SOURCE - Jean Madiran - mis en ligne par le FC - Présent - 1er septembre 2009
Selon Littré, la restriction mentale est une «réserve qu’on fait d’une partie de ce que l’on pense pour tromper ceux à qui l’on parle».
Le Grand Robert précise : «Restriction tacite que l’on apporte à sa pensée, acte mental par lequel on donne à sa phrase un sens différent de celui que l’interlocuteur va vraisemblablement lui donner, afin de l’induire en erreur sans commettre formellement un mensonge.»
Ce n’est pas un néologisme. On en trouve un emploi éclatant au XVIIe siècle, dans la Neuvième lettre écrite à un provincial par un de ses amis, avec l’exemple : «On peut jurer qu’on n’a pas fait une chose, quoiqu’on l’ait faite, en entendant en soi-même qu’on ne l’a pas faite un certain jour, ou avant qu’on ne fût né, ou en sous-entendant quelque autre circonstance pareille, sans que les paroles dont on se sert aient aucun sens qui puisse le faire connaître…» Dans l’équivoque, les termes employés peuvent exprimer deux sens ; dans la restriction mentale, rien n’indique que l’on donne aux mots, par un acte mental, un sens caché, différent de celui qui apparaît dans l’énoncé comme le seul possible.
Quand le futur cardinal Congar me disait, au sujet de l’évolution post-conciliaire :
— Le concile et les évêques n’ont nié ou simplement écorché aucune définition dogmatique,
il n’énonçait aucun mensonge si l’on suppose qu’il ajoutait mentalement :
— Ils les ont seulement toutes mises au grenier.
Quand un président de l’épiscopat nous dit :
— La religion ne doit pas se mettre en contradiction avec les grands principes de la République,
nous sommes bien obligés de penser qu’intérieurement, et sans le dire, il ajoute :
— Uniquement toutefois dans les cas où ces grands principes républicains ne viendraient pas contredire la doctrine catholique du Christ-Roi.
Ou alors, s’il n’y avait pas cette restriction mentale, il faudrait comprendre que la doctrine du Christ-Roi est maintenant amendée ou abandonnée par l’épiscopat français.
Quand la hiérarchie ecclésiastique adhère explicitement, comme elle le fait depuis plus de vingt ans, à la « lutte contre toutes les formes de discrimination », elle ne peut évidemment le faire qu’avec la restriction mentale : « sauf contre les discriminations légitimes » qui écartent les femmes du sacerdoce, qui privent les pécheurs publics de la communion, qui excluent du mariage les couples homosexuels (etc.).
Quand un éminent conférencier de carême, à Notre-Dame de Paris, annonce (et il est loin d’être le seul) ;
— Les droits de l’homme sont devenus le centre de l’enseignement social catholique,
il faut entendre qu’il ajoute la restriction mentale :
— Sauf dans leur principe fondamental de 1789 et de 1948, selon lequel il n’existe aucune légitimité supérieure à la volonté générale des citoyens démocratiquement manifestée.
Sans une telle restriction mentale, l’adhésion aux droits de l’homme sans Dieu de 1789 et de 1948 serait une apostasie qui ne serait même plus immanente.
Quand, en considération du monothéisme commun aux chrétiens, aux juifs et aux musulmans, on prononce comme une profession de foi :
— Nous avons le même Dieu,
cela suppose évidemment la restriction mentale :
— Au niveau de la philosophie naturelle, oui, mais point à celui de la religion.
Ce ne sont là que quelques exemples. Des «restrictions» analogues, il y en a dans toute l’étendue de la vie religieuse. Elles devraient être exprimées comme autant de rectifications nécessaires. Mais parce qu’elles demeurent «mentales», c’est-à-dire inexprimées, et donc inopérantes, il s’ensuit un quiproquo généralisé, et une incohérence doctrinale confinant à l’inexistence. Tel est le plus clair résultat de la manière relativiste, évolutionniste et laxiste dont « l’esprit du Concile » a contaminé le «dialogue», qu’il soit «œcuménique» ou «interreligieux». Dans une telle ambiance de décomposition mentale, on comprend qu’il paraisse pratiquement impossible d’avoir un petit catéchisme pour enfants baptisés, exposant en toute clarté, sans doutes ni hésitations, le résumé des trois connaissances nécessaires au salut. C’est l’autre aspect d’un même génocide. A côté des 200 000 enfants tués chaque année, depuis trente-quatre ans, dans le sein de leur mère, il y a tous les autres, abandonnés sans catéchisme diocésain depuis quarante ans, spirituellement assassinés.
Selon Littré, la restriction mentale est une «réserve qu’on fait d’une partie de ce que l’on pense pour tromper ceux à qui l’on parle».
Le Grand Robert précise : «Restriction tacite que l’on apporte à sa pensée, acte mental par lequel on donne à sa phrase un sens différent de celui que l’interlocuteur va vraisemblablement lui donner, afin de l’induire en erreur sans commettre formellement un mensonge.»
Ce n’est pas un néologisme. On en trouve un emploi éclatant au XVIIe siècle, dans la Neuvième lettre écrite à un provincial par un de ses amis, avec l’exemple : «On peut jurer qu’on n’a pas fait une chose, quoiqu’on l’ait faite, en entendant en soi-même qu’on ne l’a pas faite un certain jour, ou avant qu’on ne fût né, ou en sous-entendant quelque autre circonstance pareille, sans que les paroles dont on se sert aient aucun sens qui puisse le faire connaître…» Dans l’équivoque, les termes employés peuvent exprimer deux sens ; dans la restriction mentale, rien n’indique que l’on donne aux mots, par un acte mental, un sens caché, différent de celui qui apparaît dans l’énoncé comme le seul possible.
Quand le futur cardinal Congar me disait, au sujet de l’évolution post-conciliaire :
— Le concile et les évêques n’ont nié ou simplement écorché aucune définition dogmatique,
il n’énonçait aucun mensonge si l’on suppose qu’il ajoutait mentalement :
— Ils les ont seulement toutes mises au grenier.
Quand un président de l’épiscopat nous dit :
— La religion ne doit pas se mettre en contradiction avec les grands principes de la République,
nous sommes bien obligés de penser qu’intérieurement, et sans le dire, il ajoute :
— Uniquement toutefois dans les cas où ces grands principes républicains ne viendraient pas contredire la doctrine catholique du Christ-Roi.
Ou alors, s’il n’y avait pas cette restriction mentale, il faudrait comprendre que la doctrine du Christ-Roi est maintenant amendée ou abandonnée par l’épiscopat français.
Quand la hiérarchie ecclésiastique adhère explicitement, comme elle le fait depuis plus de vingt ans, à la « lutte contre toutes les formes de discrimination », elle ne peut évidemment le faire qu’avec la restriction mentale : « sauf contre les discriminations légitimes » qui écartent les femmes du sacerdoce, qui privent les pécheurs publics de la communion, qui excluent du mariage les couples homosexuels (etc.).
Quand un éminent conférencier de carême, à Notre-Dame de Paris, annonce (et il est loin d’être le seul) ;
— Les droits de l’homme sont devenus le centre de l’enseignement social catholique,
il faut entendre qu’il ajoute la restriction mentale :
— Sauf dans leur principe fondamental de 1789 et de 1948, selon lequel il n’existe aucune légitimité supérieure à la volonté générale des citoyens démocratiquement manifestée.
Sans une telle restriction mentale, l’adhésion aux droits de l’homme sans Dieu de 1789 et de 1948 serait une apostasie qui ne serait même plus immanente.
Quand, en considération du monothéisme commun aux chrétiens, aux juifs et aux musulmans, on prononce comme une profession de foi :
— Nous avons le même Dieu,
cela suppose évidemment la restriction mentale :
— Au niveau de la philosophie naturelle, oui, mais point à celui de la religion.
Ce ne sont là que quelques exemples. Des «restrictions» analogues, il y en a dans toute l’étendue de la vie religieuse. Elles devraient être exprimées comme autant de rectifications nécessaires. Mais parce qu’elles demeurent «mentales», c’est-à-dire inexprimées, et donc inopérantes, il s’ensuit un quiproquo généralisé, et une incohérence doctrinale confinant à l’inexistence. Tel est le plus clair résultat de la manière relativiste, évolutionniste et laxiste dont « l’esprit du Concile » a contaminé le «dialogue», qu’il soit «œcuménique» ou «interreligieux». Dans une telle ambiance de décomposition mentale, on comprend qu’il paraisse pratiquement impossible d’avoir un petit catéchisme pour enfants baptisés, exposant en toute clarté, sans doutes ni hésitations, le résumé des trois connaissances nécessaires au salut. C’est l’autre aspect d’un même génocide. A côté des 200 000 enfants tués chaque année, depuis trente-quatre ans, dans le sein de leur mère, il y a tous les autres, abandonnés sans catéchisme diocésain depuis quarante ans, spirituellement assassinés.
Jean Madiran