SOURCE - Jérôme Anciberro - Témoignage Chrétien - 14 janvier 2010
Les paroissiens d’un bourg normand refusent de voir partir leur curé. Une affaire locale qui prend de l’ampleur.
La révolte de Thiberville par Jérôme Anciberro
L’affaire de Thiberville aurait pu n’intéresser que les catholiques locaux. Las ! Les sites Internet de partage vidéo et la blogosphère aidant, ce « fait-divers » religieux a presque fait le tour de la planète. Résumé des faits : le 3 janvier, l’évêque d’Évreux, Mgr Nourrichard, se présente à l’église de Thiberville, bourg d’environ 2 000 habitants, afin d’y expliquer plusieurs de ses décisions, dont la révocation du curé de la paroisse, le Père Francis Michel, qui y exerce son sacerdoce depuis 23 ans. Le contact est glacial – une affiche sur la porte d’entrée du porche de l’église annonce à l’évêque et à ses accompagnateurs qu’ils ne sont « pas les bienvenus » –, puis franchement brutal : dans l’église pleine à craquer Mgr Nourrichard est empêché de célébrer par les protestations de l’assemblée. Le Père Michel annonce que la messe aura lieu dans une autre église, à Bournainville-Faverolles, commune située à quelques kilomètres. L’assemblée se déplace avec lui, laissant derrière elle le Père Nourrichard. Après avoir tout de même célébré l’eucharistie pour une vingtaine de personnes, l’évêque se rend à l’église de Bournainville-Faverolles. On lui en refuse l’entrée, sous les yeux des gendarmes, appelés en renfort… et des journalistes.
Soutien. Cet épisode, pénible et spectaculaire pour un regard catholique, n’aurait en temps normal intéressé que les rédactions de la presse confessionnelle et locale. Il y a quelques semaines, en Corse, de semblables manifestations de soutien au curé de Corte révoqué par l’évêque d’Ajaccio avaient été loin de recevoir la même couverture. Un détail modifie cependant la donne : le curé de Thiberville, dont le travail pastoral semble ravir ses ouailles, est de sensibilité traditionnelle et certains de ses soutiens aiment à le faire savoir. Il célèbre lui-même face à l’autel et dos au peuple, tout en suivant le rituel de Paul VI, et l’église de Thiberville est l’un des deux lieux du diocèse où l’on peut aussi célébrer la messe selon le rite de Pie V, conformément au Motu proprio Summorum Pontificium. Il n’en fallait pas plus pour que le Père Michel fût présenté comme un cas emblématique de la lutte des partisans de la « réforme de la réforme » ratzingérienne contre un modernisme post-conciliaire chargé de tous les maux de l’Église, que représenteraient en l’espèce Mgr Nourrichard et son vicaire général, le Père Vivien, nommé curé d’une nouvelle paroisse dans laquelle viennent se fondre plusieurs anciennes paroisses du diocèse, dont celle de Thiberville. C’est ce mouvement de regroupement paroissial, connu de la plupart des diocèses de France qui tentent de redistribuer les forces dans un contexte de baisse du nombre de prêtres, qui est à l’origine de la révocation du Père Michel, lequel refuse d’exercer son sacerdoce ailleurs qu’à Thiberville. Le dynamisme pastoral du Père Michel, la forte fréquentation des célébrations qu’il assure ainsi que le soutien de la population locale, élus compris, sont mis en avant par ses défenseurs. Pour certains d’entre eux, la vitalité religieuse thibervillaise serait la preuve du succès des méthodes pastorales traditionnelles préconisées par les instances romaines et la décision « technocratique » de l’évêque ne viserait qu’à briser cet élan. Le refus d’obéir aux décisions de l’évêque serait donc justifié par le souci de mieux obéir au pape.
Laïcs. En face, on se défend de vouloir intervenir dans cet esprit. Officiellement, il était d’ailleurs prévu de continuer à célébrer la messe selon le rite de Pie V après le départ du Père Michel. Par-delà les questions du traditionalisme et de l’attachement d’une population à son curé, le problème pourrait relever du refus de certains catholiques de voir évoluer le rôle du prêtre, longtemps attaché à une seule communauté parfois très réduite, vers un ministère de type épiscopal qui consisterait à assurer l’unité entre plusieurs communautés. Une évolution, conforme à la logique des regroupements paroissiaux, qui implique de donner un peu plus d’autonomie aux laïcs qui composent ces communautés.
L’affaire de Thiberville a été transmise à Rome dont la décision est très attendue.
Les paroissiens d’un bourg normand refusent de voir partir leur curé. Une affaire locale qui prend de l’ampleur.
La révolte de Thiberville par Jérôme Anciberro
L’affaire de Thiberville aurait pu n’intéresser que les catholiques locaux. Las ! Les sites Internet de partage vidéo et la blogosphère aidant, ce « fait-divers » religieux a presque fait le tour de la planète. Résumé des faits : le 3 janvier, l’évêque d’Évreux, Mgr Nourrichard, se présente à l’église de Thiberville, bourg d’environ 2 000 habitants, afin d’y expliquer plusieurs de ses décisions, dont la révocation du curé de la paroisse, le Père Francis Michel, qui y exerce son sacerdoce depuis 23 ans. Le contact est glacial – une affiche sur la porte d’entrée du porche de l’église annonce à l’évêque et à ses accompagnateurs qu’ils ne sont « pas les bienvenus » –, puis franchement brutal : dans l’église pleine à craquer Mgr Nourrichard est empêché de célébrer par les protestations de l’assemblée. Le Père Michel annonce que la messe aura lieu dans une autre église, à Bournainville-Faverolles, commune située à quelques kilomètres. L’assemblée se déplace avec lui, laissant derrière elle le Père Nourrichard. Après avoir tout de même célébré l’eucharistie pour une vingtaine de personnes, l’évêque se rend à l’église de Bournainville-Faverolles. On lui en refuse l’entrée, sous les yeux des gendarmes, appelés en renfort… et des journalistes.
Soutien. Cet épisode, pénible et spectaculaire pour un regard catholique, n’aurait en temps normal intéressé que les rédactions de la presse confessionnelle et locale. Il y a quelques semaines, en Corse, de semblables manifestations de soutien au curé de Corte révoqué par l’évêque d’Ajaccio avaient été loin de recevoir la même couverture. Un détail modifie cependant la donne : le curé de Thiberville, dont le travail pastoral semble ravir ses ouailles, est de sensibilité traditionnelle et certains de ses soutiens aiment à le faire savoir. Il célèbre lui-même face à l’autel et dos au peuple, tout en suivant le rituel de Paul VI, et l’église de Thiberville est l’un des deux lieux du diocèse où l’on peut aussi célébrer la messe selon le rite de Pie V, conformément au Motu proprio Summorum Pontificium. Il n’en fallait pas plus pour que le Père Michel fût présenté comme un cas emblématique de la lutte des partisans de la « réforme de la réforme » ratzingérienne contre un modernisme post-conciliaire chargé de tous les maux de l’Église, que représenteraient en l’espèce Mgr Nourrichard et son vicaire général, le Père Vivien, nommé curé d’une nouvelle paroisse dans laquelle viennent se fondre plusieurs anciennes paroisses du diocèse, dont celle de Thiberville. C’est ce mouvement de regroupement paroissial, connu de la plupart des diocèses de France qui tentent de redistribuer les forces dans un contexte de baisse du nombre de prêtres, qui est à l’origine de la révocation du Père Michel, lequel refuse d’exercer son sacerdoce ailleurs qu’à Thiberville. Le dynamisme pastoral du Père Michel, la forte fréquentation des célébrations qu’il assure ainsi que le soutien de la population locale, élus compris, sont mis en avant par ses défenseurs. Pour certains d’entre eux, la vitalité religieuse thibervillaise serait la preuve du succès des méthodes pastorales traditionnelles préconisées par les instances romaines et la décision « technocratique » de l’évêque ne viserait qu’à briser cet élan. Le refus d’obéir aux décisions de l’évêque serait donc justifié par le souci de mieux obéir au pape.
Laïcs. En face, on se défend de vouloir intervenir dans cet esprit. Officiellement, il était d’ailleurs prévu de continuer à célébrer la messe selon le rite de Pie V après le départ du Père Michel. Par-delà les questions du traditionalisme et de l’attachement d’une population à son curé, le problème pourrait relever du refus de certains catholiques de voir évoluer le rôle du prêtre, longtemps attaché à une seule communauté parfois très réduite, vers un ministère de type épiscopal qui consisterait à assurer l’unité entre plusieurs communautés. Une évolution, conforme à la logique des regroupements paroissiaux, qui implique de donner un peu plus d’autonomie aux laïcs qui composent ces communautés.
L’affaire de Thiberville a été transmise à Rome dont la décision est très attendue.