31 août 2016

[Jean-Claude Escaffit et Robert Ackermann - la Croix] Mgr Lefebvre : un pas de plus vers la rupture. - 6 000 personnes à Lille

SOURCE - La Croix - 31 août 1976

Par Jean-Claude Escaffit et Robert Ackermann, envoyés spéciaux à Lille

Déjà plus d’une heure avant la messe une longue file de fidèles, missel à la main, se dirige vers l’entrée du Palais des Sports de la Foire de Lille, Un nombre impressionnant de journalistes (plus de deux cents) les y attendent. Caméras, micros et appareils photo balaient l’air.

Lille est devenue un peu artificiellement le rendez-vous de la presse internationale. Des policiers en civil procèdent discrètement à la fouille de quelques « suspects ».

À l’intérieur, un immense rideau blanc barre sur toute la largeur ce vaste hall qui n’a sûrement pas été prévu pour ce genre de manifestation. Un autel dressé sur une estrade y est en quelque sorte adossé.

Derrière, une sacristie de fortune a été improvisée avec quelques paravents. Mgr Lefebvre y sera véritablement mitraillé par les photographes. Ici et là, dans les coins, des prêtres, portant soutane et surplis, confessent.

Alors que la foule emplit à flot continu les gradins disposés de part et d’autre, ainsi que les chaises du milieu, un jeune prêtre fait réciter le chapelet.

Une salve d’applaudissements salue l’entrée de Mgr Lefebvre en fin d’un cortège qui va parcourir les travées, aux accents du Tu es Petrus réservé aux messes pontificales.

La chorale entonnera tout à tour les Kyrie et Gloria…

Revêtu d’une chasuble carrée, d’origine romaine, l’ex-archevêque-évêque de Tulle célèbre alors la messe, entouré de jeunes prêtres et séminaristes d’Ecône, ainsi que d’autres prêtres comme Mgr Ducaud-Bourget et l’abbé Coache.

L’homélie va être incontestablement le point culminant de cette célébration. D’une voix claire, sans écart excessif dans le ton, il va entreprendre, sans notes, une longue déclaration. Il sera interrompu à plusieurs reprises au détour de phrases qui font mouche, par des applaudissements nourris. Mais il sera aussi interrompu par un contradicteur qui lui lancera « Heureusement que tous les chrétiens du Nord ne sont pas d’accord avec vous ». Le perturbateur sera expulsé rudement par le service d’ordre.
Militants ou curieux ?

Mais qui sont ces 6 000 personnes ? S’il y a des personnes d’âge mûr, il y a incontestablement beaucoup de jeunes, des couples avec de jeunes enfants. Un public familial en somme.

Sont-ils tous acquis à Mgr Lefebvre ? Combien de curieux ? S’il y en avait incontestablement, il est très difficile de dire combien.

Des sympathisants plus que des militants en tout cas, car tous étaient loin d’être comme ces jeunes aux cheveux courts, arborant une fleur de lys, à qui j’ai demandé : si le Pape excommunie Mgr Lefebvre, vous le suivrez ? « Comme le Pape est vraisemblablement franc-maçon, excommunié de fait », m’ont-ils répondu.

En fait, beaucoup de gens venus ici ressentaient un malaise diffus : « J’en ai ras le bol de cette Église », ai-je entendu souvent. La cause ? Une liturgie tâtonnante et des sermons politisés.

Un certain nombre d’entre eux sont comme cet homme, d’un certain âge qui m’a dit : « Je ne veux pas manquer cet événement et j’aime le latin. » – À propos, vous savez que le latin n’est pas interdit par l’Église ? – Ah bon !

30 août 2016

[Paix Liturgique] Cardinal Sarah: «Les Pères du Concile ne vinrent pas à Rome, en octobre 1962, dans l’intention de produire une liturgie anthropocentrique»


SOURCE - Paix Liturgique - Paix Liturgique - lettre n°559 - 30 aout 2016

Tout au long de ce mois d'août, nous avons publié, sous forme de feuilleton, la très importante conférence prononcée le 5 juillet 2016 à Londres par le cardinal Robert Sarah, Préfet de la Congrégation du Culte divin et de la Discipline des sacrements, en ouverture des journées Sacra Liturgia 2016, présidées par Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon. 

Comme séance de rattrapage pour les vacanciers et comme rappel utile pour nos lecteurs réguliers, nous vous proposons une sélection de citations marquantes issues de cette allocution qui, comme son intitulé l'indique (1), entend constituer un programme pour la mise en œuvre authentique de la réforme liturgique issue de Vatican II, y compris au moyen d’une « réforme de la réforme », dans le respect de la tradition de l'Église et en accord avec la mission confiée par le Pape François au cardinal Sarah. Nous vous les proposons en respectant le déroulé de la conférence du Cardinal :
  1. « Qu’est-ce que la sainte liturgie ? », réflexion sur l’esprit de la liturgie ;
  2. « Qu’elle était l’intention liturgique des Pères du Concile Vatican II ? »application d’une herméneutique de continuité à la Constitution conciliaire sur la liturgie ;
  3. « Qu’est-il advenu du projet liturgique conciliaire ? », évaluation du travail de réforme qui a suivi et des multiples abus ;
  4. « Comment avancer vers une mise en œuvre authentique de Sacrosanctum Concilium dans le contexte actuel ? », avec un énoncé de principes de mise en œuvre ;
  5. et, enfin, l'appel à tous les prêtres à célébrer, à partir du 1er dimanche de l'Avent 2016, vers le Seigneur.
Comme nous l'écrivions, ce texte, qui se situe dans la ligne de l’Entretien sur la foi de Joseph Ratzinger (Fayard, 1985) et de toute son action comme cardinal puis comme pape, a assurément une portée historique dans le déroulement de l’après-Concile avec, chez le disciple, une détermination qu’on ne trouvait pas toujours chez le maître. Le cardinal Sarah, dans la droite ligne de Benoît XVI, applique au texte conciliaire sur la liturgie une « herméneutique de continuité ». Le problème habituellement débattu à ce propos est de savoir si la réforme opérée par Paul VI était ou non dans la ligne de Sacrosanctum Concilium (2). Ce n’est pas ici le propos du cardinal Sarah, qui ne cherche pas, pour sa part, à lancer en 2016 une sorte de « bonne réforme » qui serait conforme à l’intention des Pères conciliaires. Il tient seulement à exprimer sa conviction que « les Pères du Concile n’ont pas voulu changer les choses uniquement par simple désir du changement », et que les modifications qu’ils désiraient n’étaient pas, dans leur esprit, un moyen pour une fin œcuménique.

Les Pères du Concile, estime le cardinal Sarah, n’ont pas voulu une révolution liturgique, mais seulement une restauration. Autrement dit, le ministre de la liturgie du Pape François se place sous l’affirmation implicite qu’après le Concile est intervenue une véritable rupture et, affirmant que le Concile ne voulait pas de rupture, se reconnaît le droit d’interpréter souverainement l’intention de Vatican II, de la même manière que Benoît XVI interprétait souverainement l’intention de Paul VI en affirmant dans Summorum Pontificum que la messe tridentine n’avait jamais été abrogée. Ce qui ouvre, on en conviendra, de très intéressantes perspectives d’involution.

1) Qu’est-ce que la sainte liturgie ?

« Il reste encore beaucoup à faire pour une assimilation correcte et complète de la Constitution sur la Sainte Liturgie de la part des baptisés et des communautés ecclésiales. Je me réfère en particulier à l’engagement en vue d’une initiation et d’une formation liturgiques solides et structurées, tant des fidèles laïcs que du clergé et des personnes consacrées. » Ces lignes du Pape François, adressées le 18 février 2014 aux participants au symposium célébrant le 50ème anniversaire de la Constitution Sacrosanctum Concilium du Concile Vatican II, constituent le fondement de la réflexion du cardinal Sarah, Préfet du Culte divin et de la discipline des sacrements soit, plus trivialement, le « ministre de la liturgie » que s'est choisi le Pape François en octobre 2014.

« La liturgie catholique est une chose sacrée, une chose sainte dans sa nature même. La liturgie catholique n’est pas une assemblée humaine ordinaire. »

« C’est Dieu et non l’homme qui est au centre de la liturgie catholique. Nous venons pour l’adorer. Dans la liturgie, il ne s’agit pas de vous ou de moi. Ce n’est pas le lieu où nous célébrons notre propre identité, nos réalisations, où nous exaltons ou promouvons notre propre culture et les valeurs de nos coutumes religieuses locales. La liturgie concerne et appartient d’abord et avant tout à Dieu et célèbre ce qu’il a fait pour nous »

« Nous devons être très clairs quant à la nature du culte catholique si nous voulons faire une lecture correcte et une mise en application fidèle de la Constitution sur la Sainte Liturgie du Concile Vatican II. Les Pères du Concile avaient été imprégnés de l’enseignement magistériel des Papes du XXe siècle [et] saint Jean XXIII ne convoqua pas un Concile œcuménique pour saper cet enseignement qu’il défendait lui-même. Les Pères du Concile ne vinrent pas à Rome, en octobre 1962, dans l’intention de produire une liturgie anthropocentrique. »

2) Qu’elle était l’intention liturgique des Pères du Concile Vatican II ?

« Il me semble opportun de bien nous préciser ce qu’on entend par inculturation. Si vraiment nous comprenons la signification du terme connaissance comme pénétration du Mystère de Jésus Christ, nous possédons alors la clé de l’inculturation, qui n’est pas à présenter comme une quête ou une revendication pour la légitimité d’une africanisation ou d’une latino-américanisation ou asianisation à la place d’une occidentalisation du christianisme. L’inculturation n’est pas une canonisation d’une culture locale ni une installation dans cette culture au risque de l’absolutiser. L’inculturation est une irruption et une épiphanie du Seigneur au plus intime de notre être. Et l’irruption du Seigneur dans une vie provoque en l’homme une déstabilisation, un arrachement en vue d’un cheminement selon des références nouvelles qui sont créatrices d’une culture nouvelle porteuse d’une Bonne Nouvelle pour l’homme et sa dignité d’enfant de Dieu ».

« Il est très important que nous lisions vraiment Sacrosanctum Concilium dans son contexte, comme un document qui devait promouvoir un développement légitime (tel que le plus grand usage des langues vernaculaires) dans la continuité de la nature, de l’enseignement et de la mission de l'Église dans le monde moderne. Nous ne devons pas y lire des choses qui ne s’y trouvent pas. Les Pères n’avaient pas l’intention de faire la révolution, mais une évolution, une réforme modérée. »

« Si nous voulons avancer vers une mise en œuvre authentique de Sacrosanctum Concilium, ce sont les buts, les fins que nous devons garder à l’esprit d’abord et avant tout. Il se peut que si nous les étudions avec un regard nouveau et le bénéfice de l’expérience de ces dernières cinq décennies, nous verrons certaines réformes des rites et certaines règles liturgiques sous un jour différent. Si, aujourd’hui, pour "faire progresser de jour en jour la vie chrétienne chez les fidèles" et pour "appeler tous les hommes dans le sein de l’Église", certaines réformes doivent être reconsidérées, demandons alors au Seigneur de nous donner l’amour, l’humilité et la sagesse de le faire. »

3) Qu’est-il advenu du projet liturgique conciliaire ?

« Je ne pense pas que nous pouvons honnêtement lire aujourd’hui ne serait-ce que le premier article de Sacrosanctum Concilium, et se satisfaire de ce qui a été fait. Mes frères, où sont les fidèles dont parlaient les Pères du Concile ? Beaucoup des fidèles de naguère sont aujourd’hui « infidèles ». Ils ne viennent plus du tout à la messe. »

« Il est vrai également, comme Mgr Bugnini le dit clairement, que certaines prières et certains rites furent construits ou révisés à partir de l’esprit du temps, en particulier à partir des sensibilités œcuméniques. »

« Que ce soit pour de bonnes raisons ou non, des personnes pouvaient ou ne voulaient pas participer aux rites réformés. Ils demeuraient à l’extérieur, ou participaient seulement à la liturgie non-réformée là où ils pouvaient la trouver, y compris lorsque ces célébrations n’étaient pas autorisées. De cette manière, la liturgie devint l’expression de la division au sein de l'Église, au lieu d’être le lieu de l’unité de l'Église catholique. Le Concile n’avait pas voulu que la liturgie nous divise les uns des autres ! Saint Jean-Paul II œuvra pour guérir cette division, avec l’aide du Cardinal Ratzinger, qui, devenu Benoît XVI, chercha à faciliter la nécessaire réconciliation au sein de l'Église. Par le Motu proprio Summorum Pontificum, du 7 juillet 2007, ce dernier déclara que les individus ou les groupes qui souhaitent puiser dans la forme ancienne du rite romain les richesses qu’elle contient, peuvent la pratiquer librement. Grâce à la Providence divine, il est désormais possible de célébrer notre unité catholique tout en nous respectant, et même en nous réjouissant, de la légitime diversité des pratiques rituelles. »

« Il faut prêter attention aux paroles des Pères du Concile : il serait "futile" d’espérer un renouveau liturgique sans une formation liturgique approfondie. Sans une formation essentielle, le clergé pourrait même altérer la foi des fidèles dans le mystère eucharistique. »

4) Comment avancer vers une mise en œuvre authentique de Sacrosanctum Concilium dans le contexte actuel ?

« Ceux qui sont en formation pour le ministère pastoral devraient vivre la liturgie aussi pleinement que possible dans les séminaires et les maisons de formation. Les candidats au diaconat permanent devraient être immergés dans une intense vie de prière liturgique pour une période prolongée. J’ajoute que la célébration pleine et riche de la forme ancienne du rite romain, l’usus antiquior, devrait être une part importante de la formation liturgique du clergé. Sans cela, comment commencer à comprendre et à célébrer les rites réformés dans l’herméneutique de la continuité si l’on n’a jamais fait l’expérience de la beauté de la tradition liturgique que connurent les Pères du Concile eux-mêmes et qui a façonné tant de Saints pendant des siècles ? »

« La Célébration eucharistique doit être essentiellement vécue de l’intérieur. C’est au-dedans de nous que Dieu désire nous rencontrer. Les Pères voulaient que les fidèles chantent, qu’ils répondent au prêtre, qu’ils assurent les services liturgiques leur appartenant. Mais les Pères insistent également pour que les fidèles "participent de façon consciente, pieuse et active à l’action sacrée". »

« Le Pape François m’a demandé d’étudier la question d’une réforme de la réforme et la manière dont les deux formes du rite romain pourraient s’enrichir mutuellement. Ce sera un travail long et délicat et je vous demande de la patience et l’assistance de vos prières. »

« Nous, prêtres et évêques, portons une grande responsabilité. Autant notre exemple vertueux produit de bonnes pratiques liturgiques, autant notre négligence, notre routine ou nos mauvaises manières de faire blessent l'Église et sa liturgie ! »

« Nous, prêtres, devons avant tout être des ministres du culte. […] Nous devons nous souvenir que nous ne sommes pas les maîtres de la liturgie, mais ses humbles ministres, sujets à une discipline et à des lois. »

« Aucun évêque, prêtre, ou diacre habillé pour le service liturgique ou présent dans le sanctuaire ne devrait prendre de photographies, même pendant les messes avec un grand concours de concélébrants. Le fait est que tristement cela arrive souvent au cours de ces messes, ou encore que des prêtres parlent entre eux ou que d’autres s’assoient nonchalamment. C’est urgent, à mon sens, de réfléchir et de poser la question de l’idonéité de ces immenses concélébrations, surtout si des prêtres adoptent des attitudes si scandaleuses et indignes du mystère célébré, ou si la taille extrême de ces concélébrations conduit à un risque de profanation de la Sainte Eucharistie. »

5) L'appel à célébrer vers le Seigneur

« Chers frères dans le sacerdoce, prêtons l’oreille aux lamentations de Dieu proclamées par le prophète Jérémie : 
– Car ils tournent vers moi leur dos, et non leur visage. (Jr 2,27)
Tournons-nous à nouveau vers le Seigneur ! »

« Je voudrais aussi très humblement et fraternellement lancer un appel à mes frères évêques : conduisez vos prêtres et vos fidèles vers le Seigneur de cette façon, particulièrement lors des grandes célébrations de votre diocèse et dans votre cathédrale. Formez vos séminaristes à cette réalité : nous ne sommes pas appelés à la prêtrise pour être, nous-mêmes, au centre du culte, mais pour conduire les fidèles au Christ comme des fidèles compagnons unis dans une même adoration. Encouragez cette simple, mais profonde réforme dans votre diocèse, votre cathédrale, vos paroisses et vos séminaires.»

« Tous les ministres de la liturgie devraient, périodiquement, faire un examen de conscience. Pour ce faire, je recommande la deuxième partie de l’exhortation apostolique Sacramentum Caritatis de Benoît XVI (22 février 2007) : "le développement du rite eucharistique".»

« Le Pape François m’a demandé de continuer l’œuvre liturgique extraordinaire entreprise par Benoît XVI. (cf. le message à la conférence Sacra Liturgia de 2015 à New York, aux États-Unis). Ce n’est pas parce que nous avons un nouveau Pape que la vision de son prédécesseur est invalidée. Tout au contraire, le Saint-Père le Pape François a un immense respect pour la vision liturgique et les mesures mises en œuvre par le Pape émérite Benoît XVI, dans la fidélité scrupuleuse aux intentions et aux objectifs des Pères du Concile. »

« Permettez-moi de mentionner d’autres manières, plus modestes, de contribuer à une mise en œuvre plus fidèle de Sacrosanctum Concilium. La première est que nous devons chanter la liturgie […] Nous devons trouver un bon équilibre entre les langues vernaculaires et l’usage du latin dans la liturgie. […] Nous devons nous assurer que l’adoration est au cœur de nos célébrations liturgiques. […] Il en va de même pour l’agenouillement lors de la consécration (à moins d’être malade) : il est essentiel. […] Veiller à l’habillement convenable de tous les ministres de la liturgie dans le sanctuaire, y compris les lecteurs, est aussi très important, si nous voulons que ceux-ci soient considérés comme d’authentiques ministres. »
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(1) « Vers une authentique mise en œuvre de Sacrosanctum Concilium ».
(2) On peut se reporter, à ce propos, à l’étude nuancée d’Alcuin Reid, l'artisan des colloques Sacra Liturgia, dans The Organic Development of the Liturgy (Saint Michael’s Abbey Press, Londres, 2004), ouvrage préfacé par Joseph Ratzinger.

[Abbé Christian Bouchacourt, fsspx - Fideliter (éditorial)] Si la France est malade, ce n'est pas d'abord du chômage : c'est que son âme est blessée

SOURCE - Abbé Christian Bouchacourt, fsspx - Fideliter (éditorial) - juillet-août 2016

Imaginons deux hommes de même constitution ayant subi le même grave accident qui les a menés aux portes de la mort. Si nous revenons quinze jours plus tard à l’hôpital, nous serons sans doute étonnés d’apprendre que l’un est mort, tandis que l’autre semble ressuscité. Que s’est-il passé ? Le premier, anéanti par la souffrance, s’est laissé emporter sur la pente douce de l’endormissement fatal. Le second, lui, a refusé de mourir, tout son être s’est mobilisé pour faire « repartir la machine », une véritable rage de vivre l’a envahi et a donné à son corps l’énergie nécessaire pour que les médicaments produisent un effet inespéré, pour que la mort recule craintivement.

Ce qui a fait la différence entre les deux, c’est la vitalité de leur âme. Chez l’un, elle était comme fatiguée de lutter, de souffrir. L’autre, au contraire, a mis en pratique la devise du maréchal de Lattre de Tassigny : « Ne pas subir ».

Notre France est malade : c’est une trivialité de le constater. Contre cette langueur mortelle, « on a tout essayé », diraient les politiques : plus de droits de l’homme, plus de socialisme, de libéralisme, plus de laïcité, de « vivre ensemble », de « valeurs républicaines », de démocratie... Mais rien n’y fait. La maladie continue de progresser.

Le problème, c’est que tous les remèdes proposés concernent le corps de la France. Il est vrai que notre pays souffre de difficultés économiques, de tensions sociales, d’une immigration incontrôlée, d’insécurité et de terrorisme, d’un chômage massif. Mais ceci n’est que la conséquence d’un mal plus profond et, faute de soigner celui-ci, on administre d’inutiles emplâtres.

Si la France est malade, ce n’est pas d’abord du chômage ou de la crise économique : c’est que son âme est blessée, altérée. Guérissez son âme, et la France revivra. Rendez-lui son âme, et les problèmes que connaît notre pays (et ils existent, bien sûr) trouveront une solution.

L’âme de la France est chrétienne. On peut tourner le problème de tous les côtés, on peut discuter pendant cent sept ans, on ne sortira pas de cette évidence solaire : l’âme de la France est chrétienne. Or, ce qui a constitué le geste fondateur de la modernité en France, c’est précisément la rupture entre le Christ et la France, lors de la Révolution. À partir de ce jour, parce que la racine de sa vitalité était coupée par le laïcisme, notre pays est comme entré en agonie.

Les effets les plus graves de cette rupture mortelle ne sont néanmoins pas apparus tout de suite : car la France vivait sur l’élan de la chrétienté. Les institutions issues du christianisme étaient encore largement en place, les moeurs étaient imprégnées de christianisme.

Toutefois, de génération en génération, cette empreinte chrétienne s’est progressivement effacée.

Les moeurs se sont paganisées. La France a commencé à subir cette perte de mémoire historique et spirituelle, cette décomposition morale qui la caractérise aujourd’hui. Plus graves encore ont été les lois scélérates qui institutionnalisent le mal, l’installent dans la société comme une chose normale, depuis la loi Naquet sur le divorce, en 1884, jusqu’à la loi sur les unions infâmes, en passant par la loi Veil sur l’assassinat des enfants, sans oublier ces lois d’euthanasie qu’on nous promet.

Il restait toutefois une institution qui conservait intactes les traditions françaises : c’était l’Église. Hélas ! à partir des années cinquante, les hommes d’Église ont commencé à tourner le dos à leur devoir et à vouloir à tout prix rejoindre la modernité dans ce qu’elle a de plus contestable. Cette trahison des clercs s’est accélérée avec le concile Vatican II et la période qui l’a suivi, dont le symbole est mai 1968.

Cependant, ce processus de décadence, s’il est très grave, n’est pas irrémédiable. Si l’âme de la France est atteinte, elle n’est pas encore définitivement morte, car elle survit dans tous les Français qui veulent conserver la foi catholique et les traditions nationales.

Pour inverser ce processus, il faut impérativement que chaque Français conscient du drame que connaissent notre pays et notre civilisation travaille au salut de la France. Nous avons besoin d’évêques vraiment catholiques et « gardiens de la cité ». Nous avons besoin de prêtres zélés, humbles, fervents, missionnaires. Nous avons besoin d’hommes politiques clairvoyants, habiles, courageux et habités d’une foi profonde. Nous avons besoin de soldats catholiques, de chefs d’entreprise catholiques, d’ouvriers et de paysans catholiques, d’enseignants catholiques, de policiers catholiques, de juges catholiques, de médecins catholiques...

Bref, il faut que les catholiques se réapproprient les postes majeurs de notre pays, non pas pour se servir eux-mêmes, mais pour servir la France. Il faut que les chrétiens reconquièrent méthodiquement leur patrimoine national, pour le rendre au Christ-Roi. Il faut que les disciples de Jésus cessent de subir avec résignation et tremblement une dictature mentalement étrangère aux traditions françaises, pour refaire une France vraiment catholique, et par là pleinement française.

Abbé Christian Bouchacourt +, Supérieur du District de France de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X

29 août 2016

[Mgr Marcel Lefebvre] Sermon de la messe de Lille, le 29 aout 1976

SOURCE - Mgr Marcel Lefebvre - 29 août 1976

Avant de vous adresser quelques mots d’exhortation, je voudrais dissiper des malentendus, et d’abord au sujet de cette réunion elle-même.
Non un défi, mais une manifestation de la foi catholique
Vous pouvez voir, par la simplicité de cette cérémonie, que nous n’avions point préparé une cérémonie qui aurait réuni une foule comme celle qui se trouve dans cette salle. Nous avions pensé que nous aurions célébré la sainte messe le 29 août, comme il était convenu, au milieu de quelques centaines de fidèles de la région de Lille, ainsi que je le fais fréquemment en France, en Europe et même en Amérique, sans histoire. Et voici que tout à coup, cette date du 29 août est devenue, par la presse, par la radio, par la télévision, comme une espèce de manifestation qui ressemblerait, dit-on, à un défi. Et bien, non ! cette manifestation n’est pas un défi. Cette manifestation c’est vous qui l’avez désirée, chers fidèles, chers frères, qui êtes venus ici de loin. Pourquoi ? Pour manifester votre foi catholique. Pour manifester votre désir de prier et de vous sanctifier comme l’ont fait nos pères dans la foi, comme l’ont fait des générations et des générations avant nous.

Voilà quel est l’objet véritable de cette cérémonie, pendant laquelle nous désirons prier, prier de tout notre cœur, adorer Notre-Seigneur Jésus-Christ qui descendra dans quelques instants sur cet autel, et qui renouvellera le Sacrifice de la Croix dont nous avons tant besoin.
Je ne suis pas le chef des “traditionalistes”
Je voudrais également dissiper un autre malentendu, et là je suis désolé, mais je suis obligé de le dire, ce n’est pas moi qui me suis appelé le chef des traditionalistes. Vous savez qui l’a fait il y a peu de temps, dans des circonstances tout à fait solennelles et mémorables à Rome. On a dit que Mgr Lefebvre était le chef des traditionalistes. Je ne veux point être le chef des traditionalistes, et je ne le suis point. Pourquoi ? Parce que je suis moi aussi, un simple catholique, certes prêtre, certes évêque, mais qui suis dans les mêmes conditions dans lesquelles vous vous trouvez et qui ai les mêmes réactions devant la destruction de l’Église, devant la destruction de notre Foi, devant les ruines qui s’accumulent sous nos yeux.
     
Ayant eu les mêmes réactions, j’ai pensé qu’il était de mon devoir de former des prêtres, de former de vrais prêtres dont l’Église a besoin. Ces prêtres, je les ai formés dans une Société Saint-Pie-X qui a été reconnue par l’Église, et je ne faisais que ce que tous les évêques ont fait pendant des siècles et des siècles. Je n’ai pas fait autre chose que ce que j’ai fait pendant trente années de ma vie sacerdotale, et qui m’a valu d’être évêque, délégué apostolique en Afrique, membre de la Commission centrale préconcilaire, assistant au Trône pontifical. Que pouvais-je désirer de plus comme preuve que Rome estimait que mon travail était profitable à l’Église et au bien des âmes ? Et voici que, alors que je fais une œuvre tout à fait semblable à celle que j’ai accomplie pendant trente années, tout à coup je suis suspens a divinis peut-être bientôt excommunié, séparé de l’Église, renégat, que sais-je ? Est-ce possible? Est-ce donc que ce que j’ai fait pendant trente ans était susceptible aussi d’une suspens a divinis ? Je pense au contraire que si, à ce moment-là, j’avais formé les séminaristes comme on les forme maintenant dans les nouveaux séminaires, j’aurais été excommunié ; si j’avais à ce moment-là enseigné le catéchisme que l’on enseigne aujourd’hui, on m’aurait dit hérétique. Et si j’avais dit la sainte messe comme on la dit maintenant, on m’aurait dit suspect d’hérésie, on m’aurait dit aussi hors de l’Église. Alors je ne comprends plus. Quelque chose précisément a changé dans l’Église et c’est à cela que je veux en venir.
Raison de notre attitude: la défense de la foi
Nous devons justement revenir aux raisons qui nous font prendre cette attitude. Oh! attitude extrêmement grave, je le reconnais. S’opposer aux autorités les plus hautes dans l’Église, être suspens a divinis, pour un évêque, c’est une chose grave, une chose très pénible. Comment peut-on supporter une chose comme celle-là, sinon pour des raisons excessivement graves. Eh oui ! les raisons de notre attitude et de votre attitude, sont des raisons graves, il s’agit de la défense de notre foi. La défense de notre foi! mais alors est-ce que les autorités qui se trouvent à Rome mettraient en péril notre foi ? Je ne juge pas ces autorités, je ne veux pas les juger personnellement. Je voudrais, si je puis dire, les juger comme le Saint-Office autrefois jugeait un livre, et le mettait à l’Index. Rome étudiait le livre, et n’avait pas besoin de connaître la personne qui l’avait écrit. Il lui suffisait d’étudier ce qu’il y avait dans les propos qui étaient écrits. Et si ces propos étaient contraires à la doctrine de l’Église, ce livre était condamné et mis à l’Index, sans qu’il soit nécessaire d’interpeller la personne. Certes, au concile, certains évêques se sont élevés contre cette procédure en disant : « Il est inadmissible qu’on mette un livre à l’Index alors qu’on n’a même pas entendu celui qui l’a écrit ». Mais on n’a pas besoin de voir celui qui a écrit un livre, si on a dans les mains un texte absolument contraire à la doctrine de l’Église. C’est le livre qui est condamné, parce que ces paroles sont contraires à la doctrine catholique et non la personne qui l’a écrit. C’est donc de cette manière que nous devons juger les choses, nous devons les juger par les faits. Comme l’a dit très bien Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l’Évangile que nous lisions il y a peu de temps encore et à propos précisément, de ces loups qui sont couverts de peaux de brebis : « Vous reconnaîtrez l’arbre à ses fruits ». Eh bien ! les fruits sont devant nous, ils sont évidents, ils sont clairs. Ces fruits qui viennent du deuxième concile de Vatican et des réformes post-conciliaires, ce sont des fruits amers, des fruits qui détruisent l’Église. Et lorsqu’on me dit : « Ne touchez pas au concile, parlez des réformes post-conciliaires », je réponds que ceux qui ont fait les réformes – ce n’est pas moi qui ai fait ces réformes – disent eux-mêmes : « Nous les faisons au nom du concile, nous avons fait la réforme du catéchisme au nom du concile. » Ce sont eux les autorités de l’Église. Ce sont eux par conséquent qui interprètent légitimement le concile.
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Or, que s’est-il passé dans ce concile ? Nous pouvons le savoir facilement en lisant les livres de ceux qui ont été précisément les instruments de ce changement dans l’Église qui s’est opéré sous nos yeux. Lisez par exemple :L’Œcuménisme vu par un franc-maçon de Marsaudon. Lisez le livre du sénateur du Doubs, M. Prélot, Le Catholicisme libéral, écrit en 1969. Il vous dira que c’est le concile qui est à l’origine de ce changement, lui catholique libéral, il le dit dans les premières pages de son livre : « Nous avons lutté pendant un siècle et demi pour faire prévaloir nos opinions à l’intérieur de l’Église, et nous n’y avons pas réussi. Enfin est venu Vatican II et nous avons triomphé. Désormais les thèses et les principes du catholicisme libéral sont définitivement et officiellement acceptés par la Sainte Église ». Vous croyez que ce n’est pas là un témoignage ? Ce n’est pas moi qui le dis, cela. Mais lui le dit en triomphant, nous, nous le disons en pleurant.
     
Qu’est-ce qu’ont voulu en effet les catholiques libéraux pendant un siècle et demi ? Marier l’Église et la Révolution, marier l’Église et la subversion, marier l’Église et les forces destructrices de la société et de toutes sociétés, la société familiale, civile, religieuse. Ce mariage de l’Église, il est inscrit dans le concile. Prenez le schéma Gaudium et Spes, et vous y trouverez : « Il faut marier les principes de l’Église avec les conceptions de l’homme moderne ». Qu’est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu’il faut marier l’Église, l’Église catholique, l’Église de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec des principes qui sont contraires à cette Église, qui la minent, qui ont toujours été contre l’Église.
     
C’est précisément ce mariage qui a été tenté dans le concile par des hommes d’Église, et non par l’Église, car jamais l’Église ne peut admettre une chose comme celle-là. Pendant un siècle et demi précisément, tous les Souverains Pontifes ont condamné ce catholicisme libéral, ont refusé ce mariage avec les idées de la Révolution, de ceux qui ont adoré la Déesse-Raison. Les papes n’ont jamais pu accepter des choses semblables. Et pendant cette révolution, des prêtres sont montés à l’échafaud, des religieuses ont été persécutées et également assassinées. Souvenez-vous des pontons de Nantes où étaient amassés tous les prêtres fidèles et que l’on coulait au large. Voilà ce qu’a fait la Révolution ! Eh bien ! je vous le dis, mes biens chers frères, ce qu’a fait la Révolution n’est rien à côté de ce qu’a fait le concile Vatican II, rien! Il eut mieux valu que les 30, les 40, les 50 000 prêtres qui ont abandonné leur soutane, qui ont abandonné leur serment fait devant Dieu soient martyrisés, aillent à l’échafaud, ils auraient au moins gagné leur âme. Maintenant, ils risquent de la perdre.
    
On nous dit que parmi ces pauvres prêtres mariés, beaucoup déjà sont divorcés, beaucoup ont fait des demandes en nullité de mariage à Rome. Qu’est ce que cela signifie, ces choses-là ? Combien de religieuses – 20000 aux États-Unis – qui ont abandonné leur congrégation religieuse et leurs serments, qu’elles avaient faits d’une manière perpétuelle, rompu ce lien qu’elles avaient avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour courir aussi au mariage ? Il aurait mieux valu également qu’elles montent à échafaud, au moins elles auraient témoigné de leur foi !
     
En définitive, la Révolution française lorsqu’elle faisait des martyrs accomplissait l’adage des premiers siècles :« Sanguis martyrum, semen christianorum », le sang des martyrs est une semence de chrétiens. Et ils le savent bien ceux qui persécutent les chrétiens, ils ont peur d’en faire des martyrs. Et on ne veut plus faire de martyrs ! Cela a été le summum de la victoire du démon : détruire l’Église par obéissance. Détruire l’Église par obéissance. Nous la voyons détruite tous les jours sous nos yeux : les séminaires vides, ce beau séminaire de Lille qui était rempli de séminaristes, où sont-ils ces séminaristes ? Qui sont-ils encore ces séminaristes ? Savent-ils qu’ils vont être prêtres ? Savent-ils ce qu’ils vont faire quand ils vont être prêtres ? Ah ! Et cela précisément parce que cette union voulue par les catholiques libéraux entre l’Église et la Révolution est une union adultère ! De cette union adultère ne peut venir que des bâtards. Et qui sont ces bâtards ? Ce sont nos rites. Le rite de la nouvelle messe est un rite bâtard. Les sacrements sont des sacrements bâtards. Nous ne savons plus si ce sont des sacrements qui donnent la grâce ou qui ne la donnent pas. Nous ne savons plus si cette messe nous donne le Corps et le Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ ou si elle ne les donne pas. Les prêtres qui sortent des séminaires ne savent plus eux-mêmes ce qu’ils sont. C’est le cardinal de Cincinnati qui, à Rome, disait pourquoi il n’y a plus de vocations, parce que l’Église ne sait plus ce qu’est un prêtre. Alors, comment peut-elle encore former des prêtres si elle ne sait plus ce qu’est un prêtre ? Les prêtres qui sortent des séminaires sont des prêtres bâtards. Ils ne savent pas ce qu’ils sont. Ils ne savent pas qu’ils sont faits pour monter à l’Autel, pour offrir le Sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et pour donner Jésus-Christ aux âmes, et appeler les âmes à Jésus-Christ. Voilà ce que c’est qu’un prêtre, et nos jeunes qui sont ici le comprennent bien. Toute leur vie va être consacrée à cela, à aimer, à adorer, à servir Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la Sainte Eucharistie, parce qu’ils y croient, à la présence de Notre-Seigneur dans la Sainte Eucharistie !
On ne dialogue pas avec l’erreur
Cette union adultère de l’Église et de la Révolution se concrétise par ledialogue. L’Église, si elle a à dialoguer, c’est pour convertir. Notre-Seigneur a dit : « Allez, enseignez toutes les nations, convertissez-les ». Mais il n’a pas dit : « Dialoguez avec elles pour ne pas les convertir, pour essayer de vous mettre sur le même pied qu’elles ». L’erreur et la vérité ne sont pas compatibles. Si on a de la charité pour les autres – et, comme vient de le rappeler l’Évangile, celui qui a la charité, c’est celui qui sert les autres – si on a de la charité pour les autres, on doit leur donner Notre-Seigneur, leur donner la richesse que l’on a et non pas converser avec eux, dialoguer avec eux sur un pied d’égalité. La vérité et l’erreur ne sont pas sur un pied d’égalité. Ce serait mettre Dieu et le diable sur le même pied, puisque le diable est le père du mensonge, le père de l’erreur.
     
Nous devons par conséquent être missionnaires. Nous devons prêcher l’Évangile, convertir les âmes à Jésus-Christ, et non pas dialoguer avec elles en essayant de prendre leurs principes. C’est cette volonté de dialogue avec les protestants qui nous a valu cette messe bâtarde, et ces rites bâtards. Les protestants nous ont dit : « Nous ne voulons pas de votre messe parce qu’elle comporte des choses incompatibles avec notre foi protestante, alors changez cette messe et nous pourrons prier avec vous, nous pourrons faire des intercommunions, nous pourrons recevoir vos sacrements, vous pourrez venir dans nos églises, nous, nous irons dans les vôtres, et tout sera fini, et nous aurons l’unité ». Oui, nous aurons l’unité, mais dans la confusion, dans la bâtardise. Nous ne voulons pas de cela. Jamais l’Église ne l’a voulu. Nous aimons les protestants, nous voudrions les convertir, mais ce n’est pas les aimer que de leur faire croire qu’ils ont la même religion que la religion catholique.
     
Il en est de même avec les francs-maçons. On veut maintenant dialoguer avec les francs-maçons, non seulement dialoguer avec eux, mais permettre aux catholiques de faire partie de la Franc-Maçonnerie. C’est encore un dialogue abominable. Nous savons parfaitement que les personnes qui dirigent la Franc-Maçonnerie, au moins les responsables, sont foncièrement contre Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et ces messes noires qu’ils font, ces messes abominables, sacrilèges, horribles qu’ils font. Ce sont des parodies de la messe de Notre-Seigneur ! Et ils veulent des hosties consacrées, eux, pour faire ces messes noires ! Ils savent que Notre-Seigneur est dans l’Eucharistie, car le diable le sait que Notre-Seigneur est dans l’Eucharistie ! Ils ne veulent pas des hosties qui viennent de messes dont ils ne savent pas si le Corps de Notre-Seigneur est là ou pas. Alors, dialoguer avec des gens qui veulent la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ une seconde fois, dans la personne de leurs membres, dans la personne de l’Église ? Nous ne pouvons pas admettre ce dialogue ! Nous savons ce qu’a valu le dialogue avec le diable, le premier dialogue d’Eve avec le diable. Elle nous a perdus, elle nous a mis tous dans l’état de péché, parce qu’elle a dialogué avec le diable. On ne dialogue pas avec le diable. On prêche à tous ceux qui sont sous l’influence du diable, afin qu’ils se convertissent, qu’ils viennent à Notre-Seigneur Jésus-Christ.
     
On ne dialogue pas avec les communistes. On dialogue avec les personnes. Mais on ne dialogue pas avec l’erreur. Nous verrons ce qui arriverait si les armées groupées derrière le rideau de fer le passaient, si un jour, après les nombreuses séances du Soviet Suprême, si jamais il y avait une voix de majorité, pour que ces armées déferlent sur nos pays, en cinq jours…
     
Mes bien chers frères, ne soyez pas émus. Laissons ceux qui ne comprennent pas les choses comme nous, mais demandons au bon Dieu de nous donner la lumière.
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Notre Seigneur Jésus-Christ est Dieu…
Mais précisément, pourquoi sommes-nous fermement résolus de ne pas accepter cette union adultère de l’Église avec la Révolution ? Parce que nous affirmons la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ. Pourquoi Pierre a-t-il été fait Pierre ? Rappelez-vous l’Évangile. Pierre est devenu Pierre parce qu’il a professé la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et tous les apôtres ont professé aussi cette foi publiquement après la Pentecôte et on les a poursuivis immédiatement. Les Princes des Prêtres leur ont dit : « Ne parlez plus de ce nom, nous ne voulons plus entendre ce nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Et les apôtres ont dit : « Non possumus, nous ne pouvons pas ne pas parler de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de notre Roi ». Mais vous me direz : est-ce possible ? Vous semblez accuser Rome de ne pas croire à la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ ! Le libéralisme a toujours deux faces : il affirme la vérité qu’il prétend être la thèse, et ensuite dans la réalité, dans la pratique, dans l’hypothèse, comme il dit, il agit comme les ennemis et avec les principes des ennemis de l’Église. De telle manière qu’on est toujours dans l’incohérence.
     
Mais que veut dire la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ ? C’est que Notre-Seigneur est la seule personne au monde, le seul être humain au monde qui a pu dire :« Je suis Dieu ». Et par le fait même qu’Il a pu dire : « Je suis Dieu », Il était le seul Sauveur de l’humanité, Il était le seul Prêtre de l’humanité, et Il était le seul Roi de l’humanité. Par sa nature, et non par privilège, ni par titre, par sa propre nature, parce qu’il était Fils de Dieu !
…et il n’y a de salut qu’en Lui
Or maintenant, que dit-on ? Il n’y a pas seulement de salut en Jésus-Christ. Il y a du salut en dehors de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il n’y a pas seulement de sacerdoce en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Tous les fidèles sont des prêtres, tout le monde est prêtre, alors qu’il faut participer sacramentellement au sacerdoce de Notre-Seigneur Jésus-Christ pour pouvoir offrir le Saint Sacrifice de la messe
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Nous voulons que Jésus-Christ règne sur nous…
Et enfin, troisième erreur, on ne veut plus du Règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ, sous prétexte qu’il n’est plus possible. Et cela, je l’ai entendu de la bouche du Nonce de Berne, je l’ai entendu de la bouche de l’envoyé du Vatican, le P. Dhanis, ancien recteur de l’Université grégorienne, qui est venu me demander au nom du Saint-Siège de ne pas faire les ordinations du 29 juin. Il était à Flavigny, le 27 juin, lorsque je prêchais la retraite aux séminaristes. Il m’a dit : « Pourquoi êtes-vous contre le concile ? » Je lui ai répondu : « Est-il possible d’accepter le concile, alors qu’au nom du concile vous dites qu’il faut détruire tous les Etats catholiques, qu’il ne faut plus d’Etats catholiques, donc plus d’Etats sur lesquels règne Notre-Seigneur Jésus-Christ ? – Ce n’est plus possible ! » Mais autre chose est que cela ne soit plus possible, autre chose est que nous prenions cela comme principe et que par conséquent nous ne recherchions plus ce règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Que disons-nous alors tous les jours dans le Notre Père : « Que votre règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel » ? Qu’est-ce que c’est que ce règne ? Tout à l’heure vous avez chanté dans le Gloria : « Tu solus Dominus, tu solus Altissimus, Jesu Christe – Vous êtes le seul Seigneur, Vous êtes le seul Très-Haut, Jésus-Christ ». Nous le chanterions, et dès que nous serions sortis nous dirions : « Non, il ne faut plus que Notre-Seigneur Jésus-Christ règne sur nous ? »Alors, vivons-nous dans l’illogisme, sommes-nous catholiques ou non, sommes-nous chrétiens ou non?
…condition indispensable de la paix
Il n’y aura de paix sur cette terre que dans le Règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Les Etats se débattent tous les jours; dans les journaux vous avez des pages et des pages, à la télévision, à la radio, et encore maintenant avec le changement du Premier Ministre. Qu’allons-nous faire pour que la situation économique se redresse ? Qu’allons-nous faire pour que l’argent revienne ? Qu’allons-nous faire pour que les industries prospèrent ? Tous les journaux en sont pleins dans le monde entier.
     
Eh bien ! même du point de vue économique, il faut que Notre-Seigneur Jésus-Christ règne. Parce que le Règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, c’est justement le règne de ces principes d’amour que sont les commandements de Dieu et qui mettent de l’équilibre dans la société, qui font régner la justice et la paix dans la société. Ce n’est que dans l’ordre, la justice, la paix dans la société que l’économie peut régner, que l’économie peut refleurir. On le voit bien. Prenez l’image de la République argentine. Dans quel état était-elle il y a seulement deux, trois mois ? Une anarchie complète, les brigands tuant à droite, à gauche, les industries complètement ruinées, les patrons des usines enfermés et pris en otage, une révolution invraisemblable. Dans un pays pourtant aussi beau, aussi équilibré, aussi sympathique que la République argentine, une République qui pourrait être d’une prospérité incroyable, avec des richesses extraordinaires. Vient un gouvernement d’ordre, qui a des principes, qui a une autorité, qui met un peu d’ordre dans les affaires, qui empêche les brigands de tuer les autres, et voilà que l’économie revient, et que les ouvriers ont du travail et qu’ils peuvent rentrer chez eux en sachant qu’ils ne vont pas être assommés par quelqu’un qui voudrait leur faire faire grève alors qu’ils ne le désirent pas.
      
C’est le Règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ que nous voulons, et nous professons notre foi en disant que Notre-Seigneur Jésus-Christ est Dieu. Et c’est pourquoi, nous voulons aussi la messe dite de Saint-Pie V. Parce que cette messe est la proclamation de la royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ. La nouvelle messe est une espèce de messe hybride qui n’est plus hiérarchique, qui est démocratique, où l’assemblée prend plus de place que le prêtre, et donc ce n’est plus une messe véritable qui affirme la royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Car comment Notre-Seigneur Jésus-Christ est-il devenu roi ? Il a affirmé sa royauté par la Croix. « Regnavit a ligno Deus ». Jésus-Christ a régné par le bois de la Croix. Car il a vaincu le péché, il a vaincu le démon, il a vaincu la mort par sa Croix ! Ce sont donc trois victoires magnifiques de Notre-Seigneur Jésus-Christ. On dira que c’est du triomphalisme. Et bien! oui, d’accord, nous voulons bien le triomphalisme de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et c’est pourquoi nos ancêtres ont construit ces magnifiques cathédrales. Pourquoi ont-ils épuisé tant d’argent, ces gens qui étaient beaucoup plus pauvres que nous ? Pourquoi ont-ils dépensé tant de temps pour faire ces cathédrales magnifiques que nous admirons encore maintenant, même ceux qui ne croient pas? Pourquoi ? À cause de l’Autel. À cause de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Pour marquer le triomphe de la Croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Eh bien ! oui, nous voulons professer le triomphe de la Croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans notre messe. Et c’est pourquoi, nous nous agenouillons, nous aimons nous agenouiller devant la Sainte Eucharistie. Si nous avions le temps, si nous ne voulions pas vous retenir trop, nous aurions circulé dans vos rangs avec le Saint-Sacrement pour que vous manifestiez à Notre-Seigneur Jésus-Christ, à son Eucharistie sainte que vous l’adoriez : « Seigneur, Vous êtes notre Dieu ! Oh ! Jésus-Christ, nous Vous adorons ! Nous savons que c’est par Vous que nous sommes nés, c’est par Vous que nous avons été chrétiens, c’est par Vous que nous avons été rachetés, c’est Vous qui nous jugerez à l’heure de notre mort. C’est Vous qui nous donnerez la gloire du ciel si nous l’avons méritée ».
     
Car Notre-Seigneur Jésus-Christ est présent dans la Sainte Eucharistie comme Il l’était sur la Croix
Voilà ce que nous devons faire, voilà ce que nous devons demander
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Nous ne sommes contre personne. Nous ne sommes pas des commandos. Nous ne voulons de mal à personne. Nous voulons seulement qu’on nous laisse professer notre foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et à cause de cela on nous chasse de nos églises, on chasse ces pauvres prêtres qui disent la messe traditionnelle par laquelle ont été sanctifiés tous nos saints et nos saintes : sainte Jeanne d’Arc, le saint Curé d’Ars, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Et voici que des prêtres sont chassés, cruellement, brutalement de leurs paroisses parce qu’ils disent cette messe qui a sanctifié des saints pendant des siècles ! C’est absurde ! Je dirais presque que c’est une histoire de fous. Nous nous demandons si nous rêvons! Ce n’est pas possible que cette messe soit devenue une espèce d’horreur pour nos évêques, pour ceux qui devraient conserver notre foi. Eh bien ! nous garderons la messe de saint Pie V ! Pourquoi ? Parce que la messe de saint Pie V, elle représente notre foi, elle est un rempart pour notre foi et nous avons besoin de ce rempart pour notre foi.
     
Alors on nous dira que nous en faisons une question de latin et de soutane. Évidemment, c’est facile de discréditer ceux avec lesquels on n’est pas d’accord de cette manière-là. Certes, le latin a son importance et quand j’étais en Afrique, il était magnifique de voir toutes ces foules africaines qui avaient une langue différente. Nous avions parfois cinq, six tribus différentes qui ne se comprenaient pas, assistant à la messe dans nos églises et chantant les mêmes chants en latin avec une ferveur extraordinaire. Allez maintenant voir : ils se disputent dans les églises parce qu’on dit la messe dans une langue qui n’est pas la leur et ils demandent qu’il y ait une messe dans leur langue. C’est la confusion totale. Alors qu’autrefois, cette unité était parfaite. C’est un exemple. Sans doute vous avez bien vu, nous avons lu en français l’épître et l’évangile, nous n’y voyons absolument aucun inconvénient, et même si on y ajoutait quelques prières communes en français, nous n’y verrions aucun inconvénient. Mais il nous semble tout de même que le corps de la messe, l’essentiel de la messe qui va de l’offertoire à la communion du prêtre devrait rester dans une langue unique, afin que tous les hommes de toutes les nations puissent assister à la messe ensemble et se sentir unis dans cette unité de la foi, dans cette unité de la prière. Aussi nous demandons vraiment, nous adressons un appel aux évêques et nous adressons un appel à Rome: qu’ils veuillent bien prendre en considération le désir que nous avons de prier comme nos ancêtres, le désir que nous avons de garder la foi catholique, le désir que nous avons d’adorer Notre-Seigneur Jésus-Christ et de vouloir son Règne. C’est ce que j’ai dit au Saint-Père dans ma dernière lettre – et je croyais vraiment que c’était la dernière car je ne pensais pas que le Saint-Père m’aurait encore adressé d’autres lettres – je lui ai dit :
« Très Saint-Père, rendez-nous le droit public de l’Église, c’est-à-dire le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; rendez-nous la vraie Bible et non pas une Bible œcuménique, mais la vraie Bible qu’était la Vulgate autrefois et qui a été tant et tant de fois consacrée par des conciles et par des papes ; rendez-nous la vraie messe, une messe hiérarchique, une messe dogmatique qui défend notre foi et qui a été celle de tant et tant de siècles et qui a sanctifié tant de catholiques ; enfin, rendez-nous notre catéchisme suivant le modèle du catéchisme du concile de Trente, car sans un catéchisme précis, que seront nos enfants demain, que seront les générations futures ? Elles ne connaîtront plus la foi catholique, et nous le constatons déjà aujourd’hui.
     
Hélas ! je n’ai eu aucune réponse, sinon la suspens a divinis. Et c’est pourquoi, je ne considère pas ces peines comme des peines valables, aussi bien canoniquement que théologiquement. Je pense en toute sincérité, en toute paix, en toute sérénité, que je ne puis pas contribuer par ces suspenses, par ces peines dont je suis frappé, par la fermeture de mes séminaires, par le refus de faire des ordinations, à la destruction de l’Église catholique. Je veux qu’à l’heure de ma mort, lorsque Notre-Seigneur me demandera : « Qu’as-tu fait de ta grâce épiscopale et sacerdotale ? », je n’aie pas à entendre de la bouche du Seigneur : « Tu as contribué à détruire l’Église avec les autres ».
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Que faire ?
Mes bien chers frères, je termine en vous disant : « Que devez-vous faire ? » Oh ! je le sais bien, beaucoup de groupes nous demandent : « Monseigneur, donnez-nous des prêtres, donnez-nous de vrais prêtres, c’est de cela que nous avons besoin. Nous avons la place pour les mettre, nous construirons une petite chapelle, ils seront là chez nous, ils instruiront nos enfants selon le vrai catéchisme, selon la vraie foi. Nous voulons garder la vraie foi, comme ont fait les Japonais pendant trois siècles lorsqu’ils n’avaient pas de prêtres. Donnez-nous des prêtres ! » Eh bien ! mes bien chers frères, je ferai tout mon possible pour vous en préparer et je puis dire que c’est ma grande consolation de sentir en ces séminaristes une foi profonde, de vrais prêtres. Ils ont compris ce qu’est Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ils ont compris ce qu’est le Saint Sacrifice de la messe, les sacrements. Ils ont une foi profondément enracinée dans leur cœur. Ils sont – si je puis dire – mieux que ce que nous pouvions être il y a cinquante ans dans nos séminaires, parce qu’ils vivent, justement, dans une situation difficile. Beaucoup d’entre eux d’ailleurs ont fait des études universitaires. Et l’on nous jette à la figure que ces jeunes gens ne sont pas adaptés et ne sauront pas parler aux générations modernes. Mais, voilà des jeunes gens qui ont fait trois, quatre, cinq ans d’université, ne connaissent-ils donc pas leur génération ? Pourquoi sont-ils donc venus à Écône, pour devenir prêtres ? C’est précisément pour s’adresser à leur génération. Ils la connaissent bien, mieux que nous, bien mieux que tous ceux qui nous critiquent. Alors, ils seront bien capables de parler le langage qu’il faut pour convertir les âmes. Et c’est pourquoi – je suis très heureux de le dire – nous aurons encore cette année 25 nouvelles recrues au séminaire d’Écône, malgré les difficultés, nous en aurons dix nouvelles en notre séminaire des Etats-Unis à Armada et quatre nouvelles dans notre séminaire de langue allemande en Suisse alémanique. Vous le voyez, malgré les difficultés qu’on nous fait, les jeunes gens comprennent très bien que nous formons de vrais prêtres catholiques. Et c’est pourquoi nous ne sommes pas dans le schisme, nous sommes les continuateurs de l’Église catholique. Ce sont ceux qui font les nouveautés qui vont dans le schisme. Nous, nous continuons la Tradition, et c’est pourquoi nous devons avoir confiance, nous ne devons pas désespérer même devant la situation actuelle, nous devons maintenir, maintenir notre foi, maintenir nos sacrements, appuyés sur vingt siècles de tradition, appuyés sur vingt siècles de sainteté de l’Église, de foi de l’Église. Nous n’avons pas à craindre. Certains journalistes m’ont demandé quelquefois : « Monseigneur, vous sentez-vous isolé ? ». « Pas du tout, pas du tout, je ne me sens pas isolé, je suis avec vingt siècles d’Église, et je suis avec tous les saints du ciel ! » Pourquoi ? Parce qu’ils ont prié comme nous, parce qu’ils se sont sanctifiés comme nous essayons de le faire, avec les mêmes moyens. Alors je suis persuadé qu’ils se réjouissent de cette assemblée d’aujourd’hui. Ils se disent : « Au moins voilà des catholiques qui prient, qui prient vraiment, qui ont vraiment dans leur cœur ce désir de prier, ce désir d’honorer Notre-Seigneur Jésus-Christ. » Les saints du ciel se réjouissent. Alors ne soyons pas désemparés, mais prions, prions et sanctifions-nous.
Pas de divisions entre nous.
C’est maintenant un conseil que je voudrais vous donner. Il ne faut pas que l’on puisse dire de nous, de ces catholiques que nous sommes – je n’aime pas tellement le terme de catholiques traditionalistes car je ne vois pas ce que peut être un catholique qui n’est pas traditionaliste, étant donné que l’Église est une Tradition, et d’ailleurs que seraient des hommes qui ne seraient pas dans la tradition ? Ils ne pourraient pas vivre ; nous avons reçu la vie de nos parents, nous avons reçu l’éducation de ceux qui étaient avant nous, nous sommes une tradition. Le Bon Dieu l’a voulu ainsi. Le Bon Dieu a voulu que des traditions se passent de génération en génération, aussi bien pour les choses humaines que pour les choses divines. Par conséquent, ne pas être traditionnel, ne pas être traditionaliste, c’est la destruction de soi-même, c’est un suicide, c’est pourquoi nous sommes catholiques, nous continuons à demeurer catholiques, il ne faut pas, vous disais-je, qu’il y ait des divisions entre nous. Précisément parce que nous sommes catholiques, nous sommes dans l’unité de l’Église, l’unité de l’Église qui est dans la foi. Alors on nous dit : « Vous devez être avec le Pape, le Pape est le signe de foi dans l’Église ». Oui, dans la mesure où le pape manifeste sont état de successeur de Pierre, dans la mesure où il se fait l’écho de la foi de toujours, dans la mesure où il transmet le trésor qu’il doit transmettre. Car qu’est-ce qu’un pape, encore une fois, sinon celui qui nous donne les trésors de la Tradition et le trésor du dépôt de la foi, et la vie surnaturelle par les sacrements et par le sacrifice de la messe ? L’évêque n’est pas autre chose, le prêtre n’est pas autre chose que celui qui transmet la vérité, qui transmet la vie qui ne lui appartient pas. L’épître le disait tout à l’heure, la vérité ne nous appartient pas. Elle n’appartient pas plus au Pape qu’à moi. Il est le serviteur de la vérité, comme je dois être le serviteur de la vérité. S’il arrivait que le pape ne fût plus le serviteur de la vérité, il ne serait plus pape. Je ne dis pas qu’il ne le soit plus – notez-le bien, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit – mais s’il arrivait que ce soit vrai, nous ne pourrions pas suivre quelqu’un qui nous entraînerait dans l’erreur. C’est évident.
     
On nous dit : « Vous jugez le pape ». Mais où est le critère de la vérité ? Mgr Benelli m’a jeté à la figure :« Ce n’est pas vous qui faites la vérité ». Bien sûr, ce n’est pas moi qui fais la vérité, mais ce n’est pas le pape non plus. La Vérité, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ et donc il faut nous reporter à ce que Notre Seigneur Jésus-Christ nous a enseigné, à ce que les Pères de l’Église et toute l’Église nous ont enseigné, pour savoir où est la vérité. Ce n’est pas moi qui juge le Saint-Père, c’est la Tradition. Un enfant de cinq ans avec son catéchisme peut très bien répondre à son évêque. Si son évêque venait à lui dire : « Notre-Seigneur n’est pas présent dans la Sainte Eucharistie. C’est moi qui suis le témoin de la vérité et je te dis que Notre-Seigneur n’est pas présent dans la Sainte Eucharistie ». Eh bien ! cet enfant, malgré ses cinq ans a son catéchisme. Il répond :« Mais, mon catéchisme dit le contraire ». Qui a raison ? L’évêque ou le catéchisme ? Le catéchisme évidemment qui représente la foi de toujours, et c’est simple, c’est enfantin comme raisonnement. Mais nous en sommes là. Si on nous dit aujourd’hui que l’on peut faire des inter-communions avec les protestants, qu’il n’y a plus de différence entre nous et les protestants, eh bien! ce n’est pas vrai. Il y a une différence immense. C’est pourquoi, nous sommes vraiment stupéfaits quand nous pensons que l’on a fait bénir par l’archevêque de Cantorbéry – qui n’est pas prêtre, puisque les ordinations anglicanes ne sont pas valides, le pape Léon XIII l’a déclaré officiellement et définitivement, et qui est hérétique comme le sont tous les anglicans (je le regrette on n’aime plus ce nom-là, mais c’est quand même la réalité, ce n’est pas pour donner une insulte que je l’emploie, je ne demande que sa conversion ) – quand on pense donc qu’il est hérétique et qu’on lui demande de bénir avec le Saint-Père la foule des cardinaux et des évêques présents dans l’église de Saint-Paul ! C’est là une chose absolument inconcevable !
     
Je conclus en vous remerciant d’être venus nombreux, vous remerciant aussi de continuer à faire de cette cérémonie, une cérémonie profondément pieuse, profondément catholique. Nous prierons donc ensemble, demandant au Bon Dieu de nous donner les moyens de résoudre nos difficultés. Ce serait si simple si chaque évêque, dans son diocèse, mettait à notre disposition, à la disposition des catholiques fidèles, une église en leur disant : « Voilà l’église qui est la vôtre ». Quand on pense que l’évêque de Lille a donné une église aux musulmans, je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas une église pour les catholiques de la Tradition. Et, en définitive, la question serait résolue. Et c’est ce que je demanderai au Saint-Père s’il veut bien me recevoir :« Laissez-nous faire, Très Saint-Père, l’expérience de la Tradition. Au milieu de toutes les expériences qu’on fait actuellement qu’il y ait au moins l’expérience de ce qui a été fait pendant vingt siècles ! ».

28 août 2016

[Père Michel Mazéas - Ensemble paroissial de Quimper-Steir-Odet] Une messe « en forme extraordinaire » à Saint-Mathieu

SOURCE - Père Michel Mazéas - Ensemble paroissial de Quimper-Steir-Odet - 28 aout 2016

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Une messe « en forme extraordinaire » à Saint-Mathieu


Le Motu proprio de Benoît XVI avait prévu que lorsque certaines conditions sont réunies la messe selon le missel de 1962 de Jean XXIII puisse être célébrée dans toute paroisse. Il s’agit donc de la messe dite « de saint Pie V », telle qu’elle était célébrée, en latin et ad orientem, dans toutes les églises avant la réforme liturgique du Concile Vatican II. Une telle messe est célébrée à Brest, mais ce n’était pas le cas dans le sud-Finistère. Pour répondre à cette demande, semble-t-il formulée par un certain nombre de fidèles, Mgr l’Evêque a demandé au P. Loïc Courtois, de la Fraternité Saint-Pierre, d’assurer cette messe ad experimentum le dimanche matin en l’église Saint-Mathieu.
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Michel Mazéas – curé de l’ensemble paroissial

27 août 2016

[diakonos.be] Un prêtre belge témoigne: j’étais traditionaliste

SOURCE - Abbé Pierre N., prêtre belge - diakonos.be - 27 aout 2016

Présentation
Prêtre diocésain depuis presque quinze ans, curé de plusieurs paroisses, j’ai toujours été intéressé par les questions liturgiques. Très tôt, j’ai découvert ce que l’on appelle de façon abusive “la Tradition” et la “Messe traditionnelle”. J’ai fréquenté les “fraternités sacerdotales” Saint-Pierre et Saint-Pie X… A l’heure de l’entrée au séminaire, j’ai décidé de devenir prêtre diocésain. Après une formation complète et dispensée par des professeurs consciencieux, j’ai été ordonné au début des années 2000.

J’ai appris à célébrer la “forme extraordinaire” du rite romain. Nommé vicaire de sept paroisses, j’ai évidemment célébré tous les jours la Messe de Paul VI. Néanmoins, je profitais de diverses occasions pour célébrer la “messe tridentine”. Mon cœur tendait vers cette liturgie que je souhaitais faire connaître à mon entourage. Avec le recul, je me rends compte que mes motivations étaient négatives. Je comparais sans cesse “l’ancien” et “le nouveau” rite en approfondissant le premier et en nourrissant une multitude de préjugés sur le second.

Les nombreux exemples d’abus liturgiques me poussaient dans ce sens. Dans ce domaine, j’ai plus ou moins tout vu et tout entendu : pains “pitta” à la place des hosties, absences d’ornements, diktats grotesques d’équipes liturgiques, célébrations plus proche du carnaval que du renouvellement du Sacrifice de la Croix… Le tout au nom de la créativité pastorale. En fait, je regardais la Messe de Paul VI uniquement sous l’angle des abus. Je dois avouer que je l’ai rarement vu célébrée correctement et jamais dans sa forme normative. Avec le recul, je me dis que si tel avait été le cas, je n’aurais sans doute pas eu autant de préjugés.
La découverte du monde “tradi”.
Désirant la célébration de la messe dite “traditionnelle”, j’ai fréquenté différentes fraternités : Saint-Pie X et Saint-Pierre. J’y connais beaucoup de fidèles et de prêtres. Je ne juge donc pas les sentiments de foi et de piété qui les animent. J’ai connu de saints prêtres et d’autres beaucoup moins… Comme partout. J’ai beaucoup lu, j’ai beaucoup questionné. J’ai rencontré, hélas, beaucoup d’orgueil. Que de prêtres et de fidèles de ces groupuscules ont la certitude d’être les dépositaires de la bonne manière de faire au milieu d’une Eglise “gangréné” par le “modernisme” et le « progressisme”.

Dans ce milieu aussi, j’ai plus ou moins tout vu et tout entendu, jusqu’à l’écœurement. Sans juger des bonnes intentions de nombreux fidèles, mais en regardant attentivement la situation, je ne peux m’empêcher de constater que ces groupes constituent une Eglise dans l’Eglise. Au fond – et cette appréciation n’engage évidement que moi – le discours de base de ces deux fraternités ne varient que très peu, à quelques détails près… Ce qui se dit à voix haute d’un côté est murmuré à l’oreille de l’autre avec cette même assurance que seule ce qu’ils considèrent comme “la Tradition” est la solution à la crise que traverse l’Eglise.

En y réfléchissant bien, je me dis que si on avait une solution universelleet immédiate, on l’aurait déjà appliquée Le problème de la perte de la foi est malheureusement plus profond qu’une simple question de rites.

Je crois que le danger est d’éclater l’Eglise en une multitude de “chapelles” qui deviennent de véritables “ghetto”, seuls bastions de la “vraie foi” et de la “Tradition”. Les dérives sont nombreuses et effrayantes. Je pourrais citer de nombreux exemples dont j’ai moi-même été le témoin direct. Je me souviens de cette demoiselle, fidèle de la fraternité Saint-Pierre. Obligée de travailler occasionnellement le dimanche, et ne pouvant assister à la “vraie messe” le matin, elle faisait le soir plus de cent kilomètres pour assister sans scrupule à une messe basse célébrée dans une église de la fraternité Saint-Pie X, de peur de perdre la foi en allant près de chez elle à une “messe… protestante”. Quand on connaît le statut canonique de ces prêtres de la fraternité Saint-Pie X, on se demande où est le protestantisme…

Je me souviens d’une autre personne qui communiait de ma main quand je célébrais la messe dans la forme extraordinaire et qui refusait cette même communion quand je célébrais dans la forme ordinaire… Je me souviens d’un jeune dérouté parce qu’un prêtre lui avait dit : “La nouvelle messe est de la viande avariée ou de l’eau croupie. On peut y assister si on n’a rien d’autres, mais si l’eau vive de la Tradition coule à proximité, il n’y a pas d’hésitation possible à avoir afin d’éviter à long terme l’empoisonnement. » Si on suit logiquement ce raisonnement, c’est toute l’Eglise qui a sombré dans l’apostasie.

Face à ces aberrations, le dialogue est quasiment impossible. On est directement accusé d’être un menteur (“On n’a jamais dit ça ”, “Vous exagérez… ”) ou un moderniste. J’ai personnellement attiré l’attention d’une connaissance sur le danger de l’intégrisme et de la radicalisation dans ces “saintes chapelles” : elle est partie… refusant le dialogue et m’assurant que ce n’était pas vrai. Comme si rectifier, aborder certains sujets, ouvrir les yeux, c’est risquer de perdre la foi, c’est quitter un système sécurisant et un certain milieu social.

La propagande interne de ces groupes assure que c’est au sein de la “Tradition” que se trouve la relève et qu’on y voit beaucoup de familles. Mais si l’on regarde froidement les chiffres (à l’échelle mondiale et même nationale), on se rend vite compte qu’on est loin du miracle. Lors de mes nombreux apostolats auprès des enfants et des jeunes gens, j’ai souvent constaté que ceux qui priaient le moins bien venaient précisément “du milieu” et que le vernis, si brillant soit-il, se craquelait assez vite chez ceux qui quittaient leur “milieu”.

De plus, j’ai pu constater que certains fidèles qui optaient pour ce “milieu” ne le faisaient pas uniquement pour une question liturgique, mais également pour “épouser” certaines idéologies qui s’éloignent fortement de la dimension religieuse. Greffer des idéologies sur la foi est une véritable tragédie car cela compromet fortement la fidélité à l’enseignement du Christ et un apostolat auprès d’un public large et varié. Ces idéologies sont généralement politiques et frôlent bien souvent l’extrémisme.
Redécouverte de la Tradition de l’Eglise.
Au fil de mes rencontres et de mes lectures, je découvre peu à peu une autre réalité. J’entends un autre son de cloche… J’aborde la question de la “Tradition” avec des confrères diocésains, j’accepte de lire autre chose.

Un paroissien, qui est devenu un ami, me fait découvrir le site internet “Pro Liturgia” et me donne quelques bonnes lectures, entre autres les écrits de Benoît XVI et de Denis Crouan. C’est tout d’abord l’étonnement, puis l’émerveillement. Je redécouvre certains textes du dernier Concile et la véritable Tradition de l’Eglise. Je m’aperçois que cette appellation a été indûment employée par des fraternités pour justifier une certaine pastorale et attirer les fidèles lassés par les abus liturgiques. Cette réflexion a pris du temps… Peu à peu, je tire quelques conclusions de cet approfondissement.

Contrairement à ce que ces groupuscules traditionnalistes font croire, il n’y a pas de rupture entre le passé et le présent, entre le missel de 1962 et celui de 1969. Les textes officiels (Concile, Présentation générale du Missel romain, les textes de S. Jean-Paul II et de Benoît XVI…) insistent précisément sur la continuité de la Tradition de l’Eglise.
La Messe restaurée.
La Messe restaurée par l’Eglise à la demande du dernier Concile et du Bx Paul VI n’est pas synonyme de pauvreté liturgique, très loin de là. Pour ceux qui le souhaitent, la célébration normative est aussi possible en latin et orientée. Tout prêtre peut célébrer de la sorte Les derniers propos du Cardinal Sarah, Préfet pour le Culte divin, l’attestent à nouveau.

A l’analyse, on se rend vite compte que la structure entre les deux missels est évidemment identique et que si certaines prières ont été supprimées lors de la réforme conciliaire, c’est pour éviter les “doublets” et les accumulations parfois tardives de l’histoire. Il n’y a pas une “Messe de toujours” mais une “Eucharistie de toujours” célébrée par un rite qui a inévitablement changé au fil du temps. Le souhait du dernier Concile était de rendre à ce rite F le rite romain F sa beauté primitive, en mettant davantage en lumière les deux grandes parties de la Messe : la liturgie de la Parole et la
liturgie Eucharistique.

Je pense que le mouvement traditionnel s’est développé en réaction aux abus liturgiques. Il est clair qu’il est plus facile de trouver une “messe tridentine” que d’assister à une messe célébrée dans la forme ordinaire en latin sur un autel orienté. Bien plus, je suis persuadé que si cette dernière solution avait été proposée dès la réforme du Missel, il n’y aurait pas eu cet éclatement liturgique que nous connaissons aujourd’hui.

Lors de mes nombreuses conversations avec des fidèles fréquentant des chapelles ou églises “traditionnelles”, j’ai souvent entendu la même réflexion : “Si la Messe était célébrée correctement dans notre paroisse, on ne ferait pas des kilomètres pour aller à tel endroit…” Dans beaucoup de cas, le déplacement n’est pas motivé par le désir de la “messe tridentine” mais tout simplement par l’attrait d’une célébration où l’on retrouve un certain sens du sacré, malheureusement souvent confondu avec un décorum pompeux, désuet et généralement de mauvais goût. Je me suis souvent
demandé si la plupart des fidèles seraient d’ailleurs capables de faire la différence entre la “messe tridentine” et une “messe de Paul VI” célébrée dans de bonnes conditions. La majorité trouverait sans doute une telle célébration selon le Missel actuel très… “traditionnelle”.
Le Lectionnaire
A l’usage, il faut reconnaître que le Lectionnaire de 1962 est étriqué. En ce qui concerne les messes quotidiennes, c’est quasiment tous les jours les mêmes lectures. A croire que l’Ecriture Sainte se limite à la “Femme vaillante” du livre de la Sagesse (messe des Saintes Femmes non martyres) ou au “Sel de la terre” de l’Evangile (messe des Confesseurs). Bien sûr, il est possible d’utiliser les messes votives et les messes pour certaines circonstances… Mais on ne fait dès lors plus mention du saint du jour. A l’usage, je comprends pourquoi l’Eglise a élaboré un Lectionnaire plus complet pour la célébration de la messe. Il me semble bon que le fidèle soit confronté à la Parole de Dieu (même les extraits déroutants ) pour ne pas sombrer dans une multitude de dévotions qui éloignent son cœur du sens même de la célébration.
Le danger d’idéaliser un passé qui n’a jamais existé
Quand on étudie l’histoire de la liturgie, on constate que la célébration présentée par certains comme “traditionnelle” n’est devenue la norme universelle qu’au courant du XIXe siècle. Dans ses nombreux écrits, Denis Crouan, Docteur en théologie, démontre qu’il ne faut pas confondre la grande Tradition de l’Eglise avec des habitudes et un décor hérité du siècle passé. Il semble acquis que la célébration a varié au cours des âges, étant sauves les parties essentielles de la Messe qui en constituent le fondement. On ne peut pas mettre sur le même plan les prières au bas de l’autel et les prières de la Consécration…

Je pense que la forme “extraordinaire” de la Messe que l’on voit aujourd’hui est “exemplaire” (et n’a dès lors pas existée historiquement) dans le sens où elle n’est choisie que par les prêtres qui la célèbrent et les fidèles qui y assistent. Dès lors, cette forme est conservée dans un bocal hermétique, ce qui est contraire à la vie même de l’Eglise au cours des siècles.

Affirmer que cette Messe est un rempart contre les abus liturgiques, c’est méconnaître l’histoire qui est remplie d’anecdotes savoureuses sur la façon dont certains prêtres la célébraient autrefois.

Vouloir utiliser une recette ancienne pour affronter les problèmes d’aujourd’hui, est-ce souhaitable et judicieux ? Bien sûr, l’Eglise doit puiser dans sa Tradition pour vivre le présent, mais elle n’a jamais absolutisé une situation ou une époque. Son génie a toujours été de s’adapter à chaque situation pour porter l’Evangile au plus grand nombre. La solution n’est donc pas dans la reproduction d’un passé aujourd’hui désuet : elle est dans une saine acceptation de la Tradition vivante de l’Eglise, comme l’a développé le dernier Concile.
Un chemin exigeant

Avec le temps, je pense que la vie de l’Eglise n’est ni dans le progressisme, ni dans le traditionalisme. L’attitude vraiment fidèle n’est-elle pas de vivre aujourd’hui dans l’Eglise en puisant dans la richesse de sa Tradition pour regarder l’avenir avec confiance ? Dans ce sens, le passé n’est ni à rejeter, ni à absolutiser. Qu’on le veuille ou non, les situations ne sont plus les mêmes qu’il y a cinquante ans Le nier et faire “comme si”, c’est faire preuve d’un aveuglement spirituel. On ne peut pas faire comme s’il n’y avait pas eu de Concile, comme s’il n’y avait pas eu de réforme liturgique.

On ne peut pas figer la vie de l’Eglise dans les usages d’une époque aujourd’hui révolue. Je connais des prêtres, religieux ou diocésains qui empruntent ce chemin : ils sont fiers de la Tradition de l’Eglise ; ils portent à l’occasion la soutane (qui n’est pas réservée aux prêtres des fraternités) et célèbrent la liturgie selon les véritables règles établies par l’Eglise. Je pense que les fidèles soucieux de Tradition doivent soutenir ces initiatives afin d’éviter que celle-ci ne soit confisquée par certains groupes qui en travestissent le sens. C’est un chemin exigeant car il ne satisfait ni les “progressistes” qui y voient une forme de “retour en arrière”, ni les “traditionnalistes” qui y voient du modernisme. C’est pourtant, selon moi, la seule attitude vraiment ecclésiale.

La voie facile consiste à tolérer quelques “chapelles tradis” dans un diocèse… et de laisser plus ou moins tout faire ailleurs. “Chacun fait ce qu’il lui plaît”, comme le dit la chanson… Mais est-ce souhaitable et catholique à long terme ? Il me semble que l’avenir passe par une saine réappropriation de la Tradition par tout prêtre. Celle-ci n’est pas l’apanage ou “la marque de fabrique” de tel ou tel groupe mais elle est le trésor de toute l’Eglise.

En guise de conclusion, il me semble important que chaque prêtre catholique célèbre la Messe selon les règles actuelles du Missel romain, c’est-à-dire dans la forme ordinaire, en utilisant toutes les possibilités du rite restauré et en refusant le “bricolage liturgique”. C’est, à mon humble avis, la seule solution contre la radicalisation de certains fidèles. Fort heureusement, la réalité et la vitalité de l’Eglise dépassent largement les groupuscules traditionnalistes, même s’ils font beaucoup de bruits en France et même en Belgique par l’importation de prêtres… français.

Il importe donc de considérer l’Eglise dans sa dimension universelle qui, pour être crédible face à nos contemporains, doit affronter les problèmes de ce temps avec audace et fidélité à l’enseignement du Christ.

Chaque prêtre a le devoir d’œuvrer pour l’unité de l’Eglise. Dans la crise de la foi et de l’autorité que nous vivons, le plus beau témoignage que le prêtre doit donner, c’est de vouloir ce que veut l’Eglise aujourd’hui, dans l’obéissance et la fidélité.
                       
Respecter la liturgie lorsqu’elle évolue dans le seul but de traduire la foi et la vie intime de l’Eglise, c’est manifester publiquement tant l’amour que nous portons au Christ que notre docilité à l’enseignement de son Eglise. C’est aussi favoriser, cultiver et approfondir la vertu d’obéissance par laquelle on a toujours su reconnaître les véritables disciples du Christ.” (Denis Crouan, Tradition et liturgie, Ed. Téqui., 2005)
                   
Abbé Pierre N. , prêtre belge

[Mgr Williamson - Initiative St Marcel] Contre le N.O.M.

SOURCE - Mgr Williamson - Initiative St Marcel - 27 aout 2016

Une fois rejetée la Messe sacrificielle, Comment les pauvres Catholiques peuvent-ils ne pas s’égarer?

En théorie le principe est clair : pour suivre Notre-Seigneur, selon les paroles immortelles de Saint Augustin, nous devons « condamner les erreurs mais aimer l’errant ». Cela veut dire qu’on ne devrait jamais condamner les erreurs de manière à condamner aussi les errants (c’est-à-dire ceux qui sont dans l’erreur, à moins qu’ils ne soient dangereux et incorrigibles), et on ne devrait jamais aimer les errants de manière à aimer aussi leurs erreurs. En pratique, il n’est que trop facile de glisser ou de la destruction de l’erreur à la destruction de l’errant, ou de l’amour de l’errant à l’amour de ses erreurs. En d’autres mots : « En principe, l’Église ne fait pas de compromis dans les principes car elle croit, et elle est tolérante en pratique car elle aime. Au contraire les ennemis de l’Église sont tolérants en principe car ils ne croient pas, et intransigeants en pratique car ils n’aiment pas. » Voilà qui est bien dit.

Au cas où il y en a qui pensent toujours que l’auteur de ces Commentaires passe de la compassion pour les brebis égarées du Novus Ordo à l’amour des erreurs de la nouvelle messe de Paul VI, voici des extraits d’une lettre d’un ancien lecteur dont la propre expérience amère l’amena à conclure que les Catholiques du Novus Ordo ne méritent pas le bénéfice du doute. Il a de toute évidence connu le pire de la Néo-église. Les fruits parlent...

J’étais un enfant typique d’une école primaire dans une paroisse de 2,500 familles dans un quartier catholique à 60%. Nous étions tous formés selon l’ancienne religion, et, lorsque la révolution Conciliaire commença de détruire l’Église dans les années 1970, nous sentions tous que quelque chose n’allait pas. Or, tous les Catholiques ont le devoir de rester fidèle à la Tradition, et de chercher où elle se trouve, par exemple par la lecture de bons livres auxquels tout le monde a accès. Depuis cinquante ans moi-même je plaide, j’implore et je prie pour que mes amis catholiques et leurs familles lisent les choses que j’ai lues, mais ils n’ont simplement pas voulu. La grande majorité préfère la religion Conciliaire : le divorce et les annulations faciles, les prédicateurs conciliants, le féminisme, la démocratie, l’adultère, l’homosexualité et la bonasserie – voilà ce qui les attache fermement au Novus Ordo, et pas du tout l’amour de la vérité.


Je prétends connaître la mentalité Novus Ordo car durant deux ans je suis entré en contact direct avec des juges, des prêtres et des laïcs de la Néo-église. Je peux vous assurer que ce n’est pas l’amour de la vérité qui les inspire. On peut compter sur ces autorités de la Néo-église pour faire exactement ce que veulent d’eux presque tous les Catholiques du Novus Ordo, sinon tous, et c’est d’ignorer leur vie de péché. Il semble que les seuls « pécheurs » qu’ils osent tancer, instruire ou conseiller soient les fumeurs, les pollueurs, les catholiques Traditionnalistes « sans coeur », et les responsables de familles nombreuses. Rappelez-vous que plus de 90% des Catholiques mariés utilisent les préventifs, et apprennent à leurs enfants à faire de même. Le Novus Ordo est devenu une organisation mondiale d’apaisement des consciences, et de nouveautés à grande échelle. Les Catholiques du Novus Ordo pensent vraiment que toutes les âmes vont au Ciel. De « travailler à leur salut avec crainte et tremblement » n’est pas une idée qui leur passe par la tête.

Dans les temps modernes, le contrôle des naissances fut un point tournant dans le passage de la volonté de Dieu à celle de l’homme. Pour ceux qui habitent les grandes villes, ne pas l’utiliser peut sembler presqu’impossible ; mais alors qui s’est trompé ? Dieu, ou la cité moderne ? Dieu donna à son Église en 1968 une grande occasion de maintenir le cap lorsqu’il inspira à Paul VI de rester fidèle à la doctrine immuable de l’Église alors qu’il ne voulait pas le faire, mais une masse d’évêques et de prêtres devinrent promptement infidèles au Pape, et le résultat fut cette « organisation de l’apaisement des consciences » dénoncée plus haut. Et qui peut nier que le remplacement du vrai sacrifice de la Messe a joué un grand rôle, depuis 1969, dans cet abandon par les Catholiques de leurs vies sacrificielles en vue du Ciel, au profit d’une vie facile pour aller en Enfer ? Quelle responsabilité, que celle des prêtres !

Kyrie eleison.

26 août 2016

[Anne Kurian - Zenit] Fraternité Saint-Pie X: reconnaître les dogmes catholiques essentiels

SOURCE - Anne Kurian - Zenit - 26 aout 2016

Nuances de Mgr Pozzo à propos de l’autorité de certains documents de Vatican II


Pour être reconnue canoniquement, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) doit proclamer les vérités catholiques « essentielles », et tous les documents du Concile Vatican II ne sont pas de nature doctrinale, rappelle Mgr Pozzo. C’est la nouvelle main tendue du Vatican expliquée par Mgr Guido Pozzo, secrétaire de la Commission pontificale Ecclesia Dei chargée du dialogue avec la Fraternité.

Dans un entretien à la revue allemande Christ und Welt publié le 28 juillet 2016, l’archevêque évoque la situation de cette Fraternité fondée par Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) et qui n’est pas reconnue canoniquement par Rome. En 2009, après leur reconnaissance du Primat de Rome, Benoît XVI a cependant levé les excommunications qui pesaient sur les quatre évêques consacrés en 1988 malgré les avertissements du Vatican.

La levée des excommunications ne signifiait pas l’intégration dans l’Eglise catholique: mutatis mutandis, pas plus que les orthodoxes ne sont entrés dans l’Eglise catholique ou l’inverse lorsque Paul VI et Athénagoras ont décidé, en 1965, « d’enlever de la mémoire et du milieu de l’Eglise les sentences d’excommunication de 1054 ». Mais il s’agissait d’ôter un obstacle au dialogue. Le dialogue a été relancé.

Mgr Pozzo évoque les discussions bilatérales de ces dernières années : « De 2009 à 2012, l’accent principal concernait les différends théologiques, (…) les difficultés de nature doctrinale ». Mais comme « la vie n’est pas seulement faite de doctrine », ajoute-t-il, « ces trois dernières années, a grandi le désir d’apprendre à mieux comprendre la réalité concrète de cette fraternité sacerdotale (…) dans une atmosphère plus amicale ».

Il ne s’agit donc plus de chercher « un consensus immédiat sur toutes les questions épineuses », mais de régler « les points essentiels, en les séparant des questions qui pouvaient être abordées plus tard ». En d’autres termes, précise le secrétaire de la commission de dialogue, la question se résume aux « conditions vraiment essentielles pour être catholique », c’est-à-dire « les qualités requises d’un catholique pour être en pleine communion avec l’Eglise ».

Ce sont ces conditions qui ont fait la base de la Déclaration doctrinale qui sera soumise à la Fraternité « en accord avec le pape ». En signant cette déclaration, la FSSPX reconnaît « les doctrines définies et les vérités catholiques » telles « la nature sacramentelle de l’épiscopat (…), la suprématie papale et du collège des évêques » ou encore « la profession de foi, la reconnaissance des sacrements ».


Pas de « superdogme » pastoral


Si la Fraternité considère certains aspects de Vatican II problématiques – entre autresNostra Aetate sur le dialogue interreligieux ; Unitatis Redintegratio sur l’œcuménisme ;Dignitatis Humanae sur la liberté religieuse – Mgr Pozzo souligne que certains documents conciliaires « ont un poids doctrinal différent ».

Certains documents « ne sont pas des doctrines de foi », affirme-t-il, mais « des suggestions, (…) des lignes d’orientation pour la pratique pastorale ». Tout autant d’aspects qui « peuvent être discutés (…) après la reconnaissance canonique ». A titre d’exemple, explique Mgr Pozzo, « Nostra Aetate ne contient pas d’obligations dogmatiques. Par conséquent, nous ne pouvons pas prétendre que cette Déclaration soit reçue de quiconque comme dogme contraignant ».

« Ce n’est pas “le Vatican” qui l’a décidé, c’est écrit dans les Actes de Vatican II », insiste-t-il : « Le 16 novembre 1964, le secrétaire général du Concile, le cardinal Pericle Felici, a déclaré que le Concile “ne définit contraignant pour l’Eglise que ce qui est spécifiquement déclaré tel en termes de foi et de morale”. » Le 18 novembre 1964, le secrétaire pour l’unité chrétienne précisa que le Concile n’entendait pas donner « des affirmations dogmatiques sur les religions non chrétiennes, mais seulement des normes pratiques et pastorales ».

« Le Concile n’est pas un superdogme pastoral, mais fait partie de toute la tradition et de ses enseignements permanents », ajoute Mgr Pozzo.

« Tout ce qui favorise la rencontre et l’unité, assure-t-il encore, est cher au cœur du pape », et, la Fraternité Saint-Pie X comptant 600 prêtres, 200 séminaristes et 750 églises dans 70 pays, « nous ne pouvons pas fermer les yeux face à une réalité si significative ».