30 avril 2016

[Dom Thomas d'Aquin] Normalisation canonique?

SOURCE - Dom Thomas d'Aquin, osb - avril 2016

Dans une lettre du 19 février, Monsieur l’abbé Franz Schmidberger a exposé les raisons pour lesquelles lui parait arrivée l'heure de normaliser la situation de la Fraternité Saint Pie X et, sans doute, des communautés amies.
      
Dans les raisons avancées par l’ancien Supérieur Général, nous trouvons le fait que Dom Lefebvre aurait recherché une régularisation canonique pour sa congrégation. A vrai dire, Mgr Lefebvre recherchait beaucoup plus que cela: il recherchait la survie de l’Eglise. La question canonique a son importance, mais ce que recherchait surtout Mgr Lefebvre, c’était la sauvegarde de la Tradition, sans les entraves par lesquelles les libéraux la paralysent.
      
Parlant de Mgr Antonio de Castro Mayer, Mgr Lefebvre disait (il me semble que c’était en 1985) qu’il fallait que l'évêque émérite de Campos comprenne qu’il était nécessaire de rentrer dans l’illégalité. Mgr de Castro Mayer, malgré une analyse théologique profonde de la crise actuelle, restait prisonnier d’un légalisme qui le paralysait. Par crainte de l’illégalité, Mgr de Castro Mayer n’ordonna aucun prêtre entre 1984, date où il fut contraint de quitter la charge d’évêque titulaire de campos, et 1988, date des sacres des quatre évêques de la FSSPX. Mgr Lefebvre avait mieux compris ce que dit Saint Paul: “la lettre tue, mais l’esprit vivifie”. Il avait discerné que le coup de maître de Satan avait été de lancer toute l’Eglise dans la désobéissance à la Tradition, précisément par obéissance; l’obéissance retournée contre sa finalité; le bien au service du mal.
      
Que Mgr Lefebvre ait, un temps, recherché une solution canonique est évident, mais qu’il ne l’ait pas trouvée est plus évident encore. Et il ne l’a pas trouvé parce qu’elle n’existait pas, et n’existera pas tant que Rome est occupée par les ennemis de la Royauté universelle de Notre Seigneur Jésus Christ. C’est pour cette raison que Mgr Lefebvre sacra quatre évêques en 1988. Il en aurait probablement sacré plus si Mgr de Castro Mayer avait désigné des prêtres pour recevoir l’épiscopat, comme il lui fut proposé par l’intermédiaire de Dom Gérard qui vint au Brésil en 1987, avec la mission de lui faire cette requête.
      
Mgr Lefebvre pensait que Mgr de Castro Mayer aurait pu refuser d’abandonner sa charge et aurait pu choisir son successeur, luttant ouvertement contre la Rome moderniste, pour préserver son diocèse des erreurs actuelles. C’est ce que Mgr de Castro Mayer fit ensuite, mais dans des conditions plus difficiles, ayant accepté sa démission comme évêque titulaire de Campos.
      
Certes, Mgr Lefebvre souhaitait une solution canonique, mais une solution qui ne fut pas fausse, mais conforme à la Vérité.
      
Pour l’abbé Schmidberger, le moment de cette vraie normalisation parait arrivé, parce que Rome ne parle plus d’accepter Vatican II ni la légitimité du Novus Ordo. Il dit aussi que la Fraternité ne se taira pas au sujet des erreurs modernes.
      
Ces garanties semblent assez fragiles, car Dom Gérard et Campos disaient aussi qu’aucune limitation ne serait imposée à leur combat anti-moderniste. Ils nous promettaient de continuer le combat et certains allaient même jusqu’à dire que c’était maintenant que le combat allait vraiment commencer, parce qu’ils allaient lutter de l’intérieur même de l’Eglise. Pure illusion, comme les faits le montrèrent. Illusion et fausse doctrine, selon laquelle la Tradition serait hors de l’Eglise.
      
Mgr Lefebvre voyait bien ces illusions chez Dom Gérard. Tant qu’à Rome règnera le modernisme, tout espoir d’une normalisation véritable sera vain.
      
L’abbé Schmidberger affirme également que la Résistance a perdu le sens et l’amour de l’Eglise. Nous devrions bien sûr avoir plus de vertu, plus de Foi et plus de Charité. Nous pouvons cependant dire en notre défense que, dans la Résistance, on étudie Pascendi, le Syllabus, Quanta Cura, Quas Primas, Quadragesimo Anno, etc. Dans la Résistance on lit l’Histoire du catholicisme libéral du Père Emmanuel Barbier. Dans la Résistance, on traduit le livre Pierre m’aimes-tu de Daniel le Roux. Dans la Résistance on publie le Sel de la Terre, on y vénère NN. SS. Lefebvre et de Castro Mayer et leurs oeuvres sont étudiées et expliquées aux fidèles.
      
Si nous ne faisons pas plus, c’est de notre faute, mais nous faisons quelque chose, et cela, je crois que nous le faisons parce que nous avons le sens et l’amour de l’Eglise.
      
Si nous manquons d’amour de l’Eglise, que Dieu nous le donne. Si nous l’avons déjà, que Dieu nous le conserve et le fasse croître par l’intercession du Coeur Immaculé et Douloureux de Marie.

+ Thomas d’Aquin OSB

[Mgr Williamson - Initiative St Marcel] Déclaration d’Évêques – II.

SOURCE - Mgr Williamson - Initiative St Marcel - 30 avril 2016

Une véritable désorientation diabolique
Appelait au sacre d’un autre Évêque. 
Voici la deuxième et dernière partie de la Déclaration des Évêques au sacre de Monseigneur Thomas d’Aquin au Brésil le 19 mars, il y a six semaines :

Pourtant le plus grave de tout au XXIe siècle, c’est peut-être cette masse de Catholiques, clercs et laïcs, qui suivent encore docilement les destructeurs. En effet, comment beaucoup de ces destructeurs ne voient-ils pas ce qu’ils font ? Par une “désorientation diabolique” évoquée déjà avant le Concile par Sœur Lucie de Fatima. Et comment beaucoup de laïcs ne voient-ils toujours pas que l’Autorité catholique n’existe que pour établir la Vérité catholique, et dès qu’elle l’a trahie, elle perd son droit à être obéie ? Par la même désorientation. Et en quoi celle-ci consiste-t-elle, au juste ? En la perte de la Vérité, en la perte progressive de tout sens de l’existence même d’une vérité objective, parce qu’on a voulu se libérer de la réalité de Dieu et de ses créatures, pour la remplacer par la fantaisie des hommes, afin de pouvoir en faire à sa tête. Toujours la fausse liberté.

Mais Dieu n’abandonne pas son Église, et donc dans les années 1970 il a suscité Mgr Lefebvre pour lui venir en aide. Celui-ci a su reconnaître que les Papes et ses confrères au Concile quittaient la Tradition de l’Église au nom de la modernité, et que ce faisant ils finiraient par détruire l’Église. Et alors il a su constituer à l’intérieur de l’Église, comme par miracle, une solide résistance à l’œuvre de destruction, sous la forme d’une Fraternité Sacerdotale qu’il a dédiée à St Pie X, Pape parfaitement clairvoyant quant à la corruption des temps modernes. Or, les Autorités romaines ne supportaient pas que l’on refusât leur supposé “renouveau” Conciliaire, et elles ont tout mis en œuvre pour que cette résistance disparût.

Mais Mgr Lefe bvre leur a tenu tête, et pour assurer la survie de son œuvre d’une importance unique pour la défense de la Tradition catholique, en 1988 il a procédé au sacre de quatre Évêques contre la volonté explicite des autorités romaines alors fourvoyées, mais en accord implicite avec la volonté des Papes de toute l’histoire de l’Église, sauf des quatre derniers, tous gagnés au Concile.

Cette décision héroïque de Mgr Lefebvre a été par la suite amplement justifiée par la décadence ininterrompue des autorités de l’Église qui n’ont cherché qu’à la conformer au siècle pourri. De ces quatre Évêques, celui qui parlait espagnol devait s’installer en Amérique du Sud pour s’occuper des fidèles qui voudraient garder la Foi de toujours dans tout ce continent autrefois si catholique, mais où il n’y avait plus d’évêques sûrs pour les mener au Ciel.
Hélas, la décadence n’a pas cessé depuis, mais c’est maintenant la Fratern ité Saint Pie-X qui tombe à son tour victime de la pourriture universelle. Lors de son Chapitre Général de 2012, ses chefs, sous leur Supérieur Général, l’ont fait basculer vers le Concile. Au lieu d’insister sur la primauté de la doctrine catholique de toujours, de la Tradition, ils ont ouvert la porte à un accord avec la Rome officielle, vouée au Concile. Et donc depuis 2012, la même désorientation fait son chemin à l’intérieur de la Fraternité, et au moins pour le moment on ne peut plus compter sur ses Évêques. C’est bien triste, mais tout à fait normal dans l’état actuel de l’Église et du monde. Donc, encore une fois, il faut sacrer un Évêque sûr pour assurer la survie de la Foi de toujours, surtout dans tout un continent d’âmes qui ont besoin d’un vrai pasteur pour se sauver pour l’éternité.

Que Dieu soit avec lui ! Prions la Très Sainte Vierge pour qu’Elle le garde sous son manteau, fidèle jusqu’à la mort.

Mgr Jean-Michel FAURE
Mgr Richard WILLIAMSON   

28 avril 2016

[Annick Lovinfosse - Rivarol] Brigandes : bas les masques

SOURCE - Annick Lovinfosse - Rivarol - 28 avril 2016

   
La secte du Caïn Ordo Draconis recrute ! Les chanteuses-adeptes « Les Brigandes » font la promo. Sur youtube, sur les podiums de la dissidence, bien vues des “fachos” et amusant presque les “gauchos”. On s’excite, on se réjouit ou on s’indigne de ce miracle français de la chanson engagée, pour une fois sur des idées pas très socialistes. Le Point fait son reportage, les anti-Français de souche hurlent, mais la gauche se frotte les mains car les Brigandes, c’est souvent d’assez mauvais goût pour discréditer toute pensée de bon sens. Peu importe, pour la secte, l’opération de recrutement en cours est bien partie. Mais Marianne Mourgeon, la cheftaine du groupe, n’est pas Jeanne d’Arc, hélas pour nous et pour la France. Joël Labruyère, son ayatollah gourou de 68 ans, a lancé ses femmes/enfants dans le business artistique d’extrême-droite pour faire affaires et recruter dans sa communauté. Cette secte ne promet pas des lendemains de civilisation qui chantent, non. Un petit kolkhoze, pour l’instant (une super-colocation, dirait Le Point !), aux méthodes de soumission éprouvées plutôt à la chinoise ou à la russe des procès. Cela marche.

Pourtant, les vérités politiquement incorrectes que les Brigandes balancent ne sont pas là pour vous éclairer, si elles peuvent vous distraire et vous amuser. Ces « chevaucheuses de dragons » (écouter leur tube) adorent jouer avec le feu et leur Grand Ordre est Dragonique. Les Dragons et Dracula, c’est leur truc, et elles ont besoin de sang frais à leur table. Rien ne les arrêtera pour y réussir : expertes faussaires, elles peuvent bien se faire passer pour catholiques, bon chic bon genre, nazillonnes, fées, sorcières, certes, aucun mensonge ne les gêne, pourvu que le recrutement marche.

Hérétiques professionnelles, elles hurlaient ou pleuraient contre l’inquisition catholique, il n’y a pas longtemps, comme tout le monde l’a appris à l’école de la république d’ailleurs. Les voilà usurpant le nom des Vendéens héroïques pour plaire à leur nouveau public et s’introduire dans le fromage de la politique. 

Le sentiment de victimisation est très apprécié des bourreaux. Et ces ex-fiers vikings adorent pleurnicher sur un rôle ou autre de victime pour mieux vous hameçonner. Les hauts faits des autres et le martyre font marcher leur commerce. On vous propose un sauveur, c’est leur « petite troupe qui porte le futur », ce groupe “organique” « ne faisant plus qu’un seul corps ». 

Labruyère, le chef planqué des Brigandes, et ses troupes n’ont pas inventé encore l’homme nouveau et supérieur qu’ils revendiquent représenter. Pour l’instant ce modèle enviable leur sert seulement à mépriser tout le monde, la liste serait trop longue. Ces redoutables joueurs de guitare, de flûte ou de vidéo, formatés pour fomenter des plans tordus de société secrète, depuis 12 ans qu’ils sont peu ou prou enfermés dans leur trou, se pensent détenteurs d’une connaissance supérieure et que tous, à l’extérieur, ne sont à peu près que des animaux grossiers.

Trouver sa place dans le “groupe” coûte fort cher, pas seulement en argent, sauf pour quelques surdoués de la soumission qui ont pu rapidement prendre du galon sans dommages apparents. Beaucoup de novices seront fiers de tenir le coup et d’appartenir à cette élite de « race supérieure ».

Tous les classiques de la psychologie noire marcheront. Hélas. Tant pis. Pourtant, ce n’est pas le travail qui manque pour s’organiser vers la vérité et la justice. Vers Dieu. Qu’attendre de faussaires fanatiques ?

Joël Labruyère, au centre de sa toile d’araignée dans l’Hérault, se prépare à accueillir de nouveaux paumés. L’identité collective qu’on vous y fournit contre l’hébergement, vous y tiendrez bientôt plus qu’à votre prunelle et vous mordrez ceux qui menacent votre petite niche dans le grand désert du monde et de tout ce qui est ailleurs.

Les chansons des Brigandes, comme les prétentieuses radios des Brigands, ne vous apprendront rien de neuf sous le soleil de l’ordre mondial et de l’horreur de cette fin des temps. Sauf embrouilles supplémentaires, avec les jésuites et les francs-maçons dont toutes les subtilités vous avaient peut-être échappé. Alors, après le dernier succès de « Seigneur, je ne veux pas devenir Charlie » (mine de rien la chanson se termine par un appel au recrutement pour « la Nation libre » : « Je voyais la vallée profonde où un peuple était à l’abri / Demain l’âme qui vient au monde cherchera cet endroit béni hors des cités nauséabondes »), nous lui demanderons aussi de ne pas devenir des Brigandes et des Brigands. Actuellement, avec Internet, il est possible à qui veut la chercher de trouver la source des vérités capitales à comprendre, mais pas dans des marécages même attirants comme ces artistes. Une vraie culture est à trouver pour cela, pas des leurres et la « Nation Libre » sera la seule bénéficiaire de l’opération Brigandes, mais ni la Vérité, ni la France.

Que ces quelques souvenirs du Royaume elfique aident à ne pas y tomber, voilà mon objectif.
Avez-vous vu une de leurs vidéos ?
Le loup noir cachant ces jolis minois annonce la couleur de l’opération en cours. Elle n’est pas rose. Ces créatures bondissant de clip sur fonds de montagnes, imitant de traditionnelles elficocatholiques femmes libres, sortent tout droit d’un gynécée clos pas du tout catholique où elles se surveillaient mutuellement en activité de fond, avant de se dénoncer, cela va de soi, au comité de terreur générale pour les moindres signes. 

Joël Labruyère a tenu ses filles/femmes au chaud de ses bases militaires. Mais elles n’ont pas souri tous les jours malgré les loisirs musicaux. Le niveau de mensonge et de dissimulation étudiés, vécus et travaillés depuis toutes ces années est remarquable, il faut le dire. Et il n’est pas évident au premier coup d’œil ou même d’interview, de voir dans les Brigandes une manœuvre pour vous faire approuver, soutenir ou intégrer une secte noire. Les francs-maçons viennent seulement de comprendre que les Brigandes ne travaillaient pas pour les « ultras cathos » mais pour Labruyère (voir le blog hiram.be). Il faut dire que son cheval de bataille pour faire des Jésuites les responsables du chaos et de l’ordre mondial ne passe pas inaperçu. Hélas, depuis 10 ans, sa littérature ésotérique a abouti, sur cette piste des jésuites, à un véritable désert où rien n’a pu être identifié dans le réel, même en cherchant bien, sauf Bergoglio. Ce qu’a fait inlassablement un adepte forcené de la théorie pendant plusieurs années, véritable préposé à temps plein sur les jésuites, avant d’admettre que chez Joël Labruyère, tout est faux et de se sauver dans un autre pays.

Quand une proie le quitte, ce n’est pas à l’ordre des jésuites qu’il la dénonce, mais comme antisémite aux très présents organes de la communauté organisée, la Licra et la LDJ. Accessoirement, Labruyère peut aussi vous dénoncer comme pédophile à la police, ou comme folle dangereuse à mettre dehors là où vous avez cherché refuge.
Comment en vient-on là ?
L’État a attaqué violemment tout ce qui pouvait ressembler à une secte il y a 20 ans. Joël Labruyère a centralisé et fédéré tous ces mouvements “spirituels” avec l’Omnium des libertés, en attendant que cela se tasse, avec le temps, d’ailleurs, plus que grâce à lui. Ayant reçu les honneurs autant que les enseignements des scientologues français et américains, ayant partagé les longues nuits tantriques d’Ibiza avec Jean-Paul Appel-Guéry [cf NOTE] et des femmes de rêve, le retour à la vie ordinaire fut amer.

Encouragé et soutenu par ces prestigieuses « victimes des dérives sectaires », il a repris le business à son propre compte. Il lui fallut d’abord inventer une instance supérieure pour justifier un tel tintouin, pour légitimer une nouvelle école spirituelle. Il inventa tout simplement la fable d’un commandant américain, le commandant Kevin, venu depuis une grande loge du Nord et un monde supérieur le conseiller pour répondre aux besoins spirituels à venir. Une loge bidon américaine, « le Work », fut donnée en pâture aux sympathisants et fournissait de faux textes pour les impressionner. Ces faux textes imitant des révélations venues d’Amérique ont animé toute la communication extérieure de la « Nation Libre ». Beaucoup de gens croient encore à ce montage. On peut à peine imaginer le fatras de délires accumulés sous les fronts innocents de ces Brigandes.
« La BASE de survie énergétique »
En 2004, une BASE « de survie énergétique » fut créée. Elle portait bien son nom et y survivre n’alla pas de soi, quand elle se fixa dans une maison en ruines du Perche, avec les premiers kamikazes perdus là. Tout cela ne fut pas donné, mais plutôt arraché, financièrement d’abord, à la bande hétéroclite de postulants qu’il a recrutés en « milieu spirituel ». Ses vues sur la politique occulte, l’ordre mondial et les moyens de s’en sortir étaient originales, ce qui suivit le fut moins : mensonges éhontés et menaces pour que tout le monde quitte tout et tous, famille et travail compris, vente des maisons personnelles, organisation de mises en scène savantes ou sentimentales pour que l’on en achète d’autres pour le groupe, puis qu’on les donne, procès interminables contre les hésitants, excommunications par des leaders cagoulés et capés avec des épées brillant dans le noir, condamnations à mort dans des simulacres de procès, ruses des uns contre les autres comme politique de fond, médisances permanentes comme méthode de remise en question intérieure… La psychologie de la terreur, l’ambiance de révolution culturelle chinoise et de folklore initiatique féroce remontent à loin, pour les sujets du Royaume elfique.

Financièrement, la SCI glauque, Elfica, montée sous les menaces et les sourires réunis, a pu drainer pas mal d’argent, depuis ce temps-là. L’argent est la moindre des choses à voler avant l’âme, ou tout simplement la structure normale d’une personnalité. J’ai dû longtemps payer 1 000 euros d’amende par mois en liquide, bien sûr, en plus du reste, à Joël Labruyère car j’étais perpétuellement accusée de manquer de loyauté au groupe et à son gourou. Le salaire au diable. 

La rédemption par le péché, c’est leur affaire, leur stratégie de tous les jours, sous toutes les formes applicables par un groupe de débutants et un gourou formé sur le tard. En gros, la pratique du mal comme plus véridique que le Bien, nommée tantrisme pour faire exotique car « le poison, c’est le remède ». Il va sans dire qu’il se passe de drôles de choses quand on enferme ainsi tout son monde dans une marmite hermétique.

La psychopathologie et les forces occultes font aussi leurs affaires. Bien et mal y furent redéfinis à la seule lanterne de la « conquête du groupe », de son « unité organique » au mépris de tout le reste. La prière de base, répétée sur tous les tons, c’est que « quand le chef a tort, il a raison ». 
Le temps du recrutement sans musique
Les frais et dispos jeunes Brigands et Brigandes y sont presque tous des vieux de la vieille, soldats ou enfants de troupe pour les plus jeunes. Ce sont les rescapés les plus endurcis et coriaces de la « Nation libre », laboratoire totalitaire d’un grand pervers narcissique. Ils sont fiers d’être venus à bout de leurs anciens compagnons. Ce sont là les troupes d’élite qu’il a rêvées de formater sur le mode des sociétés secrètes, ce sont ceux qui n’ont pas bronché et se croient les élus fidèles d’un jeu de massacre où le meilleur gagne.

Joël Labruyère a souvent maltraité les femmes comme créatures inférieures toujours prêtes à vouloir faire des enfants derrière son dos, entre autres vices. Avec les Brigandes, les méthodes changent, apparemment.

Après une éducation adéquate, il est temps pour elles de monter au créneau de missions plus amusantes que les tisanes ; et il faut avouer qu’elles semblent se plaire davantage sous les projecteurs de la vie d’artiste et d’agent spécial.

Avant de se lancer dans la chanson, « la Nation libre » recrutait par loges et par de nombreux sites d’appel, toujours maquillés. Depuis 10 ans un staff de trois personnes écrivait en son nom. Tout ce qui apparaît sur les sites (Undercover, Novapolis, Novapolice, Chroniques de Rorschach, Dixit Satanas, Kaliyuga, Vitriol, C.R.O. M. — Centre de Recherches sur l’Ordre Mondial —, etc.) forment le recyclage permanent de ses mêmes articles très anciens. Sempiternels faux dialogues pour mettre en valeur la parole du chef, qui parle pourtant toujours seul. Après avoir fait infiltrer la maçonnerie par le Memphis Misraïm et bricolé leurs rituels, ils ont pu capter quelques gogos. Mais les membres de base n’avaient pas le droit de s’approcher d’un ordinateur, ni de savoir ce qui se passe à l’extérieur. 

Jusqu’en 2014 où avec fracas, le leadership entier de cinq personnes, bien placé pour juger de l’arnaque, s’est enfui comme au cinéma, avec les soldats elfiques aux trousses. On se demande encore sur internet pourquoi tous ces sites si intéressants ont fermé brusquement, remettant les projets de cité nouvelle à plus tard.

Le « comité de salut public » des Brigands est là pour les en consoler. Et pour convaincre par d’autres voies les rêveurs de venir servir le Dragon, ses chevaucheuses, et ses officiers à la Nation libre nouvelle, dans l’Hérault maintenant. La bande déménage régulièrement pour échapper aux procès et à la réprobation publique. Comme récemment d’Argelès-Gazost où le commissariat a vu les couleurs de leurs scandales. Comme du Perche après un procès perdu contre un Belge qu’il avait voulu soulager de 40 000 euros. Onze déménagements en 11 ans, en passant par l’Espagne et l’Italie, une secte fermée qui déménage. Passons les détails de 11 ans de créativité de toute une troupe de jeunes inactifs en milieu clos.
L’empaleur Vlad Tepes déifié !
Rien ne fut trop difficile pour que le Vénérablissime Draco Labruyère ne réalise ses rêves les plus fous. Vlad Tepes, l’empaleur, le fondateur de l’Ordre du Dragon avant Joël Labruyère il y a 500 ans, fut la dernière idole à trôner dans le salon, en majesté, le chef n’y parlant plus que sous une figure de dragon monstrueuse de deux mètres de haut. Avant d’y passer le soir au home-cinéma pour regarder des films d’horreur ou de meurtres en série, ou de nombreux films pornographiques, avec ses dames ou ses messieurs les plus zélés.

C’est le repos mérité pour guerriers et guerrières après une journée de silence attribué au laconisme spartiate, journée rythmée implacablement par les messes noires des repas. Dans le silence général, Joël Labruyère y raconte en boucle ses moindres émois enfantins comme parole d’évangile entre deux railleries sur l’un ou l’autre, plus ou moins corsées suivant un dosage parfaitement sadique.

Sont possibles aussi les rituels, comités d’urgence du staff, réunions de conscience supérieure ou inférieure pour les nuls, initiations maçonniques les grands jours, suivies d’obscures agapes, voilà le programme si les Brigandes vous ont vraiment séduits. 

Dans cette bande de perroquets ésotériques qui font figure de héros, les eunuques du service masculin acceptent l’humiliation permanente du vieux chef de la horde et trahissent leur “femme” en premier devoir, femme que Joël Labruyère leur a attribuée officiellement, redistribuée, reprise, laissée. Car c’est le gourou qui marie et démarie dans le plus total arbitraire.

L’opération des mariages fut tout un programme, étudié militairement pour avoir l’air comme il faut, pour enfumer les familles et cacher le mélange groupal qui fait si peur à tout le monde. Et pour d’autres raisons complètement délirantes et encore plus glauques et qui en disaient long sur l’état des troupes ! Je les passe.

Le mariage est devenu leur argument de choc pour masquer tout le reste et aller conquérir les traditionalistes, leur image de marque BCBG.

Ils sont un excellent thème de rapports ou de bilans, qui détendent beaucoup le chef. Rapports qui fondent le mélange le plus intime de tous avec toutes. Mais il est vrai que, comme ils s’en vantent dans leurs chansons, personne ne fume, encore moins du cannabis, que les homosexuels n’y sont pas honorés, les musulmans non plus, et que le vin est compté, sauf pour le chef. Si cela vous tente…
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NOTE: Autre illuminé qui se vante de pouvoir communiquer par télépathie et de pouvoir déplacer des objets par la pensée (télékinésie), voir [LIEN]

[Jérôme Bourbon - Rivarol] Quelle est cette secte qui se cache derrière les Brigandes?

SOURCE - Jérôme Bourbon - Rivarol - 28 avril 2016

[Cet article introduit le dossier bien plus complet que publie le n°3233 de Rivarol]

Nous avions dans RIVAROL du 5 novembre 2015, à la demande de Thierry Bouzard, publié une brève interview des Brigandes, ce groupe de jeunes femmes masquées semblant défendre les valeurs de la droite nationale et catholique et que nous avions découvertes quelques semaines plus tôt à la Journée annuelle de Synthèse nationale à Rungis. Cependant, dès le 26 novembre 2015, la chaîne Youtube Radio Brigandes publiait une longue interview très complaisante d’un franc-maçon distinguant une mauvaise d’une “bonne” franc-maçonnerie, la « maçonnerie rouge » de la « maçonnerie blanche », ce qui est une totale aberration. En outre, nous étions intrigués par les attaques très violentes contre les jésuites dans le clip « le rat jèze ». Or, en faisant des recherches sur internet, nous avons pu constater que le vocabulaire et l’argumentaire utilisés contre la Compagnie de Jésus et son fondateur, Saint Ignace de Loyola, étaient un copié-collé de la prose d’un certain Joël Labruyère. Il n’est que de lire son article sur « La Piste Jésuite », dans lequel il affirme que les jésuites forment « le gratin de la cour luciférienne, les véritables illuminati ». [1] Même paranoïa chez Les Brigandes. Dans leur clip, elles font mine de n’attaquer que Bergoglio (jésuite), mais elles accusent en réalité la Compagnie de tous les maux : « Les armées de Satan n’ont pas fait tant de mal / dans toutes les capitales et dans l’Ordre Mondial / Derrière un président, y’a toujours ce puant… chacal. » Un jésuite aurait toujours été « dans les coulisses » du Sanhédrin et du Grand Orient. A en croire leur chanson, la Compagnie serait même à l’origine de la bombe nucléaire lâchée sur Nagasaki et… du naufrage du Titanic !
   
Notre méfiance déjà éveillée fut confirmée par le témoignage d’une lectrice qui, devant l’engouement général du milieu nationaliste et/ou traditionaliste pour ce groupe, voulait nous mettre en garde contre ce qu’elle dénonce comme une imposture. Et ce qu’elle nous révéla s’avéra infiniment pire que ce que nous subodorions. Elle dénonçait Les Brigandes comme les adeptes d’une secte satanique appelée La Nation libre dont Joël Labruyère était le gourou, une secte dont elle se serait échappée. Nous voulions d’autres témoignages : trois autres anciens adeptes ou compagnons de route de la secte acceptèrent de parler.
   
Tandis que nous menions discrètement l’enquête, un article du Point venait confirmer les témoignages que nous recueillions. Le journaliste ayant rencontré les Brigandes là où elles demeurent racontait : « Elles vivent dans une sorte de colocation géante avec leurs compagnons et enfants. Tout l’argent est mis en commun. Personne ne travaille vraiment. […] Au milieu de ces jeunes gens de bonne famille vivant leur contre-révolution, […] un drôle de personnage, sexagénaire bedonnant et complètement illuminé se promenant en peignoir : le gourou. Ayant grandi dans un milieu Action française, ce baby-boomer a passé Mai-68 du côté des anarchistes, est parti à Katmandou, avant de frayer avec les milieux sectaires, de la Scientologie à Raël. […] Les repas étaient surréalistes, car le gourou parlait en boucle, expliquant que les attentats du 13 novembre sont une machination des services secrets ou que Jacques Chirac s’était livré à des sacrifices humains pour devenir président. Le très planant gourou est-il un simple parasite comme en connaît toute communauté ou le vrai mentor idéologique du groupe ? Il semble en tout cas influencer les paroles conspirationnistes comme la tonalité yéyé des musiques, ne faisant rien pour ramener ses protégées vers plus de rationalité… » [LIEN] Il s’agit de Joël Labruyère. Plusieurs de ses textes, plus délirants les uns que les autres, sont disponibles sur internet, notamment « Comment on devient immortel ». [LIEN]
   
Dans une interview-fleuve du gourou, on apprend encore que « l’esprit du Christ provient de la dimension elfique », et qu’il faut d’urgence enseigner aux humains qu’ils sont immortels : « Le secret réside dans le corps éthérique -- la forme elfique de l’éther -- notre double énergétique. Ce corps vital épouse la forme du corps physique. Tandis que le corps matériel se dirige droit vers la décrépitude et la mort, le corps éthérique, à l’opposé de l’entropie naturelle, est dans un état de constant rajeunissement. » [LIEN] Et quoi de mieux que la vie en commun et le dépouillement pour découvrir son moi éthérique ? Pour ce faire Labruyère a créé en 2004 « le Royaume elfique » baptisé aussi « La Nation libre » (à laquelle appartiennent les Brigandes) et qui se définit modestement « comme une communauté humaine caractérisée par la conscience de son identité morale et spirituelle. C’est un groupe humain, difficilement quantifiable, qui ne s’identifie plus au monde actuel. Rien de spectaculaire pour le moment, et cette “migration spirituelle” n’est pas observée par les instituts. Les participants à cette mutation ont un point commun, ils ressentent un appel indicible qui les détache du monde des gens ordinaires. » [LIEN].
   
Les deux premiers témoignages que nous avons recueillis sont anonymes, ces anciens adeptes de la secte craignant des représailles, les deux autres ex-adeptes ont en revanche accepté à leurs risques et périls de signer leur témoignage de leur véritable patronyme. Ils font froid dans le dos.
   
Cette affaire ahurissante des Brigandes est pour nous tous une amère leçon car la plupart des sites et groupements de la mouvance nationale et/ou catholique et de la dissidence ont, à un moment ou à un autre, carrément invité ce groupe à se produire dans leurs manifestations, ou à tout le moins ont assuré une large publicité aux Brigandes, et cela sans aucune réserve et surtout sans chercher à en savoir plus, sans se demander d’où venaient et qui étaient vraiment ces chanteuses débarquant brusquement de nulle part, quels étaient leurs mobiles, leurs inspirateurs, leur itinéraire, leur passé, leur profil. Disons-le franchement, nous avons tous fait preuve, à des degrés divers, de légèreté.
   
Cette pénible mésaventure doit donc nous inviter collectivement à faire preuve désormais de davantage de prudence, de discernement, de vigilance et d’esprit critique pour débusquer et neutraliser les tentatives d’infiltration, de débauchage, de noyautage de nos milieux, de parasitage et de grave altération de notre message, de nos convictions, de nos certitudes et de nos idéaux.
   
Jérôme BOURBON
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[1] [LIEN] « Ce groupe qui manipule la politique mondiale depuis quatre siècles a pour nom COMPAGNIE DE JÉSUS. C’est, en réalité, une société secrète dissimulée sous l’apparence d’une congrégation de prêtres. La Compagnie de Jésus est la société secrète la plus structurée et sans doute la plus active sur la terre. C’est, en tout cas, le seul groupe qui ait réellement des pouvoirs occultes concentrés et efficaces. » « C’est une Gestapo avec des pouvoirs occultes en plus. » « Au XIXe siècle, les jésuites lancèrent la “mode” de l’antisémitisme afin qu’on rejette la responsabilité de leurs turpitudes sur les juifs. […] On pense que les Protocoles des Sages de Sion ont été mis en circulation par les jésuites pour détourner l’attention vers les juifs qui sont devenus un bouc-émissaire idéal.»

[Traditionalistes! (blog)] Civitas : Pierre Sidos plutot que Les Brigandes

SOURCE - Traditionalistes! (blog) - 28 avril 2016
Une campagne de presse a eu lieu contre Les Brigandes, groupe de chanteuses se reconnaissant elles-mêmes comme un peu «nunuches» (cf leur entretien à Vexilla Regis). En peu de temps nous avons eu droit au site à charge de leur anti-fan-club, à des articles dans la presse d’ultra-gauche, et à un «dossier» dans Rivarol. Et voilà nos chanteuses «chevaucheuses du dragon» dénoncées, et voilà l’identité du dragon révélée, et bien plus encore. Sauf que…

Sauf que nous ne sommes pas des puritains anglo-saxons, et que nous n’avons pas à nous prononcer sur les mœurs supposées ou les croyances putatives des chanteuses. Elles étaient annoncées au défilé Civitas, comme membre du Comité de parrainage et comme devant se produire en un mini-concert, et pas pour un exposé doctrinal. Et les voilà débarquées comme de nouvelles pestiférées médiatiques.

A dire vrai, c’est une mauvaise plaisanterie, si l’on regarde qui reste dans le comité de parrainage. Le temps n’est plus où y figuraient un Aymeric Chauprade, un amiral François de Penfentenyo, ou un Pierre Bernard. A mesure que partaient ces gens de qualité (il en reste tout de même!) sont entrés divers personnages recrutés dans la périphérie du mouvement Egalité & Réconciliation…. dont une «militante anti-chemtrails».

Chacun a les idées qu’il veut, là n’est pas la question. Ce qui coince par contre, c’est que Civitas se transforme en voiture-balai du complotisme «soralien», tandis que l’institut se présente (encore) comme catholique et que la FSSPX lui fournit son aumônerie. On évince des Brigandes post-adolescentes que personne n’aurait pris au sérieux, tandis que Pierre Sidos (pourquoi pas Dieudonné ou Vincent Reynouard?) fait son apparition sur le tract comme devant prononcer une allocution lors du défilé.

[Abbé Henry Wuilloud, fsspx - Le Rocher] "L’Église de Vatican II [...] a jugé nécessaire de rayer de la liturgie les psaumes imprécatoires"

SOURCE - Abbé Henry Wuilloud, fsspx - Supérieur du District suisse - Le Rocher n°100 - avril-mai 2016

Lettre circulaire aux fidèles de Suisse

Bien chers fidèles,

Nous sommes tous logés à la même enseigne, nous suivons les étonnantes actualités et nous ne comprenons pas l’aveuglement et le laxisme de nos autorités : on clame à tous vents qu’il faut être ouvert et ne pas craindre l’autre, même et surtout s’il vient chargé d’un lourd héritage comme l’islamisme. Cela ne devrait pas trop nous déranger, puisque le christianisme est une religion d’amour. « Bénissez ceux qui vous maudissent »[1] ; « Père, pardonne-leur parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font »[2], et Jésus insiste à souhait : « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent »[3]. Il ne nous reste qu’à faire le gros dos et à accepter les épreuves comme des bénédictions.

L’Église de Vatican II s’est tellement imprégnée de ces paroles qu’elle a jugé nécessaire de rayer de la liturgie les psaumes imprécatoires, comme ce sublime verset du psaume 139 : « Comment ne pas haïr tes ennemis, Seigneur ? Je les hais d’une haine parfaite, je les tiens pour mes propres ennemis », ou peut-être encore plus significatif celui du psaume 68 : « Je les ramène de Basan, afin que tu enfonces ton pied dans leur sang, que la langue de tes chiens ait sa pâture d’ennemis. »

Sommes-nous à l’aise avec de tels textes, ou alors passons-nous outre sans les voir, en nous voilant pudiquement la face ? En tous les cas le pape Paul VI ordonna d’expurger les psaumes imprécatoires du bréviaire. Dans le mot accompagnant les nouveaux livres liturgiques, il en donne l’explication : « Ces omissions ont pour but d’éviter une difficulté psychologique »[4]. Et ailleurs : « Dans cette nouvelle distribution des psaumes ont été omis certains psaumes et versets dont l’expression est plutôt dure, en tenant compte en particulier des difficultés qui pourraient naître de leur célébration dans une langue moderne »[5]. Alors que les chrétiens étaient devenus adultes, on ne pensait pas moins les couver dans certains cas ! Ô logique moderne, quand tu nous tiens !

Avec de tels principes, on n’imagine pas combien de coupes sont psychologiquement nécessaires dans le texte sacré. Mais allez accorder cela avec la parole de saint Paul à Timothée : « Toute Ecriture est inspirée par Dieu »[6]. Car à ce rythme le Nouveau Testament devrait également passer à la coupe, les invectives du Seigneur contre certaines villes de son pays, ou contre les pharisiens, sont d’une dureté insoutenable pour nos oreilles pies. Saint Paul, oust ! quand il dit au magicien Elymas : « Homme plein de toute fraude et de toute malice, fils du diable, ennemi de toute justice, ne cesseras-tu pas de pervertir les voies droites du Seigneur ? Et maintenant voici que la main de Dieu est sur toi et tu seras aveugle, sans voir le soleil pour un temps. »[7] Pas très charitable pour un homme qui, comme le précise le texte, est rempli de l’Esprit-Saint.

Il nous faut combattre le mal, mais de quelle manière ? Par les armes de la prière, et les psaumes imprécatoires sont absolument nécessaires. Car, par ceux-ci, les pauvres, les opprimés, les justes persécutés peuvent intervenir par leurs cris de souffrance devant Dieu. Ici-bas, le monde ne les écoute pas, mais celui qui prie porte un jugement sur le mal, le discerne et le condamne et surtout… il demande à Dieu d’intervenir. Et c’est là que ces psaumes sont extrêmement exigeants, parce qu’ils fondent le principe selon lequel, même face à l’injustice et au mal subis, le croyant s’interdit de se rendre justice à lui-même et ne cède pas à la tentation de répondre au mal par le mal, à la violence par la violence, mais laisse faire la justice divine. Saint Paul qui ne mâche pas ses mots envers ses ennemis, enseigne pourtant : « Bénissez ceux qui vous persécutent : bénissez et ne maudissez pas. Ne rendez à personne le mal pour le mal ; veillez à faire ce qui est bien devant tous les hommes. S’il est possible, autant qu’il dépend de vous, soyez en paix avec tous. Ne vous vengez point vous-mêmes, bien-aimés ; mais laissez agir la colère de Dieu ; car il est écrit : "A moi la vengeance ; c’est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur" »[8].

Il est étonnant qu’au moment où les autorités de l’Église suppriment ce genre de prières, naît ce mouvement appelé théologie de la libération, qui enseigne que la révolution est conforme à l’Evangile[9]. Chez nous, la violence est suspendue, car les ventres sont bien remplis, mais il faudrait peu pour la voir dans toute sa laideur et son paroxysme.

Il est donc important de prier avec ces psaumes et d’y puiser cette patience qui laisse à Dieu le gouvernail de la justice : « Aux uns, les chars ; aux autres les chevaux ; à nous, le nom de notre Dieu : le Seigneur. Eux ils plient et s’effondrent ; nous, debout, nous résistons »[10]. Si nous ne le lui disons pas, cette violence qui gît dans tous les fils d’Adam, ressortira d’une manière ou d’une autre. Nos temps sont favorables à de telles prières, sinon les tentations des Juifs au temps du Christ d’espérer un sauveur de la nation qui viendrait les délivrer, retomberont sur nous et notre déception sera la même : alors ils se détournèrent de lui ! Que notre espérance vienne du Ciel et du Ciel seul, dans ce Sauveur qui a donné sa vie pour nous sauver, dans ces humbles mais ô combien puissants moyens de la prière. Cela demande une grande force intérieure, qui doit être acquise de longue lutte et soutenue par la grâce. Que Dieu nous prenne en pitié et qu’il « rende à nos voisins, sept fois, en plein cœur, l’outrage qu’ils t’ont fait, Seigneur Dieu »[11].

Abbé Henry Wuilloud

Encart
Avec La violence et Dieu, Enzo Bianchi signe un livre très stimulant qui vise à réhabiliter les Psaumes imprécatoires, où le psalmiste demande le châtiment de ses ennemis. Sont-ils conciliables avec l’Esprit de Jésus, avec le Nouveau Testament ? Beaucoup de chrétiens sont gênés de les lire et encore plus de les prier. C’est ainsi que dans la réforme liturgique entreprise dans la foulée de Vatican II, certains passages imprécatoires des Psaumes ont été supprimés des offices, sur décision expresse du Pape Paul VI. 
Enzo Bianchi s’insurge contre cette manière de voir : renoncer aux Psaumes imprécatoires, c’est renoncer à tout dire devant Dieu, c’est s’autocensurer devant lui, c’est se croire meilleur que Dieu qui a inspiré ces pages. Ces Psaumes sont les cris de gens qui souffrent : les mettre de côté, c’est donc dénier la souffrance des victimes et se mettre du côté de leurs bourreaux. C’est, en fait, nier la réalité du mal et du péché. Le refus de ces Psaumes va souvent de pair avec une minimisation du mal et du péché. Le Nouveau Testament va dans le sens de ces Psaumes avec les malédictions de Jésus contre Chorazin et Bethsaïda (Mt 11,21) ; voir aussi 1 Co 5, Phil 3,2, etc. (…) Un livre viril, loin de « l’ecclésiastiquement correct » mièvre qu’on rencontre trop souvent aujourd’hui. Un livre qui m’a fait du bien. 
Alain Décoppet (revue Hokhma n° 108 – octobre 2015)

[NOTES]
[1] Luc 6, 28.
[2] Luc 23, 34.
[3] Matt 5, 44.
[4] Présentation générale de la Liturgie des heures, n° 131.
[5] N° 4 de la Constitution apostolique Laudis canticum du 1er novembre 1970.
[6] 2 Tim 3, 16.
[7] Actes des Apôtres 13, 10.
[8] Rom. 12, 16 et s.
[9] Puisqu’on reparle de Don Helder Camara, citons-le : « L’Evangile a toujours été, visiblement ou invisiblement, par l’Église ou hors l’Église, le plus puissant ferment des mutations profondes de l’humanité depuis vingt siècles » (dansTémoignage chrétien le 31.8.1967).
[10] Ps. 20, 8.
[11] Ps. 79,12.

27 avril 2016

[Jean-Francois Mayer - orbis.info] Église palmarienne: Grégoire XVIII perd la foi et va se marier, le nouveau pape Pierre III est un Suisse

SOURCE - Jean-Francois Mayer - orbis.info - 27 avril 2016

Le pape Grégoire XVIII,
qd il était encore à la tête
de l’Église palmarienne.
Source: groupe FB
Palmarian church
Le titre de cet article évoque plutôt celui d’un site parodique ou d’un journal de boulevard. Il n’en est pourtant rien: ce sont les dernières informations sorties du milieu très secret des fidèles de l’Église palmarienne, dont le Saint-Siège se trouve en Espagne. Même s’il y avait eu quelques signes annonciateurs, c’est un véritable coup de théâtre de voir le chef de ce mouvement religieux le quitter dans des circonstances peu communes. Quant aux citoyens suisses, ils peuvent se réjouir d’avoir désormais un pape de leur nationalité, même s’il ne réside pas au Vatican, mais en Espagne, à Palmar de Troya, près de Séville.

En novembre 2011, j’avais publié sur ce site un article qui résumait l’histoire de l’Église catholique palmarienne (ou plus exactement «Église chrétienne palmarienne des Carmélites de la Sainte Face»), à la suite de l’accession de Grégoire XVIII au Souverain Pontificat. Les lecteurs qui ne sont pas familiers avec ce mouvement religieux voudront bien lire ce premier article pour comprendre l’arrière-plan de ce nouvel épisode. L’Église palmarienne est un mouvement pratiquant un extrême discrétion face au monde extérieur, et dont les effectifs ont diminué au fur et à mesure que des règles de plus en plus strictes étaient imposées aux fidèles. Elle ne diffuse pas de communiqués de presse et n’a aucune présence en ligne actuellement, à ma connaissance. Les seuls sites qui s’y réfèrent sont des sites d’opposants ou de dissidents — par exemple un site qui estime que le premier pape de Palmar de Troya, Grégoire XVII, était le vrai pape, mais tombé par la suite dans l’hérésie, et donc que ses successeurs, Pierre II et Grégoire XVIII, étaient des antipapes (au sens palmarien du terme), et que le Saint-Siège de Palmar de Troya est vacant depuis des années. Quant à un site palmarien qui reconnaît comme pape Alexandre IX, lequel se dit à la tête d’une Iglesia Católica Remanente en Argentine, il est dénoncé par les autres palmariens dissidents commeune tromperie et un groupe dont l’existence serait purement virtuelle. N’ayant pas enquêté de façon adéquate sur ce dernier groupe, je m’abstiens de conclure, mais la lecture d’articles en ligne, ces dernières années, m’inspire en effet certains doutes, sous réserve d’informations plus précises.

Tout cela pour dire qu’il n’est pas très facile d’obtenir des informations sûres et vérifiées au sujet de l’Église palmarienne. Elle montre qu’il existe des groupes religieux pour lesquels la communication extérieure n’est pas primordiale et qui renoncent à une présence en ligne, même s’il est possible que cette politique finisse par changer, pour éviter de laisser le champ libre aux critiques.

Selon celui qui est l’un des meilleurs connaisseurs de l’Église palmarienne, le chercheur suédois Magnus Lundberg, le pontificat de Grégoire XVIII (Ginés Jesús Hernández Martínez) aurait été marqué par certains succès pour le mouvement, alors que celui-ci semblait en déclin (diminution du nombre de fidèles, vente de propriétés). S’il n’est pas sûr que le déclin numérique ait pu être enrayé (malgré des informations non confirmées sur de nouvelles activités missionnaires à l’étranger), Lundberg observe certains indices d’une amélioration de la situation financière de l’Église palmarienne, ce qui aurait notamment permis l’achèvement de de la construction de la grande basilique de Palmar de Troya, commencée en 1978.

Lundberg note aussi de nouvelles normes palmarienne, édictées au mois de janvier 2016 par Grégoire XVIII dans une encyclique de quatre pages: ce texte modère un peu la rigueur de certaines prescriptions vestimentaires ou relatives au comportement social: «Nous ne voulons par l’extrémisme: ni le relâchement ni une rigueur excessive», écrivait Grégoire XVIII. Ainsi, les enfants palmariens étaient autorisés à parler avec des camarades d’école non palmariens même s’ils portaient des chemises à manche courte ou des pantalons pour les filles; en revanche, ils n’étaient pas autorisés à jouer avec des fillettes portant des pantalons. D’autres échanges sociaux étaient tolérés, de façon limitée et par courtoisie, même avec des personnes ne respectant pas les normes morales chrétiennes. En revanche, toute relation avec les personnes «apostates, antipalmariennes et opposées à Dieu» restait strictement prohibée.

Par rapport à ces normes strictes, un séisme est venu bouleverser le petit monde palmarien en ce mois d’avril 2016. La semaine dernière, Grégoire XVIII a quitté pour toujours Pamar de Troya. Il y a quelques jours, un groupe Facebook critique de l’Église palmarienne a publié un message de palmariens critiques ou ex-palmariens — la source n’est pas claire, et la rédaction ambiguë, mais elle résume la situation de façon apparemment bien informée (je traduis de l’anglais en abrégeant légèrement):
Au vu du dernier choquant événement à Palmar de Troya, à savoir l’apostasie du pape Grégoire XVIII, nous estimons de notre devoir de vous communiquer, si vous ne le saviez pas, que le pape Grégoire XVIII entretenait depuis l’été 2015 une liaison avec une ex-palmarienne de Monachil (Grenade). 
Il lui rendait régulièrement visite depuis décembre 2015. Il s’y rendait toujours seul et sans soutane. Il a souvent passé la nuit avec elle dans son appartement et dans des hôtels aux environs de Grenade. 
Le pape Grégoire a très soigneusement et discrètement préparé son apostasie, tirant avantage de sa position pour le faire. 
Le pape Grégoire n’a pas simplement abandonné l’Ordre et l’Église palmarienne (dont il dit qu’elle n’est pas la vraie Église) ainsi que sa vie consacrée, mais il a quitté l’Ordre en emportant illégalement une somme très importante ainsi qu’une BMW X6 (d’une valeur approximative de 70’000€). La voiture est assurée au nom de l’Église chrétienne palmarienne et ne lui appartient donc pas. 
Le pape Grégoire XVIII a déjà des projets de mariage pour septembre 2016.
Il est impératif que tous les fidèles palmariens soient pleinement conscients des circonstances de l’apostasie de Grégoire XVIII. 
Ce devrait être votre devoir, avec tous les fidèles palmariens, de demander à la hiérarchie palmarienne de porter plainte pour vol contre Grégoire XVIII.
Il est difficile de savoir quand les dirigeants de l’Église palmarienne ont pris conscience de l’affaire. Mais depuis la fin du mois de mars, des rumeurs circulaient dans le milieu des ex-palmariens. Le groupe Facebook précédemment mentionné avait identifié la femme avec laquelle le pape palmarien entretenait une liaison, et publié des photographies du véhicule de Grégoire sur une place de parc d’un parking souterrain de Grenade pendant une visite à son amante présumée…

Aujourd’hui même, un journal de Séville a publié un article se fondant sur un «entretien exclusif» avec l’ex-pape. Après trente-deux années de vie religieuse, il confirme ne plus croire et être tombé amoureux de Nieves Triviño Girela (animatrice culturelle, séparée, deux enfants). Il juge qu’il ne pouvait ni ne devait continuer dans ses fonctions. Pour l’instant en tout cas, il semble réticent à parler des questions internes au mouvement et déclare conserver un grand respect pour la congrégation à laquelle il a appartenu. Il affirme avoir tout fait dans les règles, laissant derrière lui des comptes en ordre et sans rien s’approprier (il reste à voir si cette vertsion sera confirmée ou non par l’Église palmarienne): selon lui, la BMW est un don qu’il urait reçu personnellement et swrait donc sa propriété privée, et non celle de l’Ordre. Sa décision serait mûrement réfléchie: il veut tourner la page et commencer une nouvelle vie (Jasvier Macias, «El ‘papa’ del Palmar niega haber robado el ‘papamóvil’: ‘Es mio, estaba a mi nombre’», ABC de Sevilla, 27 avril 2016). Reste à voir maintenant si l’ex-pape Grégoire XVIII cédera un jour à la tentation de publier ses mémoires, qui ne manqueraient pas de susciter la curiosité.

La vacance du siège palmarien a été brève. À peine connue la défection de Grégoire XVIII, le 22 avril, c’est son secrétaire d’État et successeur désigné qui est monté sur le trône pontifical le 23 avril: en effet, pour éviter tout problème en cas d’incapacité ou d’autres circonstances, chaque pape palmarien désigne son successeur éventuel dès le début de son pontificat. Le nouveau pape, S.S. Pierre III, portait le nom religieux de Père Élisée Marie dans l’Ordre des Carmélites de la Sainte Face. Il s’agit d’un citoyen suisse (j’ignore s’il a été naturalisé espagnol), dont le nom civil est Markus Josef Odermatt.

Il semble peu probable que l’Église palmarienne traîne l’ancien pape devant des tribunaux civils, à moins que les caisses n’aient été vidées: même s’il contestait la propriété d’un véhicule de luxe (en supposant qu’il n’y ait rien d’autre en jeu), un mouvement cultivant une telle discrétion ne souhaitera probablement pas étaler publiquement ses affaires internes.

De mon point de vue de chercheur, ce n’est d’ailleurs pas une question très importante. Trois points m’intéressent beaucoup plus:
  1. Le mouvement a déjà connu des dissidences, mais la défection de la tête même de l’Église représente une situation inédite. Quelle interprétation doctrinale l’Église palmarienne va-t-elle élaborer pour expliquer l’apostasie de son pape? Celle-ci sera-t-elle traitée comme simple faiblesse humaine, ou sera-t-elle revêtue d’une autre dimension? Sera-t-elle éventuellement interprétée en termes apocalyptiques? Quel statut donner aux décisions prises par Grégoire XVIII? Resteront-elles toutes valables, ou seulement jusqu’à une certaine date?

  2. Quel sera l’impact de cette défection sur un mouvement dont les effectifs, selon toute vraisemblance, s’étaient fortement réduits au fil des ans? L’Église palmarienne est-elle encore en mesure non seulement de maintenir ses effectifs, mais de progresser? Ce n’est pas impossible, si l’on considère l’histoire des mouvements religieux, mais il risque d’être difficile de poursuivre comme si rien ne s’était passé, d’autant plus que nombre de fidèles palmariens ont consenti beaucoup de sacrifices pour leur foi. Le mouvement va-t-il encore plus se replier sur lui-même, ou amorcer une prudente ouverture qui assurerait — peut-être — son avenir? Pour un mouvement strict, la question de l’équilibre à trouver se pose de façon vive, comme l’avait apparemment pressenti Grégoire XVIII dans son encyclique de janvier 2016.

  3. Enfin, quelles orientations S.S. Pierre III choisira-t-il de donner au mouvement? Dans quelle mesure peut-il en décider seul, ou d’autres figures au sein du mouvement peuvent-elles exercer une forte influence, voire imposer un certain encadrement au Pape pour prévenir de futures mésaventures, et ainsi codéterminer les orientations futures sur le plan doctrinal et pratique?
Bien entendu, il ne faut pas oublier la question cruciale du contrôle des biens de l’Église palmarienne, à commencer par son quartier général à Palmar de Troya: celui qui exerce le contrôle légal sur ces biens détient un argument de poids. L’Église palmarienne se trouve soudain à un tournant crucial de son histoire.
Dans les années 1980, quiconque le souhaitait pouvait se procurer les publications palmariennes en différentes langues. Comme l’article ci-dessus l’indique, ce n’est malheureusement plus le cas aujourd’hui: il est parfois possible d’obtenir certains textes, mais pas sur une base régulière. Peut-être le nouveau chef de l’Église palmarienne choisira-t-il une approche plus ouverte à cet égard? Il est trop tôt pour le dire. Pour une synthèse par un chercheur, on peut signaler un rapport de 65 pages de Magnus Lundberg sur l’Église palmarienne (téléchargeable au format PDF) ainsi que son article «Fighting the Modern with the Virgin Mary: The Palmarian Church», Nova Religio: The Journal of Alternative and Emergent Religions, novembre 2013, 17/40-60. Dans un autre genre, Maria Hall, une Néo-Zélandaise qui a passé plusieurs années comme religieuse à Palmar de Troya, a publié l’an dernier son témoignage, disponible sous forme imprimée et comme ebook: Reparation: A Spiritual Journey, s.l., Haven Publishing, 2015, IV+294 p.

[Ennemond - Le Forum Catholique] Le défilé de Civitas est sur la pente savonneuse

SOURCE - Ennemond - Le Forum Catholique - 27 avril 2016

Ce n’est certainement pas le départ de ces jeunes « brigandes »– visiblement plus à plaindre qu’à blâmer – qui va faire de ce défilé un rendez-vous recommandable. Le seul fait qu’ait été programmé un concert auprès d’un groupe qui insulte ouvertement et très gravement sur son site le pontife romain – lequel malgré ses dérives et ses scandales demeure le vicaire du Christ – en dit long sur l’état d’esprit des organisateurs, au mieux sur leur amateurisme. N'auraient-ils même pas lu les textes des chansons et pensé qu'il était possible de cautionner ceux qui mettent à mal l'homme et la fonction?

Le comité de parrainage du défilé est truffé de personnages aux prises de position politiques et historiques pour le moins douteuses. Ils ne faisaient pas partie des comités des premières années, quand bien même on aurait déjà pu souligner le danger de ce genre de défilé dont on peine à savoir s’il s’agit d’une manifestation ou d’une procession, mêlant slogans et cantiques, banderoles et bannières et où on ne distingue plus le tribun politique du prédicateur en chair.

Que ce soit Jérôme Bourbon, Pierre Hillard ou Florian Rouanet, membres du comité et pour l’un intervenant, tous ont publiquement accablé les supérieurs de la Fraternité Saint-Pie X. Le premier a indiqué que l’œuvre de Mgr Lefebvre était un « attrape-nigaud » et que son fondateur aurait été « complice objectif de la destruction de l'Église militante ». Mgr Lefebvre et Mgr Fellay sont même traités de « fürher ». Comme quoi, même chez Bourbon, il peut y avoir de la reductio ad hitlerum. Pour le second, Mgr Fellay n’aurait pas les mêmes valeurs que Mgr Lefebvre et les milieux traditionalistes seraient « infiltrés ». Quant au troisième, il se vante d’avoir produit avec J. Ploncard d’Assac une « étude » ayant abouti à démontrer qu’un prêtre de la FSSPX était franc-maçon. Le problème est qu'il y a aussi dans ce comité des personnes très vertueuses, à la sainteté héroïque et dont on peut légitimement penser que leur bonté ayant été utilisée, elles n'ont pas mesuré la disparité de ces positions.

Sans doute faut-il fédérer les forces et savoir détecter avec lucidité les ennemis, mais il y a un moment où il faut bien comprendre que le "dénominateur commun" devient très relatif car le combat qui consiste à défendre le règne de Jésus Christ et à restaurer la Tradition de l’Église est pleinement dévoyé par ceux qui font de la vacance du Siège de Pierre et des chambres à gaz l’alpha et l’omega de leur pensée. Ils offrent même une telle caricature qu'ils incarnent l'excès dont leurs opposants n'auraient même pas rêvé. Si le ménage des "Brigandes" a été commencé, on ne peut qu'espérer qu'il se poursuive.

26 avril 2016

[Marie Malzac - La Croix] L’ancien chef des lefebvristes plaide pour un accord avec Rome

SOURCE - Marie Malzac - 26 avril 2016

Dans un long document envoyé à quelques responsables de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX) il y a quelques mois, l’ancien chef de file des lefebvristes, l’abbé Franz Schmidberger expose les arguments en faveur d’un accord avec Rome.

Dans un communiqué diffusé le 15 avril, le prêtre allemand, proche de l’actuel supérieur, Mgr Bernard Fellay, souligne le « caractère privé » de ces réflexions, après que sa prise de position a suscité un vif débat dans les rangs traditionalistes.
L’abbé Franz Schmidberger, ancien Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie-X (FSSPX), a longuement détaillé dans un document adressé le 19 février à quelques responsables lefebvristes, dont l’actuel chef de file, Mgr Bernard Fellay, les arguments qui justifieraient une réintégration par Rome.

À la suite des remous suscités dans la sphère traditionaliste par ce texte, diffusé notamment par le site d’extrême-droite medias-presse.info, le prêtre allemand a publié le 15 avril dernier un communiqué pour rappeler le « caractère privé » de cet exposé.
Étant donné les « exigences » du Vatican revues à la baisse, « semble être arrivé le bon moment pour régulariser la situation de la Fraternité », et ce pour plusieurs raisons, estime ainsi l’abbé Schmidberger dans ce document intitulé « Réflexions sur l’Église et la position de la FSSPX en son sein ».

Il avance tout d’abord que « toute situation anormale tend de par sa nature vers la normalisation » et met en garde contre le « risque » de la perte du « sensus ecclesiæ » chez certains membres de la FSSPX.
Demander la permission pour ordonner des évêques
Autre argument en faveur d’un accord avec Rome : la réintégration ferait tomber « maintes barrières et maints blocages » dans l’Église et chez les catholiques, juge le prêtre allemand. « Les mentions dans les mass média et ailleurs d’une fraternité schismatique ou apostate ou séparée de l’Église seraient à tout jamais déracinées ».

Ainsi, « un acte formel de reconnaissance de la fraternité déclencherait une agitation salutaire à l’intérieur de l’Église. Les bons seraient encouragés, les méchants essuieraient une déroute ».

En outre, concernant les évêques, « les sacrer sans mandat papal est certainement possible dans une situation d’extrême urgence. Mais si l’on peut sacrer des évêques avec la permission de Rome, il faut demander cette permission », souligne l’abbé Schmidberger.
Pour réaliser ce retour, il faudrait pour le pape résister à bien des critiques. « C’est peut-être justement le pape François avec son caractère imprévisible et ses improvisations qui serait capable d’une pareille enjambée », relève en ce sens l’ancien supérieur général de la FSSPX. « Les mass média lui pardonneront peut-être une telle mesure là où ils ne l’auraient jamais de la vie pardonnée à Benoît XVI. Avec son style de gouvernement autoritaire, pour ne pas dire tyrannique, il serait très probablement capable d’imposer une telle mesure même contre une levée de boucliers ».

Quant à la « résistance » de l’aile dure des lefebvristes, l’abbé allemand suggère qu’il faudrait passer outre  : « nous ne pouvons pas orienter nos actions sur des gens qui ont de toute évidence perdu le sens et l’amour de l’Église dans sa forme concrète. Ils sont d’ailleurs entre-temps totalement déchirés par des luttes intestines ».
« Nous ne nous laissons pas museler »
Une reconnaissance d’un statut officiel au sein de l’Église ne voudrait pas dire « se taire », appuie toutefois l’abbé Schmidberger. « Nous ne nous laissons pas museler, précise-t-il, nous désignons les erreurs par leurs noms avant une normalisation et également après une normalisation ». « Nous voulons retourner de l’« exil » dans l’état où nous sommes aujourd’hui », insiste le prêtre allemand.

Dans ce document, l’abbé Schmidberger n’en reste pas moins très sévère envers l’Église de Rome, expliquant notamment que lorsque « le Christ instaura l’Église, il prévoyait tout le lignage des papes à travers l’histoire entière de l’Église, même un pape François ». « De façon analogue, le Seigneur a instauré le Saint-Sacrement de l’autel tout en prévoyant bien des sacrilèges au cours de l’histoire ».
Ce n’est pas la première fois que l’abbé Schmidberger prend position sur le sujet. Par ailleurs, la question de la régularisation canonique de la fraternité, peut-être sous la forme d’une prélature personnelle, est récemment revenue dans l’actualité, à l’occasion de la rencontre le 4 avril dernier entre le supérieur actuel, Mgr Bernard Fellay, et le pape François. Par le passé, il avait cependant rejeté l’idée d’un ralliement.
 
Marie Malzac

[Laurent Dandrieu - Valeurs Actuelles] Le pari de la liberté

SOURCE - Laurent Dandrieu - Valeurs Actuelles - 26 avril 2016
Parti pris. Le monde moderne a cru trouver la liberté en tuant Dieu, “au couteau”, dit Nietzsche. Tout faux, répond Guillaume de Tanoüarn: car seule la foi délivre vraiment.

Né libre et partout dans les fers, l’homme sent bien depuis toujours que la liberté ne saurait être un simple donné de nature : si elle ne s’exerce pas, si elle ne se conquiert pas, si elle ne s’éprouve pas à l’aune des faits, elle n’est qu’un mot creux. Le moderne croit avoir trouvé la solution : l’obstacle suprême, celui qui empêche l’homme de passer de la liberté formelle à la liberté réelle, c’est Dieu. « Si Dieu existait, dit Sartre, ce serait une raison supplémentaire pour nous de le combattre » : car si l’homme est une créature, il est forcément subordonné, comme un esclave à son maître. Si Dieu est mort, « égorgé sous nos couteaux » comme l’écrit Nietzsche, c’est que l’homme a dû supprimer cette entrave à sa liberté. « Nouveau pari d’un Pascal inversé », note Guillaume de Tanoüarn dans son livre Délivrés, qui pour Nietzsche est censé inaugurer « une nouvelle aurore » : « L’horizon nous paraît de nouveau libre ; la mer, notre mer est de nouveau ouverte devant nous », écrit ce dernier dans le Gai Savoir.

Pour Guillaume de Tanoüarn, philosophe et prêtre (pourquoi diable les Éditions du Cerf ne mentionnent-elles pas cette seconde qualité, comme si elle était anecdotique ? ), c’est le contraire qui est vrai : en tuant Dieu, l’homme s’est privé de la vraie source de sa liberté, pour lui préférer cette liberté in forme des feuilles mortes dont parlait Chesterton, qui est en réalité un esclavage des modes et des pulsions. Lui aussi prêtre et philosophe, mais au XVIIe siècle, Malebranche pressentait cette impasse : « Ils pensent être les seuls auteurs de tous les mouvements qui leur arrivent et, ne distinguant point ce qui se passe en eux-mêmes en conséquence d’un acte libre de leur volonté d’avec ce que s’y produit par l’impression des corps qui les environnent, ils pensent qu’ils se conduisent eux-mêmes dans le temps qu’ils sont conduits par quelque autre. »

Pour Guillaume de Tanoüarn, au contraire, la liberté est une grâce : elle est le produit de la réception du don de Dieu, d’une démarche de foi. La foi est l’acceptation par l’homme de sa vocation véritable, la résolution à suivre sa lumière intérieure. Au contraire du judaïsme et de l’islam qui sont des religions de la loi, le christianisme repose entièrement sur le choix ; sa morale, nous dit Tanoüarn, est « une morale du coeur », non pas soumission aveugle à un commandement, mais élan librement consenti vers le bien, qui seul permet à l’homme de croître en humanité. Notre auteur montre bien que les contemporains de Jésus, comme plus tard le feront les modernes, ont achoppé là-dessus : ils ont refusé la liberté que le Christ leur offrait, car ils croyaient n’avoir besoin de personne pour être libres. Or il n’y a de liberté que si l’on accepte de suivre la vérité ; et en re tour, nous dit Tanoüarn, c’est cette liberté qui nous rend vrais.

Aime et fais ce que tu veux, dit saint Augustin : les modernes aiment à citer cette phrase parce qu’ils veulent oublier que, pour l’auteur de la Cité de Dieu, il n’y a d’amour que fondé en la vérité et que, dans le second mouvement de la phrase, ils entendent surtout “ce que tu veux”, en oubliant le mot le plus important, ce “fais” : la liberté n’est pas un état ga zeux, c’est un acte qui présuppose un choix. Or, nous dit Guillaume de Tanoüarn, le moderne qui refuse Dieu a fait « le choix du non-choix » : « Il s’agit de vivre sa vie en étant simplement en quête des bonnes fortunes qui s’offrent à nous, mais en refusant absolument d’y mettre un quelconque fil rouge ou d’y voir une fin ultime — fin des fins, clé de voûte à quoi tout s’ordonnerait. »

La liberté que nous offre la foi, elle, est tout autre : c’est, écrit Tanoüarn, « l’expérience faite au moins une fois et pour toujours de la supériorité de l’Esprit, ce souffle qui nous emmène au-delà de nousmêmes ». Il s’agit, dit-il encore, d’être « au cours de cette vie, les vestales de notre expérience intérieure, dont nous devons garder le foyer inviolé et brûlant ». Une feuille morte ou un foyer ardent : le choix, pour le moins, a le mérite de la clarté.

Délivrés, méditations sur la liberté chrétienne, de Guillaume de Tanoüarn, Éditions du Cerf, 288 pages, 22 €.

23 avril 2016

[Mgr Williamson - Initiative St Marcel] Déclaration d’Évêques – I.

SOURCE - Mgr Williamson - Initiative St Marcel - 23 avril 2016

Nous avons maintenant un troisième évêque résistant
Une Déclaration nous raconte pourquoi et comment.
Le 19 mars, il y a environ un mois, Dom Thomas D’Aquin fut sacré Évêque, sans faire de bruit, au bénéfice des âmes qui veulent partout dans le monde garder la véritable foi catholique. Comme lorsque Mgr Faure fut sacré un an auparavant, la cérémonie fut organisée à la perfection par les moines du Monastère de la Sainte-Croix, dans les montagnes, derrière Rio de Janeiro au Brésil, dans la cathédrale en grange de fer du Monastère, noblement décorée pour l’occasion comme l’année dernière. Il faisait sec et chaud, mais pas trop chaud. Saint-Joseph s’arrangea pour que tout allât bien. Nous lui devons de grands remerciements.
     
Il y eut un peu plus de gens présents que l’an passé, mais la plupart d’entre eux venaient cette fois-ci des environs, au Brésil. Il n’y avait pas de journalistes présents, et l’événement se déroula avec à peine une allusion dans les réseaux d’information de la Tradition catholique. Y eut-il une conspiration du silence ? S’était-on lancé le mot pour ne pas y faire attention ? Peu importe. Ce qui importe c’est ce que le Bon Dieu suggère peut-être, à savoir que la survie de la foi ne demande pour l’instant aucune publicité, mais plutôt de glisser dans l’ombre d’où l’Église peut gentiment descendre dans les catacombes dans l’attente de sa résurrection après que la tempête du monde sera passée, qui promet d’être humainement terrible.

Dans tous les cas, nous avons maintenant un autre Évêque du côté ouest de l’Atlantique qui maintient fermement la ligne de Monseigneur Lefebvre. Comme Mgr Faure, il connaissait bien Monseigneur et fut un de ses confidents. Mgr Thomas D’Aquin n’a jamais travaillé directement avec Monseigneur depuis l’intérieur de la Fraternité, mais puisqu’il n’en était pas membre, Monseigneur s’est senti peut-être d’autant plus libre de partager avec lui ses pensées et s es idées. De toute évidence, il donna au jeune moine à plus d’une reprise des conseils précieux que Mgr Thomas n’a jamais oubliés. Les croyants catholiques ne s’y trompent pas – il y eut peu d’exceptions à leur réaction très positive envers le don que nous a fait Dieu Dieu d’un autre véritable pasteur d’âmes.

Au moment du sacre, les deux Évêques qui en étaient responsables firent une Déclaration qui n’a pas reçu jusqu’à présent beaucoup d’attention. Elle présente les racines profondes du sacre, montrant à quel point un événement apparemment si étrange n’est pas du tout étrange mais bien naturel, vu les circonstances. Voici la première partie de la Déclaration. La deuxième partie suivra dans le Commentaire de la semaine prochaine.

Notre Seigneur Jésus-Christ nous ayant avertis qu’à sa deuxième venue, la foi aura presque disparu du monde (Lc. XVIII, 8), il s’ensuit qu’à partir du triomphe de son Église au Mo yen-Âge , elle ne pouvait connaître qu’une longue descente jusqu’à la fin du monde. Trois explosions en particulier ont jalonné cette descente : celle du protestantisme qui a refusé l’Église au 16me siècle ; celle du libéralisme qui a refusé Jésus-Christ au 18me siècle ; et celle du communisme qui a refusé Dieu tout entier au 20me siècle. Mais le pire de tout, c’est lorsque cette Révolution par étapes a réussi enfin à pénétrer jusqu’à l’intérieur de l’Église avec Vatican II (1962–1965). Voulant rapprocher l’Église du monde moderne qui s’était tellement éloigné d’elle, le Pape Paul VI a su faire adopter par les Pères du Concile « les valeurs de deux siècles de culture libérale » (Cardinal Ratzinger).

Ils ont assimilé notamment la liberté, l’égalité et la fraternité Révolutionnaires sous la forme respectivement de la liberté religieuse qui en mettant en valeur la dignité humaine implique l’élévation de l’homme au-dessus de Dieu ; de la collégialité qui en promouvant la démocratie nivelle et subvertit toute autorité dans l’Église ; et de l’ œcuménisme qui en louant les fausses religions implique la négation de la divinité de NSJC. Et dans le demi-siècle écoulé depuis la fin de Vatican II, les conséquences mortelles pour l’Église de cette adoption des « valeurs » Révolutionnaires ne sont devenues que de plus en plus évidentes, en culminant dans les scandales gravissimes et presque quotidiens qui souillent le pontificat du Pape régnant.

Kyrie eleison.

[Dániel Fülep - John Henry Newman Center of Higher Education] "...de nombreuses conférences épiscopales officielles s'occupent de manière prédominante des affaires temporelles et terrestres plutôt que des affaires surnaturelles et éternelles..."

SOURCE - Dániel Fülep - John Henry Newman Center of Higher Education - via Jeanne Smits (23 avril) - mars 2016

[Présentation par Jeanne Smits] Dans un long entretien accordé au mois de mars par Mgr Athanasius Schneider à l’association hongroise John Henry Newman, l’évêque auxiliaire d’Astana a redit que les fidèles catholiques peuvent être appelés à aider à préserver la vraie doctrine et la vraie morale de l’Eglise. Cette interview qui date d’avant la publication d’“Amoris laetitia” n’évoque évidemment pas l’Exhortation post-synodale mais elle aborde par avance de nombreux thèmes très actuels. Elle contient en outre de nombreuses réponses très franches et très directes sur de nombreux thèmes, comme la crise de l’Eglise, le Chemin néocatéchuménal, la crise des migrants, la vidéo du pape François sur le « dialogue interreligieux »…
Je vous propose ici ma traduction « officieuse » du texte depuis la traduction anglaise parue sur le site newman.hu, où l’on trouvera par ailleurs en anglais toutes les notes dont l’intervieuweur, Dániel Fülep, a enrichi le textes. La pertinence des questions et la teneur des réponses font de cet entretien un document à conserver. – J.S.

— A la suite du synode extraordinaire sur la famille de nombreuses personnes ont été effrayées, ou au contraire remplies de faux espoirs. Ceux qui espéraient voir un changement de la doctrine morale de l'Eglise ont probablement été déçus par le contenu du rapport final. Ne pensez-vous pas qu'il se soit agi d'un ballon d'essai en vue d'assouplir la doctrine fondamentale de l'Eglise en ouvrant la porte à de graves abus, et à de nouvelles tentatives de ce type à l'avenir ? Qu'en pense votre Excellence au vu du rapport final du synode ordinaire ?
— Eh bien, grâce à Dieu, le rapport final du synode a fait des déclarations claires sur le comportement homosexuel, qui est inacceptable à la lumière de la morale chrétienne, et il contient également des mots clairs et justes contre l'idéologie du genre. Grâce en soit rendu à Dieu. Mais ainsi que je le déclarais dans mon analyse du rapport final, la section qui concerne les couples remariés demeure ambiguë. De telle sorte que ceux qui font la promotion de la communion pour les divorcés remariés ont soudain déclaré que ce rapport constituerait une porte ouverte, même si c'était seulement de manière indirecte, à l'accès des remariés au sacrement. Les évêques, cependant, doivent éviter de telles déclarations ambiguës dans les documents officiels. Bien évidemment, le rapport final n'est pas un texte du magistère, grâce à Dieu : ce n'est qu'un rapport. C'est pourquoi nous devons attendre et espérer qu'il y ait un autre texte officiel du magistère qui énoncera clairement la doctrine catholique.
— Dans une interview, votre Excellence a dit à propos du synode extraordinaire : « Hélas, le rapport final du synode contient également un paragraphe sur le vote à propos de la question de la communion aux divorcés remariés. Même s'il n'a pas obtenu des deux tiers des votes requis, il est inquiétant et étonnant qu'une majorité absolue des évêques présents ait pu voter en faveur de la sainte communion pour les divorcés et remariés, ce qui donne une mauvaise image de la qualité spirituelle de l'épiscopat catholique aujourd'hui. » Que pense votre Excellence de cette mauvaise qualité spirituelle de l'épiscopat catholique ? Quelles en sont les raisons profondes ?
— Nous avons observé pendant de longues années que de nombreuses conférences épiscopales officielles s'occupent de manière prédominante des affaires temporelles et terrestres plutôt que des affaires surnaturelles et éternelles, alors que ce sont ces dernières qui doivent être considérées comme les plus importantes dans la vie de l'Eglise. Sauver les âmes et les conduire au ciel : c'est pour cela que le Christ est venu nous sauver et pour cela qu’Il a fondé l'Eglise. Par conséquent l'Eglise doit conduire les hommes au ciel et leur transmettre les vérités divines, les grâces surnaturelles et la vie de Dieu. Voilà la tâche principale de l'Eglise. S'occuper des affaires temporelles est l'affaire du gouvernement. Je vois ici un transfert indu de la tâche de gouverner et de l'autorité civile aux évêques, les successeurs des apôtres. Évidemment, sur le fondement de sa doctrine sociale, l'Eglise peut conseiller le gouvernement de manière à ce que la vie sociale soit plus conforme à la loi naturelle. Mais ce n'est pas la tâche principale de l'Eglise. C'est une tâche secondaire. La crise actuelle de l'Eglise est largement due à ceci : la substitution de la tâche principale par des tâches secondaires.
— Les synodes ordinaires ont abouti à un rapport final contenant des propositions pastorales qui ont été soumises au discernement du pape. Votre Excellence écrit à ce propos : « Au cours du synode sont apparus ces nouveaux disciples de Moïse et ces nouveaux Pharisiens qui dans les numéros 84 à 86 du rapport final ont ouvert une petite porte à l'accès des divorcés remariés à la communion… Au cours des deux dernières assemblées du synode, en 2014 et 2015, les nouveaux disciples de Moïse et les nouveaux Pharisiens ont masqué leur rejet pratique de l'indissolubilité du mariage et la suspension du sixième commandement derrière une approche au cas par cas… » On rencontre également ici la méthode du langage typiquement ambigu du modernisme. Nous trouvons des termes imprécis ou équivoques, par exemple « chemin de discernement », « accompagnement », « for interne », « orientation de l'évêque », « dialogue avec le prêtre », « une plus grande intégration dans la vie de l'Eglise ». Il semble que dans le rapport final (et surtout les paragraphes 85 et 86) la conscience prévaut sur la loi divine. N'était-ce pas là l'erreur de Luther ? Elle est liée aux principes protestants du jugement subjectif en matière de foi et de discipline et à la théorie erronée de l’optio fundamentalis, n’est-ce pas ?
— Alors que ces paragraphes affirment que le jugement individuel de la conscience de ces couples doit être posé conformément à la doctrine de l'église, il demeure un manque de clarté. Ceux qui font la promotion de la communion aux divorcés remariés, tels le cardinal Kasper et son groupe, affirment ouvertement que, bien que la doctrine de l'Eglise demeure, il existe certainement la possibilité que les divorcés remariés puissent recevoir la communion. Ainsi ils ont accepté la possibilité d'une contradiction entre la doctrine et la pratique. C'est également la position typique du protestantisme. On garde la théorie ou la doctrine, les œuvres n'étant pas tellement importantes ou nécessaires. C'est le principe dangereux de la rédemption par la foi seule. Et le même paragraphe n'affirme pas que la cohabitation en dehors d'un mariage valide est peccamineuse. Il s'agit d'une omission objectivement grave. Le rapport final dit indirectement que pour les divorcés remariés, la culpabilité de la cohabitation pourrait être réduite, voire ne pas être imputée du tout, en raison de circonstances ou des passions auxquelles ils sont soumis. Cependant, l'application du principe en question à la cohabitation en dehors du mariage est totalement incorrecte. Ceux qui cohabitent ont l'intention de commettre le péché de manière continue, de telle sorte qu'il ne s'agit pas d'un acte immoral instantané. Ils doivent avoir l'intention d’éviter les actes sexuels en dehors du mariage. Et ainsi l'imputabilité des péchés de cohabitation pourrait également être appliquée également aux jeunes qui cohabitent sans être mariés. En admettant une telle théorie, ces évêques annulent le sixième commandement de Dieu. Et si ce principe est accepté, aucun des péchés contre le sixième commandement ne sera plus considéré comme un péché. Il s'agit d'une certaine façon de l'abolition du sixième commandement.
— Votre excellence a déclaré à propos du rapport final du synode ordinaire qu'il « semble inaugurer une cacophonie doctrinale et disciplinaire au sein de l'Eglise catholique, qui contredit l'essence même de l'appartenance à la religion catholique ». Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par là ?
— La cacophonie est le contraire de la symphonie. La symphonie signifie que toutes les voix s'accordent pour produire l'harmonie, et pour la proclamer. Dans la cacophonie, l'une des voix semble fausse. Elle est contraire à la vérité de la mélodie. Ainsi, lorsque ce rapport final échoue à affirmer clairement l'immoralité de la cohabitation des personnes divorcées, lorsqu'il échoue à déclarer clairement les conditions établies par Dieu en vue de la réception digne de la sainte communion, d'autres utiliseront ce manque en vue de proclamer un mensonge, de telle sorte que leur voix ira contre la vérité, de même qu'une voix fausse en musique contredit la vérité de la symphonie.
— Lors d'une conférence théologique à Rome en décembre 2010 vous avez affirmé le besoin d'un « nouveau syllabus » où l'autorité enseignante du pape corpus corrigerait les interprétations erronées des documents du concile Vatican II. Qu'en pensez-vous aujourd'hui ?
— Je pense que, en ces temps de confusion, il est absolument nécessaire de disposer d'un tel syllabus. Syllabus signifie liste, une énumération des dangers, des affirmations confuses, des mauvaises interprétations etc. ; une énumération des erreurs les plus répandues et les plus communes dans tous les domaines tels le dogme, la morale et la liturgie. D'un autre côté, il faut aussi clarifier et aborder positivement ces mêmes points. Cela viendra sûrement car l'Eglise a toujours publié des clarifications extrêmement claires, spécialement après les temps de confusion.
— On a donné au programme pontifical de Jean XXIII dans une allocution du 25 janvier 1959 le nom d'aggiornamento, et ce fut l'un des mots-clefs du concile Vatican II. Quelle est l'interprétation correcte de cette phrase ?
— Pour le pape Jean XXIII, l'aggiornamento n'était pas le changement de la vérité, mais son explication d'une manière plus profonde et plus pédagogique de manière à ce qu'on puisse mieux la comprendre et l'accepter. Le pape insistait sur le faite que l'aggiornamento signifie garder la foi dans son intégralité. C'est après le concile que ce mot a été utilisé d'une manière radicalement détournée en vue de modifier la foi. Telle n'était pas l'intention de Jean XXIII.
— Un autre terme mal compris est celui de participatio actuosa. Même des clercs affirment que cela signifie que chacun, de préférence, se voie attribuer une tâche au cours de la liturgie. C'est comme si ce terme renvoyait au tohu-bohu ou à l'activisme. L'idée d'une activité interne n'est même pas évoquée.
— La première personne à utiliser l'expression « participation active » était le pape Pie X, dans son célèbre motu proprio Tra le Sollecitudini sur la musique sacrée. Le pape parle de participation active et explique qu'elle signifie que les fidèles doivent être conscients des mots et des rites sacrés au cours de la sainte messe, en participant de manière consciente plutôt que de manière distraite. Leur cœur et leur bouche doivent être en accord l'un avec l'autre. On trouve pratiquement la même signification dans le document Sacrosanctum Concilium où l'on ne trouve aucune réinterprétation majeure de ces paroles. Sacrosanctum Concilium enseigne qu'en pratique, la participation active signifie écouter, répondre, chanter, se tenir à genoux et également demeurer silencieux. C'était la première fois que le magistère parlait du silence comme d’une forme de participation active. Il nous appartient donc de détruire quelques mythes au sujet de la participatio actuosa.
— Aujourd'hui nous devons nous rendre compte de l'existence d'une profonde ligne de fracture au sein de l'Eglise. L'image générale est très complexe, mais de manière simpliste nous pouvons dire qu'il existe une douloureuse confrontation entre le modernisme et la tradition. Comment votre Excellence explique-t-elle cette dichotomie dans la vie de l'Eglise ?
— Nous vivons et nous faisons l'expérience de cette dichotomie depuis cinquante ans, depuis le concile. D'un côté il y a des signes positifs au sein de l'Eglise. De l'autre, de réelles erreurs sont répandues par certains évêques et certains prêtres. Une telle situation est contraire à la nature de l'Eglise. Jésus-Christ a ordonné aux apôtres et à ses successeurs de garder le trésor de la foi, c'est-à-dire la foi catholique, intact, et ainsi les apôtres sont allés jusqu'à mourir pour cette foi. Ceux qui disposent de l'autorité dans l'Eglise doivent agir contre une telle situation et la rectifier.
— Si nous analysons la vie de l'Eglise nous nous rendons compte que nous vivons des temps extraordinaires. L'apostasie est généralisée, peut-être est-elle partout, et les hérésies s'en donnent à cœur joie : modernisme, conciliarisme, archaïsme etc. Hélas, nous voyons des signes d'hérésie même parmi les évêques. Les historiens disent que cette crise nous rappelle les temps de l'arianisme. Si cette comparaison est exacte, quelle est donc la similitude entre le temps de l'arianisme et notre époque ?
— La crise arienne au quatrième siècle a en effet été à l'origine d'une confusion générale dans l'Eglise tout entière. Ainsi l’hérésie ou les demi-vérités et les ambiguïtés à propos de la divinité du Christ étaient-elles largement répandues à cette époque-là. Il ne restait que très peu d'évêques pour s'opposer ouvertement à l'hérésie et à l'ambiguïté des « semi-ariens ». À cette époque-là seuls les clercs politiquement corrects était promus aux charges ecclésiastique plus hautes, tel l'épiscopat, parce que le gouvernement de l'époque soutenait et promouvait l'hérésie. D'une certaine manière il en va de même à notre époque. A notre époque ce n'est pas seulement une doctrine spécifique de la foi qui est niée, mais il existe une confusion générale qui touche presque tous les aspects de la doctrine, de la morale et de la liturgie catholique. De nos jours en outre, la plupart des évêques sont assez silencieux, voire timorés en ce qui concerne la défense de la foi catholique. Et donc ma réponse est oui, il y a des similitudes.
— D'aucuns suggèrent qu'il serait important qu'un nouveau dogme définisse le terme de « tradition » et expose clairement les liens de la tradition avec la papauté, les conciles, le magistère etc. Ce nouveau dogme pourrait défendre la tradition contre le conciliarisme par exemple, ou contre l'interprétation incorrecte de la primauté pontificale. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
— Nous disposons d'un document du concile Vatican II sur la révélation divine, Dei Verbum, qui contient de très belles déclarations. Il dit que le magistère – que le pape – n’est pas au-dessus de la parole de Dieu ou de la tradition mais, qu'en tant que serviteur de la parole écrite et celle qui est transmise oralement (la tradition) de Dieu, il se trouve en dessous. On doit également insister sur le fait que le pape, la papauté n'est pas propriétaire de la tradition ou de la liturgie et qu'il doit les préserver, comme un bon jardinier. Le pape doit préserver et défendre la tradition comme un serviteur fidèle. Il me semble qu'il serait bon d'approfondir la réflexion sur la relation entre le magistère et la tradition.
— Aujourd'hui, les fidèles catholiques font l'expérience de la faiblesse et des dysfonctionnements du magistère : sans exagération j'ose dire que dans les médias officiels catholiques on peut entendre lire et voire des erreurs grossières, des ambiguïtés, et même des hérésies de la bouche de prêtres de haut rang, hélas, et même d'évêques et des plus hauts dignitaires de l'Eglise, quasiment chaque jour. Une partie significative des déclarations officielles — même depuis les plus hautes sphères — sème la confusion, et contradictoire, trompant de nombreux fidèles. Que doivent faire les fidèles catholiques en ces temps difficiles ? Comment pouvons-nous rester fermes dans la foi dans cette situation ? Quel est notre devoir ?
— Au cours de l'histoire de l'Eglise il y a toujours eu des temps de crise profonde de la foi et de la morale. La crise la plus profonde, la plus dangereuse a été sans aucun doute la crise arienne au quatrième siècle. C'était une attaque mortelle contre le mystère de la très Sainte Trinité. En ces temps-là, ce furent quasiment les simples fidèles qui ont sauvé la foi catholique. Dans son analyse de cette crise, le bienheureux John Henry Newman a dit que c'était l’ecclesia docta (l'église enseignée, c'est-à-dire les fidèles qui reçoivent l'instruction du clergé) plutôt que l’ecclesia docens (ceux qui détiennent le magistère ecclésiastique) qui a sauvé l'intégrité de la foi catholique au quatrième siècle. Au temps de crises profondes la divine Providence aime à utiliser les plus simples et les plus humbles pour démontrer l'indestructibilité de son Eglise. Cette affirmation de saint Paul peut également être appliquée à la situation interne de l'Eglise : « Mais Dieu a choisi les moins sages selon le monde, pour confondre les sages ; il a choisi les faibles selon le monde, pour confondre les puissants » (1 Cor 1, 27). Lorsque les simples fidèles constatent que les représentants du clergé, et même du haut clergé, laissent à l’écart la foi catholique et proclament l'erreur, ils doivent prier pour leur conversion, ils doivent réparer les fautes du clergé à travers le témoignage courageux de la foi. Parfois, les fidèles doivent également conseiller et corriger le clergé, mais toujours avec respect, c'est-à-dire en suivant le principe du sentire cum ecclesia, ainsi que l’ont fait par exemple sainte Catherine de Sienne ou sainte Brigitte de Suède. Dans l'Eglise nous constituons tous un seul corps, le corps mystique du Christ. Lorsque la tête (le clergé) est défaillant, les autres membres doivent essayer de renforcer le corps tout entier. En définitive, l'Eglise est guidée par la tête invisible qui est le Christ, et elle est animée par son âme invisible qui est le Saint-Esprit. C'est pourquoi l'Eglise est indestructible.
— La pape François a rendu public son intention de prière pour le dialogue interreligieux en janvier dans un message vidéo. Le Saint-Père affirme qu'il prie pour que « le dialogue sincère entre les hommes et les femmes des différentes religions puisse donner des fruits de paix et de justice ». Dans cette vidéo nous voyons le pape argentin en compagnie de croyants d'autres religions, juifs, musulmans et bouddhistes, chacun professant sa foi et déclarant ensemble qu'ils croient en l’amour. Le pape appelle au dialogue interreligieux en notant : « La plupart des habitants de la planète se disent croyants », et donc « cela devrait conduire au dialogue entre les religions ». « Ce n'est qu'à travers le dialogue », souligne-t-il, « que nous allons pouvoir éliminer l'intolérance et la discrimination ». Notant que de dialogue interreligieux est une « condition nécessaire pour la paix mondiale », le pape affirme : « Nous ne devons jamais cesser de prier pour cela ni de collaborer avec ceux qui pensent différemment ». Il exprime également son espoir de voir son appel à la prière atteindre tous les hommes. « Dans ce large spectre de religions » conclut le pape François, « il n'y a qu'une certitude que nous avons pour toutes : nous sommes tous enfants de Dieu » ; et il dit qu'il a confiance en nos prières. Dans la dernière image nous voyons le petit Jésus au milieu de Bouddha, de la Menorah et d'un chapelet musulman. Si nous pensons que Jésus-Christ est le Fils unique de Dieu, et que l'Eglise catholique, l'acceptation de la foi et le baptême sont nécessaires au salut, et que nous savons que la filiation divine et la fin est le fruit de la justification, regarder cette vidéo nous plonge dans l'embarras…
— Evidemment. Hélas, cette déclaration du pape est hautement déconcertante et ambiguë. Il y a de la confusion parce qu'il met sur un même niveau le plan naturel, où tous les hommes sont des créatures de Dieu, et le plan surnaturel où seuls ceux qui croient au Christ et reçoivent le baptême sont des enfants de Dieu. Seuls sont enfants de Dieu ceux qui croient au Christ, qui ne sont pas nés de la chair ou du sang, qui désignent le plan naturel, mais qui sont nés de Dieu par la foi au Christ et par le baptême. C'est ce que déclare Dieu lui-même dans l'Evangile de Jean. La déclaration du Pape que vous évoquez contredit d'une certaine façon la parole de Dieu elle-même. Et comme l'écrivait saint Paul, ce n'est que par le Christ et à travers le Saint-Esprit qui est répandu dans nos cœurs que nous pouvons dire « Abba, Père ». Fondé sur la parole de Dieu, cela est absolument clair. Évidemment, le Christ a répandu son Sang pour la rédemption de tous, de chaque être humain. Telle est la rédemption objective. Et donc chaque être humain peut devenir un enfant de Dieu lorsqu'il accepte subjectivement le Christ à travers la foi et le baptême. Ainsi donc il nous faut absolument clarifier ces différences.
— Alors que la tradition est persécutée, il existe de nouveaux mouvements modernes qui reçoivent un fort soutien. L'un d'entre eux est la communauté de Kiko. Quelle est votre opinion à propos du Chemin néocatéchuménal ?
— Il s'agit d'un phénomène très complexe et malheureux. Pour parler ouvertement : c'est un cheval de Troie dans l'Eglise. Je les connais très bien car j'ai été délégué épiscopal pour le Kazakhstan à Karaganda pendant plusieurs années. Et j'ai assisté à leurs messes et à leurs réunions et j'ai lu ce qu'a pu écrire Kiko, leur fondateur, de telle sorte que je les connais bien. En parlant ouvertement et sans diplomatie, je dois déclarer : le Néocatéchuménat est une communauté judéo-protestante au sein de l'Eglise, avec une sorte de décoration catholique, rien de plus. Son aspect le plus dangereux concerne l'Eucharistie, parce que l'Eucharistie est le cœur de l'Eglise. Lorsque le cœur va mal, le corps entier va mal. Pour le Néocatéchuménat, l'Eucharistie est d'abord un banquet fraternel. C'est une attitude protestante, typiquement luthérienne. Ils rejettent l'idée et l'enseignement de l'Eucharistie en tant que vrai sacrifice. Ils pensent même que l'enseignement traditionnel de l'Eglise, et la croyance que l'Eucharistie est un sacrifice, ne sont pas chrétiens mais païens. Cela est totalement absurde, c'est typiquement luthérien, protestant. Au cours de leur liturgie de l'Eucharistie, ils traitent le très Saint-Sacrement d'une manière si banale que cela en devient parfois horrible. Ils restent assis en recevant la sainte communion, et après ils en perdent des fragments parce qu'ils n'en prennent pas soin, et après la communion ils dansent au lieu de prier et d'adorer Jésus en silence. Cela est véritablement profane, païen, naturaliste.
— Le problème n'est peut-être pas seulement d’ordre pratique…
— Le deuxième danger est constitué par leur idéologie. L'idée principale du Néocatéchuménat, selon leur fondateur Kiko Argüello est celle-ci : l'Eglise n'a eu une vie idéale seulement jusqu’à l'époque de Constantin au quatrième siècle, seul cela a été effectivement la véritable Eglise. Avec Constantin l’Eglise a commencé a se dégénérer : une dégénération doctrinale, liturgique et morale. Et l'Eglise a atteint le fond absolu de cette dégénération de la doctrine et de la liturgie avec les décrets du Concile de Trente. Mais, contrairement à ce qu’il croit, c'est l'opposé qui est vrai : ce fut là l'un des point culminants de l'histoire de l'Eglise en raison de la clarté de la doctrine et de la discipline. Selon Kiko, l'âge des ténèbres de l'Eglise a duré depuis le quatrième siècle jusqu'au concile Vatican II. C'est avec le concile Vatican II seulement que la lumière est entrée dans l'Eglise. Cela est une hérésie parce que cela voudrait dire que le Saint-Esprit aurait abandonné l'église. Et c'est véritablement sectaire, c’est tout à fait dans la ligne de Martin Luther qui déclarait que jusqu'à sa personne l'Eglise était restée dans les ténèbres et que c'est seulement à travers lui qu'il y eut la lumière dans l'Eglise. La position de Kiko est fondamentalement la même à ceci près que Kiko postule que l'âge des ténèbres de l'Eglise court depuis Constantin jusqu'à Vatican II. Ainsi ils font une mauvaise interprétation du concile Vatican II. Ils se disent les apôtres de Vatican II, et ce faisant ils justifient toutes leurs pratiques et leurs enseignements hérétiques par Vatican II. Il s'agit d'abus graves.
— Comment cette communauté a-t-elle pu être officiellement reconnue par l'église ?
— C'est une autre tragédie. Ils ont établi un lobby puissant au sein du Vatican il y a au moins 30 ans. Cela s'accompagne d'une autre tromperie : lors de nombreux événements ils présentent de nombreux fruits de conversion et de nombreuses vocations aux évêques. De nombreux évêques sont aveuglés par les fruits, ils ne voient pas les erreurs, et il ne les examinent pas. Ils ont de grandes familles, ils ont de nombreux enfants, et leur vie de famille atteint un haut niveau moral. Cela constitue, évidemment, un bon résultat. Cependant, on y constate également une attitude exagérée qui presse les familles à avoir un maximum d'enfants. Cela n'est pas sain. Et donc, ils disent qu'ils acceptent Humanae vitae, et cela est bien, évidemment. Mais à la fin c'est une illusion, car il y a aujourd'hui dans le monde bien des groupes protestants qui atteignent un haut niveau moral, qui ont eux aussi de nombreux enfants, et qui protestent eux aussi contre l'idéologie du genre, l'homosexualité, et qui acceptent Humanae vitae. Mais pour moi il ne s'agit pas là d'un critère décisif de vérité ! Il y a également de nombreuses communautés protestantes qui convertissent de nombreux pêcheurs, des gens qui ont vécu avec des addictions comme l'alcoolisme ou la drogue. Donc le fruit de la conversion n'est pas un critère décisif pour moi et je n'inviterais pas ce beau groupe protestant qui convertit les pécheurs et qui a de nombreux enfants dans mon diocèse afin de s'engager dans l'apostolat. Telle est l'illusion de nombreux évêques, aveuglés par les soi-disant fruits.
— Quelle est la pierre d'angle de la doctrine ?
— C'est la doctrine de lEeucharistie. Voilà le cœur. C'est une erreur de regarder d'abord les fruits et d'ignorer ou de ne pas prendre soin de la doctrine, de la liturgie. Je suis sûr que viendra un temps où l'Eglise examinera cette organisation en profondeur et de manière objective sans la pression des lobbies du Chemin néocatéchuménal, et leurs erreurs de doctrine et de liturgie seront véritablement mises au jour.
— Il y a 50 ans la déclaration Nostra aetate du concile Vatican II a été promulguée. Son quatrième article présente la relation entre l'Eglise catholique et le peuple juif dans un nouveau cadre théologique. Ce document est l'un des textes conciliaires les plus problématiques les plus controversés, entre autres choses en raison de ses déclarations à propos des Juifs. A l'occasion du cinquantenaire de ce document un nouveau texte a été publié par le cardinal Kurt Koch pour le compte du Saint-Siège, où nous pouvons lire que « l'Eglise catholique ne met en œuvre ni ne soutient aucune mission spécifique et institutionnelle dirigé vers les Juifs ». Le commandement de Jésus par rapport à la mission n'est-il plus valide ?
— Cela est impossible car cela serait absolument contraire à la parole du Christ. Jésus-Christ a dit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis de la maison d’Israël qui se sont perdues. » Et sa mission continue, Il ne l'a pas abolie. Il a dit : « Allez enseigner toutes les nations et faites-en mes disciples », plutôt qu’« aller enseigner toutes les nations à l'exception des Juifs ». C'est ce qu'implique la déclaration que vous évoquez. Cela est absurde. Cela est contre la volonté de Dieu et contre l’histoire tout entière de la vie de l'Eglise au cours de 2000 ans. L'Eglise a toujours prêché à tous, indépendamment de leur nation ou de leur religion. Le Christ est le seul Rédempteur. Aujourd'hui les Juifs rejettent l'alliance de Dieu. Il n'y a qu'une alliance de Dieu : l'ancienne Alliance était seulement une préparation et a atteint son objectif dans l’Alliance nouvelle et éternelle. C'est aussi ce qu'enseigne le concile Vatican II : « L’économie de l’Ancien Testament avait pour raison d’être majeure de préparer l’avènement du Christ Sauveur de tous… Inspirateur et auteur des livres de l’un et l’autre Testament, Dieu les a en effet sagement disposés de telle sorte que le Nouveau soit caché dans l’Ancien et que, dans le Nouveau, l’Ancien soit dévoilé » (Dei Verbum 15 et 16).
   
Les Juifs ont rejeté cette alliance divine, puisque Jésus leur a dit : « Celui qui me hait, hait aussi mon Père. » (Jn 15, 23). Ces paroles de Jésus valent encore pour les Juifs d'aujourd'hui : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas » (Mc, 13, 31). Et Jésus a dit : si vous ne m'acceptez pas, vous ne pouvez pas aller au père. Lorsque les Juifs d'aujourd'hui rejettent le Christ, ils rejettent le Père et aussi son alliance. Car en définitive il n'y a qu'une alliance, et non deux alliances : l'ancienne est passée à la nouvelle. Car il n'y a qu'un seul Dieu, il n'y a pas deux dieux, un dieu de l'Ancien Testament et un dieu du Nouveau Testament. Cela constitue une hérésie gnostique. C'est la doctrine des pharisiens et du Talmud. Aujourd'hui les Juifs sont des disciples talmudiques des Pharisiens, qui ont rejeté l'alliance de Dieu dans son alliance nouvelle et éternelle. Cependant, les Juifs justes de l’Ancien testament – les prophètes, Abraham et Moïse – ont accepté le Christ. C'est Jésus qui l'a dit, et donc nous devons le souligner, nous aussi.
— Alors que Nostra aetate, fortement lié à Jean-Paul II, appelle les Juifs « des frères aînés », le pape Benoît XVI a employé la forme « pères dans la foi ». Mais les Juifs de l'Ancien Testament et le judaïsme talmudique sont deux choses très différentes, n'est-ce pas ?
— Oui, évidemment. Malheureusement, les expressions de ces deux papes sont aussi dans une certaine mesure ambiguës. Elles ne sont pas claires. De telle sorte que lorsque les ces mots doivent indiquer que les Juifs sont nos frères aînés, nous devons souligner que seuls les Juifs de l'Ancien Testament – les prophètes, Abraham et tous les saints de l'Ancien Testament – sont nos frères aînés. Cela est juste car ils avaient déjà accepté le Christ, non de manière explicite mais au niveau des préfigurations et des symboles, et Abraham a même dit explicitement, comme le Christ lui-même l'a dit : « Abraham, votre père, a désiré avec ardeur de voir mon jour : il l’a vu, et il en a été rempli de joie » (Jn, 8, 56). Mais comment pouvons-nous dire cela des Juifs du Talmud d'aujourd'hui qui rejettent le Christ et qui n'ont pas foi au Christ et en la Sainte Trinité ? Comment peuvent-ils être nos frères aînés s’ils n’ont pas foi au Christ ? Que sont-ils supposés m’enseigner ? J'ai foi au Christ et en la Sainte Trinité. Mais ils rejettent la Sainte Trinité, et donc ils n'ont pas la foi. Et donc ils ne peuvent jamais être mes frères aînés dans la foi.
— L'islam est la religion la plus communément pratiquée au Kazakhstan. Traditionnellement, les Kazakhs ethniques sont des musulmans sunnites. Quelle est votre expérience du dialogue avec eux ? L'islam, dit-on, est similaire au christianisme ou au judaïsme parce qu'il croit en un seul Dieu, et ainsi le monothéisme est supposé constituer la base du dialogue. Mais est-ce réellement cela ? Est-il possible d'engager un dialogue théologique profond avec eux ? Allah est-il la même chose que la Sainte Trinité ? Peut-il y avoir une base de dialogue théologique si l'islam hait la foi en l'Incarnation ?
— Il y a aussi de la confusion lorsque l'on dit que les Juifs, les musulmans et les chrétiens suivent des religions monothéistes. Cela porte vraiment à confusion. Pourquoi ? C’est que nous, chrétiens, nous croyons toujours non seulement en un seul Dieu, mais au Dieu trine, en Dieu, la très Sainte Trinité. Nous ne croyons pas seulement en un seul Dieu comme toute personne humaine peut le faire à la lumière de la raison naturelle. Les Juifs et les musulmans croient en un seul Dieu qui est une seule personne. C'est une hérésie, ce n'est pas vrai. Dieu n'est pas une personne, Dieu est trois personnes. Et qui plus est, ils n'ont pas la foi parce qu'ils croient seulement que Dieu est un, mais cela ne requiert pas la foi, seulement la raison naturelle. Il y a le dogme de la foi qui déclare qu'à la lumière naturelle de la raison naturelle chaque personne peut reconnaître que Dieu est un. Nous avons une foi surnaturelle, et c'est une différence substantielle.

Objectivement, Dieu, que nous connaissons par la raison, est évidemment la Sainte Trinité. Mais les Juifs et les musulmans n'acceptent pas la Sainte Trinité. Ainsi nous ne pouvons pas prier ensemble parce que leur culte manifeste leurs conviction qu'il y a un seul Dieu, une seule personne. Mais nous, chrétiens, nous adorons toujours Dieu en trois personnes. Toujours. Et donc nous ne pouvons pas rendre le même culte. Ce ne serait pas véridique. Ce serait une contradiction et un mensonge.
— Cela signifie-t-il que les deux journées mondiales de prière pour la paix a Assise ont représenté une contradiction scandaleuse ?
— Hélas, les journées mondiales de prière qui se sont tenues à Assise contenaient et manifestaient une confusion en ce qui concerne la différence substantielle entre la prière des chrétiens, qui est toujours dirigée vers la très Sainte Trinité, et la prière de personnes qui reconnaissent Dieu comme créateur, comme une seule personne à la lumière de la raison naturelle, et qui l'adorent selon la raison naturelle. L'aspect le plus dommageable des rencontres de prière interreligieuses à Assise a été, cependant, le fait qu’y participaient également les représentants de religions polythéistes, qui ont adressé leur culte à des idoles, et qui ont donc pratiqué une véritable idolâtrie, qui est le plus grand péché selon l'Ecriture Sainte.
— Comment voyez-vous la crise des migrants en Europe ? Quelle est l'attitude catholique correcte à son égard ?
— C'est un problème plus ou moins politique. Ce n'est pas la première tâche des évêques que de faire des déclarations politiques. Mais en tant que personne privée, et non en tant qu'évêque, je dirais que la soi-disant « migration » a été planifiée et programmée de manière artificielle, on peut même parler d'une forme d'invasion. Certaines puissances politiques globales l’ont préparée il y a de longues années déjà, en créant la confusion et les guerres au Proche-Orient, en « aidant » ses terroristes ou sans s'y opposer de manière officielle ; ainsi – d'une certaine façon – elles ont contribué à cette crise. Déplacer une telle masse de gens, qui sont pour la plupart musulmans et qui appartiennent à une culture très différente vers le cœur de l'Europe, est problématique. Ainsi un conflit programmé se trouve-t-il en Europe et la vie civile et politique est déstabilisée. Cela doit être évident aux yeux de tous.
— J'aimerais vous interroger sur l'orthodoxie russe et la Russie. Vous connaissez bien l'Eglise orthodoxe russe, leur vie et leur mentalité. L'année prochaine marquera le centième anniversaire de Fatima. Sans aucun doute la Russie n'a pas été consacrée clairement au Cœur mmaculé de Marie et on sait qu'elle ne s'est pas convertie à Dieu.
— Eh bien, nous connaissons le texte publié par Jean-Paul II. C'était donc d'une certaine manière une consécration de la Russie, qui n'était certainement pas explicite. Dans le texte il parlait des pays et des nations qui ont besoin de cette consécration et que Marie voulait voir consacrés à elle. C'était évidemment une allusion à Fatima. Je dirais donc que c'était une consécration indirecte de la Russie. Mais je crois que ce cela doit également être fait d'une manière explicite, qui mentionne spécifiquement la Russie. Et j'espère donc que cela puisse être fait à l'avenir.
— La tradition catholique et la sainte liturgie catholique selon l’usus antiquior pourraient promouvoir un véritable œcuménisme à l'égard de l'orthodoxie. Mais hélas ils sont effarés à la vue de l’usus latin moderne. Ils disent également que nous sommes comme les protestants. Cela est tragique si nous pensons à la tradition apostolique commune qui se trouve à la racine des liturgies latines et grecques. Cela promet qu'il un dialogue efficace avec les églises orientales en dehors de la tradition catholique ?
— Cela est vrai, évidemment. J'ai de fréquents contacts avec le clergé orthodoxe et c'est ce qu'il me dit. Cette manière de célébrer face au peuple, en utilisant les femmes comme lectrices, constituent des exemples qui ressemblent davantage au culte protestant. Le prêtre et les fidèles forment un cercle fermé, la célébration est comme une réunion et une conférence, de même que des aspects informels au cours de la messe sont contraires à la tradition catholique et apostolique que nous partageons avec l'Eglise orthodoxe. C'est donc vrai et je suis convaincu que lorsque nous reviendrons à la liturgie traditionnelle, ou du moins que nous célébrerons le nouvel ordo de la messe d'une manière traditionnelle nous nous rapprocherons également de nos frères orthodoxes, au moins au niveau liturgique. En 2001, Jean-Paul II a écrit une lettre à la Congrégation pour le culte divin, dans laquelle il a inséré une phrase très intéressante. Il a parlé de la liturgie romaine traditionnelle, qui est hautement vénérable et qui a des similitudes avec les liturgies orientales vénérables.
— Le pape François et le patriarche orthodoxe russe Cyrille de Moscou et de toutes les Russies se sont rencontrés à La Havane, à Cuba le 12 février 2016 pour signer une déclaration conjointe historique. Ce document contient 30 points, dont seuls trois font référence à des questions théologiques ; le reste concerne la paix mondiale, les questions sociales, la protection de la vie, le mariage, la protection de l'environnement et la liberté religieuse. Quelle est la signification de cette rencontre ?
— Le seul fait qu'un pontife romain et un patriarche russe se soient rencontrés pour la première fois de l'histoire revêt une signification spéciale. Au niveau humain et psychologique une telle rencontre a écarté la défiance et l'aliénation mutuelles, vieilles de nombreux siècles. Et donc en ce sens c'était une rencontre importante. Les questions théologiques, toutefois, ont été presque totalement écartées. Les circonstances de la rencontre avaient également une dimension clairement politique. Nous espérons que la divine Providence utilisera cette rencontre pour l'unité future dans l'intégrité de la foi catholique.
— Le pape François a ouvert le Jubilé extraordinaire de la miséricorde, qui est une période de prière depuis la fête de l'Immaculée Conception (8 décembre) 2015 jusqu'à la fête du Christ Roi (20 novembre), 2016. Elle nous donne l'occasion d'entendre de nombreux enseignements et méditations sur la miséricorde. Comment interprétez-vous la miséricorde de Dieu ?
— La miséricorde de Dieu et son amour pour nous. Et la miséricorde de Dieu nous a été révélée lorsqu'Il est venu à nous et qu'Il est devenu l'un de nous. C'est l'ineffable miséricorde de Dieu qui fait qu'Il a décidé de devenir un homme et qu’Il nous a sauvé sur la croix. La miséricorde de Dieu repose sur le fait qu'Il est toujours prêt à nous pardonner lorsque nous nous reportons sincèrement de notre péché. Jésus lui-même dit à Pierre lorsqu'il lui demanda : « Lorsque mon frère pèche contre moi, lui pardonnerai-je sept fois ? » : « Non pas sept fois mais 77 fois », c'est-à-dire chaque fois que votre frère vous demande sincèrement votre pardon. A chaque fois que nous demandons à Dieu de pardonner nos péchés, pour énorme et horrible qu'ils soient, Il nous pardonnera à condition que nous nous en repentions sincèrement, c'est-à-dire que nous soyons prêts à les éviter à l'avenir. Mais hélas, le groupe du cardinal Kasper et les clercs qui soutiennent sa théorie, font une mauvaise interprétation du concept de la miséricorde et en abusent, en introduisant la possibilité que Dieu pardonne même lorsque nous n'avons pas la ferme intention de nous repentir et d'éviter le péché à l'avenir. En définitive, il s'agit d'une destruction totale du vrai concept de la miséricorde divine. Cette théorie dit : vous pouvez continuer de pécher, Dieu est miséricordieux. C'est un mensonge, et d'une certaine façon c'est également un crime spirituel car vous poussez les pêcheurs à continuer de pêcher, et d'être par voie de conséquence perdus et condamnés pour toute l'éternité.
— Quel lien y a-t-il entre la miséricorde de Dieu et la Sainte Eucharistie ? Le Saint-Sacrement est-il le signe principal de la miséricorde de Dieu tel qu'Il s'est donné, vere, realiter et substantialiter ?
— Oui, évidemment. Il en est ainsi parce que la sainte Eucharistie est le sacrement de la Croix du Christ, le sacrement de son sacrifice, rendu présent à chaque messe. L'acte de notre rédemption devient présent, et c'est le plus grand acte de la miséricorde de Dieu. Ainsi l'Eucharistie est une démonstration et une proclamation de la miséricorde vivante de Dieu pour nous. Mais l'Eucharistie ne contient pas seulement le sacrifice du Christ mais également la personne du Christ lui-même. Son corps et son âme sont réellement présents et c'est la réalité la plus sacrée et la plus sainte que nous ayons ici sur terre. Nous ne pouvons nous approcher du Très Saint qu'à la manière du pécheur publique qui disait : « Seigneur, je ne suis pas digne, mais guérissez-moi, purifiez-moi ! » Ainsi l'Eucharistie est également la démonstration de la miséricorde de Dieu, qui demande que nous soyons au préalable purifiés et lavés de nos péchés. Le principal sacrement de la miséricorde est proprement le sacrement de la pénitence, cependant. L'Eucharistie est la démonstration de la miséricorde de Dieu, et elle demande nécessairement le sacrement spécifique de la miséricorde qu’est le sacrement de la pénitence, afin que l'âme soit purifiée. La porte vers la miséricorde est le sacrement de la pénitence : c'est la porte ouverte du cœur de Jésus, où, pendant l'absolution sacramentelle se déverse depuis le cœur de Jésus son Sang qui purifie le pêcheur. La sainte messe contient en elle-même la source de tous les autres sacrements, et cette source est le sacrifice de la Croix.
— Le Motu proprio Summorum Pontificum aura dix ans l'année prochaine. Votre Excellence a suivi la manière dont cette loi pontificale est observée au niveau mondial. Comment voyez-vous la situation ?
— A l’évidence, en conséquence du Motu proprio, la liturgie traditionnelle a commencé à s'étendre lentement mais de manière très forte. Un tel mouvement ne peut plus être arrêté. Il est déjà tellement fort, spécialement parmi les jeunes générations : les jeunes, les séminaristes, les familles jeunes… Ils veulent expérimenter la beauté de la foi catholique à travers cette liturgie, et c'est pour moi un vrai signe du travail du Saint Esprit, parce que cela se répand si naturellement et lentement, sans l'aide des structures officielles de l'Eglise, sans l'aide de la nomenklatura. Souvent, ce mouvement doit même subir l'opposition des représentants officiels de l'église. Mais malgré l'obstruction de la part de la bureaucratie ecclésiastique, il croît et s'étend, et c'est pour moi le travail du Saint-Esprit. Et le Saint-Esprit est plus fort que quelques évêques et cardinaux ou structures ecclésiastiques bien établies.
— De nombreux traditionalistes qui ne voient que la beauté de la liturgie ne se préoccupent pas de la doctrine. Le formalisme, le ritualisme et le perfectionnisme sont très dangereux car ces erreurs opèrent une séparation entre la vérité doctrinale, la vie et la liturgie. Comment pouvons-nous éviter ces maux ?
— Il y a un principe catholique de base qui affirme : Lex orandi est lex credendi. Cela signifie que la loi de la foi, la vérité des catholiques doivent être exprimées dans la loi de la prière, le culte public de l'église. Les textes et les rites de la liturgie doivent refléter l'intégralité et la beauté de la foi catholique et des vérités divines. Lorsque nous aimons la beauté de la liturgie, sa forme traditionnelle, nous devons être touchés dans notre âme et dans notre esprit afin d'aimer de plus en plus la vérité catholique, et de la vivre dans notre vie chrétienne quotidienne. Un vrai catholique doit d'abord aimer l'intégrité de la foi, et de cet amour vient l'intégrité de la liturgie et de cet amour vient l'intégrité de la morale. Ainsi pourrions-nous étendre l’axiome traditionnel en disant : Lex credendi – lex orandi – lex vivendi. La garde et la défense de l'intégrité de la foi catholique doivent toujours s'exercer cependant, selon le principe du sentire cum ecclesia, c'est-à-dire avec respect et amour.
— Au temps de Jean-Paul II, la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements a publié une instruction intitulée Redemptionis Sacramentum, sur certaines choses qui doivent être observées ou évitées en ce qui concerne la très sainte Eucharistie. Ce document prescrit que : « Si un communiant désire recevoir le Sacrement dans la main, dans les régions où la Conférence des Évêques le permet, avec la confirmation du Siège Apostolique, on peut lui donner la sainte hostie. Cependant, il faut veiller attentivement dans ce cas à ce que l’hostie soit consommée aussitôt par le communiant devant le ministre, pour que personne ne s’éloigne avec les espèces eucharistiques dans la main. S’il y a un risque de profanation, la sainte Communion ne doit pas être donnée dans la main des fidèles. »
Nous croyons en la doctrine de la présence réelle de Notre Seigneur Jésus-Christ dans la sainte Eucharistie. Donner le Saint-Sacrement dans la main fait courir le risque d'en faire tomber des petits fragments et donc de profaner le Saint des Saints. Votre livre nous a appris que l'ancienne pratique était absolument différente de la forme protestante actuelle. Lorsqu'on leur demande de donner la sainte communion dans la main, Non possumus est il la seule réponse adéquate pour les prêtres, les diacres ou les ministres extraordinaires ?
— Oui je suis totalement d'accord avec cela. Je n'ai rien à ajouter, c'est tellement évident. Avant toute chose, nous devons défendre Notre Seigneur. C'est un fait qu'à l'occasion de quasi toutes les distributions de la sainte communion dans la main il y a un réel danger de pertes de fragments. Donc nous ne pouvons pas donner la sainte communion dans la main. C'est trop dangereux. Nous devons décider de protéger et de défendre Notre Seigneur. La loi de l'Eglise est subordonnée aux biens de l'Eglise. Et dans ce cas précis la lettre de la loi – permettre de donner la communion dans la main – est cause d'un grand dommage spirituel au Très Saint dans l'Eglise, à savoir Notre Seigneur dans l'Eucharistie. Donc, donner la communion dans la main est dangereux et fait du tort à l'Eglise. Et donc nous ne pouvons pas suivre cette loi. En pratique c’est évidemment difficile car dans certains endroits les gens ont déjà l'habitude de prendre la sainte communion dans la main. Cependant, nous devons leur expliquer cela au préalable, avec beaucoup de conviction et d'amour, et habituellement la majorité l’acceptera. Donc nous devons faire ce qui est en notre pouvoir pour y arriver.
— Et que faire lorsque les supérieurs ne veulent pas permettre aux séminaristes, aux acolytes ou ministres extraordinaires d'agir ainsi ?
— Je préférerais ne pas donner la communion dans la main. Et si le supérieur me contraignait à le faire, je dirais : « Je ne peux pas. » Je dois dire au supérieur que moi aussi, j'ai une conscience.
— Ces derniers jours votre Excellence a eu l'occasion de rencontrer la crème des catholiques traditionnels hongrois et des prêtres traditionnels hongrois lors de vos conférences et à la messe. Nous avons rendu visite au parlement et nous avons prié devant la sainte couronne hongroise, et devant la sainte main droite du roi saint Etienne. Quelle est votre impression du Regnum Marianum (« Royaume de Marie », nom traditionnel de la Hongrie, NDT) ?
— C'est un si beau pays ! Je vois de si beaux villages et de si belles églises partout ! Mon voyage m'a montré que c'est un pays catholique. Et j'espère que les Hongrois seront fidèles au Regnum Marianum afin que votre pays puisse véritablement être sous le règne de Notre-Dame. Et le règne du Christ se réalise toujours à travers Marie. Donc lorsque vous êtes un Regnum Marianum, vous devez également être un Regnum Eucharisticum. Je souhaite que l'amour et la révérence à l'égard de Notre Seigneur eucharistique ainsi que sa défense puissent croître en Hongrie.

Propos recueillis par Dániel Fülep
Entretien réalisé et publiée par le
JOHN HENRY NEWMAN CENTER OF HIGHER EDUCATION, Hongrie