12 décembre 2004

[Aletheia n°67] Mgr Rey : "On ne peut être catholique et franc-maçon"

Aletheia n°67 - 12 décembre 2004
Mgr Rey : “ On ne peut être catholique et franc-maçon ”
Après la claire intervention de Mgr Brincard, évêque du Puy, en 2002[1], un nouvel évêque français, Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon, rappelle la position traditionnelle de l’Eglise sur la franc-maçonnerie et explique pourquoi l’appartenance à la franc-maçonnerie est interdite aux catholiques. Il le fait dans un long entretien à la revue La Nef, en conclusion d’un important dossier qu’il avait suggéré lui-même à la revue de réaliser.
Mgr Rey explicite trois raisons principales qui rendent condamnable la franc-maçonnerie au regard de la doctrine catholique :
-          Elle diffuse un enseignement de type gnostique : “ Elle prétend donner à ses adeptes une formation ésotérique, enseignement secret qui révèlerait le sens caché de l’univers. Tous les rituels font miroiter aux yeux des initiés l’acquisition d’une soi-disant “ Tradition primordiale ”, et d’une “ Lumière ” qui, au mieux, est celle de l’intelligence humaine, mais en aucun cas celle de la Transfiguration en Christ ”.
-          “ Le maçon soutient le primat et l’autonomie de la raison par rapport à toute vérité révélée ”.
-          “ Elle rejette tout dogme. Elle prône le relativisme, au prétexte de la tolérance absolue. Relativisme religieux qui met toutes les religions sur le même plan, les considérant comme des tentatives concurrentes pour exprimer la vérité sur Dieu qui, en soi, est inatteignable. […] D’autre part, la franc-maçonnerie prône le relativisme moral. Aucune règle morale n’est pour elle d’essence divine, donc intangible. La morale doit évoluer au gré du consensus des sociétés ”.
Dans son entretien avec Christophe Geffroy, Mgr Rey ne s’en tient pas à l’analyse doctrinale et à la mise en lumière des principes erronés et dangereux de la franc-maçonnerie. Il est lucide sur l’influence de la franc-maçonnerie dans la société française : “ Par l’entremise de cercles de pensées et de réseaux d’influence, bien des projets de lois votés par le Parlement ont été préparés dans le silence du temple. ”
D’autres points de cet entretien de trois pages mériteraient d’être relevés, notamment quand, parmi les “ réponses pastorales pertinentes ” à la franc-maçonnerie, l’évêque de Fréjus-Toulon invite les catholiques “ à investir le vaste champ politique, comme le rappelle si souvent le pape Jean-Paul II, à inventer de nouveaux modes d’apostolat sur des terrains autrefois occupés par les mouvements de type Action catholique, mais qui sont aujourd’hui déserts. ”
Le constat sur le “ désert ” et les nécessaires “ nouveaux modes d’apostolat ” ouvre la perspective sur la mission des laïcs. Vaste question où Mgr Rey, là aussi, fait preuve d’une lucidité réconfortante qui tranche avec les discours convenus de l’épiscopat français. 
Le dossier de 12 pages sur la franc-maçonnerie comprend les articles suivants [2] :
. Michel Toda, La franc-maçonnerie hier et aujourd’hui.
. Yves Chiron, Les rituels francs-maçons.
. Paul Airiau, L’Eglise et la franc-maçonnerie.
. Michel Toda, Les chimères du Père Riquet.
. Entretien avec Mgr Dominique Rey : “ On ne peut être catholique et franc-maçon ”.
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Pour l’honneur de Jean Borella et d’Emile Poulat
Plusieurs revues, relayées ou inspirées par des folliculaires internautiques, répandent la rumeur qu’Emile Poulat aurait des accointances avec la franc-maçonnerie. C’est sa direction de la revue Politica Hermetica et son dernier livre, Notre laïcité publique (Berg International, 2003), qui ont suscité cette campagne où l’amalgame rivalise avec l’approximation. Comme je l’ai déjà relevé[3], d’autres collaborateurs de Politica Hermetica ont eux aussi été mis en cause, leur point commun serait d’être “ souvent lié à la franc-maçonnerie ” (on appréciera l’imprécision !), et parmi eux, Jean Borella, collaborateur éphémère de P.H.
Le bon et sérieux dossier de La Nef sur la franc-maçonnerie est l’occasion de prendre à nouveau la défense de ces deux auteurs qui sont aussi des lecteurs bienveillants et attentifs d’Aletheia. Une rumeur non démentie ou une insinuation répétée deviennent des fausses vérités que l’on croit établies.
Jean Borella, philosophe et chrétien, a été un lecteur attentif et critique de René Guénon. Sa recherche spéculative l’a amené à produire des ouvrages importants sur le symbolisme, l’ésotérisme et le surnaturel. On peut contester certains aspects de sa pensée[4]. Mais laisser croire qu’il est franc-maçon est une calomnie et une mauvaise action. À la suite de ma précédente évocation de cette affaire, le Professeur Borella m’avait adressé une lettre dont je crois utile de reproduire la claire affirmation suivante :
Les insinuations de Ch. Lagrave concernant mon éventuelle appartenance à la F.M. sont évidemment fausses. La seule “ organisation ” à laquelle j’ai appartenu et appartiens toujours, c’est l’Eglise catholique, apostolique et romaine. Et, s’il plaît à Dieu, je lui appartiendrai toujours. Je me suis intéressé à la F.M., à son histoire et un peu à sa symbolique. Mais je n’ai jamais remis en cause les condamnations de Rome à son encontre.
Émile Poulat, lui, a protesté, auprès de deux revues qui le mettaient en cause, par des lettres qui apportent des rectifications et précisions propres à faire taire les calomnies. On aimerait que les revues en question publient, par honnêteté intellectuelle, les lettres d’Emile Poulat. Il écrit, entre autres affirmations claires : “ je n’ai et je n’ai jamais eu aucun lien, aucune accointance avec la franc-maçonnerie ”.
Émile Poulat, dans une de ces lettres, revient aussi sur la question de la laïcité et de la loi dite de séparation de l’Eglise et de l’Etat du 9 décembre 1905. À l’approche du centenaire de cette loi, il n’est pas inutile de citer l’état factuel de la question qu’il dresse en réponse à un de ses contradicteurs[5] :
Cette loi dite de “ séparation ”, qui l’a lue dans son texte publié au Journal officiel et aujourd’hui introuvable en librairie ? A-t-elle été condamnée ? Oui, par Pie X trois fois, et une fois par Pie XI en 1924. La condamnation a-t-elle été levée ? Non. L’interdit jeté par Pie X sur les associations cultuelles a-t-il été levé ? Oui, par Pie XI en 1924, au terme de longues négociations et sous la forme d’associations diocésaines. La loi de 1905 est-elle modifiable ? Oui, et déjà une dizaine de fois, la dernière en 1998. Ces modifications ont-elles été condamnées. Non : un modus vivendi jugé satisfaisant à Rome et en France a donc été trouvé dans le cadre d’une loi qui reste condamnée, mais dont la plus grande partie se trouve désormais sans objet et dont le reste a été amendé, interprété ou complété. La réalité qui nous gouverne, c’est le régime issu de cette loi, et d’autres, régime qui, lui, n’a pas été condamné. Le mot séparation lui-même ne figure dans aucun texte de loi et n’a aucune valeur légale : seulement rhétorique.
Sur cette question de la laïcité, le premier mérite d’Emile Poulat est d’être allé aux faits. Comme il l’a fait, depuis quarante ans, dans ses travaux sur le modernisme, sur l’intégrisme et sur l’antilibéralisme de l’Eglise. Ces travaux sont devenus des ouvrages de référence, salués aussi bien dans le milieu historique universitaire que dans les milieux traditionalistes (ou “ intransigeants ” comme disent les Italiens et Emile Poulat). Pourquoi, aujourd’hui, dans une frange de ces mêmes milieux traditionalistes, jette-t-on le soupçon voire la calomnie sur cet auteur ?  N’est-ce pas là une preuve de plus de l’affaissement intellectuel qui touche tous les milieux, y compris les milieux traditionalistes ?
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Mises au point sur Fatima (suite)
Les “ Mises au point sur Fatima ” publiées dans un récent numéro d’Aletheia (n° 65, 21 novembre 2004) ont suscité des réactions diverses. Philippe Maxence, rédacteur en chef de L’Homme Nouveau, me précise que le débat sur la question reste ouvert dans les colonnes de son journal, qui a publié, depuis, des courriers de lecteurs, contradictoires, sur le sujet[6].
M. l’abbé Aulagnier, directeur du site item.snoozland.com, rappelle qu’il avait publié un dossier sur le sujet et il a reproduit mon article du 21 novembre en le résumant ainsi : “ L’article d’Yves Chiron se veut apaisant et nous encourage à nous “reposer sur nos deux oreilles“. […] “Peuples, dormez en paix ! Rien de “ méchant ” ne se prépare à Fatima “ ”.
Le cher abbé, outre qu’il invente des expressions d’un langage familier que je ne permettrais pas d’utiliser dans un écrit, fait un résumé par trop cavalier de mes analyses.
Un lecteur belge, lui, m’accuse de vouloir “ cacher ” (sic) à mes lecteurs un article de Nouvelles de chrétienté (n° 89, septembre-octobre 2004), article de Vincent Garnier “ Les hindous à Fatima ”[7]. Loin de moi l’idée de cacher quelque article que ce soit sur le sujet. Mais, je n’ai pas vocation, ici, à établir des bibliographies exhaustives.    
Depuis, le dossier s’est enrichi d’une nouvelle pièce, une nouvelle “ mise au point ” publiée par Jeanne Smits dans le quotidien Présent, le 4 décembre dernier. Cette fois, elle publie le texte d’un communiqué, important, de Mgr Serafim de Sousa Ferreira, évêque de Leiria-Fatima, qui sonne comme un “ désaveu ” de ce qui s’est passé à Fatima le 5 mai dernier.
Pour clarifier la controverse, qui a pris une dimension internationale, et qui porte sur plusieurs points, on peut, je pense présenter les faits en trois étapes en les plaçant sous leur vrai jour :
- un congrès interreligieux a bien eu lieu à Fatima en octobre 2003. Déjà, au moment des faits, la FSSPX avait mobilisé ses prieurés et ses écoles pour faire prier contre ce “ nouveau scandale d’Assise ”. L’honnêteté pourtant commande de ne pas assimiler les deux événements. À Assise, en 1986, il y eut une réunion interreligieuse, à l’initiative et en présence de Jean-Paul II, pour prier, séparément. À Fatima, il y a eu un congrès d’études, organisé par le sanctuaire, en présence de diverses hautes autorités ecclésiastiques, mais cela ne s’est point fait à l’initiative du Saint-Siège ni sous son patronage. On doit convenir que plusieurs des interventions faites au cours de ce congrès étaient en contradiction flagrante avec la doctrine catholique mais aussi que les déclarations faites en la circonstance par le P. Guerra, recteur du sanctuaire, ont été déformées.
- Un groupe hindou (et non bouddhiste, comme l’écrit par détraction une des publications citées) est venu en pèlerinage à Fatima le 5 mai dernier. Des participants ont pu accéder à l’autel de la Chapelle des Apparitions. Mais, a précisé plus tard le recteur du sanctuaire : “ Le prêtre [hindou] a chanté une prière pendant quelques minutes. Il n’a fait aucun geste, n’a effectué aucun rituel sur ou en dehors de l’autel. ” C’était une prière pour la paix. Même ramené à cette dimension, l’événement reste choquant (on peut en voir des images sur le site du mensuel catholique américain Catholic Family News : www.oltyn.com). Et c’est lui qui, semble-t-il, a suscité la plus grande réprobation du Saint-Siège[8].
- La construction d’un nouveau sanctuaire a bien commencé à Fatima. Ni la chapelle construite sur le lieu des apparitions ni la basilique actuelle ne seront détruites ou abandonnées, le troisième édifice cultuel en construction est dédié à la Sainte Trinité. Reste un point à éclaircir, signalé par Jeanne Smits dès son article du 28 août et rappelé, à juste titre, par M. l’abbé Aulagnier dans son dernier article sur le sujet : un autre bâtiment, appelé “ Centre Paul VI ”, sera construit face à la nouvelle église. Il sera voué, dit le projet, à la “ documentation interreligieuse ”. Le mot peut recouvrir des choses très diverses. Si le futur Centre Paul VI organisait des réunions interreligieuses, et non pas de simples colloques ou congrès, il y aurait un risque de confusion très dommageable pour la foi.
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[1] Mgr Brincard, “ Il faut combattre la franc-maçonnerie ”, entretien accordé à Radio-RCF-Le Puy, reproduit intégralement dans Aletheia, n° 28, 16 avril 2002.
[2] La Nef (B.P. 48, 78810 Feucherolles), n° 155, décembre 2004, le numéro 6 euros.
[3] Aletheia, n° 62, 18 septembre 2004, p. 2-3.
[4] Son premier livre, La Charité profanée, publié en 1979, aux Editions du Cèdre du regretté abbé Lefèvre, avait fait l’objet de deux longues recensions louangeuses, et parfois questionnantes, de Louis Salleron et de Marcel De Corte dans Itinéraires (n° 234, juin 1979, p. 209-218, — photocopie à la disposition des lecteurs qui le souhaiteraient). Quelques années plus tard, j’ai publié un long entretien avec Jean Borella sur ce livre, et sur d’autres sujets, dans la revue L’Age d’Or (n° 5, 1986, p. 16-27, — photocopie à la disposition des lecteurs qui le souhaiteraient). L’abbé Basilio Meramo, de la FSSPX, a publié, lui, Les hérésies de la Gnose du professeur Jean Borella, Editions les Amis de St François de Sales (C.P. 2016 — 1950 Sion 2, Suisse), 1996, une brochure de 42 pages préfacée par Mgr Tissier de Mallerais.
[5] Arnaud de Lassus, “ Emile Poulat et la laïcité ”, Action Familiale et Scolaire (31 rue Rennequin, 75017 Paris), n° 175, octobre 2004.
[6] L’Homme nouveau, 10 rue Rosenwald, 75015 Paris, 4 euros le numéro.
[7] Nouvelles de Chrétienté, Etoile du Matin, 57230 Eguelshardt, 3,50 euros le numéro.
[8] Depuis septembre, la presse portugaise évoque un prochain remplacement du P. Guerra et de l’évêque de Fatima, remplacements que le Saint-Siège aurait instamment demandés.