, elles sont toujours les mêmes, et seule l’Eglise, Corps mystique du Christ, en dispose. On peut également noter que les conditions pour obtenir les indulgences de l’Année sainte sont toujours les mêmes : confession, communion, prière aux intentions du pape – intentions traditionnelles et non intentions personnelles. Nulle part dans le rappel de ces conditions habituelles, il n’est question d’adhérer aux nouveautés conciliaires.
Lorsque Mgr Lefebvre est allé avec tout le séminaire d’Ecône à Rome, lors de l’Année sainte 1975, ce n’était pas pour célébrer les 10 ans du Concile, bien que Paul VI eût rappelé cet anniversaire dans la bulle d’indiction. Mais ce fut l’occasion de professer notre romanité, notre attachement au Saint-Siège, au pape qui – comme successeur de Pierre – a le pouvoir des clefs. A la suite de notre vénéré fondateur, au cours de cette Année sainte, nous nous concentrerons sur ce qui en fait l’essentiel : la pénitence pour obtenir la miséricorde divine par l’intermédiaire de son unique Eglise, malgré les circonstances que l’on a cru devoir invoquer pour célébrer cette année, comme ce fut le cas déjà en 1975, et encore en 2000.
On pourrait comparer ces deux éléments, l’essentiel et les circonstances, au contenu et à l’emballage qui l’entoure. Il serait dommageable de refuser les grâces propres à une Année sainte, parce qu’elle est présentée dans un emballage déficient, à moins de considérer que cet emballage n’altère le contenu, que les circonstances n’absorbent l’essentiel, et à moins que, dans le cas présent, l’Eglise ne dispose plus des grâces propres à l’Année sainte à cause des dégâts occasionnés par Vatican II. Mais l’Eglise n’est pas née il y a cinquante ans ! Et, par la grâce du Christ qui est « le même hier, aujourd’hui et éternellement » (Hb 13,8), elle demeure et demeurera, malgré ce Concile d’ouverture à un monde en perpétuel changement…
Dans plusieurs déclarations récentes vous semblez vouloir anticiper, en invitant à préparer dès maintenant le 100e anniversaire de Fatima. Pourquoi ?
Dans les perspectives évoquées ici et pour insister sur l’urgence de la conversion, nous avons pensé lier ces bonnes œuvres de miséricorde corporelle et spirituelle auxquelles nous sommes invités cette année, avec le centenaire des apparitions de Fatima, où Notre Dame a tant insisté sur la nécessité de la conversion, de soi-même et du monde, sur la nécessité des œuvres de pénitence et sur la prière, spécialement le Rosaire. L’imploration de la miséricorde divine est étroitement liée aux apparitions de Fatima : la Sainte Vierge nous a invités à prier et à faire pénitence, c’est ainsi que nous obtiendrons miséricorde, et pas autrement. Il me semble tout à fait salutaire de relier ainsi les deux années à venir en en faisant deux ans d’efforts pour nous rapprocher aussi bien de la Très Sainte Vierge Marie que de Notre Seigneur, du Cœur Immaculé de Marie que du Sacré Cœur miséricordieux.
La Fraternité Saint-Pie X organisera un pèlerinage international à Fatima les 21-23 août 2017. Mais d’ores et déjà, nous pouvons et même nous devons nous préparer, surtout lorsque la morale catholique est gravement mise à mal.
Plus que jamais, en ce jour du 21 novembre qui est un grand anniversaire pour nous, celui de la déclaration de Mgr Lefebvre, en 1974, – véritable charte de notre combat pour l’Eglise de toujours –, gardons en toutes circonstances, et quelles que soient les difficultés, les épreuves, une attitude catholique. Ayons les pensées de l’Eglise, soyons fidèles à Notre Seigneur, restons attachés à son Saint Sacrifice, à ses enseignements, à ses exemples. Je lisais hier que le cardinal Müller, le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, craignait une « protestantisation de l’Eglise ». Il a raison. Mais qu’est-ce que la nouvelle messe, sinon une protestantisation de la messe de toujours ? Et que penser du pape qui, comme ses prédécesseurs, se rend dans un temple luthérien ? Lorsqu’on voit comment se prépare le cinq-centième anniversaire de la Réforme protestante, en 2017, comment la figure de Luther est désormais saluée, lui qui fut l’un des plus grands hérésiarques et schismatiques de l’histoire, férocement opposé à l’Eglise catholique et romaine, il y a de quoi s’y perdre ! Vraiment, Mgr Lefebvre voyait juste lorsqu’il affirmait que « la seule attitude de fidélité à l’Eglise et à la doctrine catholique, pour notre salut, est le refus catégorique d’acceptation de la Réforme », parce qu’entre la réforme entreprise par Vatican II et celle de Luther, il y a plus d’un point commun. Et, à sa suite, nous redisons que « sans aucune rébellion, aucune amertume, aucun ressentiment nous poursuivons notre œuvre de formation sacerdotale sous l’étoile du magistère de toujours, persuadés que nous ne pouvons rendre un service plus grand à la Sainte Eglise catholique, au Souverain Pontife et aux générations futures ».
C’est ce que vous comprenez fort bien, chers Amis et Bienfaiteurs de la Fraternité Saint-Pie X. Vos prières ferventes, votre générosité admirable et votre dévouement constant sont pour nous un soutien précieux. Grâce à vous l’œuvre de Mgr Lefebvre se développe partout. De tout cœur, soyez en remerciés.
Nous prions Notre Dame de vous obtenir toutes les grâces dont vous avez besoin. Nous demandons au Bon Dieu de vous accorder ses bénédictions pour vous et vos familles, afin que vous vous prépariez à la grande fête de Noël par un saint Avent, et que vous confiiez l’année qui vient, avec ses joies et ses croix, à notre Mère du Ciel.

En la fête de la Présentation de la Sainte Vierge, le 21 novembre 2015.
+ Bernard Fellay

29 novembre 2015

[Mgr Bernard Fellay - DICI] Visitez et faites connaître le site sur Mgr Marcel Lefebvre

SOURCE - DICI - 29 novembre 2015

29 novembre 1905 – 29 novembre 2015, en ce 110e anniversaire de la naissance de Mgr Marcel Lefebvre nous sommes heureux de vous faire part du lancement d’un site à la mémoire de notre vénéré fondateur.

Ce site est accessible aujourd’hui. Il veut être avant tout un hommage filial à notre père bien aimé, en un temps où beaucoup, même dans la Fraternité Saint-Pie X, n’ont pas connu Monseigneur.

On y trouve une présentation, en quatre langues, des lieux et principaux événements qui marquèrent le déroulement de sa vie. Ce site contient des photos, des vidéos et des enregistrements qui nous le rendent plus proche. Les textes rédigés par Mgr Bernard Tissier de Mallerais, son biographe, nous font entrer dans la profondeur de son âme d’apôtre, de missionnaire, de serviteur de l’Eglise.

Mais ce site se veut aussi un moyen d’apostolat. Alors que beaucoup découvrent la Messe et la Tradition, il importe que Mgr Lefebvre soit pour eux davantage qu’un nom. La consultation du site ne remplacera pas la lecture de sa biographie ou de ses œuvres, mais elle devrait y conduire.

Puisse marcellefebvre.info, faire naître dans les cœurs l’amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ au contact de la vie de celui qui – nous en sommes certains – sera un jour un saint à imiter, un intercesseur à prier.

J’adresse mes sincères félicitations et j’assure de ma profonde reconnaissance tous ceux qui, par leur travail patient, ont permis à cette belle œuvre de voir le jour.

Menzingen, le 29 novembre 2015
+ Bernard Fellay

28 novembre 2015

[Mgr Williamson - Initiative St Marcel] Novus Ordo Missae - II

SOURCE - Mgr Williamson - Initiative St Marcel - 28 novembre 2015

Là où les miracles eucharistiques s’observent
Dieu montre qu’Il est réellement présent.

Les faits sont des réalités obstinées – pour autant qu’ils sont vraiment des faits. Si des lecteurs doutent que le miracle eucharistique de 1996 à Buenos Aires ait été un fait, qu’ils fassent leur propre recherche (e.g. http://​youtu.​be/​3gPAbD43fTI). Mais si leur recherche ne les convainc pas, qu’ils considèrent un cas semblable à Sokólka en Pologne où tout un centre de pèlerinage a vu le jour en 2008 autour d’un miracle eucharistique (e.g. www.jloughnan.tripod.com/sokolka.htm). Et un peu plus de recherche sur l’Internet découvrirait sûrement les récits de plusieurs autres miracles dans le cadre du Novus Ordo, dont au moins quelques-uns auront été authentiques.

Mais comment est-ce possible ? Les Catholiques traditionnels boivent avec le lait de leur mère le fait que le nouveau rite de la Messe (NOM) est une abomination aux yeux de Dieu et a contribué à la perte de la Foi chez d’innombrables fidèles. Ceci s’explique parce que le NOM, comme Vatican II qu’il a suivi, est ambigu, favorise l’hérésie et a fait sortir de l’Église d’innombrables âmes, lesquelles, par l’assistance régulière au rite protestantisé, sont devenues virtuellement des Protestants. La plupart des Catholiques traditionnels devraient bien connaître le sérieux du problème doctrinal de ce nouveau rite, conçu pour diminuer les doctrines catholiques essentielles de la Présence Réelle, du Sacrifice propitiatoire et du sacerdoce sacrificateur, entre autres. Alors comment Dieu peut-Il en profiter pour faire des miracles eucharistiques et par là, par exemple, faire de Sokólka un centre national de pèlerinage des Polonais ?

Doctrinalement, le NOM est ambigu, à mi-chemin entre la religion de Dieu et la religion Conciliaire de l’homme. Or, en matière de Foi, l’ambiguïté est mortelle, étant conçue normalement pour saper la Foi, comme le fait fréquemment le NOM. Mais, tout comme l’ambiguïté est ouverte précisément à deux interprétations, ainsi le NOM n’exclut pas absolument l’ancienne religion. Aux mains d’un prêtre dévot, ses ambiguïtés peuvent s’orienter dans le sens catholique. Cela ne rend pas le NOM acceptable pour autant, car son ambiguïté intrinsèque favorise toujours la nouvelle religion, mais cela signifie, par exemple, que la Consécration peut toujours être valide, ce que Mgr Lefebvre n’a jamais nié. En outre, si les miracles eucharistiques sont authentiques, la Consécration des évêques et l’Ordination des prêtres dans le Novus Ordo ne sont manifestement pas toujours invalides. Bref, le NOM, en tant que tel, est mauvais dans l’ensemble et mauvais dans ses parties, mais pas mauvais dans toutes ses parties.

Imaginons un instant, avec le plus grand respect, comment le Bon Dieu considère ce nouveau rite de la Messe. D’une part, Dieu aime son Église comme la prunelle de Ses yeux, et Il la préservera jusqu’à la fin du monde (S. Mt. XVI, 18). D’autre part, Il choisit d’en confier le gouvernement à des hommes d’église faillibles et humains qu’Il voudra bien guider, mais au libre-arbitre desquels Il accorde une dose remarquable de liberté pour la gouverner bien ou mal, à commencer par la trahison de Son propre Fils. Or, la Révolution de notre époque, qu’elle soit des Juifs, des Francs-maçons, des Communistes ou des Globalistes, a toujours trouvé dans l’Église son adversaire principal, et elle a toujours cherché à travailler surtout les responsables de l’Église pour que celle-ci s’effondre. Sa plus terrible réussite fut Vatican II et son NOM, lesquels furent certainement la faute plutôt des bergers que des moutons. « Le fort est trahi par ceux même qui auraient dû le défendre », nous dit saint John Fisher lors d’une trahison comparable au moment de la Réforme. Comment donc Dieu s’occupera-t-il de Ses moutons, dont la plupart – pas tous – sont relativement innocents de la trahison Conciliaire ?

Après Vatican II, quelques prêtres et laïcs eurent immédiatement la grâce de voir ce qu’était Vatican II comme trahison, et dans l’espace de quelques années le mouvement Traditionaliste était sur pied. À d’autres moutons, Dieu donna la grâce de le voir, mais plus tard. Or, ne pouvons-nous pas tous admettre qu’il y a beaucoup de bons Catholiques qui ont fait confiance à leur Évêque, comme il se doit faire normalement ? Et ses Évêques n’ont-ils pas insisté sur le mensonge que le NOM n’était en rien différent de la vraie Messe ? Car ce qui spécifie Vatican II et le NOM a été précisément l’officialisation de l’hérésie moderniste au sein de l’Église. N’est-il pas alors raisonnable qu’en punition de leur amour du monde moderne, ces moutons perdissent en grande partie le véritable rite de la Messe, alors qu’en récompense de leur amour encore catholique pour la Messe ils n’en perdissent pas toute la validité ? Mais l’avenir de l’Église dépend de ces âmes qui comprennent à fond la Révolution, et qui rejettent complètement toutes les ambiguïtés de Vatican II et du NOM.

Kyrie eleison.

[Abbé Michel Simoulin, fsspx - Le Seignadou] Dieu dans la famille

SOURCE - Le Seignadou - décembre 2015

Au terme de cette année où il a été beaucoup question de la famille, et où nous avons eu la belle joie de vénérer la sainteté de Louis et Zélie Martin, parents de Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus, j’aimerais vous faire connaître rapidement une sainte mère de famille, inconnue en France, au point qu’il n’existe aucun ouvrage en français consacré à Elizabeth Vaughan. Elle était anglaise et c’est donc outre-manche qu’il faut aller chercher quelques informations sur ce que fut sa vie. Mais, auparavant, quelques pensées relatives aux pères et mères de famille, glanées çà et là.

Combien de fiancés ont dit à l’élue de leur cœur ? « Je ne me marie pas avec vous parce que je vous aime, mais pour vous aimer. » ou encore « Je ne veux que la seconde place en votre cœur. Jésus-Christ doit occuper la première. » Et combien de pères chrétiens pourraient dire vraiment à leurs épouses ces nobles paroles ? « Madame, apprenez que je vous aimerais moins si je n’aimais Dieu plus que vous ».

Relevons aussi quelques lignes de Louis Veuillot donnant sa fille à Dieu.
« A dieu ! mon enfant bien-aimée et bénie et amère. Je t'assure que je suis très amoureusement soumis à la volonté du Bon Dieu sur toi et sur moi. Rien ne me fait plus de peine et de joie que ta résolution. Je ne peux m'y habituer en aucun sens. La joie est dans mon âme et ne peut entrer dans mon cœur: la peine est dans mon cœur et ne peut troubler mon âme. Les deux sentiments se confondent et chacun reste entier et distinct, et il me semble que je ne saurai et ne voudrai jamais perdre ni l'un ni l'autre. En vérité, mon enfant, j'ignorais à quel point tu m'es chère. C'est encore une joie et une douleur de le sentir. Je suis content et désolé de tout ce que tu me fais donner au Bon Dieu. Quand tu étais petite et que tu faisais présent à quelqu'un d'une épingle ou d'une paille, tu disais : "Je vous le donne, mais pas pour tout à fait !" J'en suis à peu près là. Je dirais bien au Bon Dieu : pas pour tout a fait ! Cependant, Dieu sait que c'est pour tout à fait, s'il le veut comme toi, et même de bon cœur. »

Ton ancien père – Du lieu quelconque de notre exil – un jour quelconque de notre existence terrestre – Dieu soit béni ! »
Et encore, du même Louis Veuillot :
« Ma très honorée dame et très chère fille, ta diligente petite lettre m'a ravi. J'approuve que tu t'appauvrisses de tout, et j'en loue Dieu: mais j'aime bien que tu gardes un petit coin de ton cœur a ton pauvre père. Laisse-le toujours là. Il considère que c'est sa place à l'église et à la messe. Il s'y tient bien, avec la déférence, le respect et l'esprit de pauvreté et d'humilité qui conviennent à la petitesse mais aussi à la dignité de son état. Je t'assure qu'il est bon et doux de penser qu'on est le père d'une religieuse. Cela rabaisse et relève en même temps. Quelle grande dame est devenue ce chiffon de Lulu ! Quelle splendeur ! Quelle majesté ! Elle sera dans le cortège spécial de l'Agneau: elle chantera ses louanges éternellement: Il entendra sa voix distinctement, Il en sera charmé, et, en même temps, elle est ma fille et j'ai fourni quelque chose de ses parures immenses et immortelles ! Elle est Marie-Luce, mais elle a été Luce Veuillot et elle s'en souviendra aussi longtemps que le Roi du ciel se souviendra d'avoir été Jésus de Nazareth. Voilà sur quelles échasses Louis Veuillot est perché pour de perpétuelles éternités. Je pense à tout cela en écoutant le grand bruit de la mer, et cela rehausse fameusement ma situation actuelle de grain de sable ... Adieu, mon enfant. Prie Dieu de me donner plus d'amour pour lui.
Pour toi, j'ai ce qu'il faut. Plus, tu ne voudrais pas. Ton père. »
Voyons un peu du côté des mères.

À Saint-Maximin, la maman d’un jeune frère dominicain pleurait en accompagnant son fils au couvent. Ému par les larmes de cette femme, le père Lagrange lui dit : « Madame, ma mère me disait : une mère ne connaît toutes les joies de la maternité que lorsqu’elle a un fils prêtre. » Loin de quitter et de perdre son enfant, cette mère allait découvrir une nouvelle facette de sa maternité.

Dom Guillerand écrivait sur ce sujet :
« Nous avons tous un jour, plus ou moins, brisé les cœurs de ceux que nous aimions le plus au monde et nous en avons été brisés. Ceux-là seuls qui ont manié des âmes savent combien il faut les estimer pour les faire souffrir.  Il le faut néanmoins pour les amener au céleste sourire du divin crucifié.
L'amour de Dieu n'éteint pas les tendresses légitimes, il ne s'y oppose qu'en apparence. Quand il s'empare d'une âme et l'emporte loin d'un foyer très cher, il laisse intact l'attachement à ce foyer et aux êtres qui le peuplent. Cette âme songe que derrière les murs d'un cloître, dans le silence d'une cellule, en confiant à Dieu le soin de dire à ces êtres sa tendresse et de réaliser à leur égard le rêve de sa tendresse, elle fait pour eux bien plus que sa présence matérielle ne pouvait leur assurer. »
Mais revenons à notre Elizabeth Vaughan, que tous désignent avec le diminutif Eliza. Née le 8 octobre 1810 dans une famille protestante, elle fut très impressionnée, lors d’un séjour en France, par le soutien exemplaire que l’Eglise Catholique apportait aux pauvres, et elle se mit à fréquenter les offices catholiques. Elle fit ensuite la connaissance d’un officier catholique, le colonel John Francis Vaughan, et elle l’accompagnait parfois à la messe.  Selon les lois en vigueur, c’est dans l’église anglicane de St. Mary qu’eut lieu leur mariage le 12 juillet 1830. Malgré la forte résistance de ses parents, Eliza se convertit formellement au catholicisme, et reçut le baptême sous condition le 31 octobre  1830. Eliza n’avait pas pris cette décision parce qu’elle appartenait désormais à une famille anglaise connue, de tradition catholique, mais bien motivée par une ferme conviction personnelle. Convertie du plus profond de son cœur et remplie de zèle, Eliza proposa alors à son mari de donner leurs enfants à Dieu. Cette femme de grande vertu priait chaque jour une heure devant le Saint Sacrement dans la chapelle de la résidence familiale. Elle demandait à Dieu une famille nombreuse et beaucoup de vocations religieuses parmi ses enfants. Elle fut exaucée ! Elle eut 14 enfants et mourut peu après la naissance du dernier, le 24 janvier 1853. Des 13 enfants (un mourut en bas âge), dont 8 garçons, 6 devinrent prêtres : 2 religieux, un prêtre diocésain, un évêque, un archevêque et un cardinal. Des 5 filles, quatre entrèrent dans la vie religieuse.

La prière et la Sainte Messe dans la chapelle de la maison faisaient partie de la vie quotidienne, tout comme la musique, le sport, le théâtre, l’équitation et les jeux. Eliza se faisait aussi accompagner de ses enfants pour les visites et les soins aux malades et aux personnes souffrantes du voisinage. C’était pour eux l’occasion d’apprendre à être généreux, à faire des sacrifices et à donner aux pauvres leurs économies ou leurs jouets.

Quand Herbert, le fils aîné, à 16 ans, annonça à ses parents vouloir devenir prêtre, les réactions furent contrastées. Sa mère, qui avait beaucoup prié pour cela, sourit et dit : « Mon fils, je le savais depuis bien longtemps. » Son père eut besoin d’un peu plus de temps. Il avait fondé de grandes espérances sur son fils aîné, l’héritier de la maison, et avait pensé pour lui à une brillante carrière militaire. Comment pouvait-il imaginer qu’Herbert, un jour, deviendrait l’archevêque de Westminster, fondateur en 1866 des Missionnaires de Saint-Joseph (missionnaires de Mill Hill) et plus tard Cardinal ? Il se laissa convaincre et écrivit à un ami : « Si Dieu veut Herbert pour Lui, Il peut avoir aussi tous les autres. »

Elle mourut peu après la naissance du quatorzième enfant, John, qui sera prêtre et évêque. Deux mois après sa mort, le colonel Vaughan, convaincu que son épouse avait été un don de la providence, écrivait dans une lettre :
« Aujourd’hui, pendant l’adoration, je remerciais le Seigneur d’avoir pu Lui redonner mon épouse bien aimée. Je Le remerciais de tout mon cœur de m’avoir donné Eliza comme modèle et guide ; je suis encore uni à elle par un lien spirituel indestructible. Quelle merveilleuse consolation et quelle grâce ne me donne-t-elle pas ! Je la vois encore, comme je l’ai toujours vue devant le Saint Sacrement avec cette pure et humaine gentillesse qui illuminait son visage pendant la prière. »
Saint temps de l’Avent ! Sainte et belle année chrétienne à tous et à toutes nos chères familles.

[Traditionalistes (blog)] MPI: les Jawad du net

SOURCE - Traditionalistes (blog) - 28 novembre 2015

Plus c’est gros et plus ça passe! Le site Medias-Presse.Info a l’habitude de faire état de sa progression. Il serait devenu le 577e site le plus fréquenté de France. Et le site affirme avoir dépassé Fdesouche et Le Salon Beige, ni plus, ni moins! En se targuant d’un tel classement, les animateurs de MPI seront obligés la prochaine fois de reconnaître qu’ils ont dépassé Google, Facebook, la SNCF et Amazon.

Tâchons de servir un peu la vérité si malmenée…

Ce qui est étonnant, c’est qu’aucune mesure gouvernementale ne s’est jamais intéressée à MPI qui est l’organe de Civitas. Bizarre pour un site qui serait si influent? Lors des derniers appels de l’institut à manifester et qui ont été diffusés par le site, il n’y avait guère plus de 28 personnes dans la rue. Curieux pour un site qui revendique des dizaines de milliers de visiteurs? Chaque connexion s’ouvre par un appel aux dons qui peine à décoller et le site est obligé de subir des publicités qui ne collent pas vraiment avec ses idées. Ajoutons que les sites qui auraient été dépassés ont des dizaines de commentaires pour chaque article, quand MPI en a souvent 0, 1 ou 2… Bref, nonobstant l'intérêt éventuel du contenu, et sans se prononcer sur la qualité rédactionnelle, on peut s'étonner: MPI, une page ultra-fréquentée? Ce n’est pas franchement crédible. D'autres bloggeurs corroborent cette idée, puisqu'ils voient le nombre... restreint de visiteurs arrivant chez eux par les liens en provenance de MPI.

Pour un site qui se dit catholique et qui dit vouloir informer «sans concession», raconter des boulettes fait plutôt tâche. Car cette revendication se base sur le seul moteur de classement "Alexa", un site américain qui ne fait pas de petit profit. Il n’est pas compliqué de doper son résultat en installant ne serait-ce qu'un seul mesureur agréé par Alexa sur un smartphone par définition mobile, et de lancer un explorateur de site. C’est une façon d’intoxiquer son monde parmi beaucoup d’autres! Le problème c’est que les autres sites mesurant la fréquence des blogs placent manifestement MPI à un niveau beaucoup plus réaliste et estiment ses visites 10 à 20 fois moindres que celles de Fdesouche ou du Salon Beige. Cette guéguerre concurrentielle est assez puérile. Jouer la chétive pécore n’apportera pas grand succès à MPI. Mais ses animateurs ont montré par le passé qu’ils savaient utiliser des moyens qui n’étaient pas toujours bien catholiques.

Reste qu'à défaut de croire forcément elle-même à ses chiffres, l'équipe de Medias Presse Info semble penser que le public y croira, ce qui donne une indication de l'univers mental dans lequel elle évolue.

26 novembre 2015

[Disputationes Theologicae] L’«intercommunion» avec les Luthériens - Réflexions de Mgr Gherardini

SOURCE - Disputationes Theologicae - 26 novembre 2015

Dans les derniers articles nous avons cherché à indiquer la gravité des théories qui prônent un accès sans distinction à l’Eucharistie, des théories qui souvent sous-entendent une notion de l’Eglise catholique - mais aussi de l’Eucharistie - qui à bien regarder n’est plus catholique. La connexion intime entre les deux dogmes fait que de telles attaques engagent inévitablement l’une et l’autre vérité. Sur ce même terrain doctrinal naît la possibilité d’admettre la dite « intercommunion » avec les Luthériens. A ce sujet nous publions la réponse de Mgr Brunero Gherardini, qui pendant des années a tenu la chaire d’Ecclésiologie et Œcuménisme à l’Université Pontificale du Latran, en écrivant de nombreux essais sur cette matière et en offrant souvent ses consultations sur ce thème aux Dicastères romains. Des expressions synthétiques du théologien il ressort combien est inquiétante la diffusion de certaines thèses et de la praxis du «fait accompli», surtout sur le plan ecclésiologique.
Qu’entend-on par «intercommunion» ?
« Pour répondre de la façon adéquate en analysant aussi les documents les plus récents il faudrait non pas un article, non pas plusieurs articles, mais une monographie entière. Que l’on remarque avant toute chose l’impropriété du terme, non seulement parce que l’idée d’intercommunion contient déjà en soi une référence claire à l’idée de participation et donc n’a pas besoin d’être soulignée par le préfixe inter, mais aussi parce que son domaine sémantique s’étend, selon la tradition chrétienne la plus antique, du sacrement eucharistique aux églises singulières, en se colorant d’une forte tonalité ecclésiologique. Bref, le terme indique non seulement la consommation des offrandes sacramentelles, mais aussi un rapport entre église et église, ou entre confession et confession ».
Que comporte une telle théorie et que veut-elle signifier ?
« Je dirai tout de suite que par intercommunion il faut entendre la traduction synthétique quoique non pas omnicompréhensive de l’expression classique communicatio in sacris. Ceux qui sont séparés de l’unité visible de l’Eglise ou par schisme ou par hérésie, sont par cela même empêchés, ou mis à l’écart de la communion ecclésiale, et par conséquent de la communion eucharistique aussi ; comme tels, ils ne peuvent ni participer à la liturgie des catholiques, ni communier à la table eucharistique de ces derniers, de la même façon que les catholiques sont empêchés de participer au culte des schismatiques et des hérétiques. Cette doctrine et la praxis qui en découle, se trouvent en face de la situation d’aujourd’hui, qui a fleuri dans les milieux œcuméniques et qui tend à s’opposer aux limites de la communicatio in sacris. Cette tendance laisse souvent libre court à une «scapigliatura ecumenica » («œcuménisme ébouriffé » ndr) et l’intercommunion, scandale pour les uns et enthousiasme pour les autres, devient chose faite : presque le signe de l’unité souhaitée qui de telle sorte aurait son commencement ».
L’intercommunion avec les Luthériens est-elle possible ?
« Au sujet de la communion entre catholiques et frères séparés en tant qu’héritiers de la Réforme ou des églises inspirées par elle, c’est leur refus des sacrements et de la théologie de la transsubstantiation et donc de la présence substantielle qui rend illicite et insensé toute communicatio in sacris avec les catholiques ».
Est-ce que le sentiment prend la place de la doctrine ?
« Dans une matière aussi délicate, la tension émotionnelle n’est pas bonne conseillère. J’apprécie Von Allmen lorsque, en se soustrayant à l’émotion, il veut traiter de ce sujet « une bonne fois pour toute, sans subterfuge, ni à demi-mot ». Et cela même au prix d’une clarté brutale. Œcumeniquement parlant, c’est justement cela qui semble manquer aux protagonistes du dialogue interconfessionnel. Je sais bien moi aussi que le témoignage des chrétiens, divisés sur le fondement de leur foi elle-même, est moins crédible, et en plus moins efficace. Mais une intercommunion « à tout prix » ne sera pas le motif d’une plus grande crédibilité et efficacité de leur part ».
La Rédaction de Disputationes Theologicae

[Riposte Catholique] Ordination pour l’Institut du Christ Roi

SOURCE - Riposte Catholique - 26 novembre 2015

Comme nous l’avons indiqué il y a quelques semaines, l’abbé Pierre Bivouli, diacre de l’Institut du Christ Roi originaire de Mouila au Gabon, est ordonné prêtre ce jeudi 26 novembre en l’église Saints Michel et Gaétan de Florence par le cardinal Raymond Burke, patron de l’Ordre Souverain de Malte. En 2015, 12 diacres ont été ordonnés prêtres pour l’Institut du Christ Roi.

[Dominicains d'Avrillé] Faut-il faire le jubilé de la miséricorde?

SOURCE - Dominicains d'Avrillé - 26 novembre 2015

Il semble qu’il faille participer au jubilé extraordinaire de la miséricorde :
1. Lorsque les écluses de la grâce sont grandes ouvertes, il faut la recevoir en abondance. Une Année sainte est une grande grâce pour tous les membres de l’Église.

2. Le concile de Trente « enseigne et ordonne que l’usage des indulgences, très salutaire pour le peuple chrétien et approuvé par l’autorité de ce saint concile, soit conservé » (DS 1835) ; le code de droit canon dit : « Tous feront grand cas des indulgences » (can. 911). Il serait paradoxal que, parce que nous ne voulons rien avoir affaire avec ce concile raté que fut Vatican II, nous en arrivions à faire fi d’une vérité proclamée au concile de Trente et encouragée par toute la Tradition de l’Église.

3. Selon saint Alphonse de Liguori : « Pour devenir un saint, il suffit de gagner le plus d’indulgences possibles » (cité par le Manuel des Indulgences. thésaurisons pour le Ciel. éd. D.F.T., 2005, p. 6).

4. Personne ne risque son salut en participant au jubilé de la miséricorde, sauf à remettre en doute le pouvoir des clefs dont François est le légitime détenteur.

5. « Quand bien même la remise de la peine serait faite de façon déraisonnable, l’intéressé n’en gagne pas moins l’indulgence dans sa totalité » (saint Thomas d’Aquin, Suppl., q. 25 a. 2, ad 1).

6. Pour qu’une circonstance affecte le jubilé et le dénature, il faudrait qu’elle en devienne l’objet ou la fin spécifique. Or les conditions d’obtention de l’indulgence telles qu’elles ont été énoncées sont traditionnelles : visite d’une église jubilaire, confession, communion, récitation du Credo et prière aux intentions du Souverain Pontife (comme le Pater ou la prière du jubilé).

7. La joie du jubilé ne consiste pas à se réjouir du concile Vatican II, mais de la grâce répandue par le chef de l’Église qui puise dans le trésor des mérites infinis du Christ et de tous les saints. La grâce répandue à profusion sera toujours un motif de joie pour ceux qui sont bien disposés à la recevoir.

8. Mgr Lefebvre et le séminaire d’Écône se sont rendus au grand pèlerinage organisé à Rome lors de l’Année sainte 1975. De même la Fraternité Saint-Pie X en 2000. Et pourtant, en 1975 le Vatican avait signalé que l’Année sainte « coïncidait avec le dixième anniversaire de la clôture du deuxième Concile œcuménique du Vatican », et la bulle d’indiction de l’Année sainte 2000 indiquait qu’à l’occasion de l’entrée dans le nouveau millénaire, « il fallait revenir avec une fidélité raffermie à l’enseignement du concile Vatican II ».
Sed contra :
Ce jubilé est organisé par l’Église conciliaire ; or Mgr Lefebvre a écrit dans son « testament » spirituel [Itinéraire spirituel à la suite de Saint Thomas d’Aquin dans sa Somme théologique, 1990] :

« C’est un devoir strict pour tout prêtre voulant demeurer catholique de se séparer de cette Église conciliaire, tant qu’elle ne retrouvera pas la tradition du Magistère de l’Église et de la foi catholique. […] J’entends dire : “Vous exagérez ! il y a de plus en plus de bons évêques qui prient, qui ont la foi, qui sont édifiants…” Seraient-ils des saints, dès lors qu’ils admettent la fausse liberté religieuse, donc l’État laïque, le faux œcuménisme, donc l’admission de plusieurs voies de salut, la réforme liturgique, donc la négation pratique du sacrifice de la Messe, les nouveaux catéchismes avec toutes leurs erreurs et hérésies, ils contribuent officiellement à la révolution dans l’Église et à sa destruction.» 
Réponse :
La moralité d’un acte humain se mesure non seulement par son objet, mais aussi par les circonstances (I-II, q. 18, a. 3).
Par exemple, porter un manche de pioche en se rendant à son champ n’a pas la même moralité que porter le même manche de pioche en se rendant à une manifestation.

Le jubilé de l’Année de la miséricorde est entaché des circonstances suivantes : la date du jubilé a été choisie pour fêter les 50 ans du Concile, et la « miséricorde » que prône le pape François est une miséricorde laxiste qui pousse au péché.

La participation au jubilé ne peut pas faire abstraction de ces circonstances, et donc cette participation est immorale.
Solution des objections :
Ad 1. Saint Herménégilde a refusé de recevoir la communion des mains d’un évêque arien le jour de Pâques, et pour cette raison a été mis à mort. Pourtant rien n’est plus sanctifiant qu’une sainte communion, et la communion pascale est obligatoire sous peine de péché mortel. Mais, ici, une circonstance rendait l’acte peccamineux : recevoir l’hostie de la main d’un prélat hérétique était une « communio in sacris » avec un hérétique.

Ad 2. L’objectant a tort de qualifier seulement Vatican II de « concile raté ». Il a, au contraire, parfaitement réussi pour les modernistes, qui ont pu, à cette occasion, fonder leur « Église conciliaire ». Participer à ce jubilé serait une compromission avec cette pseudo-Église en raison des circonstances mentionnées. Quant aux indulgences, on peut en bénéficier autrement qu’en participant au jubilé : il y a plusieurs moyens de gagner une indulgence plénière tous les jours, par exemple l’adoration du Saint-Sacrement pendant une demi-heure, la lecture de la sainte Écriture pendant le même temps, la récitation du chapelet en commun, le chemin de croix [1].

Ad 3. L’objectant ne donne pas la référence dans les œuvres du saint, mais dans un ouvrage de seconde main, qui lui-même ne donne pas de référence. La trace la plus ancienne que nous ayons trouvée de cette citation est un livre écrit pour décrier les indulgences : Paul Parfait, L’Arsenal de la dévotion : Notes pour servir à l’histoire des superstitions, 4e éd., Paris, Georges Decaux, 1876, p. 90. Nous nous permettrons de demander une source précise pour vérifier l’authenticité de cette sentence ainsi que son contexte. Quoi qu’il en soit, pour devenir un saint, il faut d’abord la foi à un degré héroïque, et donc éviter toute équivoque en la matière.

Ad 4. On ne remet pas en question le pouvoir du pape, mais on constate qu’il l’utilise mal. C’est pour la même raison qu’on refuse la nouvelle messe, le nouveau code de droit canon, etc.

Ad 5. L’objectant a omis, sans le signaler, une partie de la citation de saint Thomas : « Si cependant la remise de peine est faite de façon déraisonnable, en sorte que quasi pour rien les hommes seraient détournés des œuvres de pénitence, il [celui qui confère une indulgence] pèche en agissant ainsi ; l’intéressé toutefois n’en gagne pas moins l’indulgence dans sa totalité. » Par où l’on voit que l’aspect déraisonnable envisagé par saint Thomas est une simple disproportion entre l’œuvre demandée et l’indulgence accordée. Ici, le gain de l’indulgence est liée à la joie de Vatican II et à une fausse conception de la « miséricorde » du pape François, d’où l’aspect non seulement déraisonnable, mais immoral.

Ad 6. L’objectant joue sur le mot « dénature ». Il est vrai que le jubilé reste un jubilé, les circonstances qui le rendent mauvais ne changent pas sa nature de jubilé. Mais elles rentrent bien dans l’objet moralement considéré, car elles en affectent la moralité. La communion proposée à saint Herménégilde restait une communion pascale, mais les circonstances la rendaient peccamineuse.

Ad 7. Même si celui qui participe au jubilé n’a pas l’intention (subjective) de se réjouir de Vatican II, il participe à un jubilé qui a été objectivement voulu pour se réjouir de ce Concile. A moins de verser dans le subjectivisme, il faut donc s’en abstenir.

Ad 8. Les jubilés de 1975 et 2000 étaient des jubilés ordinaires, comme il y en a régulièrement tous les 25 ans pour fêter les anniversaires de l’incarnation. Ils n’étaient donc pas liés en soi à l’anniversaire du Concile, ni à une conception erronée de la miséricorde. Les allusions au Concile signalées par l’objectant restaient secondaires, et n’affectaient pas la moralité de l’acte de participation pour celui qui voulait simplement fêter l’anniversaire de l’incarnation.

En 1975 la participation de Mgr Lefebvre au pèlerinage organisé par l’association Credo a eu lieu au moment où le prélat manifestait son opposition à la Rome conciliaire [2] : il n’y avait donc aucune ambiguïté dans ce geste.

On peut se demander s’il a été prudent de refaire un pèlerinage à Rome en l’an 2000. Car c’est à cette occasion que des contacts ont été repris en vue d’un accord avec la Rome moderniste, qui ont abouti à la chute de Campos l’année suivante. La Fraternité Saint-Pie X s’est ressaisie, mais les pourparlers en vue d’un accord ont continué, et en 2012 l’accord a failli se faire. Les communiqués consécutifs à la rencontre romaine du 23 septembre 2014, celui de Menzingen (« entretien cordial »), et celui du Vatican (« procéder par paliers »… « vers le dépassement des difficultés »… « dans la perspective d’une pleine réconciliation ») ont été le point de départ d’un certain nombre d’étapes ou de paliers, et une participation à ce jubilé en ferait clairement partie.
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[1] Sur les indulgences, voir Fr. Marie-Dominique O.P., Les Indulgences dans la vie de l’Église et leur destruction par le pape Paul VI, éditions du Sel, 2010.

[2] Rappelons le contexte : le 11 novembre 1974 a lieu la visite du séminaire d’Écône par deux envoyés de Rome qui provoque la fameuse déclaration de Mgr Lefebvre du 21 novembre, le 25 janvier 1975 Mgr Lefebvre est invité à comparaître devant trois cardinaux (Tabera, Wright et Garrone), le 6 mai Mgr Mamie retire l’approbation donnée par son prédécesseur, le même jour les trois cardinaux appuient cette décision avec l’accord de Paul VI, les 24 et 25 mai a lieu le pèlerinage, le 5 juin Mgr Lefebvre dépose un recours au tribunal de la Signature apostolique, etc.

25 novembre 2015

[Riposte Catholique] Les évêques anglais veulent une drôle de révision de la forme extraordinaire du rite romain

SOURCE - Riposte Catholique - 25 novembre 2015
Il y a quelques jours, la conférence épiscopale d’Angleterre et du Pays de Galles a émis plusieurs résolutions à l’issue de son assemblée plénière. Parmi ces résolutions, une demande adressée à la commission Ecclesia Dei visant à la révision de l’oraison pour les juifs du Vendredi saint, qui figure dans la forme extraordinaire du rite romain. La révision est souhaitée « à la lumière de la compréhension de Nostra Aetate des relations entre l’Église catholique et le Judaïsme ». On notera qu’en 2008, la prière en question avait déjà été modifiée. On peut déjà, respectueusement, s’interroger sur l’opportunité d’une énième révision, alors que l’on croyait la cause entendue. En français, l’oraison du Vendredi saint dans la forme extraordinaire du rite romain est donc ainsi rédigée:
Prions aussi pour les Juifs. Que notre Dieu et Seigneur illumine leurs cœurs, pour qu’ils reconnaissent Jésus Christ comme le Sauveur de tous les hommes. – Prions. – Fléchissons les genoux. – Levez-vous. -Dieu éternel et tout-puissant, qui voulez que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité, accordez, avec bonté, que, la totalité des nations étant entrée dans ton Église, tout Israël soit sauvé. Par le Christ notre Seigneur. Amen.
C’est pourtant cette version de 2008 que les évêques anglais souhaitent modifier. En outre, si on lit Sacrosanctum consilium ou même Nostra Aetate, aucun des textes cités ne réclame une telle révision de cette partie de la liturgie romaine. Entre 1962 et 1965, les pères conciliaires ont même célébré la forme dite extraordinaire du rite romain (édition de 1962, puis de 1965), sans avoir de cas de conscience ou de frayeur. En 1959, Jean XXIII, avait donné son accord pour un exorde moins offensant de l’oraison (remplacement de Oremus pro perfidis Iudaeis par Oremus pro Iudaedis) ainsi qu’à une légère modification du contenu de la prière (remplacement de « iudaicam perfidiam » par « Iudaeos »), mais n’avait pas modifié la prière en tant que telle, ni même changé de liturgie (au point même de refuser certaines réformes accomplies sous Pie XII…).

On se demande pour quelles raisons cette question redevient prioritaire, et surtout pourquoi une énième focalisation sur la forme extraordinaire de la liturgie romaine. Pourtant, de nombreux observateurs se plaignent de la disparition de tout sens liturgique chez les fidèles et de l’absence de traductions correctes. Il y a des dossiers prioritaires, pour ne pas dire urgents. Les deux derniers synodes romains ont révélé un effondrement de la piété tant chez les fidèles que chez les clercs, au point même que l’on soit, en haut-lieu, conscient de la situation des Églises de certains pays… La question du péché mortel, de la confession ou la nécessité d’être en état de grâce est posée avec acuité. Les évêques anglais ont, en effet, fort à faire: en Angleterre, l’Église catholique met laborieusement en place une traduction plus fidèle au Missel romain. En France, une meilleure traduction est prévue en France pour l’année 2017. En quarante ans, cette prière a connu quatre modifications. Pourtant, il y a des chantiers plus importants…

On ne sera pas étonné que ce sont les Église les plus sécularisées qui réclament de telles révision. On apprend ainsi par une note rajoutée par les évêques anglais sur leur site que les évêques anglais rejoignent leurs confrères d’Allemagne pour que soit modifiée la prière de 2008; Mgr Kevin Mc Donald, président du comité pour les relations entre juifs et chrétiens de la conférence épiscopale anglaise, estime que cela crée de la confusion et de l’étonnement auprès de la communauté juive. Il précise que l’enseignement actuel de l’Église n’exige plus la conversion des Juifs (ce qui reste à prouver si l’on recourt aux textes magistériels). Il est vrai que la conversion, y compris des juifs, cela passe mal, quand le dialogue est proclamé tous azimuts… D’autre part, on se demande en quoi l’existence du dialogue interreligieux interdirait toute conversion. Tous les hommes sont concernés par le Christ. Ce qui est en cause, c’est l’universalité de la Rédemption et le risque, paradoxal, d’une conception sociologique du catholicisme qu’entraînerait un tel relativisme (l’Église catholique deviendrait une communauté purement sociologique, dans le panorama des religions, alors qu’elle est aussi le Corps mystique du Christ)…

Question subsidiaire: les modifications liturgiques et le dialogue interreligieux, tous deux menés depuis cinquante ans, ont-ils conduit à l’approfondissement corrélatif de la foi et du sens liturgique ? (Le parallèle peut être fait entre ces deux démarches, car de nombreuses similitudes s’y retrouvent: ). La piété des fidèles et la foi en sont-elles sorties renforcées ? Peut-on être rassuré, alors que les statistiques démontrent un effondrement de la pratique religieuse dans les sociétés occidentales?

[Abbé Jean-Michel Gleize, fsspx - Le Courrier de Rome] Miséricorde papale et lamentations catholiques

SOURCE – Le Courrier de Rome – octobre 2015

1. Il y a en Dieu plus de réalité que nous n’en pouvons saisir par les lumières de notre raison naturelle. Cette réalité qui nous demeure insaisissable, nous la connaissons par la foi, c’est-à-dire grâce à un certain nombre d’expressions que Dieu nous communique, en utilisant notre propre langage. Ces propositions sont les vérités révélées. Et quand le Magistère infaillible de l’Église les impose à notre croyance, en leur donnant toute la précision requise, elles deviennent des dogmes. Les dogmes sont les expressions définitives et irréformables, qui expriment avec toute la précision requise la vérité révélée par Dieu et que l’Église enseignante nous propose comme telles.

2. C’est donc dire toute l’importance de ce langage, dont le Magistère de l’Église a reçu le dépôt, avec la mission de le conserver et de l’expliquer. Car ce langage nous donne accès à la vérité. Or, s’il y a une évidence qui s’impose à tout le monde, depuis cinquante ans, c’est qu’au moment du concile Vatican II, et depuis, les hommes d’Église ont changé de langage. Jean XXIII l’avait d’ailleurs dit dès le début : selon lui le Concile devait avoir pour but principal non pas de définir de nouveaux points de doctrine ni de condamner des erreurs, mais seulement d’exprimer d’une nouvelle manière la doctrine déjà définie1. Donc, abandonner au moins certaines des expressions définitives utilisées jusqu’ici pour en adopter d’autres. Or, même si le Pape n’en était peut- être pas bien conscient, il est certain qu’il y a là un gros risque, car il est très difficile de changer la forme (surtout quand elle est définitive) sans toucher au fond, il est très difficile d’exprimer d’une nouvelle manière la doctrine déjà suffisamment formulée sans en changer la signification. Saint Vincent de Lérins était plus prudent lorsqu’il demandait de garder pour la doctrine à la fois et la même croyance, et le même sens et la même expression : « in eodem dogmate, eodem sensu eademque sententia »2. « Sententia » : ce mot latin désigne l’expression ou la formulation de la vérité, telle qu’elle est parvenue à un tel degré de précision qu’il n’est plus possible de la changer pour l’améliorer encore. Et nous voyons bien que, dans l’Encyclique Humani generis, le Pape Pie XII a condamné ceux qui voudraient « libérer le dogme de la formulation en usage dans l’Église depuis si longtemps ». En effet, continue le Pape, si l’on néglige les termes par lesquels le Magistère et les théologiens signifient la doctrine communément enseignée, l’on favorise le relativisme dogmatique. On peut certes toujours améliorer les expressions requises à l’intelligence des vérités révélées, et c’est d’ailleurs ce que l’Église enseignante a toujours fait, dans un premier temps. Et c’est justement là ce qui différencie cette manière de faire d’avec l’innovation étonnante d’un Jean XXIII. En effet, jusqu’ici, le Magistère de l’Église ne changeait pas son langage pour se conformer à la mentalité d’ailleurs éphémère d’un temps ou d’un autre. Le Magistère s’est toujours efforcé de chercher la formule précise, nécessaire pour exprimer convenablement la vérité, et à chaque fois, il a fini par la trouver, avec l’aide du Saint-Esprit. Et à chaque fois aussi, une fois qu’il l’a trouvée, il ne l’a plus jamais changée. Si l’on touche à ce langage, tel qu’il est en usage « depuis déjà si longtemps », on touche à la doctrine, car un langage dont l’usage est immémorial finit par faire corps avec la doctrine.

3. Malheureusement, depuis cinquante ans que le dernier Concile s’est terminé, un nouveau langage s’est introduit dans l’Église et dans la théologie. L’un des aspects essentiels de ce changement consiste en ce que, toujours selon Jean XXIII, « l’Épouse du Christ préfère recourir au remède de la miséricorde, plutôt que de brandir les armes de la sévérité ». Le pape Jean XXIII a sans doute reconnu que, par le passé, l’Église n’a jamais cessé de s’opposer aux erreurs qui menaçaient le dépôt de la foi et qu’elle les a même souvent condamnées, et très sévèrement. Mais aujourd’hui, ajoute-t-il, « l’Épouse du Christ estime que plutôt que de condamner elle répond mieux aux besoins de notre époque en mettant davantage en valeur les richesses de sa doctrine ». Et aujourd’hui, le Pape François ne fait que persévérer dans la nouvelle optique adoptée par Jean XXIII. « Le premier devoir de l’Église », a-t-il répété tout récemment3, « n’est pas celui de distribuer des condamnations ou des anathèmes mais il est celui de proclamer la miséricorde de Dieu, d’appeler à la conversion et de conduire tous les hommes au salut du Seigneur. » Il y a donc un changement de langage et, comme nous pouvions le craindre, celui-ci est allé de pair avec un changement de doctrine. Nous pouvions le craindre au moment où Jean XXIII ouvrait la première session du Concile. Mais cinquante ans plus tard, au moment où François clôt la deuxième session du Synode sur la famille et s’apprête à célébrer le Jubilé de Vatican II, nous ne craignons plus : nous pleurons et nous gémissons, car savons et nous voyons. Nous sommes bien obligés de constater qu’en voulant séparer la miséricorde de la sévérité, les successeurs de Pie XII ont changé la signification profonde de l’une et de l’autre. Comment en effet proclamer la vraie miséricorde, sans faire aussi régner la vraie justice ? Comment conduire les âmes à la conversion et au salut, sans condamner aussi et anathématiser ce qui s’y oppose ? Si les fausses doctrines et les fausses mœurs doivent jouir du même droit d’expression publique que les vraies, sans qu’aucun pouvoir ne puisse les empêcher de se donner en spectacle (ce qu’enseigne la Déclaration Dignitatis humanæ, au n° 2), comment le Saint-Esprit pourrait-il inspirer aux hommes les grâces nécessaires à leur salut éternel ? Le remède de la miséricorde aurait bien mieux répondu aux exigences de l’époque moderne s’il n’avait pas cessé de se laisser accompagner par les armes de la sévérité. Car les faits ont largement démenti l’estimation du bon Pape Jean : les mauvaises doctrines ont chassé la bonne, et à présent, ce sont les mauvaises mœurs, les scandales de l’inconduite qui prennent de plus en plus le pas sur la morale surnaturelle et naturelle. Et le comble est que le Pape François est justement tout prêt d’entériner cette évolution. C’est bien la preuve que, pas plus que la vérité du dogme, celle de la morale ne s’impose d’elle-même.

4. Il y avait donc dans l’intention initiale du Concile une grande illusion. L’erreur et le vice présentent toujours un aspect beaucoup plus séduisant et s’offrent avec une plus grande facilité que la vérité et la vertu. Et les hommes, affaiblis qu’ils sont par les conséquences du péché originel, cèdent d’autant plus facilement à cette séduction et à cette facilité. Nous le savions d’ailleurs déjà, et le Concile aurait quand même pu éviter de verser dans cette utopie, puisqu’un prédécesseur pas si lointain du Pape Jean XXIII nous en avait avertis : « Il est », disait-il, « des hommes emportés par un tel excès d’impudence, qu’ils ne craignent pas de soutenir opiniâtrement que le déluge d’erreurs qui découle de l’absence de condamnations est assez abondamment compensé par la publication de quelque livre imprimé pour défendre, au milieu de cet amas d’iniquités, la vérité et la religion 4 . » Ces fortes paroles de Grégoire XVI, le Pape qui prononça la condamnation de Lamennais, et avec celle de Lamennais celle du libéralisme, restent d’une très grande actualité, et elles pourraient nous servir de critère d’appréciation pour discerner la portée du récent Synode sur la famille. Car ce n’est pas impunément que l’on prône l’ouverture vis-à-vis des pécheurs publics que restent malgré tout les divorcés remariés. Pareille ouverture voudrait laisser de côté les armes de la sévérité, pourtant bien nécessaires. En effet, dit encore Grégoire XVI, « en voyant ôter ainsi aux hommes tout frein capable de les retenir dans les sentiers de la vérité, entraînés qu’ils sont déjà à leur perte par un naturel enclin au mal, c’est en vérité que nous disons qu’il est ouvert ce « puits de l’abîme « (Apoc. IX, 3), d’où saint Jean vit monter une fumée qui obscurcissait le soleil, et des sauterelles sortir pour la dévastation de la terre ». Le rôle spécifique d’un Pape n’est pas tant de respecter les personnes que de les convertir. Et la conversion des brebis commence lorsque la juste sévérité du pasteur prend les moyens qui s’imposent pour préserver les âmes du péché : « La place même que nous occupons nous avertit qu’il ne suffit pas de déplorer ces innombrables malheurs, si nous ne faisons aussi tous nos efforts pour en tarir les sources », dit encore Grégoire XVI, qui donne ainsi une définition très juste de sa mission. Comme un bon jardinier, le successeur de saint Pierre ne se contente pas de planter des roses ; il doit aussi arracher les mauvaises herbes (Livre du prophète Jérémie, chapitre I, verset 10).

5. La pseudo miséricorde renouvelée, que nous prêche le Pape et dont il voudrait faire la matière du prochain Jubilé, n’est que l’expression du libéralisme qui s’est emparé des esprits, à l’intérieur de la sainte Église, libéralisme déjà condamné par Grégoire XVI, il y a bientôt deux cents ans. C’est pourquoi, loin de s’en réjouir, les catholiques soucieux de persévérer dans la voie de la vérité et de la justice, gardent tous les motifs de se lamenter.

Abbé Jean-Michel Gleize

1. DC nº 1387 (4 novembre 1962), col. 1382 et sq.
2. Commonitorium primum, c. 23, dans Migne, t. L, col. 668, cité en DS 3020.
3. François, « Discours de clôture pour le Synode extraordinaire sur la famille », le samedi 24 octobre 2015.
4. Grégoire XVI, Encyclique Mirari vos du 15 août 1832.