Rome prépare pour eux un statut inédit, mais certains y voient un facteur d'éclatement de la Communion anglicane.
L'Église catholique prépare une structure sur mesure pour accueillir des évêques, prêtres et fidèles anglicans qui souhaiteraient rejoindre le catholicisme tout en conservant leur spiritualité d'origine. L'annonce conjointe de ce projet, à Rome et à Londres, dans la journée de mardi, a provoqué mercredi un certain remous outre-Manche. L'archevêque de Canterbury, le Dr Rowan Williams, leader spirituel des anglicans, est notamment critiqué - certains demandent sa démission - pour consentir à ce qui est perçu comme un facteur de division de la Communion anglicane.
Cette «Église d'Angleterre» fondée par le roi Henri VIII en 1534 (parce que le pape refusait de reconnaître la nullité de son mariage), aujourd'hui largement répandue dans le monde, est en proie à un risque d'éclatement. Beaucoup n'ont pas admis la décision, en 1992, d'ordonner des femmes prêtres. Puis des femmes évêques. Sans compter l'admission à la prêtrise, aux États-Unis, de personnes homosexuelles, assortie de la bénédiction de mariages homosexuels.
Une première frange a pris ses distances dès 1991. Cette Traditional Anglican Communion (400 000 fidèles revendiqués) a même demandé son rattachement à Rome il y a deux ans. Une seconde frange, les Églises d'Afrique et d'Asie (plus de la moitié des effectifs), menace aussi de rompre la Communion, car elle n'accepte pas l'ouverture aux homosexuels menée par les Églises des États-Unis.
Constitution apostolique
C'est ici que la mise au point d'un statut spécial pour accueillir les anglicans mécontents dans l'Église catholique prend tout son sens. Elle est justifiée par le Saint-Siège à la suite «de nombreuses demandes (…) de clercs ou de fidèles anglicans (…) venues de diverses parties du monde qui désirent entrer dans une pleine et visible communion» avec Rome.
Techniquement, le Pape va donc prochainement publier une «constitution apostolique». Document de haute autorité, il va créer un statut ad hoc pour ces nouveaux catholiques. Il repose sur trois axes majeurs.
- Le premier est de permettre aux fidèles de conserver «leur patrimoine spirituel et liturgique anglican».
- Deuxième axe, la mise en place d'un «ordinariat personnel». En clair, une formule prévue par le droit canonique, qui s'approche d'une paroisse ou d'un diocèse personnels, mais qui n'est pas fondée sur la notion de territoire géographique, plutôt sur celle de famille ou de tradition spirituelles. Le modèle le plus comparable serait celui d'un diocèse aux armées.
- Troisième axe, le transfert vers l'Église catholique du clergé - même marié. Il sera sous la responsabilité d'un «ordinaire», ex-évêque ou prêtre anglican. Ce responsable sera obligatoirement célibataire, ce qui est aussi la règle dans les Églises orientales catholiques. Cet «ordinaire» sera membre de la conférence épiscopale catholique du pays où se trouve sa communauté. Les séminaristes, enfin, pourront être formés, soit dans des séminaires catholiques, soit dans des établissements relevant de cette nouvelle branche de l'Église catholique.
À Rome, comme à Londres - un communiqué conjoint des deux archevêques catholique, Vincent G. Nichols, et anglican, Rowan Williams, a été publié -, on assure que cette mesure est possible grâce à l'œcuménisme entre les deux Églises et qu'elle va le renforcer. Personne, d'ailleurs, n'ose avancer de chiffres sérieux sur les «transferts» à venir. Peu sont attendus en Angleterre même.
En revanche, la précipitation du Saint-Siège à publier cette annonce - en l'absence du cardinal Kasper chargé de l'œcuménisme… - et la lettre embarrassée de Rowan Williams, hier, aux évêques de la Communion anglicane pour expliquer qu'il a été prévenu «au dernier moment» par Rome, indiquent que la décision a été combattue en interne, par crainte de déstabiliser encore la communion anglicane.