SOURCE - Nicolas Senèze - La Croix - 18 mars 2009
La semaine prochaine, le cardinal André Vingt-Trois emmènera à New-York une dizaine d’évêques et cardinaux (français, mais aussi un Ghanéen et un Coréen) à la rencontre de la communauté juive orthodoxe. Ils visiteront notamment l’Holocauste Museum et le Jewish Heritage Museum. Peut-être le cardinal Dario Castrillon Hoyos devrait-il réserver une place pour ce voyage…
Dans un entretien au quotidien colombien El Tiempo, celui qui est encore pour un temps président de la commission pontificale Ecclesia Dei (en charge du dialogue avec les lefebvristes) explique en effet que, s’il avait eu connaissance des propos négationnistes de Mgr Williamson, il n’aurait pas demandé pour autant sa rétractation avant la levée de l’excommunication.
« C’est un problème historique et non moral », affirme en effet le cardinal colombien.
Sur le fond, ce canoniste, qui s’est spécialisé en sociologie religieuse, en économie politique et en éthique économique, a parfaitement raison : l’excommunication des quatre évêques intégristes avait été prononcée en raison de leur ordination épiscopale illicite par Mgr Lefebvre. Et non en raison des opinions négationnistes de l’un d’eux.
Mais par ses propos, le cardinal Castrillon Hoyos confirme les craintes que le Dr Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France, exprimait le 2 mars à La Croix : certains, au Vatican, auraient estimé les positions de Mgr Williamson sur la Shoah secondaires par rapport au retour des brebis égarées.
« Il me semble que, confrontés à la question de savoir s’il fallait tout faire pour éviter un nouveau schisme ou s’en tenir à l’esprit de Vatican II (notamment dans les rapports avec les juifs), certains, au Vatican, ont choisi la première solution », regrettait cet ami sincère de l’Église catholique.
Et de rappeler le véritable problème moral du négationnisme : « Nier la Shoah est un mensonge et une perversion de la morale. (…) Car les propos de Mgr Williamson sont la dénégation complète de ce qui nous est commun, juifs et catholiques : la dignité humaine ».
En Europe, l’Église catholique a pris à bras le corps la question de la Shoah. À la suite de Jean XXIII, de Paul VI, de Jean-Paul II, les responsables catholiques, et une bonne partie des fidèles, ont compris combien l’antijudaïsme chrétien a, pendant des siècles, servi de ferment à l’antisémitisme. À travers ses nombreuses visites aux synagogues de Cologne, New-York ou Washington, Benoît XVI a lui aussi été sans ambiguïté sur ce sujet. Et personne ne peut douter qu’il ait ignoré les positions de Mgr Williamson.
Mais peut-être que dans d’autres Églises, au-delà de l’Europe, un travail est encore nécessaire sur la Shoah. Peut-être, par exemple que le Colombien Castrillon Hoyos n’a pas bien perçu l’importance de ce qui s’est passé en Europe dans les années 1930-1940.
Du coup, cet homme attaché au dialogue (il s’était fait connaître en Colombie pour ses ouvertures vis-à-vis des Farc), soucieux que les catholiques traditionalistes n’apparaissent pas « comme des fidèles de seconde zone », a pu penser que ce qui lui apparaissait comme une question plus politique ou historique pouvait être minoré. Erreur de jugement ? Sans aucun doute.
En avril 2002, le cardinal Castrillon Hoyos rappelait dans une lettre à Mgr Fellay le déjeuner auquel il avait invité ce dernier et Mgr Williamson. Une « rencontre avec des frères évêques » qui « se voulait un geste d’amour fraternel, l’occasion d’une connaissance réciproque » et au cours laquelle « nous n’avons traité d’aucun sujet de fond ».
Connaissant la grande courtoisie de Mgr Fellay, la culture de Mgr Williamson (qui, sur son blog, disserte à plaisir de Mozart et Beethoven), on imagine sans peine l’ambiance cordiale du déjeuner…
Au point que le cardinal Castrillon Hoyos n’ait pas cherché à plus se renseigner sur l’évêque anglais qui avait, pourtant, déjà tenu des propos négationnistes ou antisémites ? Le cardinal affirme en tous les cas qu’il ne connaissait rien du sulfureux personnage.
Une telle ignorance de la part de celui que les papes ont délégué depuis 2000 pour gérer le dossier intégriste ne pourrait être qu’une erreur si elle était involontaire.
Mais le cardinal Castrillon Hoyos affirme aussi avoir volontairement éludé la question. « Il ne s’agissait pas d’étudier la vie de ces évêques, explique-t-il à El Tiempo. L’unique chose qu’il fallait savoir (à propos de Mgr Williamson) est qu’il a été ordonné par Mgr Lefebvre sans autorisation. »
Faire ainsi du négationnisme de Mgr Williamson une question secondaire est plus qu’une erreur : c’est une faute.
Nicolas Senèze
Dans un entretien au quotidien colombien El Tiempo, celui qui est encore pour un temps président de la commission pontificale Ecclesia Dei (en charge du dialogue avec les lefebvristes) explique en effet que, s’il avait eu connaissance des propos négationnistes de Mgr Williamson, il n’aurait pas demandé pour autant sa rétractation avant la levée de l’excommunication.
« C’est un problème historique et non moral », affirme en effet le cardinal colombien.
Sur le fond, ce canoniste, qui s’est spécialisé en sociologie religieuse, en économie politique et en éthique économique, a parfaitement raison : l’excommunication des quatre évêques intégristes avait été prononcée en raison de leur ordination épiscopale illicite par Mgr Lefebvre. Et non en raison des opinions négationnistes de l’un d’eux.
Mais par ses propos, le cardinal Castrillon Hoyos confirme les craintes que le Dr Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France, exprimait le 2 mars à La Croix : certains, au Vatican, auraient estimé les positions de Mgr Williamson sur la Shoah secondaires par rapport au retour des brebis égarées.
« Il me semble que, confrontés à la question de savoir s’il fallait tout faire pour éviter un nouveau schisme ou s’en tenir à l’esprit de Vatican II (notamment dans les rapports avec les juifs), certains, au Vatican, ont choisi la première solution », regrettait cet ami sincère de l’Église catholique.
Et de rappeler le véritable problème moral du négationnisme : « Nier la Shoah est un mensonge et une perversion de la morale. (…) Car les propos de Mgr Williamson sont la dénégation complète de ce qui nous est commun, juifs et catholiques : la dignité humaine ».
En Europe, l’Église catholique a pris à bras le corps la question de la Shoah. À la suite de Jean XXIII, de Paul VI, de Jean-Paul II, les responsables catholiques, et une bonne partie des fidèles, ont compris combien l’antijudaïsme chrétien a, pendant des siècles, servi de ferment à l’antisémitisme. À travers ses nombreuses visites aux synagogues de Cologne, New-York ou Washington, Benoît XVI a lui aussi été sans ambiguïté sur ce sujet. Et personne ne peut douter qu’il ait ignoré les positions de Mgr Williamson.
Mais peut-être que dans d’autres Églises, au-delà de l’Europe, un travail est encore nécessaire sur la Shoah. Peut-être, par exemple que le Colombien Castrillon Hoyos n’a pas bien perçu l’importance de ce qui s’est passé en Europe dans les années 1930-1940.
Du coup, cet homme attaché au dialogue (il s’était fait connaître en Colombie pour ses ouvertures vis-à-vis des Farc), soucieux que les catholiques traditionalistes n’apparaissent pas « comme des fidèles de seconde zone », a pu penser que ce qui lui apparaissait comme une question plus politique ou historique pouvait être minoré. Erreur de jugement ? Sans aucun doute.
En avril 2002, le cardinal Castrillon Hoyos rappelait dans une lettre à Mgr Fellay le déjeuner auquel il avait invité ce dernier et Mgr Williamson. Une « rencontre avec des frères évêques » qui « se voulait un geste d’amour fraternel, l’occasion d’une connaissance réciproque » et au cours laquelle « nous n’avons traité d’aucun sujet de fond ».
Connaissant la grande courtoisie de Mgr Fellay, la culture de Mgr Williamson (qui, sur son blog, disserte à plaisir de Mozart et Beethoven), on imagine sans peine l’ambiance cordiale du déjeuner…
Au point que le cardinal Castrillon Hoyos n’ait pas cherché à plus se renseigner sur l’évêque anglais qui avait, pourtant, déjà tenu des propos négationnistes ou antisémites ? Le cardinal affirme en tous les cas qu’il ne connaissait rien du sulfureux personnage.
Une telle ignorance de la part de celui que les papes ont délégué depuis 2000 pour gérer le dossier intégriste ne pourrait être qu’une erreur si elle était involontaire.
Mais le cardinal Castrillon Hoyos affirme aussi avoir volontairement éludé la question. « Il ne s’agissait pas d’étudier la vie de ces évêques, explique-t-il à El Tiempo. L’unique chose qu’il fallait savoir (à propos de Mgr Williamson) est qu’il a été ordonné par Mgr Lefebvre sans autorisation. »
Faire ainsi du négationnisme de Mgr Williamson une question secondaire est plus qu’une erreur : c’est une faute.
Nicolas Senèze