SOURCE - Jean Madiran - Présent - 1er septembre 2005
L’audience accordée lundi à Mgr Fellay par Benoît XVI est présentée dans La Croix comme « une audience sans précédent », avec réitération et insistance, précisant : « Y a-t-il eu des précédents ? Aucun à ce niveau. »
Le quotidien La Croix étant un organe officiellement officieux, mais officieusement officiel de l’épiscopat français, il y a lieu de se demander ce que peut bien vouloir signifier une présentation aussi inexacte.
Car, « à ce niveau » justement, deux rencontres ont déjà eu lieu.
Paul VI avait reçu Mgr Lefebvre le 11 septembre 1976 ; et Jean- Paul II, le 18 novembre 1978. Benoît XVI est donc bien le troisième pape qui reçoit en audience, ès qualités de part et d’autre, le supérieur général de la FSSPX. Et cette longue persistance du même désaccord depuis une trentaine voire une quarantaine d’années devient en se prolongeant l’une des données majeures de la question.
Cette inexactitude : « sans précédent à ce niveau », La Croix l’affirme comme une évidence, sans l’expliquer ni la justifier. En examinant le contexte, il semble bien que La Croix l’entende : sans précédent « depuis le schisme de 1988 ». Mais si l’on considère ainsi les questions et réclamations de la FSSPX comme ne posant un problème que depuis 1988 seulement, on fausse la perspective et l’on passe à côté des réalités.
Il est incroyablement caricatural de ramener tout le désaccord liturgique, comme fait La Croix, à un sentiment subjectif d’« insatisfaction », et d’assurer que Benoît XVI cherche à « donner gages aux catholiques qui restent insatisfaits de la réforme liturgique issue de Vatican II, comme l’a été le cardinal Ratzinger lui-même ». La réalité est que la « réforme liturgique issue de Vatican II » est un échec, et catastrophique.
Elle promettait d’engendrer un « renouveau ». Elle a vidé les églises ; elle a développé démesurément la catégorie singulière des « catholiques non pratiquants » et celle non moins singulière des « catholiques non confessionnels ». Les diocèses fourmillent de messes qui se présentent comme « la messe de Paul VI », non rectifiées ni contestées par l’évêque, et dont la validité elle-même finit par être douteuse, comme l’avait prévu le Bref examen critique. La dérive des extravagances liturgiques crée une incertitude sur la réalité de la consécration. C’est l’une des formes les plus graves d’insécurité : l’insécurité spirituelle, provoquée par les questions qui demeurent « en attente de réponse ».
Il ne s’agit pas seulement de questions liturgiques, encore que la question de la messe soit évidemment capitale. Le président de l’épiscopat français, dans La Croix du 25 août, parlait de « peut-être envisager des possibilités plus larges de célébrer la messe selon le rite de saint Pie V ». Des possibilités plus larges ! Cette messe, qui n’a pas été inventée par saint Pie V, mais qui est la messe catholique traditionnelle, a été interdite, et demeure sous le régime incertain, arbitraire et infamant de l’autorisation préalable. Dans certains diocèses, la messe traditionnelle est autorisée à des communautés tenues en suspicion et à l’écart, comme des réserves d’Indiens !
D’ailleurs tout se tient, l’insécurité doctrinale est aussi grande que l’insécurité liturgique, elles sont liées l’une à l’autre. Le président de la commission doctrinale de l’épiscopat tantôt croit à la virginité de la Sainte Vierge et tantôt en met en cause l’énoncé dogmatique, mais dans les deux cas nous invite « à la sobriété dans les énoncés concernant Marie ». Il prétend que l’interprétation de l’Ecriture qui voit en Jésus le Messie et l’interprétation niant qu’il le soit ne sont pas contradictoires : que l’une soit vraie ne signifie pas, selon lui, que l’autre soit fausse. Et je ne fais pas ici une recension des principales errances doctrinales approuvées ou subies par notre épiscopat, je l’ai faite aux pages 55 à 65 du livre : La trahison des commissaires.
De telles anomalies, altérations et désordres ne sont pas seulement des motifs d’«insatisfaction» subjective ressentie par certains irascibles.
Ce sont des réalités. Elles s’enracinent dans l’invocation commune dont elles nous bassinent : « L’Eglise née dans les années 1960 du concile Vatican II. »
De quelque manière que l’on entende cette Eglise née dans les années 1960, cette Eglise-là est l’Eglise de l’insécurité dogmatique.
JEAN MADIRAN
Article paru dans le n°5908 de PRESENT daté du 1er septembre 2005
L’audience accordée lundi à Mgr Fellay par Benoît XVI est présentée dans La Croix comme « une audience sans précédent », avec réitération et insistance, précisant : « Y a-t-il eu des précédents ? Aucun à ce niveau. »
Le quotidien La Croix étant un organe officiellement officieux, mais officieusement officiel de l’épiscopat français, il y a lieu de se demander ce que peut bien vouloir signifier une présentation aussi inexacte.
Car, « à ce niveau » justement, deux rencontres ont déjà eu lieu.
Paul VI avait reçu Mgr Lefebvre le 11 septembre 1976 ; et Jean- Paul II, le 18 novembre 1978. Benoît XVI est donc bien le troisième pape qui reçoit en audience, ès qualités de part et d’autre, le supérieur général de la FSSPX. Et cette longue persistance du même désaccord depuis une trentaine voire une quarantaine d’années devient en se prolongeant l’une des données majeures de la question.
Cette inexactitude : « sans précédent à ce niveau », La Croix l’affirme comme une évidence, sans l’expliquer ni la justifier. En examinant le contexte, il semble bien que La Croix l’entende : sans précédent « depuis le schisme de 1988 ». Mais si l’on considère ainsi les questions et réclamations de la FSSPX comme ne posant un problème que depuis 1988 seulement, on fausse la perspective et l’on passe à côté des réalités.
Il est incroyablement caricatural de ramener tout le désaccord liturgique, comme fait La Croix, à un sentiment subjectif d’« insatisfaction », et d’assurer que Benoît XVI cherche à « donner gages aux catholiques qui restent insatisfaits de la réforme liturgique issue de Vatican II, comme l’a été le cardinal Ratzinger lui-même ». La réalité est que la « réforme liturgique issue de Vatican II » est un échec, et catastrophique.
Elle promettait d’engendrer un « renouveau ». Elle a vidé les églises ; elle a développé démesurément la catégorie singulière des « catholiques non pratiquants » et celle non moins singulière des « catholiques non confessionnels ». Les diocèses fourmillent de messes qui se présentent comme « la messe de Paul VI », non rectifiées ni contestées par l’évêque, et dont la validité elle-même finit par être douteuse, comme l’avait prévu le Bref examen critique. La dérive des extravagances liturgiques crée une incertitude sur la réalité de la consécration. C’est l’une des formes les plus graves d’insécurité : l’insécurité spirituelle, provoquée par les questions qui demeurent « en attente de réponse ».
Il ne s’agit pas seulement de questions liturgiques, encore que la question de la messe soit évidemment capitale. Le président de l’épiscopat français, dans La Croix du 25 août, parlait de « peut-être envisager des possibilités plus larges de célébrer la messe selon le rite de saint Pie V ». Des possibilités plus larges ! Cette messe, qui n’a pas été inventée par saint Pie V, mais qui est la messe catholique traditionnelle, a été interdite, et demeure sous le régime incertain, arbitraire et infamant de l’autorisation préalable. Dans certains diocèses, la messe traditionnelle est autorisée à des communautés tenues en suspicion et à l’écart, comme des réserves d’Indiens !
D’ailleurs tout se tient, l’insécurité doctrinale est aussi grande que l’insécurité liturgique, elles sont liées l’une à l’autre. Le président de la commission doctrinale de l’épiscopat tantôt croit à la virginité de la Sainte Vierge et tantôt en met en cause l’énoncé dogmatique, mais dans les deux cas nous invite « à la sobriété dans les énoncés concernant Marie ». Il prétend que l’interprétation de l’Ecriture qui voit en Jésus le Messie et l’interprétation niant qu’il le soit ne sont pas contradictoires : que l’une soit vraie ne signifie pas, selon lui, que l’autre soit fausse. Et je ne fais pas ici une recension des principales errances doctrinales approuvées ou subies par notre épiscopat, je l’ai faite aux pages 55 à 65 du livre : La trahison des commissaires.
De telles anomalies, altérations et désordres ne sont pas seulement des motifs d’«insatisfaction» subjective ressentie par certains irascibles.
Ce sont des réalités. Elles s’enracinent dans l’invocation commune dont elles nous bassinent : « L’Eglise née dans les années 1960 du concile Vatican II. »
De quelque manière que l’on entende cette Eglise née dans les années 1960, cette Eglise-là est l’Eglise de l’insécurité dogmatique.
JEAN MADIRAN
Article paru dans le n°5908 de PRESENT daté du 1er septembre 2005