Le Motu proprio de 2007 ne se met pas en place sans difficultés. Et pourtant il porte en lui la solution des conflits qui continuent à déchirer les catholiques entre eux. Il suffirait d’avoir tous à cœur d’obéir à la loi…
« L’Eglise n’a pas de cœur » répétait paraît-il Alfred Loisy, le célèbre exégète moderniste condamné par saint Pie X. Eh bien ! Je pense moi, et je ne crois pas qu’il me faille attribuer cette impression à la trop célèbre intuition féminine, que l’Eglise de Benoît XVI a un cœur, que ce pape possède éminemment ce que notre Alain Finkielkraut national appelle « un cœur intelligent » et qu’il attend des gens avec lesquels il traite une sorte de réponse du cœur, qui, souvent, il faut bien le dire, tarde à venir.
L’Eglise n’a pas de cœur lorsque dans le diocèse de Versailles Mgr Aumônier impose une messe selon le rite rénové dans le « bastion historique » du Port Marly, sans marquer la moindre réciprocité en faveur du rite traditionnel, ni à Saint Germain-en-Laye, ni à Saint-Nom-la-Bretèche, ni à Rambouillet, où les richesses de la messe traditionnelle, après quelques expériences positives, restent très difficiles d’accès. En revanche, pour la messe nouvelle, au Port Marly, ce sera facile, dimanche prochain, sur le coup de midi moins le quart, les fidèles pourront découvrir « en live » les bienfaits de la nouvelle liturgie. Comme s’ils ne la connaissaient pas ! Comme s’ils ne s’étaient pas agglutinés dans cette petite paroisse, promue depuis quarante ans, à la dignité de radeau de la Méduse, à cause du déluge universel. C’était en 1965. Sous l’égide d’un certain Gaston Roussel, chanoine et musicien de tonitruante mémoire, les petites gens, les sans-grade du peuple de Dieu s’étaient retrouvés là pour fuir cette liturgie plate et vernaculaire, bien antérieure à la réforme de 1969 et à la « nouvelle messe », ils en avaient leur claque des chansonnettes de mauvais goût qui l’accompagnent immanquablement, et prenait en horreur le vide qu’elle instaure infailliblement dans l’espace sacré, débarrassé des statues et des signes qui en faisaient, « jadis et naguère » comme aurait dit « le Chanoine » un écrin, pour la Perle de grand prix dont parle l’Evangile.
Le diocèse de Versailles est en train de devenir mondialement célèbre pour son mépris du Motu proprio, il risque d’en être question un peu partout dans les prochains mois.
D’autant que si, en France, apparemment –comme le disait Alfred Loisy– l’Eglise n’a pas de cœur, il n’en est pas de même partout. A Rome, Mgr Guido Pozzo, secrétaire de la nouvelle Commission Ecclesia Dei, désormais rattachée à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, prend ses fonctions très au sérieux. Il les remplit avec cœur. Il reçoit avec chaleur les laïcs comme vous et moi, du moment qu’ils sont attachés sincèrement à la liturgie traditionnelle. Il répond à leurs lettres et reçoit les dossiers qu’on lui transmet, avec l’ambition non feinte de servir de médiateur entre évêques et groupes stables de fidèles, sachant très bien qu’il risque une fois sur deux de se retrouver entre le marteau et l’enclume. Il s’exprime sans langue de bois et considère son travail comme un service de ce que Monseigneur Bux vient d’appeler, dans un livre qui a fait sensation en Italie et que les éditions Tempora proposent au public français, la « réforme de Benoît XVI ». Monseigneur Perl faisait la charité aux traditionalistes… Avec quelques intermittences, qui n’étaient pas forcément liées au spectacle malheureusement, mais plutôt au caractère sommaire de son organisation personnelle. Mgr Pozzo, lui, fait son travail…
Faut-il chercher du côté du cardinal Levada, Préfet de la Congrégation du Saint-Office et à ce titre nouveau responsable de la Commission Ecclesia Dei, ce que j’appellerais volontiers la raison des effets, la cause de ce changement atmosphérique à Rome ? Peu connu du public français, dont il ne parle pas la langue (tout comme Mgr Pozzo du reste), le cardinal Levada, qui n’a pas le génie entreprenant de son prédécesseur le cardinal Castrillon Hoyos, a, lui aussi, pris en main un dossier qu’il ne connaissait pas, celui des traditionalistes. Il se donne à la tâche avec apparemment une application pleine de compréhension. Sur son Metablog, l’abbé de Tanoüarn le décrit ainsi, après que le staff de l’Institut du Bon Pasteur au grand complet, supérieur et assistants, ait été reçu par lui pendant une heure et demie : « Ce matin [il s’agit du 29 septembre dernier], accueil très chaleureux et très franc du cardinal Levada à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Quand on cherche un mot pour définir ce genre d’Américain, il vient en anglais : fair. Mais cet adjectif ne rend pas compte de la douceur de son caractère, douceur qui le fait ressembler irrésistiblement… au pape, dont il est l’homme, il faut s’en souvenir ».
Levada comme Pozzo, l’évêque et son cardinal, sont là pour appliquer la loi. Avec cœur. Et la loi, c’est celle que Benoît XVI a édictée dans le Motu proprio du 7 juillet 2007. Elle embarrasse certains traditionalistes parce qu’elle constitue une reconnaissance de la légitimité du rite rénové. Mais elle prévoit que le rite traditionnel doit jouir d’une égale dignité – et donc des mêmes droits – que le rite nouveau. Avouons que lorsque cette égale dignité sera reconnue non seulement en droit mais en fait, des problèmes brûlants comme celui qui est en train de naître dans les Yvelines à cause de décisions maladroitement vexatoires et d’un embargo quasi total sur le Motu proprio dans ce diocèse, n’auront simplement plus lieu d’être.
Claire Thomas
« L’Eglise n’a pas de cœur » répétait paraît-il Alfred Loisy, le célèbre exégète moderniste condamné par saint Pie X. Eh bien ! Je pense moi, et je ne crois pas qu’il me faille attribuer cette impression à la trop célèbre intuition féminine, que l’Eglise de Benoît XVI a un cœur, que ce pape possède éminemment ce que notre Alain Finkielkraut national appelle « un cœur intelligent » et qu’il attend des gens avec lesquels il traite une sorte de réponse du cœur, qui, souvent, il faut bien le dire, tarde à venir.
L’Eglise n’a pas de cœur lorsque dans le diocèse de Versailles Mgr Aumônier impose une messe selon le rite rénové dans le « bastion historique » du Port Marly, sans marquer la moindre réciprocité en faveur du rite traditionnel, ni à Saint Germain-en-Laye, ni à Saint-Nom-la-Bretèche, ni à Rambouillet, où les richesses de la messe traditionnelle, après quelques expériences positives, restent très difficiles d’accès. En revanche, pour la messe nouvelle, au Port Marly, ce sera facile, dimanche prochain, sur le coup de midi moins le quart, les fidèles pourront découvrir « en live » les bienfaits de la nouvelle liturgie. Comme s’ils ne la connaissaient pas ! Comme s’ils ne s’étaient pas agglutinés dans cette petite paroisse, promue depuis quarante ans, à la dignité de radeau de la Méduse, à cause du déluge universel. C’était en 1965. Sous l’égide d’un certain Gaston Roussel, chanoine et musicien de tonitruante mémoire, les petites gens, les sans-grade du peuple de Dieu s’étaient retrouvés là pour fuir cette liturgie plate et vernaculaire, bien antérieure à la réforme de 1969 et à la « nouvelle messe », ils en avaient leur claque des chansonnettes de mauvais goût qui l’accompagnent immanquablement, et prenait en horreur le vide qu’elle instaure infailliblement dans l’espace sacré, débarrassé des statues et des signes qui en faisaient, « jadis et naguère » comme aurait dit « le Chanoine » un écrin, pour la Perle de grand prix dont parle l’Evangile.
Le diocèse de Versailles est en train de devenir mondialement célèbre pour son mépris du Motu proprio, il risque d’en être question un peu partout dans les prochains mois.
D’autant que si, en France, apparemment –comme le disait Alfred Loisy– l’Eglise n’a pas de cœur, il n’en est pas de même partout. A Rome, Mgr Guido Pozzo, secrétaire de la nouvelle Commission Ecclesia Dei, désormais rattachée à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, prend ses fonctions très au sérieux. Il les remplit avec cœur. Il reçoit avec chaleur les laïcs comme vous et moi, du moment qu’ils sont attachés sincèrement à la liturgie traditionnelle. Il répond à leurs lettres et reçoit les dossiers qu’on lui transmet, avec l’ambition non feinte de servir de médiateur entre évêques et groupes stables de fidèles, sachant très bien qu’il risque une fois sur deux de se retrouver entre le marteau et l’enclume. Il s’exprime sans langue de bois et considère son travail comme un service de ce que Monseigneur Bux vient d’appeler, dans un livre qui a fait sensation en Italie et que les éditions Tempora proposent au public français, la « réforme de Benoît XVI ». Monseigneur Perl faisait la charité aux traditionalistes… Avec quelques intermittences, qui n’étaient pas forcément liées au spectacle malheureusement, mais plutôt au caractère sommaire de son organisation personnelle. Mgr Pozzo, lui, fait son travail…
Faut-il chercher du côté du cardinal Levada, Préfet de la Congrégation du Saint-Office et à ce titre nouveau responsable de la Commission Ecclesia Dei, ce que j’appellerais volontiers la raison des effets, la cause de ce changement atmosphérique à Rome ? Peu connu du public français, dont il ne parle pas la langue (tout comme Mgr Pozzo du reste), le cardinal Levada, qui n’a pas le génie entreprenant de son prédécesseur le cardinal Castrillon Hoyos, a, lui aussi, pris en main un dossier qu’il ne connaissait pas, celui des traditionalistes. Il se donne à la tâche avec apparemment une application pleine de compréhension. Sur son Metablog, l’abbé de Tanoüarn le décrit ainsi, après que le staff de l’Institut du Bon Pasteur au grand complet, supérieur et assistants, ait été reçu par lui pendant une heure et demie : « Ce matin [il s’agit du 29 septembre dernier], accueil très chaleureux et très franc du cardinal Levada à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Quand on cherche un mot pour définir ce genre d’Américain, il vient en anglais : fair. Mais cet adjectif ne rend pas compte de la douceur de son caractère, douceur qui le fait ressembler irrésistiblement… au pape, dont il est l’homme, il faut s’en souvenir ».
Levada comme Pozzo, l’évêque et son cardinal, sont là pour appliquer la loi. Avec cœur. Et la loi, c’est celle que Benoît XVI a édictée dans le Motu proprio du 7 juillet 2007. Elle embarrasse certains traditionalistes parce qu’elle constitue une reconnaissance de la légitimité du rite rénové. Mais elle prévoit que le rite traditionnel doit jouir d’une égale dignité – et donc des mêmes droits – que le rite nouveau. Avouons que lorsque cette égale dignité sera reconnue non seulement en droit mais en fait, des problèmes brûlants comme celui qui est en train de naître dans les Yvelines à cause de décisions maladroitement vexatoires et d’un embargo quasi total sur le Motu proprio dans ce diocèse, n’auront simplement plus lieu d’être.
Claire Thomas