Abbé de Tanoüarn - Présent - 29 février 2008
Je ne surprendrais personne en disant que Dom Gérard était essentiellement un artiste. Les artistes réussissent rarement dans l’Eglise, ces temps-ci. La fantaisie n’y est pas très bien portée. Lui a réalisé une œuvre belle, une œuvre dont le rayonnement est mondial. A sa manière de moine bénédictin, suivant la tradition bénédictine, il a manifesté dans la pierre et aussi à travers les fresques d’Albert Gérard et les œuvres de son Ecole, que la vieille alliance entre l’Eglise et la culture était toujours vivante. Cette alliance a fait la contre-réforme au XVIème siècle ; c’est sur cette alliance renouvelée, au XXème siècle, que, par la volonté expresse de son fondateur, s’est construit le Monastère Sainte-Madeleine du Barroux. On peut dire que Dom Gérard a voulu exprimer dans la pierre, avec l’intuition qui était la sienne, ce qu’il avait vécu dans le compagnonnage avec les frères Charlier et aussi dans cette aventure intellectuelle de la Revue Itinéraires, au sein de laquelle il se voulait le “minimus actor” et où il a été surtout, numéro après numéro, le “fidelis compar”.
« La beauté sauvera le monde » avait dit Dostoievski. C’est la beauté de la liturgie, la beauté des sermons qu’il donnait, la beauté de l’architecture, inspirée de l’église abbatiale de Payerne en Suisse, la belle réalisation du Bulletin de l’abbaye qui a imposé, malgré bien des résistances, l’abbatiale du Barroux comme l’un des grands vaisseaux de l’Eglise du XXIème siècle.
A propos de cette abbatiale, à laquelle Dom Gérard tenait comme à la prunelle de ses yeux, j’ai une anecdote, dont je suis sans doute seul à me souvenir. C’était en des temps fort anciens. On disait la messe dans la crypte au Barroux. Nous étions, nous autres séminaristes d’Ecône, en session de grégorien. Session mémorable, que je ne raconterais pas ! C’était une belle fin de journée d’une fin d’été provençale. On apporte à Dom Gérard – enfin – la maquette magnifique de ce qui sera dans quelques mois l’église du Monastère. Pourquoi le nier ? Nous étions éblouis ! Tous, mais pas Dom Gérard ! « L’autel est trop petit » dit-il immédiatement sur un ton de reproche. Nous avions déjà eu des retraites ou des prédications de Dom Gérard. Nous sentions quelque chose de différent : Est secretum Valeriane… Il fallait l’entendre commenter cette antienne grégorienne. Il nous en parlait donc. Mais il ne nous disait pas son secret ! Je crois que c’est ce soir-là que ce secret, à défaut de le pénétrer, je l’ai compris ! Et respecté !
Abbé G. de Tanoüarn