Léon-Francis Lebry - Fraternité Matin (Abidjan) - 6 février 2006
Benoît XVI envisagerait sérieusement de lever l'ex-communication qui frappe les " Lefebvristes " depuis 1988. C'est ce qu'a rapporté, en fin de semaine dernière, le quotidien italien " Il Giornale ".
Si cette information est vraie, l'acte du nouveau pape serait un geste fort dans l'unité de l'église catholique. On se souvient que l'ex-communication, une sanction qui a frappé Mgr Marcel Lefebvre, ancien archevêque de Dakar (Sénégal) et évêque de Tulle (du côté de Lille en France) ainsi que ses partisans (prêtres et fidèles), leur a été infligée en 1988 par le Vatican. Parce que cet évêque français, qui avait participé au concile Vatican II (convoqué en décembre 1961 par le pape Jean XXIII, puis repris après sa mort en juin 1963, par le pape Paul VI en septembre de la même année) s'était opposé à certaines réformes conciliaires, principalement la réforme liturgique et la liberté religieuse. Dans le premier cas, le prélat refusait que le concile, sous l'autorité du pape Paul VI, décide de mettre fin à la célébration de la messe de Saint Pie V appelée encore " messe de toujours ", c'est-à-dire la messe en latin selon l'ancien missel conçu à la suite du concile de Trente et qui représente une liturgie millénaire.
Mgr Lefebvre voulait donc que l'église catholique garde la liturgie traditionnelle qui consacre la dignité du rite ancien. Alors qu'à l'issue du concile Vatican II, il était désormais recommandé de célébrer selon le " Novus ordo missae ", c'est-à-dire une nouvelle messe selon un nouveau missel, intégrant l'usage des langues nationales.
Dans le second cas, le prélat français, récusait la Déclaration " Dignitatis humanae " qui proclamait que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Constant dans sa position doctrinale, Mgr Lefebvre va donc progressivement se séparer (sans toutefois rompre le lien) des positions post-conciliaires. Quant à l'ex-communication, elle n'interviendra que lorsque l'évêque posera ce qui sera jugé comme " l'acte schismatique ", le 30 juin 1988 en procédant à l'ordination épiscopale de quatre prêtres restés fidèles à la posture doctrinale de la " Tradition ". Il les avait consacrés sans l'accord du Vatican, comme c'est la coutume avant toute élévation à l'épiscopat. L'acte de Mgr Lefebvre fut déclaré illégal et les nouveaux évêques, déclarés comme illégalement ordonnés. L'ex-communication avait été prononcée après une sanction précédente, le " suspens a divinis " qu'il avait déjà écopé en 1976 lorsqu'il fit des ordinations sacerdotales. Désormais, la défense pontificale avai t changé de nature et de degré, même si Mgr Lefebvre avait expliqué que pour les nouveaux évêques, il l'avait fait " contraint et forcé par les circonstances " au motif que s'il venait à disparaître, ses futurs prêtres (il avait créé des " séminaires de la Tradition ") n'auraient pas d'évêques pour les ordonner.
Depuis la cérémonie du 30 juin 1988, et bien que le Vatican ait manifesté clairement son désaccord, des négociations avaient été engagées entre les deux parties. Rome voulait une réconciliation, alors que Ecône (siège de la Tradition) voulait une reconnaissance. Dans " l'affaire Lefebvre ", l'actuel pape a joué un rôle important.
Le cardinal Ratzinger qu'il était alors, avait d'abord essayé de dissuader Mgr Lefebvre, qui en avait averti le Vatican dès 1987, de sacrer " ses " évêques " sans que le choix des candidats proposés à l'épiscopat et de la date de leur consécration n'ait été du seul ressort du pape Jean-Paul II. A cette date, le cardinal avait également rappelé l'obéissance due au souverain pontife et au magistère de l'église. En fait, à Rome, on souhaitait que la " Tradition " réintègre l'église conciliaire en acceptant le concile et les réformes post-conciliaires. En d'autres termes, le retour de la brebis égarée dans la bergerie. Mais, devant ce que Mgr Lefebvre a cru percevoir comme des " réponses évasives " à ses propositions (dates d'ordination et candidats) et comme des réticences de la part de Rome, non seulement la réconciliation avait avorté, mais il avait fini par ordonner ses quatre évêques.
En octobre 1998, me trouvant en Suisse, j'avais saisi l'occasion de la bénédiction solennelle de l'église d'Ecône où s'étaient rassemblés évêques, prêtres, religieuses, séminaristes et fidèles catholiques de la " Tradition " pour rencontrer et interviewer Mgr Bernard Fellay, le superviseur général de la Fraternité Saint Pie X, créé par Mgr Lefebvre pour mieux comprendre la situation et son évolution. Cet évêque (un des quatre ordonnés par Mgr Lefebvre m'avait assuré que les contacts entre eux et Rome étaient très réguliers. Que les discussions avec le Vatican se poursuivaient. Que le Cardinal Ratzinger qui continuait de jouer un rôle important dans ces discussions avait même parlé de " deux églises en une " (Frat Mat du 28 octobre 1998). Et qu' "avec le Pape Jean-Paul II, tout est encore possible, parce que nous le reconnaissons comme Pape, chef de l'église catholique et vicaire du Christ ".
L'ancien cardinal Ratzinger, nouveau pape Benoît XVI, élu sur le siège de Pierre en a vril 2005, montre donc à nouveau son ouverture au dialogue avec l'Eglise catholique de la Tradition. En août, cinq mois après son élection, des informations émanant de la Curie indiqueraient que le dialogue avait été renoué entre le Vatican et la Fraternité Saint Pie X. Et que pour le confirmer, le pape Benoît XVI avait reçu en sa résidence d'été de Castelgrandolfo, Mgr Bernard Fellay, le supérieur général de la Fraternité et successeur de Mgr Lefebvre. A cette occasion, avait été soulignée la volonté de poursuivre les contacts. Le pape Benoît XVI, qui avait lui-même suivi comme expert le concile Vatican II, connaît bien les positions de Mgr Lefebvre ; il en a ensuite suivi, comme archevêque et comme cardinal, les choses.
Aujourd'hui, indique-t-on, la Fraternité Saint Pie X, c'est quatre évêques, 480 prêtres et elle est présenté dans 59 pays dont ceux d'Afrique. Benoît XVI qui ne s'est jamais départi d'un réalisme certain et qui est resté attaché à la doctrine autant qu'à la splendeur de la liturgie, a donc décidé d'oublier la " séparation " pour favoriser l'unité au sein de l'Eglise catholique. Il reste fidèle à sa responsabilité de " Père de l'église ". La réconciliation a donc de beaux jours devant elle.
Benoît XVI envisagerait sérieusement de lever l'ex-communication qui frappe les " Lefebvristes " depuis 1988. C'est ce qu'a rapporté, en fin de semaine dernière, le quotidien italien " Il Giornale ".
Si cette information est vraie, l'acte du nouveau pape serait un geste fort dans l'unité de l'église catholique. On se souvient que l'ex-communication, une sanction qui a frappé Mgr Marcel Lefebvre, ancien archevêque de Dakar (Sénégal) et évêque de Tulle (du côté de Lille en France) ainsi que ses partisans (prêtres et fidèles), leur a été infligée en 1988 par le Vatican. Parce que cet évêque français, qui avait participé au concile Vatican II (convoqué en décembre 1961 par le pape Jean XXIII, puis repris après sa mort en juin 1963, par le pape Paul VI en septembre de la même année) s'était opposé à certaines réformes conciliaires, principalement la réforme liturgique et la liberté religieuse. Dans le premier cas, le prélat refusait que le concile, sous l'autorité du pape Paul VI, décide de mettre fin à la célébration de la messe de Saint Pie V appelée encore " messe de toujours ", c'est-à-dire la messe en latin selon l'ancien missel conçu à la suite du concile de Trente et qui représente une liturgie millénaire.
Mgr Lefebvre voulait donc que l'église catholique garde la liturgie traditionnelle qui consacre la dignité du rite ancien. Alors qu'à l'issue du concile Vatican II, il était désormais recommandé de célébrer selon le " Novus ordo missae ", c'est-à-dire une nouvelle messe selon un nouveau missel, intégrant l'usage des langues nationales.
Dans le second cas, le prélat français, récusait la Déclaration " Dignitatis humanae " qui proclamait que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Constant dans sa position doctrinale, Mgr Lefebvre va donc progressivement se séparer (sans toutefois rompre le lien) des positions post-conciliaires. Quant à l'ex-communication, elle n'interviendra que lorsque l'évêque posera ce qui sera jugé comme " l'acte schismatique ", le 30 juin 1988 en procédant à l'ordination épiscopale de quatre prêtres restés fidèles à la posture doctrinale de la " Tradition ". Il les avait consacrés sans l'accord du Vatican, comme c'est la coutume avant toute élévation à l'épiscopat. L'acte de Mgr Lefebvre fut déclaré illégal et les nouveaux évêques, déclarés comme illégalement ordonnés. L'ex-communication avait été prononcée après une sanction précédente, le " suspens a divinis " qu'il avait déjà écopé en 1976 lorsqu'il fit des ordinations sacerdotales. Désormais, la défense pontificale avai t changé de nature et de degré, même si Mgr Lefebvre avait expliqué que pour les nouveaux évêques, il l'avait fait " contraint et forcé par les circonstances " au motif que s'il venait à disparaître, ses futurs prêtres (il avait créé des " séminaires de la Tradition ") n'auraient pas d'évêques pour les ordonner.
Depuis la cérémonie du 30 juin 1988, et bien que le Vatican ait manifesté clairement son désaccord, des négociations avaient été engagées entre les deux parties. Rome voulait une réconciliation, alors que Ecône (siège de la Tradition) voulait une reconnaissance. Dans " l'affaire Lefebvre ", l'actuel pape a joué un rôle important.
Le cardinal Ratzinger qu'il était alors, avait d'abord essayé de dissuader Mgr Lefebvre, qui en avait averti le Vatican dès 1987, de sacrer " ses " évêques " sans que le choix des candidats proposés à l'épiscopat et de la date de leur consécration n'ait été du seul ressort du pape Jean-Paul II. A cette date, le cardinal avait également rappelé l'obéissance due au souverain pontife et au magistère de l'église. En fait, à Rome, on souhaitait que la " Tradition " réintègre l'église conciliaire en acceptant le concile et les réformes post-conciliaires. En d'autres termes, le retour de la brebis égarée dans la bergerie. Mais, devant ce que Mgr Lefebvre a cru percevoir comme des " réponses évasives " à ses propositions (dates d'ordination et candidats) et comme des réticences de la part de Rome, non seulement la réconciliation avait avorté, mais il avait fini par ordonner ses quatre évêques.
En octobre 1998, me trouvant en Suisse, j'avais saisi l'occasion de la bénédiction solennelle de l'église d'Ecône où s'étaient rassemblés évêques, prêtres, religieuses, séminaristes et fidèles catholiques de la " Tradition " pour rencontrer et interviewer Mgr Bernard Fellay, le superviseur général de la Fraternité Saint Pie X, créé par Mgr Lefebvre pour mieux comprendre la situation et son évolution. Cet évêque (un des quatre ordonnés par Mgr Lefebvre m'avait assuré que les contacts entre eux et Rome étaient très réguliers. Que les discussions avec le Vatican se poursuivaient. Que le Cardinal Ratzinger qui continuait de jouer un rôle important dans ces discussions avait même parlé de " deux églises en une " (Frat Mat du 28 octobre 1998). Et qu' "avec le Pape Jean-Paul II, tout est encore possible, parce que nous le reconnaissons comme Pape, chef de l'église catholique et vicaire du Christ ".
L'ancien cardinal Ratzinger, nouveau pape Benoît XVI, élu sur le siège de Pierre en a vril 2005, montre donc à nouveau son ouverture au dialogue avec l'Eglise catholique de la Tradition. En août, cinq mois après son élection, des informations émanant de la Curie indiqueraient que le dialogue avait été renoué entre le Vatican et la Fraternité Saint Pie X. Et que pour le confirmer, le pape Benoît XVI avait reçu en sa résidence d'été de Castelgrandolfo, Mgr Bernard Fellay, le supérieur général de la Fraternité et successeur de Mgr Lefebvre. A cette occasion, avait été soulignée la volonté de poursuivre les contacts. Le pape Benoît XVI, qui avait lui-même suivi comme expert le concile Vatican II, connaît bien les positions de Mgr Lefebvre ; il en a ensuite suivi, comme archevêque et comme cardinal, les choses.
Aujourd'hui, indique-t-on, la Fraternité Saint Pie X, c'est quatre évêques, 480 prêtres et elle est présenté dans 59 pays dont ceux d'Afrique. Benoît XVI qui ne s'est jamais départi d'un réalisme certain et qui est resté attaché à la doctrine autant qu'à la splendeur de la liturgie, a donc décidé d'oublier la " séparation " pour favoriser l'unité au sein de l'Eglise catholique. Il reste fidèle à sa responsabilité de " Père de l'église ". La réconciliation a donc de beaux jours devant elle.