19 octobre 2009

[Corse Matin] La messe pas comme les autres de la chapelle de la Parata

SOURCE - Corse Matin - 19 octobre 2009


Sur les bancs de bois de la petite chapelle Saint-Antoine de la Parata, c'est plutôt pantalon classique, mocassins, chemise bleu ciel et pull sur les épaules pour Monsieur, chemisier, serre-tête et jupe sage pour Madame. Madame qui est, pour la plupart du temps, couverte (mantilles voire chapeau).

La moyenne d'âge est étonnamment jeune, notamment grâce à de très jeunes enfants qui gambadent partout et dont les babillements, les pleurs et parfois les cris, brisent le fervent murmure du prêtre, dos aux fidèles. Cette messe en rite tridentin (en latin avec le prêtre tournant le dos au public), appelée « messe de saint Pie V » (ou de Jean XXIII,) y est célébrée chaque dimanche.

Et la décision de Benoît XVI de libéraliser la messe en latin, « ça ouvre l'Eglise à la découverte de ce rite à la fois très ancien, très riche et tout à fait actuel », note Thierry, un fidèle de cette petite chapelle de la route des Sanguinaires, père de huit enfants. Même son de cloche chez France, « Il faut quelques explications au départ pour que les gens qui ne connaissent pas puissent s'y retrouver », explique-t-elle. Et d'ajouter : « Un retour aux sources n'a rien de répréhensible... Bien au contraire, car aujourd'hui la messe "moderne" cautionne certaines dérives inacceptables ».

Une soixantaine de fidèles

Le catholicisme traditionaliste est un courant de pensée du catholicisme qui refuse certaines parties de l'enseignement de l'Église depuis Vatican II.

Il est diamétralement opposé au catholicisme réformateur. Il constitue un courant organisé composé de catholiques romains qui désirent voir maintenus les usages du culte et des coutumes du corps général du catholicisme tels qu'ils étaient pratiqués avant les réformes qui ont suivi le Concile Vatican II, qui eut lieu de 1962 à 1965.

« Une soixantaine de fidèles vient régulièrement chaque dimanche. Par ailleurs, 22 enfants sur Ajaccio et sa région mais aussi Calvi suivent le catéchisme », souligne le prêtre, l'abbé Hervé Mercury, qui officie depuis plus de dix ans à la chapelle de la Parata.

Originaire de Renno, il explique les différences entre la messe traditionaliste et celle dite moderniste. « La traditionaliste met en évidence que Jésus Christ s'est sacrifié sur la croix. Donc, la souffrance. Dans la nouvelle messe, l'accent est mis au contraire sur la résurrection, la joie, le côté festif... Or, dans notre société la souffrance et le mal existent bien hélas. Il ne suffit pas de dire tout va bien, le Christ est ressuscité. Il s'agit donc de deux pédagogies différentes exprimant deux façons de concevoir la vie chrétienne. Faut-il pour cela les opposer ? Sur l'utilisation du latin, c'est pour éviter des interprétations improbables et quand je suis dos aux fidèles, c'est tout simplement pour être face à Dieu ».

Pour l'abbé Hervé Mercury, il faut bien mettre en évidence la notion de bien et de mal. « Le pape Benoît XVI lui-même l'a rappelé : l'enfer dont on parle si peu de nos jours, existe éternellement pour tous ceux qui ferment leur coeur à l'amour du Père. Aussi, on ne peut pas faire croire aux hommes et aux femmes vivant dans le péché, qu'ils sont dans la lumière du Christ ! C'est une question de bon sens ».

Plaintes de l'évêque Mgr Brunin

Le bien et le mal. Les traditionalistes, l'avouent sans ambages : ils sont hostiles à l'avortement, à la contraception, au port du préservatif, à l'homosexualité, au mariage des prêtres... Aussi, sont-ils pour autant des intégristes ? « Non ! » s'insurge l'abbé Mercury. « Le terme même de traditionaliste est aujourd'hui péjoratif. Je préfère employer le mot d'intégraliste qui signifie croire en la foi intégrale. Mais je tiens à dire que je n'ai aucune étiquette politique et que je suis totalement intégré dans la vie du troisième millénaire ! »

Ce disciple de Mgr Lefèbvre et de la confrérie le Tiers Ordre de Saint-Pie X, n'est pas véritablement adoubé par les siens. L'évêque d'Ajaccio pour la Corse n'a pas hésité à porter plainte, par deux fois, à son encontre.

Son crime ? Avoir officié lors de messes de deuil. « Cela m'a choqué car c'était à la demande des familles et j'étais le seul à pouvoir le faire », dit-il.

À la petite chapelle Saint-Antoine de la Parata, si le latin n'est plus une langue morte, l'expression Carpe Diem semble néanmoins bien loin...

Jean-jacques Gambarelli