SOURCE - Abbé de Tanoüarn, ibp - 9 juillet 2010
Chers amis,
La question nous est posée parfois : pourquoi étudier à Rome ?
Je dois dire sans modestie que cette idée d’un convict et d’une Maison de formation sise à Rome, je l’avais avant même que nous ne signions le décret d’érection de notre Institut, je l’ai eu au moment où je téléphonai à l’abbé Laguérie pour hâter notre nécessaire voyage à Rome. Cela m’a immédiatement paru vital pour notre Institut que sa vitrine se trouve à Rome. Pourquoi pas à Courtalain ? Ou à Bordeaux ? Ou à Paris ? Parce que Rome est le cœur de la chrétienté, le miracle arraché au pouvoir d’anéantissement de vingt siècles et comme le sacrement de l’Eglise catholique, le signe efficace, levé à la face des nations, et qui fait de nous des catholiques.
Dans les années Soixante dix, il était de bon ton de taxer de ringardise cet attachement des catholiques du Monde entier au sacrement de la catholicité, à cette singularité géographique, historique, culturelle, artistique et spirituelle qui nous rend universels dans notre vision, qui nous détache de l’esprit de parti et nous fait serviteurs fidèles d’un évangile aux dimensions du monde.
Et puis Jean Paul II est venu, avec son sens exceptionnel de la communication. Il a démontré aux timorés, auxquels il avait, au préalable, enjoint de ne pas avoir peur, que la réalité était exactement à l’inverse des pronostications et des pronostiqueurs. En fait, tout tendait à être ringard dans l’Eglise, en particulier les expériences les plus révolutionnaires, les théologies les plus sécularisées, les liturgies les plus pédagogiques… La rupture pastorale la plus apparente était immédiatement périmée. Hors-champ. Hors-monde. Mais l’homme en blanc, on se l’arrachait plus que jamais. Dans le monde entier. Combien ont ressenti le choc de sa présence au monde et se sont mis à penser comme Guillaume Apollinaire, qui disait cela au début du XXème siècle et d’un autre pape : « A la fin tu es las de ce monde ancien/Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin/Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine/Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes/La religion seule est restée toute neuve la religion/Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation/Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme/L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X/Et toi que les fenêtres observent la honte te retient/D'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin».
Comment se priver de la grâce de la romanité ? Comment priver des jeunes de cette vivante leçon d’universalité, eux qui, même lorsqu’ils ont entendu l’appel, vivent souvent loin du Mystère chrétien et qui, dans l’ardeur de leur jeunesse, peuvent aisément, derrière de hauts murs, le confondre, ce Mystère, avec un système clos ou l’identifier à un de ces parcours fléchés dans lequel le départ et l’arrivée se confondent implacablement, comme dans les musées de Province. Le risque pour ces jeunes ? C’est de faire de la théologie catholique un jardin japonais, où tout est simple (à commencer par Dieu), où les végétaux poussent à la bonne hauteur pour qu’on ait l’impression de dominer leur luxuriance native, où les problèmes sont résolus du moment que l’on n’oublie pas d’arroser régulièrement avec les bons sentiments du moment. Le résultat ? La langue de buis. Un jargon opaque pour les fidèles, mais que l’on possède parfaitement dans sa langue et qu’il suffira de servir, oh ! rapidement micro-ondé par une petite préparation écrite de dernière minute.
La première grâce de Rome pour un jeune lévite, c’est celle d’une Pentecôte qui protège de l’enfermement des langues de buis, en offrant (en italien ou parfois en anglais) la clarté et la simplicité du dogme, sans les fantasmagories théologiques qui l’accompagnent sous d’autres cieux. A Rome, mieux que partout ailleurs, l’intelligence se mesure sans cesse avec le dogme, qui n’est pas perçu comme une borne sur laquelle on viendrait butter, mais comme une lumière qui illumine nos ténèbres et fait dans notre nuit une trouée de lumière. A Rome, mieux que partout ailleurs, l’intelligence reçoit l’enseignement du Magistère, non pas comme une Pravda vaticane, mais comme un commentaire authentique des sources de notre foi. A Rome, on est plus proche que partout ailleurs des sources de notre foi, parce que la première source de notre foi est une parole vivante et non une lettre morte.
Lorsque je pense à Rome, il me vient souvent à l’esprit la parole célèbre de Thérèse de Lisieux, cette petite Française qui a éprouvé jadis le besoin de faire confirmer par le pape Léon XIII son désir d’entrer au Carmel à 15 ans : « Dans le cœur de l’Eglise ma mère, s’écrie-t-elle, je serai l’amour ». Nous autres pauvres prêtres et autres candidats au sacerdoce, sans doute d’abord parce que nous ne sommes que des hommes, il ne nous viendrait pas à l’idée « d’être l’amour ». Mais quelle joie de vivre dans le cœur de l’Eglise notre mère ! Quel apprentissage ! Quel sagesse pour la vie ! Quel luxe ! Quelle force !
Quiconque est allé à Rome sait une fois pour toutes que l’Eglise n’appartient à personne, qu’aucun groupe ne peut dire en vérité : « Nous sommes l’Eglise » et qu’en tant que prêtres notre honneur est de ne jamais nous servir de l’Eglise et de nous contenter en la servant…
Abbé Guillaume de Tanoüarn
Assistant de l’Institut du Bon Pasteur
Chers amis,
La question nous est posée parfois : pourquoi étudier à Rome ?
Je dois dire sans modestie que cette idée d’un convict et d’une Maison de formation sise à Rome, je l’avais avant même que nous ne signions le décret d’érection de notre Institut, je l’ai eu au moment où je téléphonai à l’abbé Laguérie pour hâter notre nécessaire voyage à Rome. Cela m’a immédiatement paru vital pour notre Institut que sa vitrine se trouve à Rome. Pourquoi pas à Courtalain ? Ou à Bordeaux ? Ou à Paris ? Parce que Rome est le cœur de la chrétienté, le miracle arraché au pouvoir d’anéantissement de vingt siècles et comme le sacrement de l’Eglise catholique, le signe efficace, levé à la face des nations, et qui fait de nous des catholiques.
Dans les années Soixante dix, il était de bon ton de taxer de ringardise cet attachement des catholiques du Monde entier au sacrement de la catholicité, à cette singularité géographique, historique, culturelle, artistique et spirituelle qui nous rend universels dans notre vision, qui nous détache de l’esprit de parti et nous fait serviteurs fidèles d’un évangile aux dimensions du monde.
Et puis Jean Paul II est venu, avec son sens exceptionnel de la communication. Il a démontré aux timorés, auxquels il avait, au préalable, enjoint de ne pas avoir peur, que la réalité était exactement à l’inverse des pronostications et des pronostiqueurs. En fait, tout tendait à être ringard dans l’Eglise, en particulier les expériences les plus révolutionnaires, les théologies les plus sécularisées, les liturgies les plus pédagogiques… La rupture pastorale la plus apparente était immédiatement périmée. Hors-champ. Hors-monde. Mais l’homme en blanc, on se l’arrachait plus que jamais. Dans le monde entier. Combien ont ressenti le choc de sa présence au monde et se sont mis à penser comme Guillaume Apollinaire, qui disait cela au début du XXème siècle et d’un autre pape : « A la fin tu es las de ce monde ancien/Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin/Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine/Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes/La religion seule est restée toute neuve la religion/Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation/Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme/L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X/Et toi que les fenêtres observent la honte te retient/D'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin».
Comment se priver de la grâce de la romanité ? Comment priver des jeunes de cette vivante leçon d’universalité, eux qui, même lorsqu’ils ont entendu l’appel, vivent souvent loin du Mystère chrétien et qui, dans l’ardeur de leur jeunesse, peuvent aisément, derrière de hauts murs, le confondre, ce Mystère, avec un système clos ou l’identifier à un de ces parcours fléchés dans lequel le départ et l’arrivée se confondent implacablement, comme dans les musées de Province. Le risque pour ces jeunes ? C’est de faire de la théologie catholique un jardin japonais, où tout est simple (à commencer par Dieu), où les végétaux poussent à la bonne hauteur pour qu’on ait l’impression de dominer leur luxuriance native, où les problèmes sont résolus du moment que l’on n’oublie pas d’arroser régulièrement avec les bons sentiments du moment. Le résultat ? La langue de buis. Un jargon opaque pour les fidèles, mais que l’on possède parfaitement dans sa langue et qu’il suffira de servir, oh ! rapidement micro-ondé par une petite préparation écrite de dernière minute.
La première grâce de Rome pour un jeune lévite, c’est celle d’une Pentecôte qui protège de l’enfermement des langues de buis, en offrant (en italien ou parfois en anglais) la clarté et la simplicité du dogme, sans les fantasmagories théologiques qui l’accompagnent sous d’autres cieux. A Rome, mieux que partout ailleurs, l’intelligence se mesure sans cesse avec le dogme, qui n’est pas perçu comme une borne sur laquelle on viendrait butter, mais comme une lumière qui illumine nos ténèbres et fait dans notre nuit une trouée de lumière. A Rome, mieux que partout ailleurs, l’intelligence reçoit l’enseignement du Magistère, non pas comme une Pravda vaticane, mais comme un commentaire authentique des sources de notre foi. A Rome, on est plus proche que partout ailleurs des sources de notre foi, parce que la première source de notre foi est une parole vivante et non une lettre morte.
Lorsque je pense à Rome, il me vient souvent à l’esprit la parole célèbre de Thérèse de Lisieux, cette petite Française qui a éprouvé jadis le besoin de faire confirmer par le pape Léon XIII son désir d’entrer au Carmel à 15 ans : « Dans le cœur de l’Eglise ma mère, s’écrie-t-elle, je serai l’amour ». Nous autres pauvres prêtres et autres candidats au sacerdoce, sans doute d’abord parce que nous ne sommes que des hommes, il ne nous viendrait pas à l’idée « d’être l’amour ». Mais quelle joie de vivre dans le cœur de l’Eglise notre mère ! Quel apprentissage ! Quel sagesse pour la vie ! Quel luxe ! Quelle force !
Quiconque est allé à Rome sait une fois pour toutes que l’Eglise n’appartient à personne, qu’aucun groupe ne peut dire en vérité : « Nous sommes l’Eglise » et qu’en tant que prêtres notre honneur est de ne jamais nous servir de l’Eglise et de nous contenter en la servant…
Abbé Guillaume de Tanoüarn
Assistant de l’Institut du Bon Pasteur