Parmi les interrogations que laisse entières la crise violente où l’Église catholique s’est trouvée prise en otage, celle qui concerne le contenu du concile Vatican II apparaît essentielle. Les intégristes expriment des « réserves » - et parfois beaucoup plus - à l’égard de ce dernier, et la panique semble se propager à l’autre bord : « Ne touchez pas au concile ! » Où est donc le danger ? Que l’on accorde trop aux rebelles, au point que « les acquis » de Vatican II seraient remis en cause et que prévaudrait désormais une sorte d’intransigeantisme borné, qui empêcherait tout dialogue fécond avec les interlocuteurs que les ouvertures du catholicisme postconciliaire avaient permis ? C’est manquer, singulièrement, de confiance en soi et dans les vertus d’une conversation - aurait dit Paul VI - qui, par ailleurs, s’adresserait à tous, sauf à un groupe exclu ad aeternum ! C’est à se demander s’il n’y a pas également une crispation de type progressiste, dont Vatican II pourrait être la première victime.
Car il ne suffit pas de crier à hue et à dia en affirmant que l’on assassine le Concile ! Il serait peut-être temps enfin de parler du contenu du dit concile, et plutôt que d’organiser une palissade étanche pour qu’il reste indemne de tout projectile et de toute attaque de commando, il serait urgent enfin de toucher à Vatican II ! Non pas pour le laisser démolir de façon absurde, mais pour le mieux saisir, le mieux problématiser, le mieux assimiler… Et, dans ce cas, la proposition de Benoît XVI à la fraternité de Mgr Fellay pourrait constituer une chance, plus que la catastrophe annoncée par certains.
Cela nous obligerait à travailler sérieusement pour aller au-delà des slogans faciles et équivoques, afin de nous nourrir de la vraie substance doctrinale et spirituelle du Concile. Le Père de Lubac le disait sur le moment (en 1964 !) : « Réforme, aggiornamento, ouverture au monde, œcuménisme, liberté religieuse, etc. : tout cela est à comprendre dans la foi, comme une exigence actuelle de l’esprit chrétien purifié et approfondi. » La volonté de Jean XXIII était d’offrir au monde le trésor même de la foi, pour que le monde s’en saisisse dans son éclat, selon le dessin d’amour d’un Dieu totalement engagé pour notre salut. Il est absurde de dire que ce concile n’était pas doctrinal dans son intention et sa réalisation. Il l’était au contraire, avec une intensité singulière, voulant accomplir une présentation générale du message du Christ, notamment au travers de l’Église comme sacrement et lumière des nations.
Les remous que nous venons de vivre devraient nous inviter puissamment à revenir à cette substance de Vatican II, non pour nous lancer mutuellement des invectives, mais pour nous enrichir de sa force et de sa puissance de renouvellement intérieur.