Rémi Fontaine - Présent- 23 septembre 2005
Archevêque de Paris depuis février dernier, Mgr Vingt-Trois est questionné dans Le Figaro de jeudi comme « traditionnel interlocuteur catholique du gouvernement, avec peu d’autres évêques » et comme « observateur de la société française » : « pas de ceux qui manient la langue de bois »... Concernant la crise de l’Eglise, il apparaît pourtant qu’il a bien conservé cette langue de buis, toute faite de clichés et d’a priori, j’allais dire dogmatiques...
Interrogé sur la demande de Mgr Fellay, supérieur de la Fraternité Saint-Pie X, d’un plus grand droit de cité de la messe traditionnelle, sa réponse fuse aussitôt, à l’identique mais plus cinglante et méprisante encore que celle de Mgr Ricard (Présent des 1er et 9 septembre) :
— On sait bien que le dialogue avec la Fraternité Saint-Pie X n’est pas d’abord conditionné par la liturgie.
Cette question est un simple drapeau agité pour mobiliser des braves gens et leur faire croire qu’il s’agit du véritable enjeu. A Paris, l’autorisation de célébrer selon la liturgie tridentine existe depuis près de vingt ans. La pratique en est large et généreuse [sic], sans que cela fasse pourtant bouger grand monde de la Fraternité Saint-Pie X.. Le problème est bien ailleurs... Il réside dans leur refus du concile Vatican II, du dialogue interreligieux et du respect dû par tous à la conscience personnelle, dont ils se réclament pourtant pour contester la position de l’Eglise...
Contrairement à d’autres diocèses, la liturgie traditionnelle existe peut-être depuis près de vingt ans à Paris, mais sous forme de trois « réserves d’Indiens » (Saint-Eugène, Sainte- Odile, N.-D. du Lys), sous conditions, sous le régime arbitraire, offensant et humiliant, de la tolérance et de l’autorisation préalable. Régime offensant d’abord pour la messe elle-même, issue de la foi de l’Eglise, confirmée par vingt conciles œcuméniques, comme le rappelait Jean Madiran : « La question de la messe se pose essentiellement par rapport à la messe. Il ne s’agit pas d’abord de répondre plus ou moins aux réclamations de “groupes traditionalistes” : eux-mêmes d’ailleurs ne mettent pas en avant leur “sensibilité”. Il s’agit plutôt de rendre à la messe l’honneur, la place, le respect qui lui sont dus. »
On est très loin de « la pratique large et généreuse » qu’invoque Mgr Vingt-Trois, contrairement à ce qu’a convenu à plusieurs reprises le cardinal Ratzinger confronté à la terrible dérive des extravagances liturgiques sous couvert du nouveau rite. Présenter la question de la messe et de la liturgie comme « un simple drapeau agité pour mobiliser des braves gens [sic] et leur faire croire qu’il s’agit du véritable enjeu », c’est, en cette année de l’Eucharistie, ignorer coupablement les écrits répétés du futur pape et plus encore la réalité de la crise de l’Eglise avec « le bateau qui prend l’eau de toutes parts »...
La question de Vatican II, concile pastoral et non dogmatique, avec ses points litigieux (comme le nœud gordien de la liberté religieuse) n’en demeure pas moins essentielle. Encore faut-il la présenter en des termes convenables. On n’a certainement pas attendu ce concile, comme le laisse accroire Mgr Vingt-Trois, pour affirmer que « l’Eglise est missionnaire ou elle n’existe pas ». Une certaine façon « officielle » de comprendre la liberté religieuse, l’œcuménisme et le dialogue interreligieux, selon des concepts issus du concile, nous ont même plutôt fait entendre et constater que l’Eglise renonçait au prosélytisme au sens propre (zèle déployé pour répandre la foi) et donc à l’esprit missionnaire, du moins au sens traditionnel.
Les traditionalistes qui dénoncent la liberté religieuse ne la demandent pas pour l’Eglise selon son interprétation libérale et laïciste. Ils la demandent parce que c’est son droit, et ce droit, l’Eglise ne le tient pas du principe de laïcité, mais de sa nature même qui est surnaturelle !
« Il faudra faire admettre aux autorités romaines que nous ne pouvons suivre sans de sérieuses restrictions l’interprétation que l’on donne du concile et l’œcuménisme tel qu’il est pratiqué », déclare précisément Mgr Fellay dans un entretien accordé à DICI (www.dici.org) relatant sa rencontre avec Benoît XVI.
« “Mauvaise interprétation” et “déformations” ne signifie pas rejet entier, commente Yves Chiron dans Alethéia (www.aletheia.free.fr). Qui ajoute : On en reviendrait ainsi à un des points de l’accord, éphémère, du 4 mai 1988 : “A propos de certains points enseignés par le concile Vatican II [..] et qui nous paraissent difficilement conciliables avec la tradition, nous nous engageons à avoir une attitude positive d’étude et de communication avec le Siège apostolique, en évitant toute polémique.” » En présentant en bloc des entités « non négociables », il ne faudrait pas que Mg Ricard et Mgr Vingt-Trois soient plus papistes que le Pape !
RÉMI FONTAINE
Archevêque de Paris depuis février dernier, Mgr Vingt-Trois est questionné dans Le Figaro de jeudi comme « traditionnel interlocuteur catholique du gouvernement, avec peu d’autres évêques » et comme « observateur de la société française » : « pas de ceux qui manient la langue de bois »... Concernant la crise de l’Eglise, il apparaît pourtant qu’il a bien conservé cette langue de buis, toute faite de clichés et d’a priori, j’allais dire dogmatiques...
Interrogé sur la demande de Mgr Fellay, supérieur de la Fraternité Saint-Pie X, d’un plus grand droit de cité de la messe traditionnelle, sa réponse fuse aussitôt, à l’identique mais plus cinglante et méprisante encore que celle de Mgr Ricard (Présent des 1er et 9 septembre) :
— On sait bien que le dialogue avec la Fraternité Saint-Pie X n’est pas d’abord conditionné par la liturgie.
Cette question est un simple drapeau agité pour mobiliser des braves gens et leur faire croire qu’il s’agit du véritable enjeu. A Paris, l’autorisation de célébrer selon la liturgie tridentine existe depuis près de vingt ans. La pratique en est large et généreuse [sic], sans que cela fasse pourtant bouger grand monde de la Fraternité Saint-Pie X.. Le problème est bien ailleurs... Il réside dans leur refus du concile Vatican II, du dialogue interreligieux et du respect dû par tous à la conscience personnelle, dont ils se réclament pourtant pour contester la position de l’Eglise...
Contrairement à d’autres diocèses, la liturgie traditionnelle existe peut-être depuis près de vingt ans à Paris, mais sous forme de trois « réserves d’Indiens » (Saint-Eugène, Sainte- Odile, N.-D. du Lys), sous conditions, sous le régime arbitraire, offensant et humiliant, de la tolérance et de l’autorisation préalable. Régime offensant d’abord pour la messe elle-même, issue de la foi de l’Eglise, confirmée par vingt conciles œcuméniques, comme le rappelait Jean Madiran : « La question de la messe se pose essentiellement par rapport à la messe. Il ne s’agit pas d’abord de répondre plus ou moins aux réclamations de “groupes traditionalistes” : eux-mêmes d’ailleurs ne mettent pas en avant leur “sensibilité”. Il s’agit plutôt de rendre à la messe l’honneur, la place, le respect qui lui sont dus. »
On est très loin de « la pratique large et généreuse » qu’invoque Mgr Vingt-Trois, contrairement à ce qu’a convenu à plusieurs reprises le cardinal Ratzinger confronté à la terrible dérive des extravagances liturgiques sous couvert du nouveau rite. Présenter la question de la messe et de la liturgie comme « un simple drapeau agité pour mobiliser des braves gens [sic] et leur faire croire qu’il s’agit du véritable enjeu », c’est, en cette année de l’Eucharistie, ignorer coupablement les écrits répétés du futur pape et plus encore la réalité de la crise de l’Eglise avec « le bateau qui prend l’eau de toutes parts »...
La question de Vatican II, concile pastoral et non dogmatique, avec ses points litigieux (comme le nœud gordien de la liberté religieuse) n’en demeure pas moins essentielle. Encore faut-il la présenter en des termes convenables. On n’a certainement pas attendu ce concile, comme le laisse accroire Mgr Vingt-Trois, pour affirmer que « l’Eglise est missionnaire ou elle n’existe pas ». Une certaine façon « officielle » de comprendre la liberté religieuse, l’œcuménisme et le dialogue interreligieux, selon des concepts issus du concile, nous ont même plutôt fait entendre et constater que l’Eglise renonçait au prosélytisme au sens propre (zèle déployé pour répandre la foi) et donc à l’esprit missionnaire, du moins au sens traditionnel.
Les traditionalistes qui dénoncent la liberté religieuse ne la demandent pas pour l’Eglise selon son interprétation libérale et laïciste. Ils la demandent parce que c’est son droit, et ce droit, l’Eglise ne le tient pas du principe de laïcité, mais de sa nature même qui est surnaturelle !
« Il faudra faire admettre aux autorités romaines que nous ne pouvons suivre sans de sérieuses restrictions l’interprétation que l’on donne du concile et l’œcuménisme tel qu’il est pratiqué », déclare précisément Mgr Fellay dans un entretien accordé à DICI (www.dici.org) relatant sa rencontre avec Benoît XVI.
« “Mauvaise interprétation” et “déformations” ne signifie pas rejet entier, commente Yves Chiron dans Alethéia (www.aletheia.free.fr). Qui ajoute : On en reviendrait ainsi à un des points de l’accord, éphémère, du 4 mai 1988 : “A propos de certains points enseignés par le concile Vatican II [..] et qui nous paraissent difficilement conciliables avec la tradition, nous nous engageons à avoir une attitude positive d’étude et de communication avec le Siège apostolique, en évitant toute polémique.” » En présentant en bloc des entités « non négociables », il ne faudrait pas que Mg Ricard et Mgr Vingt-Trois soient plus papistes que le Pape !
RÉMI FONTAINE