Aletheia n°145 - 6 août 2009
Le statut canonique de la Fraternité Saint-Pie X, de ses évêques et de ses prêtres - par Yves Chiron
La note de la Secrétairerie d’État, en date du 4 février 2009, qui a suivi la levée de l’excommunication des quatre évêques de la FSPX, précisait :
La levée de l’excommunication a libéré les quatre évêques d’une peine canonique gravissime, mais elle n’a pas changé la situation juridique de la Fraternité Saint-Pie X, qui, au moment présent, ne jouit d’aucune reconnaissance canonique dans l’Église catholique. Les quatre évêques, bien que libérés de l’excommunication, n’ont pas de fonction canonique dans l’Église et n’exercent pas de ministère licite en son sein.
Le 10 mars suivant, dans sa Lettre aux évêques de l’Église catholique sur la levée de l’excommunication, Benoît XVI expliquait les raisons doctrinales de la situation canonique actuelle de la FSSPX :
La levée de l’excommunication était une mesure de la discipline ecclésiastique : les personnes étaient libérées du poids de conscience que constitue la punition ecclésiastique la plus grave. Il faut distinguer ce niveau disciplinaire du domaine doctrinal. Le fait que la Fraternité Saint-Pie X n’ait pas de position canonique dans l’Église, ne se base pas en fin de compte sur des raisons disciplinaires mais doctrinales. Tant que la Fraternité n’a pas une position canonique dans l’Église, ses ministres non plus n'exercent pas de ministères légitimes dans l'Église [...]. tant que les questions concernant la doctrine ne sont pas éclaircies, la Fraternité n’a aucun statut canonique dans l’Église, et ses ministres – même s’ils ont été libérés de la punition ecclésiastique – n'exercent de façon légitime aucun ministère dans l'Église.
La pleine communion de la FSSPX avec le Saint-Siège n’a pas encore été retrouvée. La levée de l’excommunication a été, de la part de Benoît XVI, un geste de miséricorde et le début d’un processus dont le but n’est pas encore atteint : « inviter encore une fois les quatre Évêques au retour » (Lettre du 12 mars 2009).
La FSPX reste, aujourd’hui encore, dans une situation canonique anormale, ou anomique si l’on veut. Cette position a été rappelée, à quelques jours des ordinations prévues à Écône, par un communiqué du Saint-Siège, le 17 juin dernier, qui concluait : Ces ordinations doivent donc être considérées également comme illégitimes.
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Un article de L’Année canonique
L’Année canonique est la principale revue française de droit canonique. Elle est publiée sous les auspices de la Société internationale de droit canonique et de législations religieuses comparées et de la Faculté de droit canonique de Paris. Son dernier numéro contient un article de Philippe Toxé, doyen honoraire de cette Faculté, consacré à « La levée des excommunications de quatre évêques de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X »[1]. Cet article de treize pages procède de manière méthodique : il analyse d’abord le décret de remise de peine du 21 janvier, puis il en montre la portée.
On ne reprendra pas toutes les analyses de l’auteur, qui s’en tient strictement au plan canonique. Il rappelle que le décret du 21 janvier 2009 « ne concerne que les fidèles pour qui il est porté, et que la peine mentionnée. Il ne faut donc pas lui faire produire des effets juridiques au-delà ou lui demander de résoudre d’autres questions ».
Les évêques de la FSSPX, s’ils sont relevés de l’excommunication, ne sont pas encore en communion complète avec le Saint-Siège : « ces quatre évêques n’ont pas de mission canonique, n’ayant ni office ecclésiastique de nature épiscopale, comme un office diocésain, ni titre in partibus. Ce n’est que dans la mesure où ils recevront un tel titre ou office qui manifestera leur mission canonique en communion avec le siège apostolique qu’ils seront membres du collège épiscopal de l’Église catholique. »
Sans même parler du statut canonique de la FSSPX en général, la situation canonique des prêtres de la FSSPX reste, elle aussi, non résolue. Le décret du 21 janvier n’a pas modifié leur statut personnel : « Salvo meliori iudicio, il semble raisonnable de penser que le plus grand nombre de ces clercs a encouru deux censures : l’excommunication latae sententiae dès lors qu’ils ont adhéré au schisme et la suspense a divinis ipso facto, dès lors qu’ils ont été ordonnés sans dimissoriales d’un ordinaire légitime ».
Cette suspense ne les empêche pas de recevoir les sacrements, « mais leur interdit d’exercer le pouvoir d’ordre et de juridiction ». Leur statut personnel reste à déterminer et leur situation canonique est encore en attente de régularisation.
Ce que ne dit pas l’article, ce sont les accommodements avec le droit canon qui ont été trouvés, avant le décret du 21 janvier, et encore plus depuis le décret du 21 janvier.
Tout le monde se souvient du pèlerinage que la FSSPX, ses quatre évêques en tête, a pu faire dans les basiliques majeures de Rome à l’occasion du Jubilé de l’an 2000. L’abbé de La Rocque écrivait ensuite dans la Lettre à nos frères prêtres (n° 7, sept. 2000) : « Le quinze août de l’an deux mille, en la fête de l’Assomption de la Très sainte Vierge Marie, notre Supérieur Général, Son Excellence Monseigneur Bernard Fellay, put célébrer une messe chantée en la Basilique Sainte-Marie-Majeure ».
L’information était fausse. Mgr Fellay n’avait pas obtenu de pouvoir célébrer la messe dans la basilique. C’est en plein air, sur le Colle Oppio, qu’il a dû la célébrer. En revanche, en cette année jubilaire, nombre de sanctuaires et d’églises se sont ouverts, en France et ailleurs, aux prêtres de la FSSPX. Depuis, au cas par cas, selon la générosité des curés, recteurs et évêques diocésains, des permissions ont été accordées et sont accordées, en nombre toujours plus grand, pour des messes de pèlerinage, ou des mariages ou d’autres cérémonies religieuses. Avec, parfois, des restrictions ou des vexations.
Outre les solutions institutionnelles et canoniques encore à trouver pour la FSSPX, ses évêques et ses prêtres, il reste encore, bien souvent, une conversion des cœurs, de part et d’autre, à opérer.
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NOTE
[1] Le numéro où paraît l’article est le 49, année 2007. Comme toutes les revues scientifiques ou universitaires, L’Année canonique paraît en retard. Ce tome XLIX (566 pages) a été imprimé en juin 2009 pour les éditions Letouzey et Ané (87 boulevard Raspail, 75006 Paris).