SOURCE - Virginie Félix - Télérama - 7 mai 2010
Le reportage des "Infiltrés" sur une paroisse intégriste bordelaise n'en finit pas de créer des remous dans la ville. Suite aux propos choquants et racistes entendus le 27 avril sur France 2, le parquet de Bordeaux vient d'ouvrir une enquête préliminaire. Mais on s'aperçoit que les ultras de la fraternité Saint Pie X ont bénéficié de certaines "indulgences" de la part d'Alain Juppé et de sa municipalité, qui auraient pu les déloger il y a longtemps… en appliquant des décisions de justice.
Des élèves de 12 ans qui entonnent une ritournelle sur Auschwitz et ses « douches gratuites », un prof d’histoire qui voit dans les SS une « troupe d’élite », un abbé qui professe au catéchisme que « l’Islam est une religion de guerre »… En soulevant le couvercle d’une nébuleuse d’extrême-droite bordelaise – Dies Irae –, en montrant ses liens avec la paroisse intégriste Saint-Eloi et l’école catholique Saint-Projet, le magazine de France 2 Les infiltrés, diffusé le 27 avril, a provoqué stupeur et émoi dans la ville. Mais aussi ravivé un débat politique de longue date autour de l’église Saint-Eloi et ses sulfureux occupants.
Au lendemain de l’émission, le maire, Alain Juppé, a pris la plume pour s’adresser au préfet et au recteur et leur demander qu’« une fois les faits avérés, cette affaire fasse l’objet de poursuites judiciaires ». Mais les élus socialistes bordelais, en ébullition, s’agacent de cette réaction, qu’ils jugent tardive et « hypocrite ». Ils rappellent que c’est le conseil municipal lui-même, sous l’autorité d’Alain Juppé, qui permit, en 2002, l’installation à Saint-Eloi des intégristes de la fraternité Saint Pie X.
« Le 28 janvier 2002, raconte sur son blog Gilles Savary, à l’époque chef de file de l’opposition bordelaise, Alain Juppé soumettait à son conseil municipal une délibération visant à affecter l’église Saint-Eloi de Bordeaux à une association culturelle. En guise d’association culturelle, il s’agissait de la tenue de camouflage de la fraternité lefébvriste Saint Pie X, pilotée par l’abbé Laguérie, connu pour son occupation de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris, ses commandos anti-IVG et ses menaces contre les libraires qui ont diffusé le livre INRI, de Bettina Rheims. »
Ce jour-là, les élus de l’opposition de gauche, plus que méfiants à l’idée de confier les clés de l’église à cette association Saint-Eloi, prétendument vouée à la restauration de l’édifice mais accueillant en son sein des intégristes catholiques, font vivement entendre leurs craintes et leur désaccord. Amené à justifier son choix, Alain Juppé le fait droit dans ses bottes, avec cet argumentaire que l’on trouve retranscrit dans le compte rendu du conseil municipal : « Nous avons avec Utopia [un cinéma d’art et d’essai installé dans l’église désaffectée Saint-Siméon, NDLR] un centre d’animation gauchiste extrêmement actif, […] qui entretient un foyer d’animation trotskiste, anarchiste permanent. Eh bien, avoir un pilier d’extrême-droite et un pilier d’extrême-gauche, à supposer que cette activité à Saint-Eloi puisse être qualifiée d’extrême-droite – mais cela c’est votre affirmation, moi je ne la reprends pas à mon compte et j’espère bien qu’ils n’auront pas d’activité politique –, mais enfin, même si votre fantasme se vérifiait, eh bien, voilà, cela fait un coup d’un côté, un coup de l’autre. C’est cela l’équilibre démocratique. »
Au terme des débats, la majorité municipale de droite – à l’exception d’un élu UDF – vote donc, malgré les protestations virulentes de l’opposition, la mise à disposition de l’église à l’association Saint-Eloi. « Pour la première fois, une municipalité décide d’elle-même de créer un Saint-Nicolas-du-Chardonnet chez elle », s’indigne alors Gilles Savary. Suite à cette décision, l’élu socialiste, mais aussi l’archevêque de Bordeaux, Jean-Pierre Ricard, également hostile à l’installation des Lefèbvristes à Saint-Eloi, décident l’un et l’autre d’engager un recours devant la justice. La question est de savoir si l’église est bien légalement désaffectée. Si elle ne l’est pas, elle doit demeurer dévolue au culte catholique romain, auquel n’appartient pas la fraternité Saint Pie X, excommuniée par Jean Paul II. Le 20 décembre 2002, le tribunal administratif leur donne raison et annule la délibération du conseil municipal. Jugement ensuite confirmé par la cour administrative d’appel puis le Conseil d’Etat. Malgré ces trois décisions de justice, rien ni personne ne déloge les intégristes. En 2006, les mouvements traditionalistes sont ramenés dans le giron de l’église catholique par Benoît XVI. Et ,en 2007, l’archevêché de Bordeaux signe une convention ad experimentum avec l’Institut du bon pasteur, de l’abbé Laguérie, mettant un terme au débat administratif sur la désaffectation de l’église.
Aujourd’hui, avec la mise en lumière, par le reportage des Infiltrés, de la nébuleuse extrémiste gravitant autour de Saint-Eloi, beaucoup s’insurgent à Bordeaux contre la bienveillance municipale à l’égard de cette paroisse. Mercredi, dans un communiqué commun, un collectif d’associations, parmi lesquelles SOS Racisme et la Ligue des droits de l’homme, a eu des mots assez durs : « Les activistes factieux, xénophobes, racistes et antisémites ont trop longtemps bénéficié d’indulgences de la part des autorités municipales et préfectorales. » Gilles Savary, le plus ancien et fervent des opposants politiques à cette installation, remonte ardemment au créneau : « La municipalité a installé un nid de frelons qui a prospéré. En ne faisant pas respecter la loi, on a laissé le germe se développer. » Matthieu Rouveyre, jeune conseiller municipal socialiste bordelais, détaille : « Une librairie intégriste s’est installée juste en face de l’église, concomitamment à son occupation par la fraternité Saint Pie X. Et le cours Saint-Projet, créé en 2005, c’est le bébé de Laguérie. Sans la décision municipale de donner cette église, on n’aurait pas eu l’implantation de cette mouvance à Bordeaux. Qui a prospéré depuis, et attiré les extrémistes. C’est à Saint-Eloi que Dieudonné est venu faire baptiser sa fille en juillet 2008, en présence de Jean-Marie Le Pen, qui est le parrain ; en juillet 2005, dans l’église a été célébrée une messe en hommage au maréchal Pétain. Admettons qu’Alain Juppé ait pu se faire piéger dans cette affaire de l’église Saint-Eloi, et qu’il n’ait jamais voulu se désavouer ensuite parce qu’il est trop fier, il a quand même une lourde responsabilité. »
Lourd dossier local, sur lequel Gilles Savary était venu s’exprimer lors du débat organisé par Les infiltrés. Mais ses propos ont été coupés au montage, privant les téléspectateurs du point de vue de l’élu sur le contexte bordelais. « Sur le plateau de l’émission, raconte-t-il sur son blog, j’expliquais comment il nous a fallu déférer devant la juridiction administrative pour dire le droit et tenter de le faire appliquer : par trois reprises, les tribunaux confirmaient l’illégalité de la délibération municipale que le préfet avait complaisamment validée. J’expliquais comment tout l’appareil d’Etat de l’époque, et en particulier le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, saisis par mes soins, refusaient de faire exécuter une décision de justice aussi limpide.... » « Au final, déplore l’élu, l’essentiel des propos et du témoignage pour lesquels on m’avait invité sur le plateau d’enregistrement ont disparu. »
Nécessité juridique, se défend l’agence CAPA (productrice de l’émission), qui explique que Gilles Savary était trop précis dans sa désignation des lieux et des personnes et que le magazine encourait, du coup, le risque d’un procès. Les méthodes utilisées pour le reportage, réalisé à l’insu des personnes filmées, restreignent en effet la possibilité de citer l’identité des individus, qui apparaissent floutés à l’écran. « Il n’était pas possible de citer en plateau le nom de la paroisse ni celui du prêtre, filmés en caméra cachée », explique le rédacteur en chef Laurent Richard, pour justifier la coupe.
Alain Juppé avait été lui aussi convié à participer au débat par Les infiltrés. Il a préféré décliner l’invitation, faisant savoir à l’équipe de l’émission qu’il ne souhaitait pas s’exprimer sur le sujet. La veille du reportage, lors du conseil municipal, il a refusé de mettre le sujet à l’ordre du jour et coupé systématiquement le micro des élus socialistes qui souhaitaient l'évoquer. Il a fini par prendre la parole sur son blog, une semaine après la diffusion qui a provoqué tant de remous dans sa ville. Dans un court texte, il se dit « horrifié par les propos entendus dans l’émission Les infiltrés consacrée à la secte extrémiste qui sévit à Bordeaux ». Et « espère de tout cœur que les enquêtes en cours permettront d’identifier rapidement tous ceux qui se sont rendus coupables de tels appels à la haine raciale et à l’antisémitisme, et que les lois qui les répriment seront appliquées avec sévérité ». Nous l’avons sollicité pour recueillir son point de vue. Son cabinet nous a fait savoir qu’il ne « souhaitait pas en rajouter ».
Pour l’heure, suite à la diffusion des Infiltrés, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Bordeaux, qui estime que le reportage est « révélateur d’agissements susceptibles d’incriminations pénales ». De son côté, SOS Racisme Gironde a annoncé son intention de porter plainte et de se constituer partie civile, s’appuyant sur les motifs de « diffamation raciale » et de « provocation non publique à la haine raciale ». « Nous voulons nous associer à la procédure du parquet, il faut qu’elle aille à son terme. » Reste le problème délicat de la qualification des faits : les propos choquants, racistes et haineux entendus dans le film ont en effet été tenus au sein de sphères privées et enregistrés en caméra cachée, à l’insu de ceux qui les prononçaient. Une méthode qui a permis de dévoiler des discours qui n’auraient sans doute jamais été tenus face caméra. Mais qui risque de transformer en casse-tête juridique les poursuites judiciaires.
Virginie Félix
Le reportage des "Infiltrés" sur une paroisse intégriste bordelaise n'en finit pas de créer des remous dans la ville. Suite aux propos choquants et racistes entendus le 27 avril sur France 2, le parquet de Bordeaux vient d'ouvrir une enquête préliminaire. Mais on s'aperçoit que les ultras de la fraternité Saint Pie X ont bénéficié de certaines "indulgences" de la part d'Alain Juppé et de sa municipalité, qui auraient pu les déloger il y a longtemps… en appliquant des décisions de justice.
Des élèves de 12 ans qui entonnent une ritournelle sur Auschwitz et ses « douches gratuites », un prof d’histoire qui voit dans les SS une « troupe d’élite », un abbé qui professe au catéchisme que « l’Islam est une religion de guerre »… En soulevant le couvercle d’une nébuleuse d’extrême-droite bordelaise – Dies Irae –, en montrant ses liens avec la paroisse intégriste Saint-Eloi et l’école catholique Saint-Projet, le magazine de France 2 Les infiltrés, diffusé le 27 avril, a provoqué stupeur et émoi dans la ville. Mais aussi ravivé un débat politique de longue date autour de l’église Saint-Eloi et ses sulfureux occupants.
Au lendemain de l’émission, le maire, Alain Juppé, a pris la plume pour s’adresser au préfet et au recteur et leur demander qu’« une fois les faits avérés, cette affaire fasse l’objet de poursuites judiciaires ». Mais les élus socialistes bordelais, en ébullition, s’agacent de cette réaction, qu’ils jugent tardive et « hypocrite ». Ils rappellent que c’est le conseil municipal lui-même, sous l’autorité d’Alain Juppé, qui permit, en 2002, l’installation à Saint-Eloi des intégristes de la fraternité Saint Pie X.
« Le 28 janvier 2002, raconte sur son blog Gilles Savary, à l’époque chef de file de l’opposition bordelaise, Alain Juppé soumettait à son conseil municipal une délibération visant à affecter l’église Saint-Eloi de Bordeaux à une association culturelle. En guise d’association culturelle, il s’agissait de la tenue de camouflage de la fraternité lefébvriste Saint Pie X, pilotée par l’abbé Laguérie, connu pour son occupation de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris, ses commandos anti-IVG et ses menaces contre les libraires qui ont diffusé le livre INRI, de Bettina Rheims. »
Ce jour-là, les élus de l’opposition de gauche, plus que méfiants à l’idée de confier les clés de l’église à cette association Saint-Eloi, prétendument vouée à la restauration de l’édifice mais accueillant en son sein des intégristes catholiques, font vivement entendre leurs craintes et leur désaccord. Amené à justifier son choix, Alain Juppé le fait droit dans ses bottes, avec cet argumentaire que l’on trouve retranscrit dans le compte rendu du conseil municipal : « Nous avons avec Utopia [un cinéma d’art et d’essai installé dans l’église désaffectée Saint-Siméon, NDLR] un centre d’animation gauchiste extrêmement actif, […] qui entretient un foyer d’animation trotskiste, anarchiste permanent. Eh bien, avoir un pilier d’extrême-droite et un pilier d’extrême-gauche, à supposer que cette activité à Saint-Eloi puisse être qualifiée d’extrême-droite – mais cela c’est votre affirmation, moi je ne la reprends pas à mon compte et j’espère bien qu’ils n’auront pas d’activité politique –, mais enfin, même si votre fantasme se vérifiait, eh bien, voilà, cela fait un coup d’un côté, un coup de l’autre. C’est cela l’équilibre démocratique. »
Au terme des débats, la majorité municipale de droite – à l’exception d’un élu UDF – vote donc, malgré les protestations virulentes de l’opposition, la mise à disposition de l’église à l’association Saint-Eloi. « Pour la première fois, une municipalité décide d’elle-même de créer un Saint-Nicolas-du-Chardonnet chez elle », s’indigne alors Gilles Savary. Suite à cette décision, l’élu socialiste, mais aussi l’archevêque de Bordeaux, Jean-Pierre Ricard, également hostile à l’installation des Lefèbvristes à Saint-Eloi, décident l’un et l’autre d’engager un recours devant la justice. La question est de savoir si l’église est bien légalement désaffectée. Si elle ne l’est pas, elle doit demeurer dévolue au culte catholique romain, auquel n’appartient pas la fraternité Saint Pie X, excommuniée par Jean Paul II. Le 20 décembre 2002, le tribunal administratif leur donne raison et annule la délibération du conseil municipal. Jugement ensuite confirmé par la cour administrative d’appel puis le Conseil d’Etat. Malgré ces trois décisions de justice, rien ni personne ne déloge les intégristes. En 2006, les mouvements traditionalistes sont ramenés dans le giron de l’église catholique par Benoît XVI. Et ,en 2007, l’archevêché de Bordeaux signe une convention ad experimentum avec l’Institut du bon pasteur, de l’abbé Laguérie, mettant un terme au débat administratif sur la désaffectation de l’église.
Aujourd’hui, avec la mise en lumière, par le reportage des Infiltrés, de la nébuleuse extrémiste gravitant autour de Saint-Eloi, beaucoup s’insurgent à Bordeaux contre la bienveillance municipale à l’égard de cette paroisse. Mercredi, dans un communiqué commun, un collectif d’associations, parmi lesquelles SOS Racisme et la Ligue des droits de l’homme, a eu des mots assez durs : « Les activistes factieux, xénophobes, racistes et antisémites ont trop longtemps bénéficié d’indulgences de la part des autorités municipales et préfectorales. » Gilles Savary, le plus ancien et fervent des opposants politiques à cette installation, remonte ardemment au créneau : « La municipalité a installé un nid de frelons qui a prospéré. En ne faisant pas respecter la loi, on a laissé le germe se développer. » Matthieu Rouveyre, jeune conseiller municipal socialiste bordelais, détaille : « Une librairie intégriste s’est installée juste en face de l’église, concomitamment à son occupation par la fraternité Saint Pie X. Et le cours Saint-Projet, créé en 2005, c’est le bébé de Laguérie. Sans la décision municipale de donner cette église, on n’aurait pas eu l’implantation de cette mouvance à Bordeaux. Qui a prospéré depuis, et attiré les extrémistes. C’est à Saint-Eloi que Dieudonné est venu faire baptiser sa fille en juillet 2008, en présence de Jean-Marie Le Pen, qui est le parrain ; en juillet 2005, dans l’église a été célébrée une messe en hommage au maréchal Pétain. Admettons qu’Alain Juppé ait pu se faire piéger dans cette affaire de l’église Saint-Eloi, et qu’il n’ait jamais voulu se désavouer ensuite parce qu’il est trop fier, il a quand même une lourde responsabilité. »
Lourd dossier local, sur lequel Gilles Savary était venu s’exprimer lors du débat organisé par Les infiltrés. Mais ses propos ont été coupés au montage, privant les téléspectateurs du point de vue de l’élu sur le contexte bordelais. « Sur le plateau de l’émission, raconte-t-il sur son blog, j’expliquais comment il nous a fallu déférer devant la juridiction administrative pour dire le droit et tenter de le faire appliquer : par trois reprises, les tribunaux confirmaient l’illégalité de la délibération municipale que le préfet avait complaisamment validée. J’expliquais comment tout l’appareil d’Etat de l’époque, et en particulier le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, saisis par mes soins, refusaient de faire exécuter une décision de justice aussi limpide.... » « Au final, déplore l’élu, l’essentiel des propos et du témoignage pour lesquels on m’avait invité sur le plateau d’enregistrement ont disparu. »
Nécessité juridique, se défend l’agence CAPA (productrice de l’émission), qui explique que Gilles Savary était trop précis dans sa désignation des lieux et des personnes et que le magazine encourait, du coup, le risque d’un procès. Les méthodes utilisées pour le reportage, réalisé à l’insu des personnes filmées, restreignent en effet la possibilité de citer l’identité des individus, qui apparaissent floutés à l’écran. « Il n’était pas possible de citer en plateau le nom de la paroisse ni celui du prêtre, filmés en caméra cachée », explique le rédacteur en chef Laurent Richard, pour justifier la coupe.
Alain Juppé avait été lui aussi convié à participer au débat par Les infiltrés. Il a préféré décliner l’invitation, faisant savoir à l’équipe de l’émission qu’il ne souhaitait pas s’exprimer sur le sujet. La veille du reportage, lors du conseil municipal, il a refusé de mettre le sujet à l’ordre du jour et coupé systématiquement le micro des élus socialistes qui souhaitaient l'évoquer. Il a fini par prendre la parole sur son blog, une semaine après la diffusion qui a provoqué tant de remous dans sa ville. Dans un court texte, il se dit « horrifié par les propos entendus dans l’émission Les infiltrés consacrée à la secte extrémiste qui sévit à Bordeaux ». Et « espère de tout cœur que les enquêtes en cours permettront d’identifier rapidement tous ceux qui se sont rendus coupables de tels appels à la haine raciale et à l’antisémitisme, et que les lois qui les répriment seront appliquées avec sévérité ». Nous l’avons sollicité pour recueillir son point de vue. Son cabinet nous a fait savoir qu’il ne « souhaitait pas en rajouter ».
Pour l’heure, suite à la diffusion des Infiltrés, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Bordeaux, qui estime que le reportage est « révélateur d’agissements susceptibles d’incriminations pénales ». De son côté, SOS Racisme Gironde a annoncé son intention de porter plainte et de se constituer partie civile, s’appuyant sur les motifs de « diffamation raciale » et de « provocation non publique à la haine raciale ». « Nous voulons nous associer à la procédure du parquet, il faut qu’elle aille à son terme. » Reste le problème délicat de la qualification des faits : les propos choquants, racistes et haineux entendus dans le film ont en effet été tenus au sein de sphères privées et enregistrés en caméra cachée, à l’insu de ceux qui les prononçaient. Une méthode qui a permis de dévoiler des discours qui n’auraient sans doute jamais été tenus face caméra. Mais qui risque de transformer en casse-tête juridique les poursuites judiciaires.
Virginie Félix