18 août 2007

[Jeanne Smits - Présent] Deux nouveaux prêtres au Barroux

Jeanne Smits - Présent - 18 août 2007

Père Albéric, Père Robert… L’abbaye Sainte-Madeleine compte, depuis samedi, deux nouveaux moines-prêtres, ordonnés par l’évêque de Vannes, Mgr Raymond Centène. Est-il possible de rendre compte d’une cérémonie aussi émouvante, aussi simple, aussi solennelle, avec de simples mots humains ? Au risque de tomber dans le cliché : c’était le ciel sur la terre. Mais comment exprimer autrement cette réalité si saisissante de Notre Seigneur appelant ses amis pour devenir d’autres Lui-même en se configurant à Lui ?
 
Le parfait ordonnancement liturgique, les mouvements hiératiques, mais sans aucune grandiloquence, la pureté du grégorien ornant la sobriété toute romane de la pierre de Provence, tout cela concourait à fixer l’attention sur l’essentiel : le Christ, représenté par son évêque tout tendu vers ces instants terribles où il allait conférer à deux jeunes moines le pouvoir d’offrir le Saint Sacrifice, de remettre ou de retenir les péchés.
 
Aussi le temps n’a-t-il pas semblé long, y compris pour les plus jeunes, parfois même les très jeunes enfants qui, dans une tranquillité quasi miraculeuse, ont suivi à leur façon les étapes si pédagogiques de l’ordination selon le rite traditionnel.
En viendront-ils à oublier un jour la longue prostration des ordinands pendant le chant solennel des litanies, qui rend presque palpable tout le sens de la communion des saints ? J’ose espérer que non, car elle dit tout du prêtre, enseignant qu’ils ont choisi de servir dans une parfaite docilité à Dieu et dans une humilité totale, et qu’à cause de cela le respect et la reconnaissance doivent l’entourer.
 
Prêtres ; mais aussi moines. Samedi, nous avons revécu le double attrait de cette tradition bénédictine : celui de la louange divine conçue comme l’unique raison de vivre, et aussi l’idée d’un ancrage dans les racines qui nous ont faits, nous autres « Européens ».
 
Nous aurons tous été très marqués, aussi, par le sermon de Mgr Centène. Ayant souligné à quel point nos paroisses françaises, ses paroisses, manquent de prêtres, combien notre monde qui s’enfonce dans le péché et le refus de Dieu aurait besoin d’hommes pour porter le Christ au peuple affamé et assoiffé, il a fait mine de se demander si l’ordination d’un moine lié par son vœu de stabilité, par sa vie en dehors du monde était bien « utile ».
Et de tourner son regard, et les nôtres, vers la Croix. Les bras en croix, le Christ ne pouvait plus bénir. La bouche désséchée par la soif de son agonie, il ne pouvait plus parler, il ne pouvait plus enseigner. Les pieds cloués sur la croix, il ne pouvait plus marcher pour porter la Bonne Nouvelle, comme il l’avait fait en Galilée. C’était pourtant le moment du sacrifice, le sommet de sa vie, le moment où, muet, immobile et souffrant, élevé de terre, il a attiré tout homme à lui.
 
C’est pourquoi Mgr Centène a voulu montrer que les moines-prêtres d’une abbaye bénédictine sont témoins de l’essentiel et, à ce titre, à travers ce qu’ils sont et non ce qu’ils font, des ferments d’évangélisation. Parce qu’ils nous relient à Dieu. Parce qu’ils sont « prêtres et hosties », à l’exemple de Celui auquel ils se conforment.

JEANNE SMITS

Article extrait du n° 6402 de Présent, du Samedi 18 août 2007