L’étape nouvelle que connaissent les relations entre la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X et le Saint-Siège fait, comme d’habitude, l’objet d’une piètre présentation dans la presse française. Elle confond les enjeux et reprend, en les agrémentant d’interprétations erronées, les dépêches des agences de presse. La presse italienne, notamment Il Giornale, est beaucoup mieux informée.
Sans faire dire aux documents ce qu’ils ne disent pas et en considérant que, du côté de la FSSPX comme du côté du Saint-Siège, tous les documents échangés ne sont pas connus, on peut tenter de dresser, à ce jour, un état des lieux provisoire. À partir de divers articles de la presse italienne, des textes publiés par la FSSPX et d’informations reçues de sources romaines, on peut, sans préjuger du résultat des discussions en cours, essayer d’apporter quelques lumières.
En 2000, à l’occasion du Grand Jubilé, le cardinal Castrillon Hoyos, président de la Commission pontificale « Ecclesia Dei » a, de sa propre initiative, renoué les relations avec la FSSPX. Il a reçu pour un déjeuner les évêques de la FSPPX en août 2000, le 29 décembre suivant il proposait à Mgr Fellay un projet d’« accord entre Rome et la Fraternité » et, le lendemain, il faisait se rencontrer brièvement Jean-Paul II et le Supérieur général de la FSSPX dans la Chapelle privée du pape.
En août 2005, Benoît XVI, élu au Souverain Pontificat quelques mois auparavant, a tenté de réactiver le dialogue en recevant le Supérieur général de la FSSPX. Son discours, de décembre 2005, sur « l’herméneutique de la continuité » à appliquer au concile Vatican II et le motu proprio, du 07.07.2007, libéralisant la messe traditionnelle, ont été, de la part du nouveau pape, des initiatives qui resteront comme des actes historiques décisifs.
Après huit ans d’un dialogue, qui a connu des périodes de latence du côté de la Fraternité, une rencontre importante a eu lieu le 4 juin dernier entre Mgr Fellay et le cardinal Castrillon Hoyos. Dès 2000, la FSSPX avait posé, comme un des préalables à toute réconciliation, la levée des excommunications portées en juin 1988. À cette demande, réitérée, le cardinal Castrillon Hoyos a répondu lors de la rencontre du 4 juin 2008 par un préalable en cinq points.
En voici le texte complet :
On remarquera qu’il n’est pas question, dans ces cinq « conditions », d’engagement exigé de la FSSPX à adhérer explicitement aux enseignements de Vatican II et à reconnaître l’orthodoxie du nouvel Ordo Missæ.
Si la nouvelle de cette rencontre du 4 juin s’est répandue, discrètement mais très vite, son objet n’a été connu, de manière partielle, que récemment. La FSSPX avait déjà donné des réponses, provisoires (?), aux conditions posées par le cardinal Castrillon Hoyos.
Les réponses de la FSSPX
Le 20 juin dernier, lors de la cérémonie des ordinations au séminaire de Winona, aux Etats-Unis, Mgr Fellay a prononcé un sermon durant lequel il a longuement évoqué les discussions en cours avec le Saint-Siège. Il a qualifié d’ « ultimatum » les conditions posées par le cardinal Castrillon Hoyos et les a résumées en une injonction qui serait adressée à la FSSPX : «Shut up» («Taisez-vous»).
Dans ce sermon, Mgr Fellay a laissé comprendre que sa réponse serait négative et que le temps de la levée des excommunications n’était peut-être pas encore arrivé : «Mon impression, pour le moment, est que nous pouvons encore attendre longtemps, et peut-être même très longtemps.»
Dans le même temps, Le Chardonnet, le bulletin de l’église Saint-Nicolas du Chardonnet à Paris, a consacré un dossier spécial aux sacres épiscopaux accomplis, il y a vingt ans, par Mgr Lefebvre. Les différents articles de ce numéro, rédigés pour nombre d’entre eux par l’abbé Chautard, visent non seulement à justifier ces sacres épiscopaux, mais surtout à montrer que les traditionalistes qui se sont séparés de la FSSPX à cette époque, ou plus récemment (Institut du Bon Pasteur, par exemple), ont commis une erreur grave.
Un article attire particulièrement l’attention. Il est intitulé : « le ministère critique de la Fraternité ». De manière traditionnelle, la FSSPX, à la suite de Mgr Lefebvre, parlait de son « ministère de suppléance ». Désormais, la FSSPX semble se poser davantage encore en gardienne ultime de la Tradition et considère que « la condamnation de l’erreur » fait partie intégrante de sa mission. Y compris vis-à-vis de Rome.
L’abbé Chautard écrit :
L’abbé Chautard, au début de son article, fait référence au « silence respectueux » demandé à la FSSPX. Son texte, qui a été rédigé sans doute peu avant le sermon de Mgr Fellay du 20 juin, s’inscrit dans une même argumentation qui peut se résumer ainsi : la FSSPX ne peut se taire quand la foi est en danger et se doit d’exercer un « ministère critique ». En théologie, le mot ministère a un sens précis. C’est un « service » et une médiation. Par ce mot de « ministère critique », la FSSPX innove et s’attribue une fonction inédite.
Comme Mgr Fellay qui refuse le « Shut up » que demanderait le Saint-Siège, l’abbé Chautard estime que la FSSPX ne peut garder « un silence respectueux sur les erreurs modernes répandues par les autorités tout en prêchant la bonne doctrine ». Il écrit : « A vrai dire, le silence respectueux n’est moralement possible que pour éviter un mal pire. L’histoire de saint Pie X nous en fournit un exemple avec l’Action Française, quand il estimait qu’une condamnation était inopportune et aurait entraîné bien plus d’inconvénients que d’avantages. Or, dans le cas présent, les circonstances sont telles que l’inconvénient qui résulte du silence (la négligence pour le bien commun de la foi et le scandale pour les fidèles) est pire que l’inconvénient qui résulte de la dénonciation de l’erreur (la mise apparente au ban de la société visible de l’Eglise conciliaire). »
Il est probable que Mgr Fellay donnera une réponse, plus développée, aux « conditions » posées par Rome lors de la messe des ordinations qui aura lieu à Ecône, dans deux jours, le 27 juin.
Sans préjuger du contenu définitif de cette réponse, on peut remarquer que, jusqu’à aujourd’hui, la FSSPX considère que le moment de la réconciliation n’est pas encore venu parce que, selon elle, « Rome n’est pas encore retournée pleinement à la Tradition ». À ceux qui considèrent que Benoît XVI, et ce qu’il a déjà accompli comme pape, représentent un kairos (un « moment favorable » au sens biblique, voulu par Dieu), Mgr Fellay répète : « Sans crainte, nous attendrons des temps meilleurs » (sermon du 20.06.2008).
Sans faire dire aux documents ce qu’ils ne disent pas et en considérant que, du côté de la FSSPX comme du côté du Saint-Siège, tous les documents échangés ne sont pas connus, on peut tenter de dresser, à ce jour, un état des lieux provisoire. À partir de divers articles de la presse italienne, des textes publiés par la FSSPX et d’informations reçues de sources romaines, on peut, sans préjuger du résultat des discussions en cours, essayer d’apporter quelques lumières.
En 2000, à l’occasion du Grand Jubilé, le cardinal Castrillon Hoyos, président de la Commission pontificale « Ecclesia Dei » a, de sa propre initiative, renoué les relations avec la FSSPX. Il a reçu pour un déjeuner les évêques de la FSPPX en août 2000, le 29 décembre suivant il proposait à Mgr Fellay un projet d’« accord entre Rome et la Fraternité » et, le lendemain, il faisait se rencontrer brièvement Jean-Paul II et le Supérieur général de la FSSPX dans la Chapelle privée du pape.
En août 2005, Benoît XVI, élu au Souverain Pontificat quelques mois auparavant, a tenté de réactiver le dialogue en recevant le Supérieur général de la FSSPX. Son discours, de décembre 2005, sur « l’herméneutique de la continuité » à appliquer au concile Vatican II et le motu proprio, du 07.07.2007, libéralisant la messe traditionnelle, ont été, de la part du nouveau pape, des initiatives qui resteront comme des actes historiques décisifs.
Après huit ans d’un dialogue, qui a connu des périodes de latence du côté de la Fraternité, une rencontre importante a eu lieu le 4 juin dernier entre Mgr Fellay et le cardinal Castrillon Hoyos. Dès 2000, la FSSPX avait posé, comme un des préalables à toute réconciliation, la levée des excommunications portées en juin 1988. À cette demande, réitérée, le cardinal Castrillon Hoyos a répondu lors de la rencontre du 4 juin 2008 par un préalable en cinq points.
En voici le texte complet :
Conditions qui résultent de l’entretien du 4 juin 2008 entre le Cardinal Dario Castrillon Hoyos et l’Evêque Bernard FellayCertaines tournures, maladroites ou incorrectes en français (langue originale du document), semblent trahir une certaine précipitation dans la rédaction de ce court memorandum.
1. L’engagement d’une réponse proportionnée à la générosité du Pape.
2. L’engagement d’éviter toute intervention publique qui ne respecte pas la personne du Saint-Père et qui serait négative pour la charité ecclésiale.
3. L’engagement d’éviter la prétention d’un magistère supérieur au Saint-Père et ne pas proposer la Fraternité en contraposition à l’Eglise.
4. L’engagement à démontrer la volonté d’agir honnêtement en toute charité ecclésiale et dans le respect de l’autorité du Vicaire du Christ.
5. L’engagement de respecter la date – fixée à la fin du mois de juin – pour répondre positivement. Cela sera une condition requise et nécessaire comme préparation immédiate à l’adhésion pour accomplir la pleine communion.
Dario Card. Castrillon Hoyos
On remarquera qu’il n’est pas question, dans ces cinq « conditions », d’engagement exigé de la FSSPX à adhérer explicitement aux enseignements de Vatican II et à reconnaître l’orthodoxie du nouvel Ordo Missæ.
Si la nouvelle de cette rencontre du 4 juin s’est répandue, discrètement mais très vite, son objet n’a été connu, de manière partielle, que récemment. La FSSPX avait déjà donné des réponses, provisoires (?), aux conditions posées par le cardinal Castrillon Hoyos.
Les réponses de la FSSPX
Le 20 juin dernier, lors de la cérémonie des ordinations au séminaire de Winona, aux Etats-Unis, Mgr Fellay a prononcé un sermon durant lequel il a longuement évoqué les discussions en cours avec le Saint-Siège. Il a qualifié d’ « ultimatum » les conditions posées par le cardinal Castrillon Hoyos et les a résumées en une injonction qui serait adressée à la FSSPX : «Shut up» («Taisez-vous»).
Dans ce sermon, Mgr Fellay a laissé comprendre que sa réponse serait négative et que le temps de la levée des excommunications n’était peut-être pas encore arrivé : «Mon impression, pour le moment, est que nous pouvons encore attendre longtemps, et peut-être même très longtemps.»
Dans le même temps, Le Chardonnet, le bulletin de l’église Saint-Nicolas du Chardonnet à Paris, a consacré un dossier spécial aux sacres épiscopaux accomplis, il y a vingt ans, par Mgr Lefebvre. Les différents articles de ce numéro, rédigés pour nombre d’entre eux par l’abbé Chautard, visent non seulement à justifier ces sacres épiscopaux, mais surtout à montrer que les traditionalistes qui se sont séparés de la FSSPX à cette époque, ou plus récemment (Institut du Bon Pasteur, par exemple), ont commis une erreur grave.
Un article attire particulièrement l’attention. Il est intitulé : « le ministère critique de la Fraternité ». De manière traditionnelle, la FSSPX, à la suite de Mgr Lefebvre, parlait de son « ministère de suppléance ». Désormais, la FSSPX semble se poser davantage encore en gardienne ultime de la Tradition et considère que « la condamnation de l’erreur » fait partie intégrante de sa mission. Y compris vis-à-vis de Rome.
L’abbé Chautard écrit :
« 2. Le bien de la foi postule cette condamnation publique de l’erreur quand bien même l’autorité y tomberait. […]Cette position n’est pas propre à l’abbé Chautard. On comprend bien qu’exprimée dans un dossier spécial du Chardonnet et dans le contexte actuel des discussions avec Rome, elle est un message adressé aussi bien aux fidèles qu’au Saint-Siège. Le non possumus, déjà exprimé dans un passé proche, est repris ici avec de nouveaux accents.
6. La politique qui consiste à rechercher seulement les passages traditionnels dans le Magistère (sorte de scanner intellectuel qui ne détecte que les passages traditionnels) est à la base même qui soutient l’œcuménisme : ne voir que les bons aspects des religions (pour ne pas risquer de nuire à une entente qui favoriserait le rapprochement).
7. Les fondements rationnels de notre position reposent sur la trahison de Rome et l’abandon par celle-ci de la Tradition. Ne mentionner que les bons côtés de Rome conduirait petit à petit à oublier les raisons de notre combat et à retomber insensiblement dans les erreurs combattues. »
L’abbé Chautard, au début de son article, fait référence au « silence respectueux » demandé à la FSSPX. Son texte, qui a été rédigé sans doute peu avant le sermon de Mgr Fellay du 20 juin, s’inscrit dans une même argumentation qui peut se résumer ainsi : la FSSPX ne peut se taire quand la foi est en danger et se doit d’exercer un « ministère critique ». En théologie, le mot ministère a un sens précis. C’est un « service » et une médiation. Par ce mot de « ministère critique », la FSSPX innove et s’attribue une fonction inédite.
Comme Mgr Fellay qui refuse le « Shut up » que demanderait le Saint-Siège, l’abbé Chautard estime que la FSSPX ne peut garder « un silence respectueux sur les erreurs modernes répandues par les autorités tout en prêchant la bonne doctrine ». Il écrit : « A vrai dire, le silence respectueux n’est moralement possible que pour éviter un mal pire. L’histoire de saint Pie X nous en fournit un exemple avec l’Action Française, quand il estimait qu’une condamnation était inopportune et aurait entraîné bien plus d’inconvénients que d’avantages. Or, dans le cas présent, les circonstances sont telles que l’inconvénient qui résulte du silence (la négligence pour le bien commun de la foi et le scandale pour les fidèles) est pire que l’inconvénient qui résulte de la dénonciation de l’erreur (la mise apparente au ban de la société visible de l’Eglise conciliaire). »
Il est probable que Mgr Fellay donnera une réponse, plus développée, aux « conditions » posées par Rome lors de la messe des ordinations qui aura lieu à Ecône, dans deux jours, le 27 juin.
Sans préjuger du contenu définitif de cette réponse, on peut remarquer que, jusqu’à aujourd’hui, la FSSPX considère que le moment de la réconciliation n’est pas encore venu parce que, selon elle, « Rome n’est pas encore retournée pleinement à la Tradition ». À ceux qui considèrent que Benoît XVI, et ce qu’il a déjà accompli comme pape, représentent un kairos (un « moment favorable » au sens biblique, voulu par Dieu), Mgr Fellay répète : « Sans crainte, nous attendrons des temps meilleurs » (sermon du 20.06.2008).