SOURCE - Nicolas Senèze - La Croix - 16 février 2007
S'il n'y a qu'un seul rite romain et une seule foi catholique, il existe deux manières de célébrer la messe avec la différence fondamentale qu'autrefois, les fidèles "assistaient" à la messe, aujourd'hui ils y "participent"
Qu’est-ce la messe tridentine ?
En 1570, par la bulle Quo primum tempore, le pape Pie V promulgue un nouveau missel. Il répond ainsi au désir du concile de Trente, terminé sept ans plus tôt, d’unifier la liturgie de l’Église catholique latine.
Mais il s’agit d’une étape dans une longue continuité depuis les premiers missels apparus à la fin du Ve siècle : ce missel dit « de saint Pie V » connaîtra lui-même de nombreux amendements. Ainsi Pie XII réforma-t-il en profondeur les offices de la Semaine sainte, notamment en rétablissant la veillée pascale.
Mais il s’agit d’une étape dans une longue continuité depuis les premiers missels apparus à la fin du Ve siècle : ce missel dit « de saint Pie V » connaîtra lui-même de nombreux amendements. Ainsi Pie XII réforma-t-il en profondeur les offices de la Semaine sainte, notamment en rétablissant la veillée pascale.
La dernière édition en a été publiée en 1962, sous Jean XXIII : c’est celle que les prêtres traditionalistes sont actuellement autorisés à utiliser. S’y ajoutent les rituels des sacrements en usage avant que le concile Vatican II demande une révision complète de la liturgie.
Qu’est-ce que Vatican II a voulu changer ?
En 1965, Paul VI disait aux prêtres de Rome : « Il s’agit de changer les habitudes ; (…) il s’agit, dans toute assemblée de fidèles, de donner un enseignement plus poussé concernant la prière et le culte ; (…) il s’agit en un mot d’associer le peuple de Dieu à l’action liturgique sacerdotale. » Le Concile n’a pas voulu révolutionner la liturgie. Mais, en retrouvant l’inspiration biblique, en restaurant « une noble simplicité », en revenant à « la pratique liturgique de l’Église des saints Pères », en promouvant la participation active des fidèles, la constitution Sacrosanctum Concilium entendait engager « la restauration générale de la liturgie elle-même » (n. 21).
Restauration, donc, et non pas révolution. C’est ce que souligne très clairement Paul VI dans la constitution apostolique Missale romanum par laquelle, en 1969, il promulgue le nouveau Missel romain : il y parle de l’« adaptation » de celui-ci « aux besoins de notre époque » (n. 2).
Le latin est-il réservé à l’ancien rite ?
« La célébration liturgique se fera en latin ou dans une autre langue, pourvu que les textes liturgiques aient été légitimement approuvés », précise le code de droit canonique (1983, c. 928), rappelant que le latin reste en quelque sorte la langue officielle de l’Église catholique.
Ainsi tout prêtre peut légitimement célébrer la messe en latin selon le missel de Paul VI, ce qui est souvent le cas lors de rassemblements internationaux. En outre, c’est en latin que sont publiées les éditions de référence – dites « typiques » – des textes liturgiques. Il faut toutefois rappeler que le latin n’est apparu qu’à la fin du IVe siècle dans la liturgie romaine. Jusqu’alors, celle-ci était principalement célébrée en grec : ce que rappelle le Kyrie eleison (« Seigneur prend pitié ») lors de la préparation pénitentielle.
Quelles différences y a-t-il entre le rite « de saint Pie V » et celui « de Paul VI » ?
Pour les spécialistes de la liturgie, il n’y a qu’un seul rite romain, qui peut se célébrer de deux manières : c’est la même foi catholique qui y est exprimée. Il existe toutefois une différence essentielle entre les deux missels : « Le Missel de Trente prévoit la manière dont le prêtre doit dire “sa” messe , souligne un théologien. Celui de Vatican II, pour sa part, commence par ces mots : “Lorsque le peuple est rassemblé…” L’un est le livre du prêtre, l’autre souhaite que la communauté chrétienne puisse entrer au mieux dans la prière de l’Église, pour la gloire de Dieu et sa propre édification. » En d’autres termes : autrefois, les fidèles «assistaient» à la messe , aujourd’hui ils y «participent».
Selon les traditionalistes, cette insistance sur la dimension communautaire et la participation active des fidèles aurait abouti à gommer la présence du sacrifice de la croix et l’adoration envers la présence réelle, qui seraient mieux exprimées dans la messe tridentine.
Qui peut célébrer la messe tridentine ?
« En promulguant l’édition officielle du Missel romain, Notre prédécesseur saint Pie V présentait celui-ci au peuple chrétien comme un instrument de l’unité liturgique et un témoin du culte authentique dans l’Église. (…) Nous espérons cependant que ce missel sera reçu, lui aussi, par les chrétiens comme un signe et un instrument d’unité », écrit Paul VI dans Missale romanum.
Il laisse ainsi penser que le nouveau Missel remplace purement et simplement l’ancien, dans la continuité duquel il se place. Toutefois, certains relèvent que Paul VI n’a jamais formellement abrogé l’ancien Missel, qui serait ainsi resté en vigueur.
Depuis 1984, les évêques ont la possibilité de « permettre aux prêtres et aux fidèles, (…) de célébrer la Messe en utilisant le Missel Romain édité officiellement en 1962 ». Il s’agit d’un indult, une permission spéciale dérogeant à la règle générale. En 1988, dans le motu proprio Ecclesia Dei adflicta, publié après le schisme de Mgr Lefebvre, Jean-Paul II avait demandé aux évêques une « application large et généreuse » de ces dispositions.
Nicolas SENEZE
Nicolas SENEZE