29 février 2016

[Abbé Christian Bouchacourt, fsspx - Fideliter] Le règne de Mammon

SOURCE - Fideliter (n° 229) - janvier-février 2016

L'argent, nous le savons, est un substitut commode des biens matériels. C'est, en effet, usuellement par l'entremise de ce signe conventionnel que nous pouvons acquérir les objets et services que nous souhaitons.

Pour tout homme, la relation avec l'argent et les biens matériels est complexe. D'un côté, étant des êtres corporels, nous avons constamment besoin de ces biens matériels : de l'air pour respirer, de la nourriture, des vêtements, du chauffage, etc. D'un autre côté, l'une des conséquences du péché originel est la « concupiscence des yeux » : nous nous attachons exagérément à ces biens, nous en rêvons nuit et jour, nous les entassons, bref nous devenons leurs esclaves alors qu'ils devraient être à notre service.

Pour un chrétien, cette relation est encore plus complexe, car Notre Seigneur, non seulement nous demande « d'user du monde comme n'en usant point », mais il nous appelle à un détachement spirituel absolu, à la pauvreté de coeur : « Bienheureux les pauvres en esprit. » En même temps, le Seigneur, qui avait lui-même une bourse pour ses besoins, nous prescrit de faire bon usage de cet « argent d'iniquité », en faisant vivre notre famille, en soutenant l'Église, en aidant les pauvres, etc.

Cette difficulté vis-à-vis des richesses temporelles s'est toutefois considérablement accrue avec la société moderne, laquelle s'est progressivement orientée vers le culte du dieu Argent. Un esprit avide, une convoitise insatiable, une « soif malsaine de l'or », si l'on peut traduire ainsi l'expression du poète (auri sacra fames, Virgile, Énéide, III, 57), a fini par envahir notre civilisation. Cette mutation sociale a été considérablement aggravée par deux phénomènes successifs, l'économisation de la politique et la financiarisation de l'économie.

L'économisation de la politique est cette orientation de l'action publique presque exclusivement vers les biens matériels, au détriment des valeurs les plus hautes. Quand les hommes politiques ne parlent plus que de pouvoir d'achat, de PIB, de salaires, d'indice des prix, c'est le signe indubitable que l'homme est devenu « unidimensionnel », réduit à sa seule fonction de producteur / consommateur.

Dans cette conception purement « économiste » de la vie humaine, il restait tout de même une certaine réalité : ces biens matériels correspondent, au moins en partie, à des besoins humains objectifs. Mais la financiarisation de l'économie, intervenue à partir des années quatre-vingt, a consacré le règne despotique de l'argent comme pur signe. Chaque jour, près de 10 000 milliards de dollars s'échangent sur les marchés mondiaux, mais seulement 1 ou 2 % correspondent à une activité productive réelle. L'économie a presque abandonné ce rôle, modeste mais utile, de fournir des biens matériels : elle n'est plus qu'une vaste spéculation, une loterie tout à fait immorale dans son principe.

Un chrétien ne peut servir à la fois Dieu et Mammon (cf. Mt 6, 24). Loin de se laisser happer par cet esprit mercantile et utilitariste, cet appétit déréglé du lucre, il doit au contraire accomplir le chemin inverse de la société moderne. Celle-ci a oublié progressivement les valeurs les plus hautes pour se tourner presque exclusivement vers les biens matériels. Pour nous, il ne s'agit pas de désirer gagner toujours plus, mais de vivre (y compris en usant à leur place des légitimes biens matériels) comme un être humain et comme un fils de Dieu.

La source de cette mutation désastreuse est clairement l'abandon de l'esprit de la croix. Mgr Marcel Lefebvre nous le rappelait dans son magnifique sermon du Jubilé de 1979 :

« Aussi n'est-il pas étonnant que la croix ne triomphe plus, parce que le sacrifice ne triomphe plus, et que les hommes ne pensent plus qu'à augmenter leur standing de vie, qu'à rechercher l'argent, les richesses, les plaisirs, le confort, les facilités d'ici-bas et perdent le sens du sacrifice ».

Nous sommes appelés, à l'inverse, à nous unir au sacrifice de Notre-Seigneur, à vivre par la croix de Jésus et avec elle. Nous habitons certes dans ce monde, dans le monde d'aujourd'hui, mais nous ne devons pas être du monde, nous ne devons pas appartenir à ce monde de l'argent et des convoitises terrestres.

« Car notre cité à nous est dans les cieux, d'où nous attendons comme Sauveur Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui transformera notre corps de misère, en le rendant semblable à son corps glorieux, par le pouvoir qu'il a de s'assujettir toutes choses » (Ph 3, 20-21).

Abbé Christian Bouchacourt +, Supérieur du District de France

[Fideliter] Un couvent offert aux capucins de Morgon à Albertville : fondation ou refondation ?

SOURCE - Fideliter (n° 229) - janvier-février 2016

Tout commence à l'été 2015. Dans la petite ville de Conflans, jolie cité médiévale en banlieue d'Albertville, en Savoie, madame le maire est bien embarrassée par l'ancien couvent de religieux capucins du XVIIe siècle qui se délabre consciencieusement et ne trouve pas d'utilisation satisfaisante depuis maintenant 22 ans.

Le Clos des capucins fut en effet un couvent de 1626 à 1793, date à laquelle ces religieux en furent expulsés. Revenus en 1849, les capucins subissent une deuxième persécution qui aboutit à nouveau à leur dispersion en 1903. Par la loi de séparation de l'Église et de l'État, les bâtiments du couvent se trouvent alors propriété d'associations cultuelles. Cependant, sans religieux, laissés en déshérence, ils sont achetés par la commune d'Albertville et servent successivement d'atelier militaire, de colonie de vacances puis, en 1945, sont donnés à bail au ministère de l'Éducation Nationale pour devenir un lycée ; celui-ci est fermé en 1993. Les bâtiments sont alors squattés et gravement dégradés, les ouvertures sont murées et la nature reprend ses droits : mauvaises herbes, ronciers et arbres fleurissent dans la cour. Que faire ? Durant cette période, les diverses équipes municipales ont bien tenté quelques solutions mais sans succès.

C'est alors que madame le maire songe, visiblement inspirée du Saint-Esprit, à faire revenir les bâtiments à leurs premiers propriétaires et fondateurs. Juste retour des choses ! Mais dans l'Église de France, il n'y a aucune congrégation religieuse – et surtout pas les capucins ! – pour se charger d'une telle restauration : aujourd'hui, on vend et on brade les églises et les monastères plus qu'on n'en refonde... Sauf que... les capucins d'observance traditionnelle de Morgon sont en recherche de bâtiments car leur rameau est, lui, bien vivace.

Restaurés à partir de 1974 par le père Eugène de Villeurbanne, ils regroupent aujourd'hui, en trois maisons dispersées dans tout le pays, près d'une quarantaine de religieux. Le Père gardien Antoine de Fleurance accepte donc volontiers la proposition du maire d'Albertville.

Mais tout ne va pas se faire facilement : au conseil municipal du 6 juillet 2015, c'est une levée de boucliers dans l'opposition. On agite le spectre des « intégristes », de « l'obscurantisme » et du « sectarisme ». Les passions s'enflamment. Consulté, Mgr Philippe Ballot, archevêque de Chambéry, ne s'oppose pas au projet de madame le maire. Cela ne suffit toutefois pas à calmer les esprits devant cet « ennemi indésirable » que représentent les religieux.

L'affaire est renvoyée au mois de septembre et chaque partie dispose de l'été pour affûter ses arguments. Il faut avouer que l'opposition n'en a guère, en dehors de la peur d'une révolution dans la paisible bourgade savoyarde. La séance du 23 septembre n'apporte rien de nouveau au dossier et, surtout, aucune proposition concrète susceptible de sauver ces bâtiments historiques. Et c'est par la voie de la sagesse qu'un des conseillers municipaux conclut : « Comment quelques moines pourraient mettre en cause la sécurité publique ? » avec leur seule « arme d'assaut » qu'est la prière de la messe et du chapelet.

Le 29 septembre 2015, le conseil municipal vote à la majorité la cession des bâtiments du Clos des capucins aux religieux de Morgon pour l'euro symbolique. Le recours déposé par l'opposition auprès du tribunal administratif, le mois suivant, se voit débouté avec l'amende substantielle de 600 euros.

Il ne reste plus maintenant aux frères capucins qu'à prendre possession des bâtiments et à retrousser leurs manches : c'est à un long et patient travail de restauration que les années à venir vont être employées...

L'Ordre des capucins est la troisième branche de la grande famille franciscaine. À la base, des ermites se placèrent sous la règle de saint François et restaurèrent la stricte observance. Ils participent alors de la grande réforme catholique du XVIe siècle avec les nouveaux Ordres (jésuites), congrégations sacerdotales (théatins, barnabites, lazaristes, oratoriens, sulpiciens...) et les anciens Ordres réformés (carmes déchaux de Thérèse d'Avila et Jean de la Croix). Ils s'installèrent en France en 1575 et furent très actifs sous les guerres de religion pour maintenir l'esprit catholique dans le clergé et la population française puis, lors de la reconquête tridentine du XVIIe siècle, par leurs retraites et leurs missions. Les capucins d'observance traditionnelle ont même un couvent de Clarisses installé près d'eux à Morgon.

[Ennemond - Le Forum Catholique] La théorie fumeuse de deux Églises institutionnelles

SOURCE - Ennemond - Le Forum Catholique - le 29 février 2016

Hier, une poignée de traditionalistes, les plus passionnés, s’arrogeaient une mini-autorité pour décréter qui était le pape, qui ne l’était pas. Ils ont constitué ce qu’il est convenu d’appeler le sédévacantisme. Mgr Lefebvre a rejeté de façon définitive la théorie qui consisterait à prétendre que le pontife romain serait un usurpateur et qu’on ne pourrait de ce fait le placer dans la chaîne des successeurs de Pierre, sinon, il serait impossible, expliquait-il, de trouver une solution à la crise. Qui décréterait la fin de cette dernière ? Qui devrait rétablir le véritable pape ? Qui le désignerait ? Autant de questions auxquelles les sédévacantistes ne pouvaient répondre tandis que leur nombre allaient en diminuant à mesure que ce nouveau contexte s’étalait sur les mois, les années, puis les décennies.

Le fondateur de la Fraternité Saint-Pie X a tellement insisté sur ce rejet du sédévacantisme que parmi ses fidèles une petite minorité, tout en étant attirée par ces thèses hâtives et tout en conservant l’idée de demeurer fidèle à l’archevêque, ont inventé une forme de sédévacantisme larvé. Ils ont laissé de côté la gênante question du pape pour, de la même manière, dire de façon définitive du haut de leur seule autorité que l’Église que le pape conduirait ne serait pas l’Église. Le mirage ne se situerait pas à l’échelon du pape, mais de l’Église elle-même. Il y aurait deux Églises qui se feraient face : l’une conciliaire serait animée à Rome, l’autre catholique et on ne saurait pas bien où se trouve son gouvernement. Peut-être à Rome, peut-être à Écône ou Saint-Nicolas, peut-être à Londres ou à Avrillé. Ce ne serait plus du sédévacantisme mais de l’ecclésiovacantisme. On pourrait alors poser les mêmes questions sur l’issue aventureuse de cette théorie. Qui relancera la véritable Église ? Qui la dirige vraiment aujourd’hui ? Le collège cardinalice, pourtant peuplé de modernistes, en fait-il toujours partie ? S’il est un collège d’une fausse Église, peut-il élire le véritable pape ? Bref, on retombe dans une suite de questionnements extravagants et sans réponse.

Où donc les « théoriciens » de ces propositions amphigouriques, avançant qu’il y aurait deux Églises distinctes, tirent-ils leur idée fumeuse ? Selon leurs propos, de la déclaration de Mgr Lefebvre du 21 septembre 1974 qui parlait de deux Rome : la « Rome éternelle » à laquelle il voulait demeurer fidèle, opposée à la « Rome de tendance néo-moderniste » qu’il refusait complètement. Deux ans plus tard, il a d’une certaine manière réutilisé cette analogie en parlant d’une nouvelle Église avec « ses sacrements, sa foi, son culte, ses catéchismes ». Mais il s’agissait bien évidemment d’une analogie. Sinon, il aurait été inconséquent pour Mgr Lefebvre de continuer des pourparlers et même de les envisager dix ans plus tard avec une Église qui aurait été un ersatz d’Église. On notera d’ailleurs que nos « théoriciens » datent la naissance de la soi-disante nouvelle Église du code de Droit Canon de 1983. Mgr Lefebvre a pourtant prononcé sa déclaration analogique des deux Rome en 1974… Les dominicains d’Avrillé prétendent de leur côté que Mgr Lefebvre avait définitivement conclu en 1978 que l’Église constituée des prélats romains n’était pas vraiment l’Église catholique. Pourtant c’est avec ces mêmes prélats qu’il préparait des accords dix ans plus tard.

A suivre ce montage élaboré de fraîche date, on aurait donc eu un fondateur de la Fraternité qui, pendant des années, aurait littéralement trompé les fidèles en leur faisant croire qu’il allait les faire reconnaître par une fausse Église, animée par des comédiens. Une telle vision confine à l’absurdité car elle extrapole une analogie et en fait déduire des conclusions nocives. C'est le propre du raisonnement univoque. Quand Mgr Lefebvre parlait d’Église conciliaire, il ne parlait pas d'une institution. Il parlait bien réellement de la mouvance progressiste qui s’est installée dans les cadres de la Sainte Église. Avec cette dernière, fondée par le Christ, et malgré les méfaits des clercs corrompus, il n’a jamais voulu rompre et avec ses représentants légitimes, quoique parfois bien indignes, il a toujours désiré parvenir à un accord pour être reconnu.

Vouloir conclure à une opposition entre deux Églises institutionnelles revient à solliciter outre-mesure une analogie circonstancielle. Prenons un exemple bien connu. Sous la IIIe République, les observateurs ont, par commodité, théorisé une opposition entre « les deux France » : Il y aurait eu d’un côté la France républicaine et anticléricale, héritière de la Révolution et imbibée des idées maçonniques ; de l’autre la France catholique et monarchique, héritière de l’histoire des rois et des saints. Il s’agissait bien évidemment de présenter deux mouvances cohabitant en France, l’une relevant de ce qu’a toujours été la France, l’autre étant un véritable corps étranger qui s’est niché dans l’esprit de dirigeants corrompus. Mais il ne s’est trouvé à l’époque aucun esprit tordu pour décréter que ces deux France étaient deux pays différents, avec des gouvernements différents, des ambassades différentes, des institutions différentes. Sinon, pourquoi ne pas avoir poussé l’analogie encore plus loin pour passer de l’absurdité à la folie : On aurait pu s’ingénier à localiser ces deux France sur une carte comme nous aurions essayé de calculer la distance qui sépare en kilomètre la Rome éternelle de la Rome conciliaire. Cela n’aurait évidemment eu aucun sens.

Ces quelques mots n’ont d’autre but que de montrer que pousser l’analogie un peu trop loin, c’est risquer de faire abstraction de sa raison. En tout cas, définir des vérités en les fondant sur des analogies ou des comparaisons qui visent avant tout à faciliter la compréhension, conduit toujours à contrefaire la vérité. C’est en général ainsi que sont nées les grandes hérésies, à coups de sophismes et de raisonnements captieux. Même des esprits brillants y ont sombré.

[Ennemond - Le Forum Catholique] Mgr Lefebvre et sédévacantisme sont totalement incompatibles

SOURCE - Ennemond - Le Forum Catholique - 29 février 2016

[Mgr Lefebvre et sédévacantisme sont totalement incompatibles] et les prêtres sédévacantistes les plus anciens (abbés Seuillot, Belmont, Guépin) en sont les premiers persuadés puisque Mgr Lefebvre leur a demandé de quitter l’œuvre qu’il avait fondée en raison de leur non-reconnaissance du pape et de leur adhésion à la thèse du Père Guérard des Lauriers. Il exigeait de citer le pontife romain au Canon de la messe et faisait signer une profession de foi de reconnaissance du pape avant les ordinations. Si cela ne s'appelle pas "trancher"... S’en sont suivies les grandes crises avec la disparition d’un district entier aux États-Unis en 1983 et de la quasi-totalité du séminaire de la Reja en 1989. Dans sa pratique, Mgr Lefebvre avait complètement tranché les quelques interrogations qu’il s’était permises au cours de quatre ou cinq conférences (vous en citez une) à la fin des années 1970 et au milieu des années 1980. Mais en prenant quelques nuances, doutes ou interrogations dont l’expression serait coupée du contexte, on ferait de Louis XVI un promoteur de la Révolution et de Mgr Lefebvre un propagateur du Concile. Ses interventions mettant en garde contre le sédévacantisme sont dix fois plus nombreuses et ne s’apparentent pas au doute. Ainsi, déclarait-il, quelques jours avant de s’éteindre :
« Je pense quand même que nous avons besoin d’un lien avec Rome, Rome c’est quand même là que se trouve la succession de Pierre, la succession des apôtres, de l’apôtre Pierre, de la primauté de Pierre et de l’Église ; si on coupe avec ce lien, on est vraiment comme une embarcation qui est larguée au grès des flots, sans plus savoir à quel lieu nous sommes rattachés et à qui nous sommes rattachés. »
Ou encore :
« La solution du sédévacantisme n’est pas une solution ; ça pose quantité de problèmes, parce que si depuis le pape Paul VI il n’y a pas eu de papes, donc tous les cardinaux qui ont été faits par ces papes sont invalidement faits ? Donc les votes qu’ils ont faits comme cardinaux membres du Conclave sont nuls ? Et qui va rétablir alors le lien avec Jean XXIII ? Et même si on estime que Jean XXIII n’était pas pape non plus ? Alors je ne sais pas ! Il faut descendre au pape Pie XII ? Qui va rétablir le lien ? Parce que si ces cardinaux ont été invalidement faits cardinaux, ils ne peuvent pas élire le futur pape. Qui va nous désigner le nouveau pape ? On est complètement perdu ! Pas étonnant que dans ces milieux il y ait eu des groupes qui ont fait un pape. C’est logique. Gardons un peu la solution du sens commun et la solution que nous inspirent aussi les fidèles. » (1991)

[Abbé Michel Simoulin, fsspx - Le Seignadou] C’était il y a 25 années

SOURCE - Le Seignadou - mars 2016

C’était il y a 25 années, dans les premières heures du 25 mars, le Lundi-Saint 1991: Monseigneur Marcel Lefebvre s’endormait dans les bras de Notre-Dame. Cette année ce sera le Vendredi-Saint, mais rien ne peut nous empêcher de nous souvenir de ce matin de fête choisi par Dieu pour appeler à Lui son bon et fidèle serviteur.

Tout semble avoir été dit sur Mgr Lefebvre, mais encore aujourd’hui certains ne retiennent de lui qu’une partie de son action pour l’Église.

Certains ne veulent voir en lui que le refus des nouveautés conciliaires.

D’autres ne voient en lui que le refus de la liturgie nouvelle.

Mais qui voit en lui, non l’homme des refus, mais l’homme de la fidélité totale, le serviteur de la vie de l’Église, et donc serviteur de sa doctrine et serviteur de la Messe, défenseur de sa foi et défenseur de sa Messe, sauveur de sa Tradition et sauveur de son sacerdoce ?

Car la religion catholique n’est pas seulement une doctrine ou une liturgie ! Elle est une vie ! Elle n’est pas toute contenue, enfermée dans un certain nombre de vérités ou de dogmes !  Elle est une vie : vie de l’âme, vie de foi, d’espérance et de charité… Vie qui peut exister en toute perfection même là où la doctrine n’est qu’imparfaitement connue, pourvu qu’elle soit implicitement acceptée. Cela est une pensée chère à St Thomas d’Aquin, qui évoque parfois une « vetula » que nous serions peut-être tentés de mépriser.

« Mon juste, dit en effet le Seigneur (Habacuc, 2,4) vit par la foi. Et cela est si manifeste qu’aucun philoso­phe, avant l’avènement du Christ, par tous ses efforts, ne put en savoir autant sur Dieu et les vérités nécessaires à la vie éternelle, qu’une vieille femme après l’avènement du Christ au moyen de sa foi. (Commentaire du Credo)[…]Mais est-il vrai que la charité qui est avec la science, soit suréminente à celle qui est sans la science. Il semble que non, parce qu’alors un théologien sans vertu aurait une charité plus excellente qu’une pauvre femme qui serait sainte. (Commentaire Ephésiens III,19) […] Une petite vieille en sait bien plus de ce qui se rapporte à la foi que tous ces philosophes. […] Mais quelle est la petite vieille qui ne sait pas aujourd’hui que l’âme est immortelle ? La foi peut beaucoup plus que la philosophie, par conséquent, si la philosophie s’oppose à la foi, on ne peut l’accepter. (Sermo Attendite a falsis) »

Avis aux « ratiocineurs » de tout poil et de tout bord, et qu’on relise plutôt le si beau chapitre de Mgr Lefebvre sur « le mystère de la Croix », dans son « Itinéraire spirituel », qui fut son testament, ou encore le chapitre sur « le Saint-Sacrifice de la Messe » dans la « Lettre aux catholiques perplexes ».

Si l’attachement à l’ancien Ordo Missae et le refus du Novus Ordo fut la base pratique fondamentale du combat entrepris par Mgr Lefebvre, et demeure la nôtre, son principal grief envers le Concile est de nature foncièrement doctrinale, car portant sur la présence en son sein de thèses modernistes mortifères, incompatibles avec l’enseignement traditionnel de l’Eglise, et inconciliables avec l’esprit de la liturgie et du sacerdoce traditionnels.

Sur ce point, il faut être bien attentif à na pas considérer la liturgie comme une simple règle de prière, variable et sans rapport avec la doctrine, comme une simple dévotion ou un ajout sacramentel. Bien au contraire, la Messe – avant d’être une liturgie – est une doctrine incarnée ! Elle est l’Incarnation de la foi. Elle est la Rédemption en acte, la foi qui vit et qui se célèbre, la foi magnifiée, habillée de pourpre et d’or, chantée pour faire entendre au ciel et à la terre la voix de Jésus-Christ et les battements de son cœur ; elle est aussi éducation de toute l’âme des participants, pour leur faire aimer et chanter leur foi et leur amour envers Jésus-Christ. Elle est le « Mysterium fidei » que célèbre l’Église pour rendre à Dieu tout honneur et toute gloire, par, avec et en Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Dom Gréa, en 1909, écrivait dans son bel ouvrage « la sainte liturgie »: « La prière liturgique est le plus excellent hommage qui puisse être rendu à Dieu par l’homme sur la terre; tout ce qui la diminue est un malheur public, et sa suppression est le dernier châtiment dont Dieu menace les cités: “Je ferai cesser en ce lieu la voix de l’Epoux et de l’Epouse” (Jer.7,34 – 16,9 – Apoc.18,23), le solennel colloque de Jésus-Christ et de l’Eglise.
La sainte liturgie revêt, en effet, tous les caractères de l'Eglise elle-même et participe à ses notes glorieuses ; par son antiquité, elle remonte aux apôtres; elle est une dans sa substance et, comme la tunique de la reine, elle n'admet de diversité que dans les ornements et, pour ainsi dire, les perles et les broderies qui l'embellissent; elle est universelle et appartient à tous les lieux comme à tous les temps; elle est sainte de la sainteté même du Saint-Esprit, qui l'anime au dedans et qui, parlant dans les Saintes Ecritures et dans la Tradition, forme toute la trame des paroles sacrées.»

Si tout cela n’est que « piété » sans lien avec la doctrine, je me demande ce qui le sera ! Et le pape Paul VI le savait bien, lui qui, selon l’aveu de son ami et confident Jean Guitton « était soucieux, par esprit œcuménique, de diminuer les obstacles. Et il pensait que la liturgie nouvelle, préparée par Bugnini (à qui il donnait sa confiance) pouvait rapprocher les protestants et les catholiques soit en adoucissant l’aspect sacrificiel et « tridentin » de la messe de St Pie V, soit en se rapprochant des liturgies les plus anciennes, où le sacrifice est implicite. »

La Messe tridentine est sous-tendue par la doctrine du Concile de Trente, et elle le véhicule avec toute son âme, comme le NOM est sous-tendu par celle de Vatican II, qu’il véhicule sans âme mais de toute la force de l’autorité qui l’a promulgué. Ainsi on devient et on demeure « tridentin » par le seul fait de participer à la messe tridentine, de se laisser porter, former et instruire par sa liturgie, sans toujours s’en rendre compte. Et l’on devient conciliaire par la fréquentation des rites conciliaires, sans même l’avoir recherché. C’est ainsi que des « conciliaires » naïfs et sincères sont devenus incapables de comprendre les motifs de nos refus. Pour eux, il est naturel d’assister à ces rites ! Et il faut être un géant de la vie intérieure pour « demeurer pareil » malgré l’esprit des rites.

Et je dois avouer que j’ai du mal à comprendre comment on peut se dire attaché à la Messe Tridentine et en réclamer l’usage, sans jamais dire une parole contre les doctrines qui la contredisent ! Il faudra bien qu’un jour ces sociétés qui ont obtenu de pouvoir user d’un droit reconnu par Benoit XVI, nous expliquent comment elles s’arrangent avec leur conscience pour ne jamais émettre la moindre réserve sur les prédications de ceux qui le leur ont accordé ! Comment nommer ce comportement…? Je n’ose évoquer le cas de ce bon père bénédictin qui ose même défendre et justifier les thèses conciliaires les plus avancées !

C’est évidemment la raison du combat mené par Mgr Lefebvre, non seulement pour maintenir et sauver la liturgie et la Messe, mais aussi pour refuser les doctrines nouvelles énoncées par le Concile. Son attachement – et le nôtre – à la doctrine et à la Messe est un et total, sans possibilité de séparer l’un de l’autre. Et sans l’avoir recherché et sans le savoir peut-être, il fut un bel exemple de cette forte pensée de Psichari : «  Ça n'est pas difficile, le progrès. Je n'admire pas. Ce qui est difficile, au contraire, c'est de rester pareil, d'être le roc battu de tous les orages, mais qui reste debout et qu'aucun ouragan n'ébranlera ». (L’Appel des armes, p.33) 

Daigne la Vierge de l’Annonciation nous accorder cette fermeté et cette fidélité qui nous feront vivre dans la cohérence d’une foi qui devient prière et d’une prière qui ne dit rien de moins que la foi que nous avons reçue de l’Église lors de notre baptême.

Saint et généreux Carême et Sainte et fervente Semaine Sainte à tous dans la joie de célébrer notre foi et de chanter notre amour à notre Dieu crucifié par amour et ressuscité pour notre espérance.

28 février 2016

[Bertrand Y. (blog)] Le « libéral catholique » et le « catholique intégriste »

SOURCE - Bertrand Y. (blog) - 28 février 2016

Une attitude défectueuse provoque quasi inévitablement, par réaction, son opposée par excès. Ainsi en est-il du «libéral catholique » et du « catholique intégriste ».

Ceux, qui se dénommèrent eux-mêmes « libéraux catholiques », sont, au départ, ces catholiques qui, dès le lendemain de la Révolution sanglante ou comme pris de panique, se sont empressés de manifester leur sympathie pour les idées à la mode, les « libertés » modernes dans l'esprit de 1789, et qui provoquèrent la réaction et les condamnations vigoureuses et répétées du Saint-Siège: Grégoire XVI dans « Mirari vos », du 15 août 1832, contre les thèses de F. de La Mennais ; Pie IX dans « Quanta Cura » et le fameux « Syllabus », du 8 décembre 1864, contre la thèse du « droit commun » ou des propositions comme « l'Eglise doit être séparée de l'Etat et l'Etat séparé de l’Eglise », « à notre époque, il n'est plus utile que la religion catholique soit considérée comme l'unique religion d'Etat, à l'exclusion de tous les autres cultes », « il est faux que la liberté civile de tous les cultes et que le plein pouvoir laissé à tous de manifester ouvertement et publiquement toutes leurs pensées et toutes leurs opinions, jettent plus facilement les peuples dans la corruption des moeurs et de l'esprit; et propagent la peste de l'indifférentisme » etc. ; Léon XIII dans « Humanum genus », en 1884, contre la Franc-maçonnerie et dans « Libertas », du 20 juin 1888, contre les libertés modernes.

Cela n’a pas malheureusement pas calmé ces « libéraux catholiques » dont les disciples ont même, un siècle après, à la faveur de Vatican II, réussi à prendre tous les pouvoirs dans l’Eglise!

Leur caractéristique est qu’ils vivent dans un état d'incohérence mentale. En effet, ils prétendent avoir des principes - la foi catholique - mais en pratique n'en ont pas vraiment puisqu'ils les remettent en question au contact de circonstances qui leur sont hostiles comme depuis la Révolution. Cette contradiction interne en fait des êtres tourmentés [i] car tiraillés par, d’un côté, la voix des principes ou de leur conscience encore quelque peu catholique et, de l’autre côté, leur faiblesse et leur laxisme pratiques qui les entraînent à les ignorer [ii] et deviennent une habitude de conduite [iii] puis de pensée.

En réalité, ils semblent ne plus avoir qu’un seul principe, si on peut dire car il sonne plutôt comme les slogans creux des agitateurs révolutionnaires, sans signification réelle ou pour le moins confus: « il faut être de son temps » ou « ouverture au monde » présent. Jésus a certes dit : « vous êtes dans le monde » ; mais aussi : « vous n’êtes pas du monde ». Or n’est ce pas être « du monde » que d’épouser son esprit qui pourtant, surtout depuis le XVIIIème siècle, flatte beaucoup trop le penchant fondamental ou originel de la nature humaine qui n’est malheureusement ni bon, ni noble, loin s’en faut, et quasi irrésistible: l’engouement pour la « liberté » (plutôt la licence), c.à.d. pour l'esprit d’indépendance, d'autonomie, d'affranchissement, d'émancipation de l'homme par rapport à toute autorité même divine (ou de l’Etat par rapport à l’Eglise), l'affirmation insolente des droits de l'homme contre ceux primordiaux de Dieu ?

L’attitude à l’extrême opposé ou « catholique intégriste » a été bien montrée, lors de la crise de 1892 en France, celle du fameux « ralliement » sous et contre Léon XIII, par un observateur des plus autorisés et qualifiés :

« M. Piou (catholique simplement romain ou « ultramontain » ; donc, à l’époque, ni gallican, ni libéral) et ses amis formèrent à la Chambre un groupe de députés qui prit le nom de « droite constitutionnelle »; quelqu'un leur donna le nom de « ralliés » et on désigna ensuite sous ce nom tous ceux qui adoptèrent la politique du St Siège (…) Mais il fut âprement combattu par les monarchistes et spécialement par le comte d'Haussonville dans son discours de Nîmes (…) La lutte soutenue pendant quinze ans par le parti catholique (monarchistes etc.) pour la défense des libertés religieuses avait été presque entièrement stérile parce qu'elle était en même temps dirigée contre la forme de gouvernement. Le groupe de M. Piou, parce qu'il s'appuyait sur les indications et les directions du St Siège, se maintint malgré les attaques et exerça une grande influence tant à la Chambre que sur le terrain électoral (…) (Mais) les calomnies les plus acerbes, les sarcasmes, les injures plurent sur la « droite constitutionnelle ». Ses membres furent appelés des hypocrites, des traîtres, des infidèles, des lâches, des sépulcres blanchis capables de trahir la république comme ils avaient trahi la monarchie (…) L'adhésion de M. Piou et de ses amis à la république aurait été une vraie capitulation sur les principes religieux, une acceptation non seulement de la forme républicaine mais encore de la législation hostile à l'Eglise. P. de Cassagnac dans « l'Autorité » fit pendant plusieurs années le métier de dénigrement à jet continu, prétendant donner des leçons à tous, au pape, au secrétaire d'Etat, au nonce et aux évêques, s'arrogeant modestement le rôle de vrai et héroïque défenseur de la religion catholique (…) Il scinda l'encyclique n'acceptant que ce qui lui convenait et omettant tout le reste (…) Malheureusement beaucoup d'autres monarchistes suivirent son pernicieux exemple. La fureur radicale et l’exaspération monarchique se coalisèrent de nouveau contre les directions pontificales: au fond, l'encyclique rencontrait les mêmes adversaires qu’avait rencontré le toast du Cardinal Lavigerie » [iv].

Porter un jugement de fond sur cette question du « ralliement », encore très sensible en France, n’est pas l’objet de cet article [v]; mais juger la façon de réagir des « intégristes », à supposer même que le pape ait commis là une faute majeure. La caractéristique de « l'intégriste » est donc, comme on le voit ci-dessus, exactement à l’opposé de la grande faiblesse du libéral sur les principes : il est ferme [vi] mais avec des manières très excessives et par conséquent non moins nuisibles au bien commun (comme à son âme...). Car il est incapable de tolérer (au sens catholique et non libéral du terme) ou de souffrir que la réalité soit contraire à l’idéal à atteindre. Il se cabre, il se révolte par impatience contre la première et voudrait de force ou par violence (et par faiblesse...) la rendre conforme au second [vii]. Il applique de façon raide ou rigoriste les principes ; il confond le domaine de la contingence, qu’est le concret, et celui du nécessaire qu’est le théorique ou le spéculatif. Il ne distingue plus la remise en cause des principes eux mêmes et leur application plus ou moins limitée par les circonstances concrètes et continuellement changeantes qui y font souvent obstacle. Il a une interprétation tellement rigide de « vous n’êtes pas du monde » qu'il n'est pour ainsi dire plus « dans le monde » mais dans « son » monde! De même du « proclame la parole, insiste à temps et à contretemps, reprends, menace » [viii] dont il oublie la suite: « toujours avec patience »... ; et dont il fait une façon de parler ou d’agir sans discernement, sans tenir compte ou trop peu des circonstances.

A l'ouverture au monde obsessionnelle du libéral, il oppose un rejet total ou non moins déséquilibré du monde présent qu’il confond avec la haine légitime du péché. Il dénigre cette juste ouverture d'esprit, effet de l'humilité, qui consiste à savoir honnêtement reconnaître ce qu'il y a de bien, voire de mieux, chez autrui, fût-il notre adversaire, que chez soi; en ne voyant donc que du mal. Ainsi borné et orgueilleusement renfermé sur sa manière à lui de voir le réel, si on peut dire..., il est incapable de prendre vraiment conseil, comme le veulent les vertus de prudence et d'humilité, sinon qu'auprès de ceux qu'il sait d'avance penser exactement comme lui... Il ne peut donc prendre les décisions pratiques vraiment sages, éclairées ou équilibrées, même dans un sens favorable à ses propres principes.

Il veut tout et tout de suite dans l’application sociale, comme dans la profession personnelle, de la foi [ix]; ou rien. Il tombe ainsi dans la fameuse « politique du pire »[x], signe de faiblesse, de désespoir ou suicidaire, qui, face à la « politique du moindre mal » du libéral, n’est qu’une autre de ses réactions excessives. Cette dernière politique est, certes, pusillanime et inacceptable car on ne peut jamais vouloir le mal aussi léger soit il ; mais il est incapable d'envisager la seule vraie politique, la « politique du possible » qui, sans renier du tout les principes, tient compte avec soin, prudence et vrai courage de chacune et de toutes les circonstances [xi]; qui est la politique vraiment réaliste. Son côté paradoxal et cocasse est que lui, qui se réclame, en général, à cor et à cri de la philosophie réaliste (aristotélico-thomiste), se comporte de fait en idéaliste pur et dur; alors qu'à l'inverse, celui qui se range philosophiquement plutôt dans le camp moderne, idéaliste ou utopiste, pèche finalement par cet excès de réalisme qu’est le pessimisme (en se décourageant d’emblée face à l’adversité)!

Un autre paradoxe est que celui qui tient tant au triomphe immédiat, voire violent, de ses principes ou de sa foi dans la sphère de la vie publique comme dans celle de sa vie privée, obtient l'effet exactement inverse car, par son faux zèle apostolique ou par son zèle amer, il agit comme un épouvantail [xii] et provoque une réaction opposée, comme le montre l'histoire où l'on ne voit pas qu'un tel état d'esprit ait jamais contribué au progrès des bonnes causes ainsi défendues, au contraire (cf. ci-dessus).

La vertu morale est un juste et difficile milieu car elle consiste à se maintenir sur un sommet ou sur une ligne de crête d'où l'on peut glisser soit dans un défaut, soit dans un excès.

Le défaut est ici la lâche présomption du libéral qui ne cherche même plus à éloigner ou à combattre autant que possible le mal, dans la vie publique comme dans la vie privée. Car il est au fond pusillanime, il baisse vite les bras donc s’en arrange facilement et finalement ne le considère même plus comme tel mais comme un bien !

L’excès opposé est la crainte de l'intégriste face au mal avec la fébrilité qui est toujours à l’affût de l’actualité – on branché sur internet... - à laquelle il prend l’habitude de réagir sans le recul nécessaire donc de façon superficielle, émotionnelle, irrationnelle et inefficace ; mais aussi avec aigreur, discourtoisie, dureté (à ne pas confondre avec la fermeté) et, en un mot, avec manque de charité; ce qui en définitive ressemble fort à la pusillanimité du libéral et explique qu’on puisse voir sans trop de problème passer d’un extrême à l’autre... Car, au fond, l’un et l’autre manquent de foi ou de confiance en J.-C. qui a dit que Dieu « ne permet jamais qu'on soit tenté au delà de nos forces »; qu’à tout instant, quelles que soient les circonstances indépendantes de notre volonté, Il veille autant sur chacun en particulier, comme s'il était unique au monde ou la prunelle de ses yeux, que sur l'ensemble de tout l'univers; donc qu’Il proportionne ses secours à la difficulté permise par Lui et tant qu'Il la permet.

L’attitude vertueuse et surnaturelle - les précédentes ne sont que trop naturelles et humaines ! - , la ligne de crête est donc, en l'occurrence, la juste, douce et paisible [xiii] confiance à avoir envers la Providence, en la suivant pas à pas, sans la précéder ou sans impatience, grâce à ses indications que sont toutes les circonstances indépendantes de nos volontés mais voulues ou permises par Elle afin de nous exercer justement à la patience, la vertu maîtresse des forts, hors de laquelle il n’y a pas de salut, aucune vraie réussite au temporel comme au spirituel, comme aucune vraie charité!

Bertrand Y.
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[i] cf. « Libéralisme et catholicisme », Abbé A. Roussel, 1926

[ii] à bien distinguer de la fragilité de tout homme pécheur qui l’entraîne à ne pas toujours agir en accord avec ses propres principes mais sans y avoir renoncé.

[iii] nier par ses actes un seul principe de la foi ou de la morale catholiques revient à ne plus être catholique car tout homme agit naturellement ou doit agir en conformité avec ses convictions intimes. Le catholique doit donc professer ses convictions intimes de foi, éventuellement jusqu'au péril pour sa vie, sous peine de perdre ou de renier la foi catholique. Ainsi semble t il plus juste de parler de « libéral catholique » que de « catholique libéral » puisque libéral « substantiellement » (philosophiquement et analogiquement parlant); et catholique par « accident » (de même).

[iv] Cal Ferrata, nonce à Paris

[v] cf. notre autre article « Le pape Léon XIII et « la plus grande des nations »»

[vi] à l’inverse, il semble plus juste de parler de « catholique intégriste » que d’ « intégrsite catholique » puisque catholique « substantiellement », la foi étant le fondement et la substance de l’identité catholique ; et intégriste par « accident » (ce qui peut néanmoins être aussi par habitude).

[vii] peut donc user concrètement des mêmes moyens que ceux qu'il condamne en théorie chez les révolutionnaires

[viii] Ep. à Timothée, 2, 4

[ix] alors que l'histoire montre au contraire que le bien – à commencer par sa propre sanctification - s'accomplit toujours de façon progressive, lente, non violente ou sans bruit, à moins de miracles par définition exceptionnels (le déluge, par ex.) sur lesquels il ne faut donc a priori pas compter; ce qui n'empêche pas de les demander parfois dans la prière.

[x] le mot « intégrisme » serait apparu en Espagne, au XIX, lors de l’opposirion entre les « carlistes » (monarchistes d'Ancien Régime et « intégristes ») et les « alphonsistes » (monarchie constitutionnelle au pouvoir). A la politique « du moindre mal » de ces derniers, les premiers opposèrent la politique « du pire » : refuser de soutenir électoralement le parti au pouvoir (somme toute légitime en soi) contre le péril révolutionnaire en espérant ainsi une réaction salvatrice en leur faveur, cad en prenant sciemment le risque d'une guerre civile (la fin ne justifie pas le moyen!). D’où l’accepttion péjorative qu’aurait prise le mot chez les esprits cultivés puis dans l’inconscient collectif « formaté » par eux.

[xi] et compte tenu du principe moral dit du « volontaire indirect »

[xii] qui peut malheureusement justifier l'amalgame avec certains fanatiques musulmans, qualifiés « d'intégristes »

[xiii] « Je vous laisse la paix; Je vous donne ma paix. Ce n'est pas comme le monde la donne que je vous la donne. Que votre coeur ne se trouble pas, ne s'effraie pas ! », St Jean, 14, 23

27 février 2016

[Ennemond - Le Forum Catholique] Il y a toujours eu des sensibilités

SOURCE - Ennemond - Le Forum Catholique - 27 février 2016

Comme dans toute société humaine, la Fraternité Saint-Pie X n’a jamais empêché ses membres d’adopter des idées personnelles, voire de ferrailler en privé sur des questions diverses n’engageant pas la foi. En même temps, comme toute société religieuse hiérarchique, elle ne peut se permettre les prises de position répétées allant publiquement à l’encontre de la ligne générale de la FSSPX, qui est celle qui est établie habituellement par le conseil général (le supérieur général et ses deux assistants) et occasionnellement par le chapitre général (40 membres).

La question des relations avec Rome du fait de la genèse de la FSSPX a déchaîné les passions, entraîné les évictions. Mgr Lefebvre - afin d’éviter l’anarchie qui est l’apanage des protestants - a demandé à ceux qui ne voyaient plus l’intérêt de son combat (défense de la liturgie et de la doctrine traditionnelles) de prendre leurs distances. De même qu’il a exigé de ceux qui extrapolaient les jugements en doutant des promesses faites à Pierre de gagner d’autres horizons. C’est une histoire pénible mais bien compréhensible du fait de l’âpreté de la situation et de la nécessité de tenir un discours clair (d’un côté comme de l’autre). Aussi, la question des relations entre la FSSPX et le Saint-Siège relève-t-elle de la Maison générale. C’était déjà ainsi il y a bien des années.

Que des opinions s’expriment est une chose, mais elles ne peuvent constituer des « écoles » à juxtaposer, d’autant plus qu’il est tentant d’imaginer que la Fraternité serait un triumvirat d’évêques (cf. ce texte de 2008). En l’occurrence, Mgr de Galarreta propose une vision très proche des récents discours américains du supérieur général et on peut le penser missionné, dans la mesure où il apporte beaucoup de détails sur les pourparlers entre la Maison Générale et Rome, ce qui n’est pas dans ses habitudes. Une lettre interne des évêques auxiliaires de la FSSPX exprimant des mises en garde privées à l’encontre de la Maison Générale avait fuité en 2012 et elle avait eu un effet catastrophique car elle visait à faire pression sur les esprits extérieurs et à faire penser à une opposition, en transformant de façon malhonnête des jugements privés en prises de position publiques. Avec le temps, cet acte de piratage a eu pour conséquence de rendre la situation assez claire pour les évêques : l’un d’eux a multiplié les critiques publiques pour aboutir à son éviction, les deux autres ont multiplié les marques de leur attachement à leurs supérieurs, conformément au vœu de leur fondateur : « je vous conjure de demeurer attachés à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, de demeurer profondément unis entre vous, soumis à son Supérieur Général, dans la foi catholique de toujours ».

[Abbé Alain Lorans, fsspx - DICI] Des vaticanistes perplexes

SOURCE - Abbé Alain Lorans, fsspx - DICI - 27 février 2016

A la fin de chaque voyage pontifical, le pape François donne une conférence de presse dans l’avion du retour. Mais au lieu d’apporter des réponses claires aux journalistes, ses propos posent à chaque fois de sérieux problèmes d’interprétation. On se souvient du célèbre « Qui suis-je pour juger ? » au sujet des homosexuels, après la visite apostolique au Brésil, en juillet 2013.

La conférence de presse, à l’issue du récent voyage au Mexique, a été l’occasion pour François de porter un jugement sévère sur le candidat à la présidentielle américaine, Donald Trump, tout en déclarant qu’il ne s’immisçait pas dans la politique italienne sur la question des unions civiles (i.e. les « mariages » homosexuels) en Italie, avant de rejeter fermement le crime de l’avortement, tout en évoquant la possibilité de la contraception, comme un moindre mal pour éviter les conséquences du virus Zika…

La presse italienne parle de «sorties énigmatiques», de «jésuitisme multiple, en mouvement constant, qui ne se laisse jamais arrêter ou saisir», résumant ainsi ses réponses contradictoires : «Je m’en mêle, je ne m’en mêle pas; je juge, je ne juge pas… François déconcerte le monde catholique avec ses évaluations fluctuantes». Toujours est-il que la conclusion du lecteur moyen sera simple: «un chrétien ne peut pas voter pour Donald Trump ; quant au projet de loi sur les unions civiles, que chacun se reporte à sa propre conscience… mais aucune barrière n’est levée pour l’empêcher de passer ; l’avortement est un crime, tandis que la contraception n’est qu’un moindre mal, et donc elle est acceptable…»

De retour dans leurs salles de rédaction, ces vaticanistes dénoncent ce qui cause leur malaise : aujourd’hui le discours pontifical est « un perpétuel ‘dire, dédire et contredire’ ». Certains émettent des doutes sur l’efficacité du P. Federico Lombardi comme décodeur d’une pensée qui demeure irrémédiablement brouillée. Ce qui les rassure faiblement, il est vrai, c’est la réponse que le pape a faite récemment aux critiques de l’un d’entre eux, Antonio Socci, dans une Lettre ouverte sur l’Eglise en temps de guerre. « Je suis sûr que beaucoup des choses que vous rapportez me feront beaucoup de bien », lui a écrit François. Ces journalistes espèrent donc. L’espoir fait vivre.

Abbé Alain Lorans

[Mgr Williamson - Initiative St Marcel] Des évêques Valides? – II

SOURCE - Mgr Williamson - Initiative St Marcel - 27 février 2016

La nouvelle église est ambiguë, de long en large,
Mais il y a toujours en son sein des âmes innocentes.

Une étude récente par un théologien compétent de la Fraternité Saint Pie X à propos de la validité du nouveau rite de Consécration Épiscopale qui a été introduit en 1969 confirme de façon remarquable le second point du plan en trois points de la franc-maçonnerie destiné à détruire l’Église catholique, plan que le Cardinal Liénart (1884–1973), alors agonisant, aurait révélé sur son lit de mort. Le Cardinal était un éminent néo-moderniste à Vatican II, et sûrement franc-maçon lui-même. Avant de citer le résumé du témoignage du Cardinal, qui apparut dans ces Commentaires (#121 du 31 octobre 2009), rappelons aux lecteurs que la validité d’un Sacrement catholique requiert, en plus d’un Ministre valide, une Forme et une Matière valides (les paroles et les actions au cœur de la cérémonie), et l’I ntention sacramentelle de faire ce que fait l’Église. Toutes les autres paroles devant être dites à la cérémonie constituent le Rite, qui entoure et encadre la Forme. Du Commentaire 121 :—

D’après le Cardinal, le premier objectif de la franc-maçonnerie dans ce Concile fut de casser la Sainte Messe en y altérant le Rite catholique de telle manière que l’Intention du célébrant « de faire ce que fait l’Église », finirait à la longue par se perdre. Petit à petit, le Rite devait mener les prêtres et les fidèles à voir en la Messe plutôt un « mémorial » ou un « repas sacré » qu’un sacrifice propitiatoire. Le second objectif était de rompre la Succession Apostolique par un nouveau Rite de Consécration Épiscopale qui finirait par enlever aux Évêques la validité de leur consécration. La nouvelle Forme n’y serait pas invalide en soi, mais elle serait suffisamment ambiguë pour semer le doute, et surtout, le nouveau Rite dans son ensemble serait de nature à dissoudre à la longue l’Intention sacramentelle de l’Évêque consécrateur. Aussi la Succession Apostolique se romprait-elle si doucement que personne ne s’en apercevrait ( . . . )

Les nouveaux Rites de la Messe et de la Consécration épiscopale d’aujourd’hui ne correspondent-ils pas exactement à ce plan maçonnique révélé par le Cardinal ? Depuis que ces nouveaux Rites ont été introduits à la fin des années 1960 et au début des années 1970, beaucoup de Catholiques sérieux ont incriminé leur validité. Hélas, ces Rites ne sont pas invalides en soi – ce serait trop simple ! Ils sont bien pires ! Leur Forme sacramentelle est suffisamment catholique pour rassurer maints célébrants sur leur validité mais, dans l’ensemble, la nouvelle Forme et le nouveau Rite sont tellement ambigus et tellement propices à une interprétation non-catholique qu’à la longue ils rendront invalide l’Intention de tout célébrant trop « obéissant ». ou qui ne prie et ne veille pas assez. Des Rites ainsi modifiés de manière à paraître assez valides dans un premier temps pour être acceptés par le plus grand nombre, mais qui sont à tel point ambigus qu’à long terme ils vont invalider les Sacrements, constituent un piège d’une subtilité vraiment satanique !

Il n’y a plus de place dans ce Commentaire-ci pour rendre justice à l’ article récent de l’Abbé Alvaro Calderón, mais présentons-en les grandes lignes (dont la justification attendra un autre numéro de ces Commentaires) : le nouveau Rite de la Consécration épiscopale est un Rite entièrement nouveau. Est-il valide en tant que tel ? Il est certainement illégitime, car aucun Pape n’a le droit de rompre ainsi avec la Tradition catholique. D’ autre part, dans le contexte du nouveau Rite et de son institution, la nouvelle Matière, la nouvelle Forme et la nouvelle Intention sont fort probablement valides car ils signifient ce qui doit être signifié et la plupar t de leurs éléments viennent de Rites acceptés par l’Église. Mais la validité n’est pas certaine, car une telle rupture avec la Tradition n’est pas légitime ; le nouveau Rite n’est que similaire aux Rites approuvés par l’Église ; et tous les changements vont dans une direction moderniste. Ainsi, le besoin absolu d’ une validité certaine dans les Rites sacramentaux s’applique : tant que le Magisterium restauré de l’Église n’a pas déclaré que le nouveau Rite de Consécration est valide, alors pour garantir la validité, les Évêques nouveaux devraient être re-consacrés sous condition, et les prêtres nouveaux qui n’ont été ordonnés que par de nouveaux Évêques devraient être ré-ordonnés sous condition.

Le néo-modernisme est « uniquement insaisissable ». Il fut conçu pour l’être.

Kyrie eleison.

26 février 2016

[Nicolas Senèze - La Croix] La Fraternité Saint-Pie-X croit possible une reconnaissance unilatérale par le pape

SOURCE - La Croix - 26 février 2016

Mgr Alfonso de Galaretta, un des quatre évêques de la FSSPX, a révélé que la Congrégation pour la doctrine de la foi a officiellement proposé à la FSSPX le statut de prélature personnelle à l’été 2015.
Dans une conférence donnée le 17 janvier à Bailly (Yvelines), Mgr Alfonso de Galaretta, un des trois évêques de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX), est revenu sur les discussions des intégristes avec Rome, évoquant la possibilité d’une « reconnaissance unilatérale » de la FSSPX par le pape.
Dans cette conférence, dont le texte a été diffusé par Dici, le site d’information officiel de la FSSPX, Mgr de Galarreta indique que, à l’été 2015, la Congrégation pour la doctrine de la foi a officiellement proposé à la FSSPX le statut de prélature personnelle, accompagné d’une proposition de déclaration doctrinale à accepter par les lefebvristes.

Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité, « a envoyé les deux textes romains à tous les supérieurs majeurs et à quelques théologiens de la Fraternité, ainsi qu’aux évêques pour qu’on lui donne notre avis », a expliqué Mgr de Galarreta qui a ensuite développé le contenu de la déclaration doctrinale.

« Ils enlèvent des conditions pour essayer d’arriver à un accord »

« Ce que l’on voit, c’est qu’il n’y a plus la profession de foi du cardinal Ratzinger. Les autorités romaines nous demandent la profession de foi de Pie IV, c’est-à-dire la profession de foi du concile de Trente », explique l’évêque argentin. « Ensuite, dans la précédente proposition, il y avait un paragraphe sur la liberté religieuse. Ils ont supprimé cette exigence. L’œcuménisme est supprimé. Sur la messe ils nous demandent de reconnaître la validité des nouveaux sacrements, de la nouvelle messe, selon l’édition typique, l’édition latine originale. Ce que la Fraternité a toujours reconnu. Voyez, ils enlèvent des conditions pour essayer d’arriver à un accord. »

Selon Mgr de Galarreta, ces propositions romaines demeurent néanmoins insuffisantes. « Eux, ils entendent surtout et toujours nous faire accepter, au moins vaguement, au moins en principe, le concile Vatican II et ses erreurs », estime Mgr de Galarreta pour qui, dans la proposition de prélature personnelle reflète toujours « d’une façon ou d’une autre, une soumission par rapport aux dicastères romains ou par rapport aux évêques ».

« Un accord avec la Rome actuelle est exclu »

« Pour moi, un accord avec la Rome actuelle est exclu », juge donc Mgr de Galarreta même s’il estime ne pas refuser un accord « de façon absolue et théorique » comme le fait Mgr Richard Williamson, animateur d’une « résistance » dans le mouvement intégriste et qui vient d’annoncer son intention d’ordonner illicitement un nouvel évêque le 19 mars prochain.

Selon Mgr de Galarreta, ce refus d’un accord avec Rome pourrait néanmoins ne pas empêcher le pape François de conférer de lui-même un statut à la Fraternité Saint-Pie X.

« Ce pape va passer outre toute condition doctrinale »

« Ce pape qui dit à qui veut l’entendre que nous sommes catholiques, qui dit et répète que la Fraternité est catholique, que nous sommes catholiques, qu’il ne va jamais nous condamner et qu’il faut régler notre “affaire”, quand il verra qu’il n’y a pas d’entente avec la Congrégation pour la doctrine de la foi, va passer outre toute condition doctrinale, théorique, pratique, ou quoi que ce soit… »

« Je pense que le pape va aller dans le sens d’une reconnaissance unilatérale de la Fraternité, et plutôt par la voie des faits que par une voie de droit ou légale, canonique », estime donc l’évêque argentin pour qui « cette reconnaissance de fait aura un effet extraordinaire ».

[DICI] Mgr de Galarreta : « Je pense que le pape va aller dans le sens d’une reconnaissance unilatérale. »

SOURCE - DICI - 26 février 2016

Mgr Alfonso de Galarreta a donné une conférence à Bailly, près de Versailles, le 17 janvier 2016. Il y a exposé la situation actuelle de l’Eglise et a informé ses auditeurs de l’état présent des relations entre Rome et la Fraternité Saint-Pie X. Il avait dirigé la commission des théologiens de la Fraternité Saint-Pie X, lors des entretiens doctrinaux avec Rome, entre 2009 et 2011. Voici les extraits les plus significatifs de sa conférence, transcrits par DICI.
Une aggravation de la crise de la foi qui suscite des réactions publiques
Dans une première partie, Mgr de Galarreta constate que se développe à Rome « une volonté de tirer toutes les conséquences contenues dans les principes du concile Vatican II ». Les idées conciliaires d’œcuménisme, de liberté religieuse et de collégialité étant désormais acquises, selon les autorités romaines, c’est la morale qui est maintenant atteinte par une forme d’évolutionnisme : « Cela est vrai déjà pour le dogme, pour la vérité (selon les progressistes) ; cela est vrai déjà pour l’œcuménisme, la liberté religieuse, la collégialité, tout l’esprit libéral révolutionnaire… alors pourquoi pas pour la morale aussi ? Au fond, c’était une incohérence de ne pas appliquer l’évolution à la morale également », cette dernière est donc amenée à s’adapter aussi « en fonction de la vie de l’homme, les mœurs, les lois, l’évolution des choses … ».

Néanmoins le prélat argentin reconnaît que, face à ce désastre, une réaction se manifeste : « Maintenant c’est dans l’Eglise actuelle, officielle, qu’il commence à y avoir des réactions. Et des réactions qui vont en profondeur, car certains se rendent compte quand même qu’il y a un problème doctrinal, un problème de foi. Ils se rendent compte qu’il y a un problème aussi dans le magistère conciliaire et postconciliaire. Ils commencent à se poser des questions et, aspect très important, ils comprennent que pour s’opposer à cette rupture totale avec la Tradition, il faut réagir, et nécessairement s’opposer aux autorités qui sont les diffuseurs de ces erreurs. C’est ainsi qu’on voit des cardinaux, des évêques, des prêtres, des laïcs qui commencent à réagir, et dans le bon sens et dans un très bon sens même, quelquefois avec beaucoup de fermeté. »
Une double proposition romaine : doctrinale et canonique
Mgr de Galarreta indique ensuite qu’une proposition de prélature personnelle a été faite par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, à l’été 2015, accompagnée d’une proposition de déclaration doctrinale. Et il fait savoir que le « Supérieur général a envoyé les deux textes romains à tous les supérieurs majeurs et à quelques théologiens de la Fraternité, ainsi qu’aux évêques pour qu’on en fasse une analyse, qu’on lui donne notre avis ».

Au sujet de la proposition de déclaration doctrinale, l’évêque argentin reconnaît : « Ce que l’on voit dans la déclaration doctrinale, c’est qu’il n’y a plus la profession de foi du cardinal Ratzinger. Les autorités romaines nous demandent la profession de foi de Pie IV, c’est-à-dire la profession de foi du concile de Trente. Ensuite, dans la précédente proposition, il y avait un paragraphe sur la liberté religieuse. Ils ont supprimé cette exigence. L’œcuménisme est supprimé. Sur la messe ils nous demandaient de reconnaître la validité et la légitimité. Maintenant ils nous demandent de reconnaître la validité des nouveaux sacrements, de la nouvelle messe, selon l’édition typique, l’édition latine originale. Ce que la Fraternité a toujours reconnu. Voyez, ils enlèvent des conditions pour essayer d’arriver. »

Puis, Mgr de Galarreta indique que le Supérieur général a tenu à répondre à l’offre romaine de reconnaître la Fraternité ‘telle qu’elle est’, par une réponse préalable qui ne reste pas dans le vague : « Mgr Fellay nous a dit : ‘avant de répondre à cette proposition de la Congrégation de la Foi, je vais leur écrire, de façon assez exhaustive, pour bien préciser comment nous sommes et comment nous agissons, qu’est-ce que nous prêchons, qu’est-ce que nous faisons, qu’est-ce que nous ne faisons pas, et ce que nous ne sommes pas prêts à faire’ », – afin de savoir si la Fraternité est acceptée ‘telle qu’elle est’ vraiment.

Le prélat argentin fait alors part de ses réserves pour une raison doctrinale de fond : « Eux, ils entendent surtout et toujours nous faire accepter, au moins vaguement, au moins en principe, le concile Vatican II et ses erreurs ». Et il ajoute que cette volonté romaine se retrouve, au plan pratique, dans la proposition canonique : « Il y a toujours, d’une façon ou d’une autre, une soumission par rapport aux dicastères romains ou par rapport aux évêques ». Ce qui l’amène à affirmer que, personnellement, il refuserait les propositions romaines : « Pour moi, un accord avec la Rome actuelle est exclu ». Il précise qu’il s’agit d’un refus prudentiel dicté par les circonstances – en l’absence de garanties nécessaires à la vie de la Fraternité –, et il tient à bien se distinguer de ceux qui font de ce refus un absolu :

« Nous ne refusons pas, vous le voyez, de façon absolue et théorique la possibilité d’un accord avec Rome. C’est cela qui nous distingue de la ‘Résistance’. Pour eux c’est un principe. C’est une question doctrinale : ‘Vous ne pouvez pas admettre la possibilité d’un accord avec Rome, sans être libéral’. Ce n’est pas notre position. Il faut le redire : ce n’était pas la position de Mgr Lefebvre. Il a signé un protocole d’accord avec Rome. Et à ce moment là, même quand il a rompu après le protocole, Monseigneur a bien dit : ‘c’est parce qu’il n’y a pas les conditions nécessaires pour notre survie, pour notre protection’. Parce qu’ils veulent nous tromper, parce qu’ils ne veulent pas nous donner la Tradition, parce qu’ils veulent nous ramener à Vatican II. C’est parce qu’il n’y a pas les conditions. Il a dit : ‘S’ils m’avaient donné les conditions, les conditions que j’avais mises, j’aurais signé’. Cela Mgr Lefebvre l’a dit après les sacres. Et il a précisé : ‘Si j’ai signé un protocole d’accord, c’est parce qu’il n’y avait rien de contraire à la foi’. Ni dans le contenu, ni dans le fait de signer. C’est évident. Donc nous continuons dans cette ligne. »
Vers une reconnaissance unilatérale de la Fraternité ?
Dans une seconde partie, et au-delà des propositions de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Mgr de Galarreta confie publiquement qu’il pense que le pape peut prochainement conférer un statut à la Fraternité Saint-Pie X :

« Je pense plutôt, et c’est là l’autre aspect des choses, que ce pape qui dit à qui veut l’entendre que nous sommes catholiques, qui dit et répète que la Fraternité est catholique, que nous sommes catholiques, qu’il ne va jamais nous condamner et qu’il faut régler notre ‘affaire’. Je pense que – il a déjà commencé dans cette voie-là –, quand il verra qu’il n’y a pas d’entente avec la Congrégation de la Foi, je pense qu’il va passer outre toute condition doctrinale, théorique, pratique, ou quoi que ce soit… Il va faire des pas lui-même, dans le sens d’une reconnaissance de la Fraternité. Il a déjà commencé, il va tout simplement poursuivre. Ici je dis non pas ce que je désire, je dis ce que je prévois. Je prévois, je pense que le pape va aller dans le sens d’une reconnaissance unilatérale de la Fraternité, et plutôt par la voie des faits que par une voie de droit ou légale, canonique. »

Mgr de Galarreta reconnaît que « cette reconnaissance de fait aurait un effet bon, bénéfique : c’est une ouverture apostolique assez extraordinaire, cela aura un effet extraordinaire ». Mais il ajoute qu’il y aurait alors deux risques : celui de créer une division en interne et celui de conditionner la prédication dans certaines circonstances. Et de s’interroger : « Il faudra une sagesse, une prudence extraordinaire, une fermeté, une clarté très grande. Sommes-nous capables de cela ? »

Le prélat argentin répond en demandant de garder une confiance surnaturelle face à ces éventualités : « Si la Providence nous envoie cela, c’est là que nous aurons les grâces nécessaires pour surmonter les difficultés et pour les gérer comme il faut, mais bien sûr dans la mesure où ce n’est pas produit par notre volonté, où cela s’impose à nous. Si on a les idées claires, on pourra toujours en profiter pour le bien. Mais dans ce cas hypothétique, – je vous donne mon opinion sur des conjectures, n’est-ce pas ? – dans ce cas-là je pense qu’on aura les grâces nécessaires pour persévérer et pour faire le bien que nous devons faire dans la Sainte Eglise. Le Bon Dieu ne va jamais nous renier, arrêter de nous donner les moyens pour persévérer dans la foi et dans le vrai combat, si nous restons toujours dans la foi, dans l’espérance, dans la charité, dans la force de la confession de la foi, dans la sanctification quotidienne. »
La peur des risques et la confiance en la Providence divine
Et de conclure après avoir soulevé une objection : « Alors vous me direz : ‘dans ces cas-là, il y a un risque !’ – Oui, bien sûr. Dans la vie il y a beaucoup de risques, dans une guerre encore plus. Nous sommes en guerre. Donc ce sera ce que le Bon Dieu voudra. Mais j’ai confiance en la Providence, et j’ai une confiance totale en l’amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ pour la Sainte Eglise. Alors dans la mesure où nous ne le cherchons pas, même si cela arrive, je pense qu’il ne faut pas s’affoler. Rien ne change. C’est le même combat qui continue, la même ligne. Simplement, il s’agit de profiter de ces espaces de liberté qui nous sont laissés. Dans une guerre si l’ennemi abandonne des tranchées, il faut les prendre ; s’il recule, il faut avancer. Vous n’allez pas rester chez vous sous prétexte qu’il y a des risques. Il faut faire les choses prudemment, et après il faut du courage. Et surtout chez nous il faut la confiance en Dieu. C’est le combat pour Dieu. C’est le combat de Dieu. Notre confiance est en Lui et en la Très Sainte Vierge Marie.

« Personnellement je ne suis pas inquiet du tout par rapport à l’avenir de la Fraternité ou de la Tradition ; par contre, par rapport à l’avenir de la société, de nos nations jadis catholiques ou même de l’Eglise officielle, oui, je suis inquiet et pessimiste. On prévoit que cela évolue vers le pire. Or c’est justement lorsque nous arrivons à une situation beaucoup plus désespérée, extrême, qu’il y a l’intervention de la Divine Providence, l’intervention de Dieu qui a toujours ses moyens divins. Notre Seigneur est toujours le maître des événements, de l’histoire. Et pas seulement en général, mais en particulier. Donc si l’Evangile nous dit qu’il n’y a pas un seul cheveu de notre tête qui tombe…, que tous les cheveux de notre tête sont comptés, qu’il n’y a pas un moineau qui tombe sans la permission de Dieu (cf. Mt 10, 29-30), je pense qu’il faut rester très serein. C’est comme cela qu’on garde un jugement équitable sur les réalités objectives, et que l’on conserve une attitude non seulement équilibrée, mais catholique, chrétienne et sainte. C’est là la sagesse que nous a transmise Mgr Lefebvre, cette attitude catholique. Nous pouvons très bien garder aujourd’hui cette ligne dans la situation actuelle de la Sainte Eglise, tout comme devant toutes les éventualités qui vont se présenter d’ici peu. »
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(Source : FSSPX/MG – Transcription DICI n°331 du 26/02/16)

25 février 2016

[Mgr Guido Pozzo, Luca Marcolivio - Zenit] Où en est le dialogue avec les lefebvristes?

SOURCE - Mgr Guido Pozzo, secrétaire de la Commission pontificale Ecclesia Dei / Luca Marcolivio - Zenit - 25 février 2016

Après la levée de l'excommunication en 2009 , par Benoît XVI , l'ouverture faite par François dans l'Année Sainte est une nouvelle étape vers la reconnaissance canonique.

On a beaucoup parlé ces dernières années du rapprochement de la Fraternité Saint-Pie X, fondée par Mgr Marcel Lefebvre, avec l'Eglise de Rome. La levée de l'excommunication par le pape Benoît XVI n'efface pas encore l’iregularité de la position dans laquelle se trouvent les lefebvristes.

Il leur reste, en effet, à accepter la liturgie Novus Ordo, l'œcuménisme et la liberté religieuse ; mais l'ouverture poussée par François - qui, pour le Jubilé, a sanctionné la validité de la réception des sacrements de la confession et de l’onction des malades administrés par des prêtres lefebvristes - représente une nouvelle étape vers la reconnaissance canonique.

Pour en savoir plus sur la situation actuelle de la Fraternité Saint-Pie X, ZENIT a interviewé Mgr Guido Pozzo, secrétaire de la Commission pontificale Ecclesia Dei, créé en 1988 par saint Jean-Paul II, dans le but principal d'entamer un dialogue avec les lefebvristes, pour arriver un jour à leur pleine réinsertion.
Excellence, en 2009, le pape Benoît XVI a levé l'excommunication de la Fraternité Saint-Pie X. Cela signifie que maintenant ils sont à nouveau en communion avec Rome?
Avec la levée par Benoît XVI de la censure de l'excommunication des évêques de FSSPX (2009), ils ne sont plus soumis à cette grave peine ecclésiastique. Avec cette mesure, cependant, la FSSPX est encore dans une situation irrégulière, parce qu'elle n'a pas reçu la reconnaissance canonique par le Saint-Siège. Tant que la Société n'a pas de statut canonique dans l'Église, ses ministres n’exercent pas de manière légitime le ministère ni la célébration des sacrements. Selon la formule de celui qui était alors le cardinal Bergoglio de Buenos Aires, et confirmé par François à la Commission pontificale Ecclesia Dei, les membres de la FSSPX sont catholiques dans le chemin vers la pleine communion avec le Saint-Siège. Cette pleine communion viendra quand vous verrez la reconnaissance canonique de la Fraternité.
Quelles mesures ont été prises par le Saint-Siège dans ces sept années pour promouvoir le rapprochement de la Fraternité Saint-Pie X?
Suite à la levée de l'excommunication en 2009, ont commencé une série de réunions entre experts doctrinaux nommés par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui est étroitement liée à la Commission pontificale Ecclesia Dei selon le Motu proprio de Benoît XVI Ecclesiae Unitatem (2009), et d’autre part des experts de la FSSPX, pour discuter et échanger sur les grandes questions doctrinales qui sous-tendent le conflit avec le Saint-Siège: la relation entre la Tradition et le Magistère, la question de l'œcuménisme, le dialogue inter-religieux, la liberté religieuse et de la réforme liturgique, dans le cadre de l'enseignement du Concile Vatican II.

Ces rencontres, qui ont duré environ deux ans, ont permis de clarifier les positions théologiques respectives sur le sujet, pour mettre en évidence les points de convergence et de divergence.

Au cours des années suivantes, les discussions doctrinales ont continué avec quelques initiatives visant à l’approfondissement et la clarification des thèmes en discussion. Dans le même temps des contacts entre les supérieurs de la Commission Ecclesia Dei et les membres supérieurs et d'autres de la FSSPX, ils ont favorisé le développement d'un climat de confiance et de respect mutuel, qui doit être la base d'un processus de rapprochement. Il faut surmonter la méfiance et les raideurs qui sont compréhensibles après tant d'années de fracture, mais qui peuvent être progressivement dissipées si les changements d'attitude mutuelles et si les différences ne sont pas considérés comme des murs insurmontables, mais comme des points de discussion qui méritent d'être approfondis et réglés, dans une clarification utile à toute l'Église. Nous sommes maintenant à un stade que je crois constructif et propre à obtenir la réconciliation souhaitée. Le geste de François, d'accorder aux fidèles catholiques de recevoir valablement et licitement le sacrement de la réconciliation et de l'onction des malades de la part des évêques et des prêtres de la FSSPX au cours de l'Année Sainte de la Miséricorde, est clairement le signe de la volonté du Saint-Père de favoriser le chemin vers la reconnaissance canonique complète et stable.
Quels sont les obstacles qui se dressent encore sur le chemin de la réconciliation finale?
Je distinguerais deux niveaux. Le niveau doctrinal à proprement parler, qui concerne quelques différences sur des sujets individuels proposés par le Concile Vatican II et le magistère post-conciliaire, relatif à l'oecuménisme, la relation entre le christianisme et les religions du monde, la liberté religieuse, en particulier dans la relation entre l'Église et de l'État, certains aspects de la réforme liturgique. Et le niveau de l'attitude mentale et psychologique, ce qui est de passer d'une position de confrontation polémique et antagoniste, à une position d'écoute et de respect mutuel, d'estime et de confiance, comme il se doit entre les membres du même Corps du Christ, qui est l'Église. Nous devons travailler sur ces deux niveaux. Je pense que le rapprochement entrepris a donné des fruits, en particulier pour ce changement d'attitude par les deux parties et il est utile de poursuivre cela.

Même sur la question du Concile Vatican II, je pense que la FSSPX doit réfléchir sur la distinction, que je crois fondamentale et absolument décisive, entre le mens, l’esprit de Vatican II, son docendi intentio, comme le montrent les Actes officiels du Concile, et ce que j’appellerais le "para-concile", à savoir l'ensemble de lignes directrices théologiques et attitudes pratiques, qui ont accompagné le cours du Concile lui-même, avec la prétention ensuite de se couvrir de son nom, et qui se confondent souvent avec la vraie pensée du Concile dans l’esprit du public, grâce à l'influence des mass médias. Souvent, dans les discussions avec la FSSPX, l'opposition n’est pas au Concile, mais à l'«esprit du Concile», qui utilise certaines expressions ou formulations des documents conciliaires pour ouvrir la voie à des interprétations et des positions qui sont éloignées de la vraie pensée conciliaire et qui parfois abusent d’elle. Ainsi en ce qui concerne la critique lefebvriste sur la liberté religieuse, au fond de la discussion me semble que la position de la FSSPX se caractérise par la défense de la doctrine catholique traditionnelle contre la laïcité agnostique de l'Etat et contre la laïcité et le relativisme idéologique et non pas contre le droit qu’a la personne de ne pas être forcée ou empechée obstruée par l'État dans l'exercice de sa profession de foi religieuse. Cependant, ce sont des questions qui seront un sujet de discussion et de clarification, même après la pleine réconciliation. Ce qui semble essentiel est de trouver une convergence complète sur ce qui est nécessaire pour être en pleine communion avec le Siège apostolique, à savoir l'intégrité du Credo catholique, la contrainte des sacrements et l'acceptation du magistère suprême de l'Eglise. Le Magistere, qui n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu écrite et transmise, mais qui la sert, est l'interprète authentique aussi des textes précédents, y compris ceux du Concile Vatican II, à la lumière de la Tradition vivante, qui se développe dans l'Eglise avec l'aide du Saint-Esprit, non pas avec comme une nouveauté contraire (qui refuserait le dogme catholique), mais avec une meilleure compréhension du dépôt de la foi, dans la même doctrine, le même sens et dans le même arrêt (in eodem scilicet dogmate, eodem sensu et eademque sententia, cf. Concile Vatican, Const. dogm. Dei Filius, 4). Je crois que sur ces points une convergence avec la FSSPX est non seulement possible, mais nécessaire. Cela n'a aucune incidence sur la capacité et la légitimité de discuter et d'explorer d'autres questions particulières, je l'ai mentionné ci-dessus, qui ne concernent pas les questions de foi, mais plutôt des lignes directrices pastorales et les jugements prudentiels, et non dogmatiques, sur lesquesl vous pouvez aussi avoir des points de vue différents. Donc, il ne s’agit pas d’ignorer ou de domestiquer les différences sur certains aspects de la vie pastorale de l'Eglise, mais il est s’agit de garder à l’esprit que dans le Concile Vatican II il y a des documents doctrinaux, qui ont l'intention de faire reproposer la vérité déjà définie de la foi ou de la vérité de la doctrine catholique (par exemple, la Constitution dogmatique Dei Verbum, la Constitution dogmatique Lumen Gentium), et il y a des documents qui ont l'intention de proposer des orientations ou des lignes directrices pour l'action pratique, qui est, pour la vie pastorale comme une application de la doctrine (la déclaration Nostra Aetate, le décret Unitatis Redintegratio, la déclaration Dignitatis humanae). L'adhésion aux enseignements du Magistère varie selon le degré d'autorité et de la vérité de leur propre catégorie de documents du Magistère. Il ne me semble pas que la FSSPX a nié les doctrines de la foi ou de la vérité de la doctrine catholique enseignée par le Magistère. Les critiques concernent plutôt les déclarations ou les indications concernant le renouvellement de la pastorale dans les relations œcuméniques avec les autres religions, et certaines questions d'ordre prudenciel dans la relation de l'Eglise et de la société, l'Eglise et de l'Etat. Sur la réforme liturgique, je me borne à citer une déclaration que Mgr Lefebvre a écrit au pape Jean-Paul II dans une lettre datée du 8 Mars 1980: « Quant à la messe du Novus Ordo, en dépit de toutes les réserves qui doivent être faites à son sujet, je n’ai jamais prétendu qu'il serait invalide ou hérétique ». Par conséquent, les réserves envers le Novus Ordo du rite, qui ne doivent évidemment pas être sous-estimées, ne font pas référence à la validité de la célébration du sacrement, ni à la rectitude de la foi catholique. Il conviendra donc de poursuivre la discussion et la clarification de ces réserves.
A l'occasion de la Miséricorde, il y a eu un geste de conciliation par le pape Francis: les fidèles catholiques peuvent aussi recevoir le sacrement de la réconciliation par des prêtres appartenant à la Fraternité. Qu'est-ce que cette mesure? Il croit que ce geste peut effectivement rouvrir un dialogue qui, depuis quelque temps, semblait avoir bloqué?
Comme je l'ai dit plus haut, le dialogue avec la FSSPX n'a ​​jamais échoué. Il a plutôt été décidé qu'il continuerait sous une forme moins officielle et formelle, pour donner l'espace et le temps de la maturation des relations dans une attitude de confiance et de compréhension mutuelle pour favoriser un climat des relations plus appropriés, où on trouverait également le temps de discussions théologiques et doctrinales. Le Saint-Père a encouragé la Commission pontificale Ecclesia Dei, dès le début de son pontificat à poursuivre ce style dans ses rapports avec la FSSPX et sa confrontation avec elle. Dans ce contexte, le geste apaisant et magnanime de François dans la circonstance de l’Année de la Miséricorde a sans aucun doute contribué à calmer encore l'état des relations avec la Fraternité, montrant que le Saint-Siège a le rapprochement et la réconciliation au cœur, qui devra encore avoir également un règlement canonique. J'espère et souhaite que le même sentiment et la même seront également partagés par la FSSPX.

[Abbé Jean-Pierre Boubée, fsspx - Le Chardonnet] Au traditionnel pèlerinage, le Pape était là !

SOURCE - Abbé Jean-Pierre Boubée, fsspx - Le Chardonnet - février 2016

Les cloches sonnent à la volée. Toute la région est en liesse. Le pape vient d’arriver dans la bonne ville du Puy pour honorer la Vierge. Nous sommes en 1095, il désire lancer une grande croisade contre l’Islam qui ruine la civilisation, empêche les échanges, et rançonne ceux qui vont visiter les Lieux Saints. Il signe une lettre par laquelle il convoque le concile de Clermont cette même année : le coup d’envoi est donné ! 
Pourquoi avoir choisi le Puy ?
Par deux fois, Charlemagne s’y rendit : comme roi des Francs tout d’abord, puis comme empereur. Il  avait une grande dévotion à la Vierge de ce sanctuaire  : il savait qu’elle seule pouvait permettre aux catholiques de vaincre l’Islam.

Ce sanctuaire de la chrétienté fut bâti à la demande de la Vierge, dès les origines du christianisme. La dévotion à la Vierge en ce lieu date du fondateur du diocèse, saint Georges, qui avait été envoyé par saint Pierre lui-même. Il aurait choisi le mont Anis sur l’indication d’une veuve miraculeusement guérie en cet endroit. Incitée à se rendre sur ce mont pour trouver la guérison, une «  Dame  » lui avait parlé dans son sommeil en ces termes : « C’est l’auguste Mère du Sauveur qui, entre tous les lieux du monde, s’est choisie spécialement cet endroit, pour y être servie et honorée jusqu’à la fin du siècle. » L’église fut placée sous le titre de Notre-Dame de l’Annonciation. Par un miracle, ce furent des anges qui la consacrèrent, à la lueur de milliers de torches célestes dont plusieurs furent recueillies par les fidèles après la cérémonie. Pour cette raison, on l’appelle «  l’église angélique ».
Les premiers jubilés
À l’approche de l’an 1000, régnait une inquiétude au sujet de la fin du monde. Certains pensaient que la date la plus risquée serait la concordance de la fête de l’Annonciation et du Vendredi-Saint. En effet, l’union du mystère de l’Incarnation avec celui la Rédemption résume toute l’histoire du genre humain.

Cet événement se produisit en 970, puis en 981. Les foules se pressèrent nombreuses au sanctuaire. La conjonction des deux dates devaient à nouveau se produire en 992 : le pape accorda, alors, un grand Pardon — ce que nous appelons une indulgence —  pour ceux qui viendraient honorer la Vierge en ce sanctuaire le jour de la fête. Dès lors l’habitude se prit de continuer à sanctifier ces années-là, créant ainsi le premier jubilé connu de la chrétienté.

Cette coïncidence des deux fêtes n’est pas régulière : tous les siècles n’eurent pas la chance d’avoir le même nombre de jubilés. Si le XVIIIe siècle en eut quatre, nous savons, pour notre compte, qu’après le jubilé de 2016, le prochain ne viendra que dans 141 ans ! Inutile de dire l’importance d’y participer.
Les grâces d’un jubilé
Le jubilé trouve son origine dans l’Ancien Testament  : c’est Dieu, lui-même, qui l’institua. Tous les sept ans, toutes les dettes étaient remises, les esclaves libérés. Tous les sept jubilés, donc tous les 49 ans, on redistribuait les biens. Il s’agissait de rappeler que le peuple juif avait été racheté de l’esclavage d’Égypte, et que la Terre Promise était un don gratuit de Dieu. Cette libération de la servitude était l’annonce de celle dont nous libèrerait Notre Seigneur Jésus-Christ en nous rachetant luimême de nos péchés.

Dans le Nouveau Testament, à partir de 1300, l’église de Rome elle-même se mit à célébrer le jubilé de la Ré- demption. De par la volonté divine, tous les jubilés ont donc pour raison de rappeler un anniversaire lié à la Rédemption.

C’est évidemment le cas de celui du Puy, puisqu’il unit l’Annonciation et le Sacrifice du Christ le Vendredi-saint. « Le jubilé du Puy, écrit en 1932 Mgr Rousseau, évêque du Puy, est l’exaltation de l’Incarnation et de la Nativité du Verbe, de la Maternité divine de Marie, et par suite, l’annonce de la rédemption de beaucoup d’âmes… Il a lieu toutes les fois que le 25 mars, jour béni de l’Annonciation, coïncide avec le Vendredi-Saint : c’est la rencontre de l’Incarnation du Verbe avec la mort du Christ.»

La seule journée du 25 mars se trouva rapidement trop courte pour que tous les fidèles puissent accomplir leurs dévotions. Il fallut prolonger un peu la possibilité de gagner le grand Pardon, car les foules se bousculaient tellement qu’il y eut même des morts. Cette année 2016, la grâce des indulgences est accordée jusqu’au 15 août. Aussi le prochain pèlerinage organisé par la Fraternité Saint Pie X est-il paisiblement situé à une date commode pour tous.
Cette indulgence est-elle nécessaire ?
Mais pourquoi aller si loin quérir une indulgence  ? Nous savons tous qu’une fois nos péchés pardonnés, il reste une réparation due en justice envers Dieu et son Église immaculée. Nul n’oserait se présenter devant Dieu sans avoir de sa peine compensé en justice l’ordre divin lésé par notre volonté pécheresse. Cependant, au sein de la miséricorde divine, le trésor des mérites de Jésus-Christ, de sa Très Sainte Mère, et de tous les saints est infini. Il est du pouvoir de l’Église par son Vicaire, et ses représentants de puiser dans ce trésor afin d’alléger en tout ou en partie cette peine de nos péchés. Certaines prières, ou certaines œuvres simples ont été désignées pour offrir cette possibilité. Mais il faut reconnaître que dans de nombreux cas, ce sont les dispositions de nos âmes qui sont bien imparfaites : la détestation du péché, l’acceptation intégrale de la volonté de Dieu sont loin d’être absolues. Un pèlerinage exceptionnel, un effort important, un dépaysement avec davantage de piété favorisent amplement l’acquisition de ces indulgences.

N’est-ce pas aussi l’occasion de venir particulièrement implorer la Vierge en ce sanctuaire où bien des destins de la France se sont joués ? Nous avons évoqué Charlemagne. Plusieurs rois y vinrent pour confier les Croisades. Charles VII vint plusieurs fois y supplier pour la situation désespérée de la France aux mains des Anglais. Jeanne d’Arc qui n’avait pu s’y rendre sur le chemin de Vaucouleurs y députa sa famille. François  Ier y promit un pèlerinage s’il était délivré de prison. Louis XIII révéla de nombreuses fois sa prédilection pour Notre-Dame du Puy, et il finit par consacrer son royaume à la Vierge en 1638.

Sommes-nous insouciants à ce point des destinées de la France  ? Nous avons bien des raisons de nous plaindre et —  semble-t-il  — de désespérer. Seul celui qui ne connaît pas les vrais instruments de la Providence, qui refuse de participer à la prière et à la pénitence, seul celui-là ne connaît pas l’Espérance. Laissons-nous gagner par l’enthousiasme de Monseigneur de Morlhon qui écrivait pour le jubilé de 1856 : « De tous les sanctuaires bâtis en l’honneur de Marie sur le sol sacré de la France, il n’en est pas dont la fondation remonte à une époque plus reculée  ! Aucun n’a attiré un plus grand nombre de pèlerins de tout rang, de tout sexe et de toute condition. Enfin, dans aucun, la Reine du Ciel ne s’est plue davantage à répandre ses grâces et ses faveurs sur ceux qui l’invoquent. Encore moins en est-il un autre que les Souverains Pontifes aient doté de plus de privilèges et enrichi de plus d’indulgences ».