SOURCE - Philippe Oswald - Famille Chrétienne - 26 novembre 2009
La réforme de Benoît XVI - La liturgie entre innovation et tradition
La dynamique du motu proprio de Benoît XVI révélée par une étude percutante d’un de ses collaborateurs et disciples.
La dynamique du motu proprio de Benoît XVI révélée par une étude percutante d’un de ses collaborateurs et disciples.
Le motu proprio Summorum pontificum élargissant l’usage de la forme extraordinaire du rite romain a déjà fait couler beaucoup d’encre. Pourtant, deux ans après sa promulgation, il n’est pas sûr qu’il soit bien compris, même de ceux qui l’approuvent ou s’en félicitent. On le réduit souvent à une concession ou à un geste de sympathie envers les « tradis ». Or sa portée est bien plus vaste : elle concerne toute l’Église et son développement.
C’est un ami et disciple de Benoît XVI, doublé d’un expert en la matière, qui l’explique dans ce petit livre lumineux et d’une rare densité. Outre qu’il enseigne la liturgie et la théologie sacramentaire à l’Institut de théologie de Bari (Italie), Mgr Nicola Bux est à la fois consulteur pour la Congrégation pour la doctrine de la foi, consulteur de la Congrégation pour la cause des saints, et consulteur au Bureau des célébrations liturgiques du souverain pontife. C’est dire si son avis est autorisé. Son propos se voit d’ailleurs étayé par trois préfaciers non moins compétents, que l’éditeur a eu la judicieuse idée de réunir dans une exceptionnelle polyphonie : Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, pour l’édition française ; le célèbre journaliste et écrivain Vittorio Messori, pour l’édition italienne ; enfin, pour l’édition espagnole, le préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements en personne, le cardinal Antonio Canizarès.
Au cœur des actuelles discussions doctrinales entre la Congrégation pour la doctrine de la foi et la Fraternité Saint-Pie-X, il y a l’héritage du concile Vatican II, et notamment la liturgie. Pour Benoît XVI, on le sait, le Concile doit être lu et appliqué selon une « herméneutique de la continuité » et non « de la discontinuité et de la rupture ». C’est bien ainsi, « entre innovation et tradition » (Mgr Aillet), qu’il faut concevoir la réforme liturgique qui n’est toujours pas achevée (cardinal Canizarès). Telle est la conviction du pape et telle est la volonté qu’il déploie avec « la patience de l’amour », souligne Mgr Bux : il s’agit de compléter et de corriger ce qui doit l’être afin que la liturgie eucharistique, « source et sommet de la vie chrétienne », donne un nouvel élan missionnaire aux chrétiens du XXIe siècle.
Donner la première place au caractère sacré et divin de la liturgie
Dans cette perspective dynamique, plus question d’opposer les Missels de 1962 et de 1970, mais de saisir le développement organique et continu qui unit les deux formes du même rite romain, pour retrouver un « ars celebrandi » donnant la première place au caractère sacré et divin de la liturgie, sans omettre la communion fraternelle mise en valeur dans la forme ordinaire du rite. Il faut pour cela plonger en eaux pro-fondes, jusqu’aux sources théologiques de la liturgie (cf. le Catéchisme, 1077-1112) que le Concile a voulu restaurer (comme l’écrit Vittorio Messori, « le problème n’est certainement pas le Concile, mais sa déformation : on sortira de la crise en retournant à la lettre et à l’esprit de ses documents »).
Ce programme implique que soit promue dans les séminaires « une connaissance à la fois théorique et pratique des richesses liturgiques, non seulement du rite romain, mais aussi, dans la mesure du possible, des divers rites de l’Orient et de l’Occident, créant ainsi une génération de prêtres libres de tous les préjugés dialectiques » (cardinal Antonio Canizarès).
L’œcuménisme n’est pas en reste : alors que des anglicans traditionnels rejoignent l’Église catholique romaine en y apportant leur art de célébrer, l’unité s’exprime aussi par la complémentarité des diverses formes rituelles entre l’Orient et l’Occident (on se souvient du satisfecit exprimé par le patriarcat de Moscou lors de la promulgation du motu proprio).
On le perçoit mieux grâce à l’étude de Mgr Bux : c’est un large horizon qu’ouvre le motu proprio de Benoît XVI. N’oublions pas cependant que cette ouverture dépend aussi très concrètement de l’effort de tous, pasteurs et fidèles attachés à l’une et à l’autre forme du rite, pour s’apprivoiser dans une volonté de compréhension et d’accueil mutuels, dans une communion fraternelle inspirée par une authentique charité.
Philippe Oswald
Au cœur des actuelles discussions doctrinales entre la Congrégation pour la doctrine de la foi et la Fraternité Saint-Pie-X, il y a l’héritage du concile Vatican II, et notamment la liturgie. Pour Benoît XVI, on le sait, le Concile doit être lu et appliqué selon une « herméneutique de la continuité » et non « de la discontinuité et de la rupture ». C’est bien ainsi, « entre innovation et tradition » (Mgr Aillet), qu’il faut concevoir la réforme liturgique qui n’est toujours pas achevée (cardinal Canizarès). Telle est la conviction du pape et telle est la volonté qu’il déploie avec « la patience de l’amour », souligne Mgr Bux : il s’agit de compléter et de corriger ce qui doit l’être afin que la liturgie eucharistique, « source et sommet de la vie chrétienne », donne un nouvel élan missionnaire aux chrétiens du XXIe siècle.
Donner la première place au caractère sacré et divin de la liturgie
Dans cette perspective dynamique, plus question d’opposer les Missels de 1962 et de 1970, mais de saisir le développement organique et continu qui unit les deux formes du même rite romain, pour retrouver un « ars celebrandi » donnant la première place au caractère sacré et divin de la liturgie, sans omettre la communion fraternelle mise en valeur dans la forme ordinaire du rite. Il faut pour cela plonger en eaux pro-fondes, jusqu’aux sources théologiques de la liturgie (cf. le Catéchisme, 1077-1112) que le Concile a voulu restaurer (comme l’écrit Vittorio Messori, « le problème n’est certainement pas le Concile, mais sa déformation : on sortira de la crise en retournant à la lettre et à l’esprit de ses documents »).
Ce programme implique que soit promue dans les séminaires « une connaissance à la fois théorique et pratique des richesses liturgiques, non seulement du rite romain, mais aussi, dans la mesure du possible, des divers rites de l’Orient et de l’Occident, créant ainsi une génération de prêtres libres de tous les préjugés dialectiques » (cardinal Antonio Canizarès).
L’œcuménisme n’est pas en reste : alors que des anglicans traditionnels rejoignent l’Église catholique romaine en y apportant leur art de célébrer, l’unité s’exprime aussi par la complémentarité des diverses formes rituelles entre l’Orient et l’Occident (on se souvient du satisfecit exprimé par le patriarcat de Moscou lors de la promulgation du motu proprio).
On le perçoit mieux grâce à l’étude de Mgr Bux : c’est un large horizon qu’ouvre le motu proprio de Benoît XVI. N’oublions pas cependant que cette ouverture dépend aussi très concrètement de l’effort de tous, pasteurs et fidèles attachés à l’une et à l’autre forme du rite, pour s’apprivoiser dans une volonté de compréhension et d’accueil mutuels, dans une communion fraternelle inspirée par une authentique charité.
Philippe Oswald