A son Excellence Révérendissime Mgr Gaetano Bonicelli Archevêque métropolitain de Sienne - Colle Val d'Elsa - Montalcino
Excellence Révérendissime,
Votre lettre du 12 avril dernier est arrivée à ce Dicastère, lettre dans laquelle vous posez une question relative à la liberté de se servir du Missel romain promulgué par saint Pie V après le concile de Trente par tout prêtre qui le désire, en fondant cette liberté sur le perpétuellement (in perpetuo) du Motu proprio de promulgation du Missel, le 13 juillet 1570.
Puisqu'une telle question a commencé à être soulevée avec la publication de l'actuel Missel romain, et que cette Congrégation ne s'est pas soustraite au devoir d'éclaircir cette problématique, la réponse se limite à en rap-peler les données essentielles.
Bien que, dans la Constitution apostolique Missale romanum du pape Paul VI, on ne trouve pas une formule explicite d'abrogation du Missel romain dit de saint Pie V, reste toutefois claire la volonté du législateur liturgique suprême de promulguer un texte renouvelé du Missel romain qui prît la place de celui jusque-là en usage. Si la volonté du pontife avait été celle de laisser en vigueur les formes liturgiques précédentes com-me une alternative de libre choix, il aurait dû le dire explicitement. Les choses étant telles, et à la lumière de la documentation postérieure, ainsi que de l'usage, on doit affirmer que le Missel romain antérieur au concile Vatican Il n'est plus en vigueur comme une alternative de libre choix pour l'ensemble des Églises qui appartiennent au rite romain.
Après le renouvellement liturgique voulu par le concile Vatican Il, sont apparus des groupes de catholiques fortement attachés aux livres liturgiques, et surtout au Missel, précédemment en usage. Ces groupes, et nous parlons de ceux qui sont en pleine communion avec l'Église catholique et avec son Magistère, ont exprimé le désir de pouvoir continuer à se servir des livres liturgiques préconciliaires. Le Saint-Père Jean-Paul Il, mû par le désir paternel de ne pas aller à l'encontre de la sensibilité liturgique et religieuse de ces groupes, leur a concédé de pouvoir utiliser le Missel romain de 1962, avec l'autorisation de l'évêque du lieu, et il a également demandé aux évêques de recevoir avec bienveillance et générosité ces personnes qui se sentent profondément liées au rite préconciliaire et, en même temps, professent une adhésion sincère au Magistère de l'Église et l'obéissance aux pasteurs légitimes. Le désir du Pape s'est expri-mé par le Motu proprio Ecclesia Dei adflicta (2juillet 1998, AAS 80, 1988, 1495-1498). A l'occasion du dixième anniversaire de la publication du Motu proprio, le Saint-Père a confirmé les lignes générales de ce document dans son discours prononcé le 26 octobre 1998 (Osservatore romano, 26-27 octobre 1998, p. 8).
Voici donc les réponses aux questions de Votre Excellence :
- Tout prêtre peut-il se servir du Missel tridentin sans aucune permission, étant donné que saint Pie V lui en assure la faculté perpétuelle (in per-petuo)?
Réponse : Non, puisque le Missel romain dit de saint Pie V ne doit plus être considéré comme en vigueur. A propos de la valeur obligatoire du Missel romain aujourd'hui en usage, la Sacrée Congrégation pour le Culte divin publia une Notification, parue dans Notitioe 10, 1974, 353. Par analogie, on pourrait se référer au canon 6, § 1, numéro 4 du Code de droit cano-nique de 1983, en relation avec le canon 19.
- Un pape peut-il fixer un rite pour toujours ?
Réponse : Non. A propos de la “puissance de l'Église concernant la dis-pensation du sacrement de l'Eucharistie”, le concile de Trente dit expres-sément : “Dans l'administration des sacrements, il y eut toujours dans l'Église le pouvoir de décider ou de modifier, la substance de ces sacrements étant sauve, ce qu'elle jugerait mieux convenir à l'utilité de ceux qui les reçoivent ou au respect des sacrements eux-mêmes, selon la diversité des choses, des temps et des lieux” (DS 1728).
Au point de vue canonique, on doit dire que, quand un pape écrit Nous concédons à perpétuité ”, on doit toujours sous-entendre “ jusqu'à ce qu'il soit pourvu autrement ”. C'est le propre de l'autorité souveraine du Pontife romain de ne pas être liée aux lois purement ecclésiastiques, de même qu'aux dispositions de ses prédécesseurs. Il est lié seulement à l'immutabilité de la loi divine et naturelle, et à la constitution de l'Église. Donc, Si avec le Motu proprio de saint Pie V on regarde la Constitution apostolique (du 3 avril 1969) par laquelle Paul VI a promulgué le Missel romain actuellement en vigueur, on y trouve les paroles suivantes “ Nous voulons que ce que Nous avons établi et prescrit soit tenu pour ferme et efficace, maintenant et à l'avenir, nonobstant, Si c'est nécessaire, les Constitutions et Ordonnances apostoliques données par Nos prédécesseurs et toutes les autres prescriptions même dignes de mention spéciale et pouvant déroger à la loi.
Il est clair que l'autorité du concile ou du pontife romain n'est pas exercée de façon arbitraire, mais en ayant toujours en vue le bien commun de l'Eglise.
- Que puis-je répondre sur la base du droit ?
Réponse : Aux données exposées ci-dessus, il faut ajouter la concession bienveillante de l'induit pour l'utilisation du précédent Missel romain dans les termes et selon les modalités indiquées dans le Motu proprio Ecclesia Dei adflicta. Si, dans votre diocèse, il y avait un groupe de personnes qui désiraient célébrer dans le rite en vigueur jusqu'au renouvellement post-conciliaire, Votre Excellence peut donner l'autorisation selon les facultés concédées par l'induit de cette Congrégation du 3 octobre 1984 (Notitiae, 1985, pp. 9-10).
On peut penser à plusieurs possibilités :
a) Prévoir une messe dans une église ou oratoire, à une heure fixée, le dimanche ou un jour férial, sans préjudice pour les fidèles qui suivent l'actuel Missel romain.
b) Assigner aux fidèles attachés au système précédent une église ou une chapelle, de façon soit exclusive, soit partielle.
c) Si le groupe était nombreux, on pourrait aussi établir pour eux un aumônier (voir Code de droit canonique, canons 564-567 et 571-572), ou même une paroisse personnelle (voir Code de droit canonique, canon 515, § 1), comme cela se fait dans quelques diocèses des États-Unis d'Amérique ou au Canada.
Voilà ce que je peux, après avoir pris conseil, répondre à Votre Excellence Révérendissime.
Je profite de la circonstance pour vous prier d'agréer mes cordiales salutations et pour me professer, de Votre Excellence Révérendissime, le très dévoué
+ Georges A. Card. Medina Estavez, Préfet.
m. Mario Marini, secrétaire.
Excellence Révérendissime,
Votre lettre du 12 avril dernier est arrivée à ce Dicastère, lettre dans laquelle vous posez une question relative à la liberté de se servir du Missel romain promulgué par saint Pie V après le concile de Trente par tout prêtre qui le désire, en fondant cette liberté sur le perpétuellement (in perpetuo) du Motu proprio de promulgation du Missel, le 13 juillet 1570.
Puisqu'une telle question a commencé à être soulevée avec la publication de l'actuel Missel romain, et que cette Congrégation ne s'est pas soustraite au devoir d'éclaircir cette problématique, la réponse se limite à en rap-peler les données essentielles.
Bien que, dans la Constitution apostolique Missale romanum du pape Paul VI, on ne trouve pas une formule explicite d'abrogation du Missel romain dit de saint Pie V, reste toutefois claire la volonté du législateur liturgique suprême de promulguer un texte renouvelé du Missel romain qui prît la place de celui jusque-là en usage. Si la volonté du pontife avait été celle de laisser en vigueur les formes liturgiques précédentes com-me une alternative de libre choix, il aurait dû le dire explicitement. Les choses étant telles, et à la lumière de la documentation postérieure, ainsi que de l'usage, on doit affirmer que le Missel romain antérieur au concile Vatican Il n'est plus en vigueur comme une alternative de libre choix pour l'ensemble des Églises qui appartiennent au rite romain.
Après le renouvellement liturgique voulu par le concile Vatican Il, sont apparus des groupes de catholiques fortement attachés aux livres liturgiques, et surtout au Missel, précédemment en usage. Ces groupes, et nous parlons de ceux qui sont en pleine communion avec l'Église catholique et avec son Magistère, ont exprimé le désir de pouvoir continuer à se servir des livres liturgiques préconciliaires. Le Saint-Père Jean-Paul Il, mû par le désir paternel de ne pas aller à l'encontre de la sensibilité liturgique et religieuse de ces groupes, leur a concédé de pouvoir utiliser le Missel romain de 1962, avec l'autorisation de l'évêque du lieu, et il a également demandé aux évêques de recevoir avec bienveillance et générosité ces personnes qui se sentent profondément liées au rite préconciliaire et, en même temps, professent une adhésion sincère au Magistère de l'Église et l'obéissance aux pasteurs légitimes. Le désir du Pape s'est expri-mé par le Motu proprio Ecclesia Dei adflicta (2juillet 1998, AAS 80, 1988, 1495-1498). A l'occasion du dixième anniversaire de la publication du Motu proprio, le Saint-Père a confirmé les lignes générales de ce document dans son discours prononcé le 26 octobre 1998 (Osservatore romano, 26-27 octobre 1998, p. 8).
Voici donc les réponses aux questions de Votre Excellence :
- Tout prêtre peut-il se servir du Missel tridentin sans aucune permission, étant donné que saint Pie V lui en assure la faculté perpétuelle (in per-petuo)?
Réponse : Non, puisque le Missel romain dit de saint Pie V ne doit plus être considéré comme en vigueur. A propos de la valeur obligatoire du Missel romain aujourd'hui en usage, la Sacrée Congrégation pour le Culte divin publia une Notification, parue dans Notitioe 10, 1974, 353. Par analogie, on pourrait se référer au canon 6, § 1, numéro 4 du Code de droit cano-nique de 1983, en relation avec le canon 19.
- Un pape peut-il fixer un rite pour toujours ?
Réponse : Non. A propos de la “puissance de l'Église concernant la dis-pensation du sacrement de l'Eucharistie”, le concile de Trente dit expres-sément : “Dans l'administration des sacrements, il y eut toujours dans l'Église le pouvoir de décider ou de modifier, la substance de ces sacrements étant sauve, ce qu'elle jugerait mieux convenir à l'utilité de ceux qui les reçoivent ou au respect des sacrements eux-mêmes, selon la diversité des choses, des temps et des lieux” (DS 1728).
Au point de vue canonique, on doit dire que, quand un pape écrit Nous concédons à perpétuité ”, on doit toujours sous-entendre “ jusqu'à ce qu'il soit pourvu autrement ”. C'est le propre de l'autorité souveraine du Pontife romain de ne pas être liée aux lois purement ecclésiastiques, de même qu'aux dispositions de ses prédécesseurs. Il est lié seulement à l'immutabilité de la loi divine et naturelle, et à la constitution de l'Église. Donc, Si avec le Motu proprio de saint Pie V on regarde la Constitution apostolique (du 3 avril 1969) par laquelle Paul VI a promulgué le Missel romain actuellement en vigueur, on y trouve les paroles suivantes “ Nous voulons que ce que Nous avons établi et prescrit soit tenu pour ferme et efficace, maintenant et à l'avenir, nonobstant, Si c'est nécessaire, les Constitutions et Ordonnances apostoliques données par Nos prédécesseurs et toutes les autres prescriptions même dignes de mention spéciale et pouvant déroger à la loi.
Il est clair que l'autorité du concile ou du pontife romain n'est pas exercée de façon arbitraire, mais en ayant toujours en vue le bien commun de l'Eglise.
- Que puis-je répondre sur la base du droit ?
Réponse : Aux données exposées ci-dessus, il faut ajouter la concession bienveillante de l'induit pour l'utilisation du précédent Missel romain dans les termes et selon les modalités indiquées dans le Motu proprio Ecclesia Dei adflicta. Si, dans votre diocèse, il y avait un groupe de personnes qui désiraient célébrer dans le rite en vigueur jusqu'au renouvellement post-conciliaire, Votre Excellence peut donner l'autorisation selon les facultés concédées par l'induit de cette Congrégation du 3 octobre 1984 (Notitiae, 1985, pp. 9-10).
On peut penser à plusieurs possibilités :
a) Prévoir une messe dans une église ou oratoire, à une heure fixée, le dimanche ou un jour férial, sans préjudice pour les fidèles qui suivent l'actuel Missel romain.
b) Assigner aux fidèles attachés au système précédent une église ou une chapelle, de façon soit exclusive, soit partielle.
c) Si le groupe était nombreux, on pourrait aussi établir pour eux un aumônier (voir Code de droit canonique, canons 564-567 et 571-572), ou même une paroisse personnelle (voir Code de droit canonique, canon 515, § 1), comme cela se fait dans quelques diocèses des États-Unis d'Amérique ou au Canada.
Voilà ce que je peux, après avoir pris conseil, répondre à Votre Excellence Révérendissime.
Je profite de la circonstance pour vous prier d'agréer mes cordiales salutations et pour me professer, de Votre Excellence Révérendissime, le très dévoué
+ Georges A. Card. Medina Estavez, Préfet.
m. Mario Marini, secrétaire.