Abbé Yves le Roux - Lettre mensuelle du recteur du séminaire de Winona (USA) - version française - 8 mai 2005
Chers amis et bienfaiteurs,
Le décès de Jean Paul II a été l’occasion pour les mass-médias de dresser un portrait somme toute assez juste des longues années de son pontificat. Ils l’ont fait en s’en réjouissant, nous reprenons leur analyse en nous en affligeant.
Soutenu par la fausse vision libérale de l’homme qui pose celui-ci comme un absolu, le pape Jean Paul II se regardait comme serviteur de l’Homme dont, pour lui, la figure la plus belle reste celle du Christ. Aussi, au service de l’humanité et voulant réconcilier celle-ci avec elle-même, s’est-il fait le champion de l’œcuménisme. Il est vrai que cet absolu de l’homme lui a permis de tenir fermement les conclusions de la morale, et sur ce point également notre sentiment diffère radicalement de la presse puisqu’elle a généralement déploré cette fermeté.
Mais cette ombre au tableau a été bien légère et n’a pas, loin de là, empêché les médias d’orchestrer ses funérailles pour en faire un triomphe. Et s’il a été réjouissant de pouvoir noter la réaction du peuple chrétien justement endeuillé par la perte du Saint Père, nous ne pouvons que regretter que cette filiale réaction ne se soit transformée en une manifestation sentimentale de dévotion envers un homme ‘‘charismatique’’.
Friands de nouvelles sensationnelles, à l'affût de la moindre rumeur, les journalistes ont virevolté pendant deux semaines au Vatican, certains que tel ou tel papabile serait élu et s’empresserait d’adapter la morale catholique aux exigences de l’homme moderne. Las ! le candidat du conclave n’a point le profil espéré, Benoît XVI est pape, mais n’a point l’heur de plaire à la caste journalistique. Dès lors ceux là même qui depuis plus de deux semaines exaltaient le pape et son influence, s’élèvent contre l’intransigeance du nouvel élu et se lancent dans une campagne de dénigrement systématique ; n’hésitant pas à reprendre les arguments éculés du pseudo danger allemand et se permettant de titrer injurieusement à son propos, dès le lendemain matin de l’élection, Le Berger Allemand ! Chacun appréciera la finesse du trait.
La nomenklatura journalistique s’inquiète et accuse le pape d’être un conservateur dont l’action va entraver l’évolution positive de l’Église.
Cette accusation porte à faux. Loin de détruire le processus révolutionnaire, l’action des conservateurs le favorise. La révolution ne peut s’établir que grâce aux conservateurs qui en sont, inconsciemment souvent, les agents nécessaires. Sans eux, en effet, la révolution ne peut s’implanter durablement. Nous en avons pour preuve la Révolution française. Celle-ci, en effet, ne s’est définitivement enracinée dans les esprits et les cœurs français qu’à la fin du XIXème siècle, grâce à la domination de la bourgeoisie, éminemment conservatrice, dont l’influence n’a cessé de marquer le siècle. Elle répudiait les excès de la terreur de 1792, mais conservait les « immortels principes » de1789. Fidèle en cela à son Credo conservateur qui consiste à ne pas remettre en cause les principes qui conduisent les politiques, qu’elles soient laïques ou religieuses, mais à les défendre au contraire, à y revenir sans cesse comme à un gage d’ordre.
Les « immortels principes » de 1789 ont été adoptés par les hommes d’Église lors du dernier concile. La célèbre formule du cardinal Suénens l’affirmait de manière péremptoire : « Vatican II, c’est 1789 dans l’Église. » Cette formule, jamais démentie ni récusée, nous paraît exacte : que Dieu nous préserve alors des conservateurs !
Le cardinal Ratzinger en tant que Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a agi en conservateur. Il soutenait que les erreurs présentes ne trouvent point leur origine dans le concile, mais dans la mauvaise interprétation de celui-ci et fustigeait les « modernistes » auteurs de ces interprétations.
Le concile en lui-même n’est-il point essentiellement, cependant, une réalisation moderniste ? Quelle différence de nature existe-t-il entre 1789 et 1792 ? Que nous servirait-il de revenir à la lettre du concile qui n’est qu’ambiguïté volontaire ? Prions l’Esprit Saint afin que les grâces du Pontificat suprême permettent au pape de renoncer à cette dangereuse chimère qui fait du désordre une source d’ordre. Prions et gardons-nous de sombrer dans l’illusion du pape traditionnel sur la seule foi de la hargne journalistique et comme une réponse trop humaine à un espoir de solution.
Face au mystère de l’Église épouse mystique du Christ appelée à suivre son divin époux sur le chemin du Calvaire pour y partager ses souffrances, nous ne pouvons nous contenter de réagir suivant nos habituels critères humains. Le mystère de la Croix reste un scandale et une folie si nous nous bornons à le regarder sous l’angle naturel. La foi seule nous fait pénétrer en son centre et ouvre nos âmes à l’espérance. Nous ne cherchons point de solution, surtout point humaine. Nous attendons dans la prière, le sacrifice et la fidélité à la foi indéfectible que se lève l’aube de la résurrection. Son heure et son mode de réalisation n’appartiennent qu’à Dieu seul.
Aussi, si nous refusons de nous laisser charmer par le chant des sirènes désireuses de tromper notre vigilance et de nous faire baisser la garde, récusons-nous également tout procès d’intention contre le pape Benoît XVI.
Dieu ne renie jamais ses dons et aime agir par les voies ordinaires. Dans la crise terrible où l’Église partage l’agonie de Notre Seigneur en Croix, la papauté ne saurait être épargnée. Il reste qu’en dépit des faiblesses humaines et des attaques du démon, le pape sera l’apôtre privilégié de la résurrection de l’Église. La Fraternité Saint Pie X n’a point vocation de le remplacer et n’y prétend nullement. Le salut viendra de Notre Seigneur Jésus Christ seul, certes ; mais Il se servira du pape pour confirmer les pasteurs et les fidèles dans la foi. Quand Il le décidera et non, fort heureusement, suivant nos conceptions.
« Simon, Simon, voici que Satan t’a réclamé pour vous cribler comme le froment ; mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point. Et toi quand tu seras converti, affermis tes frères. St. Luc XXII, 31, 32. »
Nous savons que Dieu veut purifier l’Église par cette terrible épreuve que nous traversons, Il veut la purifier, non L’anéantir. Notre espérance repose sur cette foi, notre respect du pape et de son rôle également.
Quelle sera donc, concrètement, notre attitude ? Appuyés sur la grâce de Dieu, à notre place, nous continuerons de mener le combat de la foi. Nous réitèrerons au pape notre ferme volonté de servir la Sainte Église Romaine et de combattre le modernisme qui la défigure et la rend, à son tour, « sans forme ni beauté. » Ce combat exige que nous refusions d’essayer de trouver un modus vivendi qui ferait fi des questions doctrinales. La révolution est un moloch moderne qui dévore ceux qui frayent avec elle, les reniements de Campos viennent de le prouver si besoin en était. Nous ne cherchons aucune prébende et n’aspirons à aucune reconnaissance ; nous n’œuvrons pas pour nous, mais pour Dieu, l’Église et les âmes : « nous n’avons d’autre honneur au monde, que l’honneur de Notre Seigneur. »
Puisse le Saint Père comprendre que nous n’avons point d’autre aspiration et que nous sommes, malgré toutes les diffamations, serviteurs de Pierre vicaire du Christ, tête et chef de la Sainte Église.
In Christo Sacerdote et Maria,
Abbé Yves le Roux+
Chers amis et bienfaiteurs,
Le décès de Jean Paul II a été l’occasion pour les mass-médias de dresser un portrait somme toute assez juste des longues années de son pontificat. Ils l’ont fait en s’en réjouissant, nous reprenons leur analyse en nous en affligeant.
Soutenu par la fausse vision libérale de l’homme qui pose celui-ci comme un absolu, le pape Jean Paul II se regardait comme serviteur de l’Homme dont, pour lui, la figure la plus belle reste celle du Christ. Aussi, au service de l’humanité et voulant réconcilier celle-ci avec elle-même, s’est-il fait le champion de l’œcuménisme. Il est vrai que cet absolu de l’homme lui a permis de tenir fermement les conclusions de la morale, et sur ce point également notre sentiment diffère radicalement de la presse puisqu’elle a généralement déploré cette fermeté.
Mais cette ombre au tableau a été bien légère et n’a pas, loin de là, empêché les médias d’orchestrer ses funérailles pour en faire un triomphe. Et s’il a été réjouissant de pouvoir noter la réaction du peuple chrétien justement endeuillé par la perte du Saint Père, nous ne pouvons que regretter que cette filiale réaction ne se soit transformée en une manifestation sentimentale de dévotion envers un homme ‘‘charismatique’’.
Friands de nouvelles sensationnelles, à l'affût de la moindre rumeur, les journalistes ont virevolté pendant deux semaines au Vatican, certains que tel ou tel papabile serait élu et s’empresserait d’adapter la morale catholique aux exigences de l’homme moderne. Las ! le candidat du conclave n’a point le profil espéré, Benoît XVI est pape, mais n’a point l’heur de plaire à la caste journalistique. Dès lors ceux là même qui depuis plus de deux semaines exaltaient le pape et son influence, s’élèvent contre l’intransigeance du nouvel élu et se lancent dans une campagne de dénigrement systématique ; n’hésitant pas à reprendre les arguments éculés du pseudo danger allemand et se permettant de titrer injurieusement à son propos, dès le lendemain matin de l’élection, Le Berger Allemand ! Chacun appréciera la finesse du trait.
La nomenklatura journalistique s’inquiète et accuse le pape d’être un conservateur dont l’action va entraver l’évolution positive de l’Église.
Cette accusation porte à faux. Loin de détruire le processus révolutionnaire, l’action des conservateurs le favorise. La révolution ne peut s’établir que grâce aux conservateurs qui en sont, inconsciemment souvent, les agents nécessaires. Sans eux, en effet, la révolution ne peut s’implanter durablement. Nous en avons pour preuve la Révolution française. Celle-ci, en effet, ne s’est définitivement enracinée dans les esprits et les cœurs français qu’à la fin du XIXème siècle, grâce à la domination de la bourgeoisie, éminemment conservatrice, dont l’influence n’a cessé de marquer le siècle. Elle répudiait les excès de la terreur de 1792, mais conservait les « immortels principes » de1789. Fidèle en cela à son Credo conservateur qui consiste à ne pas remettre en cause les principes qui conduisent les politiques, qu’elles soient laïques ou religieuses, mais à les défendre au contraire, à y revenir sans cesse comme à un gage d’ordre.
Les « immortels principes » de 1789 ont été adoptés par les hommes d’Église lors du dernier concile. La célèbre formule du cardinal Suénens l’affirmait de manière péremptoire : « Vatican II, c’est 1789 dans l’Église. » Cette formule, jamais démentie ni récusée, nous paraît exacte : que Dieu nous préserve alors des conservateurs !
Le cardinal Ratzinger en tant que Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a agi en conservateur. Il soutenait que les erreurs présentes ne trouvent point leur origine dans le concile, mais dans la mauvaise interprétation de celui-ci et fustigeait les « modernistes » auteurs de ces interprétations.
Le concile en lui-même n’est-il point essentiellement, cependant, une réalisation moderniste ? Quelle différence de nature existe-t-il entre 1789 et 1792 ? Que nous servirait-il de revenir à la lettre du concile qui n’est qu’ambiguïté volontaire ? Prions l’Esprit Saint afin que les grâces du Pontificat suprême permettent au pape de renoncer à cette dangereuse chimère qui fait du désordre une source d’ordre. Prions et gardons-nous de sombrer dans l’illusion du pape traditionnel sur la seule foi de la hargne journalistique et comme une réponse trop humaine à un espoir de solution.
Face au mystère de l’Église épouse mystique du Christ appelée à suivre son divin époux sur le chemin du Calvaire pour y partager ses souffrances, nous ne pouvons nous contenter de réagir suivant nos habituels critères humains. Le mystère de la Croix reste un scandale et une folie si nous nous bornons à le regarder sous l’angle naturel. La foi seule nous fait pénétrer en son centre et ouvre nos âmes à l’espérance. Nous ne cherchons point de solution, surtout point humaine. Nous attendons dans la prière, le sacrifice et la fidélité à la foi indéfectible que se lève l’aube de la résurrection. Son heure et son mode de réalisation n’appartiennent qu’à Dieu seul.
Aussi, si nous refusons de nous laisser charmer par le chant des sirènes désireuses de tromper notre vigilance et de nous faire baisser la garde, récusons-nous également tout procès d’intention contre le pape Benoît XVI.
Dieu ne renie jamais ses dons et aime agir par les voies ordinaires. Dans la crise terrible où l’Église partage l’agonie de Notre Seigneur en Croix, la papauté ne saurait être épargnée. Il reste qu’en dépit des faiblesses humaines et des attaques du démon, le pape sera l’apôtre privilégié de la résurrection de l’Église. La Fraternité Saint Pie X n’a point vocation de le remplacer et n’y prétend nullement. Le salut viendra de Notre Seigneur Jésus Christ seul, certes ; mais Il se servira du pape pour confirmer les pasteurs et les fidèles dans la foi. Quand Il le décidera et non, fort heureusement, suivant nos conceptions.
« Simon, Simon, voici que Satan t’a réclamé pour vous cribler comme le froment ; mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point. Et toi quand tu seras converti, affermis tes frères. St. Luc XXII, 31, 32. »
Nous savons que Dieu veut purifier l’Église par cette terrible épreuve que nous traversons, Il veut la purifier, non L’anéantir. Notre espérance repose sur cette foi, notre respect du pape et de son rôle également.
Quelle sera donc, concrètement, notre attitude ? Appuyés sur la grâce de Dieu, à notre place, nous continuerons de mener le combat de la foi. Nous réitèrerons au pape notre ferme volonté de servir la Sainte Église Romaine et de combattre le modernisme qui la défigure et la rend, à son tour, « sans forme ni beauté. » Ce combat exige que nous refusions d’essayer de trouver un modus vivendi qui ferait fi des questions doctrinales. La révolution est un moloch moderne qui dévore ceux qui frayent avec elle, les reniements de Campos viennent de le prouver si besoin en était. Nous ne cherchons aucune prébende et n’aspirons à aucune reconnaissance ; nous n’œuvrons pas pour nous, mais pour Dieu, l’Église et les âmes : « nous n’avons d’autre honneur au monde, que l’honneur de Notre Seigneur. »
Puisse le Saint Père comprendre que nous n’avons point d’autre aspiration et que nous sommes, malgré toutes les diffamations, serviteurs de Pierre vicaire du Christ, tête et chef de la Sainte Église.
In Christo Sacerdote et Maria,
Abbé Yves le Roux+