Ca y est... Mgr Fellay a rendu publique la liste des dialogueurs de la Fraternité Saint Pie X, qui circulait depuis quelques semaines de bouches à oreilles. Je n'ai pas pu l'écrire sur papier, dans la dernière livraison, par manque de preuve tangible, mais l'espace Internet me donne la possibilité de commenter cette nouvelle immédiatement. Bénit soit le Blog de Monde et Vie.
Je crois que ce tiercé de théologiens désignés donne l'orientation des dialogues voulus par Mgr Fellay. Si on cite ses propres paroles, on se trouve conforté dans l'impression que donne l'énumération officielle de ces trois noms : le but des dialogues, du côté des Alpes suisses, apparaît clairement. Il faut faire en sorte que "Rome" revienne à la Tradition. Dans une interview récente à Tradition, le périodique de la FSSPX en Afrique du Sud, le supérieur de la Fraternité Saint pie X s'exprime sans ambiguïté :
"Le but que l’on cherche à atteindre avec ces discussions doctrinales est une importante clarification dans l’enseignement de l’Église ces dernières années. En effet, la Fraternité St Pie X, à la suite de son fondateur, Mgr Lefebvre, a de sérieuses objections au sujet du Concile Vatican II. Et nous espérons que les discussions vont permettre de dissiper les erreurs ou les graves ambiguïtés qui depuis lors ont été répandues à pleines mains dans l’Église catholique, comme l’a reconnu Jean-Paul II lui-même".
La mission reçue par les trois théologiens élus est simple : ramener "Rome" à sa Tradition. Mgr Fellay cite Jean Paul II, mais il est mort. De l'oeuvre formidable de Benoît XVI, il n'est pas question : ni le discours du 22 décembre 2005, qui passe le concile Vatican II au sanibroyeur de l'interprétation (que l'on appelle herméneutique quand on veut avoir l'air au courant), ni, passant par dessus la collégialité des évêques, la formidable déclaration de liberté du Rite traditionnel (ou : Motu proprio de 2007) ne se trouvent rappelés par Mgr Fellay.
Vous me direz peut-être : "Mais, Mgr Fellay ne peut pas tout dire ! Ces deux actes fondateurs, il y pense". - Je vous avoue que cela m'aurait semblé important qu'il nous le dise, qu'il y pense. Oh ! A plusieurs reprises, on a pu constater sa souplesse. Cette souplesse est aussi celle de l'abbé de La Rocque, pétulant théologien qui, dans un petit livre bleu, remit naguère sans beaucoup d'arguments, la réforme liturgique en question. Mais il ne me semble pas que ce terme - souplesse - puisse caractériser valablement ni l'abbé de Jorna, ni l'abbé Gleize. Mgr Fellay cherche-t-il l'équilibre dans le contraste ? Sans doute... Mais cette démarche est périlleuse. Il faut s'appeler Hegel pour y croire...
Prenons un exemple : la liberté religieuse. Dans Le Nouvelliste du Valais, à la fin de l'été - je laisse mes lecteurs faire la recherche, je suis sûr qu'ils retrouveront ce texte, je prends l'avion demain matin et le temps me manque - Mgr Fellay nous assénait que, dans le cas d'une société plurireligieuse, c'est l'Etat qui, au nom de la tolérance, devait servir d'arbitre... Il poussait le bouchon très loin ! Je ne suis pas certaine que l'abbé de Jorna estime que la clarification à laquelle le supérieur de la FSSPX appelle tout le monde passe par là. Je pense, en revanche, que cette mise au point du Supérieur de la FSSPX convient parfaitement ("trop même" comme je disais en Afrique et comme disent les jeunes) à ses interlocuteurs romains. Mais quid des théologiens qu'il a lui-même désignés ? Une telle déclaration leur convient-elle ?
La clarification naîtra-t-elle du choc des arguments ? Le Père Morerod, responsable romain des dialogues, a écrit plusieurs livres sur le dialogue interreligieux, dans lesquels il soutient cette idée. J'aimerais penser qu'il a raison, mais je n'y crois guère. Si les discussions ont lieu sans publicité, elles resteront obscures.
Si l'on cherche la clarification, il me semble que la FSSPX, vaisseau amiral de la flottille traditionaliste dans l'Eglise, s'honorerait en publiant un syllabus de ses arguments, que tout le monde puisse consulter et qui permette de soustraire la discussion aux problèmes personnels des uns et des autres. Il y a eu, à Paris, en 2002, 2003 et jusqu'à 2005 je crois, à l'Institut Saint Pie X, de très remarquables Symposiums sur Vatican II, au sein desquels les dominicains d'Avrillé eurent un rôle prépondérant et dans lesquels des "déclarations finales" permettaient de synthétiser clairement le propos des participants. Pourquoi ne pas se servir de ce travail pour "clarifier" le débat, selon le voeu de Mgr Fellay ? Pourquoi ne pas demander à Mgr Fellay lui-même une synthèse de ses arguments ?
L'enjeu est décisif. La première séance est annoncée pour le 26 octobre. Je ne suis qu'une faible femme et je n'ai rien à dire. Je vais me taire. Mais je prie pour la clarté, oui, c'est trop grave, il s'agit de nos enfants, je prie pour la transparence de ces débats. Vous aussi ?
Claire Thomas