SOURCE - Abbé Richard Simon - Fides et Ratio - 11 novembre 2010
Voici le texte d’un Prêtre américain racontant sa première expérience de Messe ad orientem. Il a aimé, mais comme vous allez le voir, le ton est assez désabusé. Par l’Abbé Richard Simon, curé de la Paroisse St. Lambert de Skokie, Illinois, USA - Traduction Louis Marie.
Dimanche dernier, en clôture d’une conférence sur les Pères de l’Église, j’ai dit la Messe, le Novus Ordo, en anglais. Il n’y avait aucune différence avec les autres Messes Novus Ordo, exceptée une.
A partir de l’offertoire, pendant le Canon et jusqu’au Notre Père inclus, j’étais face à l’Autel et non face à l’assemblée. Au début de la Messe, j’ai célébré le rit d’ouverture de la célébration depuis la banquette, où je suis resté pendant les lectures. Après le Credo et la prière universelle, je suis allé recevoir les offrandes de pain et de vin, puis je suis monté à l’Autel sans tourner autour. Le diacre et moi-même nous nous sommes tournés vers l’assemblée : « Prions… ». Je me suis encore retourné vers elle lors du signe de paix et à « Seigneur je ne suis pas digne… ». Après avoir distribuée la Sainte Communion, je suis retourné à la banquette et la Messe s’est terminée comme à l’habitude. La musique était très simple, il s’agissait surtout de plain-chant en anglais, et de l’ordinaire en latin. Les lectures et toutes les prières étaient en anglais.
J’avais prévenu la communauté que je ne ferais cela qu’une seule fois, en raison de la conférence que nous recevions dans la paroisse. Je n’étais pas tourné vers l’assemblée environ 15 minutes sur une heure.
Si je l’ai fait, c’était pour l’expérience. Je pense que les Pères du Concile Vatican II n’avaient jamais envisagé la Messe face au peuple, et donc je voulais voir ce que la Messe de Vatican II était vraiment, avec du latin, de l’anglais, du chant grégorien, du plain-chant vernaculaire, et une alternance entre le versus populum lorsqu’on s’adresse à l’assemblée, et l’ad orientem lorsqu’on s’adresse à Dieu. Il me semble que les rubriques du Missel demandent cela lorsqu’elles indiquent que le Prêtre doit faire face au peuple six fois pendant la Messe (présentation générale du Missel Romain) :
1) Lors du rit d’ouverture de la célébration
2) En invitant à la prière après l’offertoire : « Prions… »
3) En donnant le geste de paix
4) En élevant l’Hostie et le Calice à « Voici l’Agneau de Dieu… »
5) En invitant à la Prière juste avant la postcommunion
6) En bénissant à la fin de la Messe
Le simple fait que ces rubriques existent nous pousse à croire que le Prêtre doit cesser de faire face au peuple à certains moments dans la liturgie.
Après la Messe, les commentaires étaient variés. Certaines personnes avaient aimé, la plupart non, quelques uns étaient furieux. L’une de mes ouailles me chapitra sévèrement l’index pointé vers mon visage, soutenant que « le Pape a ordonné à tous les Prêtres de dire la Messe face au peuple ! ». Comment pourrait-il prouver quelque chose qui n’a jamais eu lieu ? Rome ne s’est jamais exprimée sur l’obligation de faire face à l’assemblée. On ne doit le faire que six fois pendant la Messe. C’est d’ailleurs l’un des grands mystères de notre temps que la raison pour laquelle la plupart des Autels dans les églises Catholiques ont été retournés.
Pour les partisans de la Messe versus populum, comme Balthasar Fischer, les premiers Chrétiens auraient célébré la Messe le Prêtre faisant face aux fidèles. Pour le dictionnaire d’Oxford des Églises Chrétiennes, la coutume de faire face à l’Autel serait apparue entre le VII et le VIIIe S. au sein du clergé Franc. J’aimerais savoir pourquoi les auteurs ont écrit cela.
Pour deux raisons, je doute fortement que la Messe n’ait jamais été célébrée entièrement tournée vers les fidèles.
Faire face à l’Est, ce qui généralement signifie ne pas faire face au peuple, est la posture unanime dans les Liturgies des traditions Byzantine, Syriaque, Copte, Éthiopienne… Cela est toujours la coutume dans les Liturgies des Églises Orientales, au moins lors du Canon. Elles célèbrent comme cela depuis des temps immémoriaux, et encore de même aujourd’hui. Elles n’auraient jamais décidé de changer leur tradition pour s’accorder avec des barbares Francs d’Occident, 700 ans après le Christ. On peut donc dire que cette coutume de se tourner, clergé comme assemblée, dans la même direction dans la prière était la norme universelle avant 1967.
De plus, les premiers Chrétiens auraient encore été culturellement Juifs pendant au moins 100 ans après le Christ, en tout cas selon le sociologue Rodney Stark. S’orienter vers une direction sacrée, et non vers les fidèles était normal lors des cérémonies dans les synagogues, à partir desquelles la Messe s’est construite. Les Juifs Orthodoxes se tournent encore aujourd’hui vers l’Est, plus précisément vers Jérusalem pendant la plus grande partie du service religieux. C’est une position naturelle.
Cependant, j’aurais préféré ne pas avoir célébré la Messe ad orientem, mais pas du tout en raison de la colère de certain fidèles (étant Prêtre Catholique, je suis habitué à l’hostilité des gens envers moi). J’aurais préféré ne pas avoir dit la Messe dans la posture que je pense être celle prescrite par les Pères du Concile Vatican II, parce que cela a été une des plus belles expériences de ma vie sacerdotale. Personne ne peut imaginer ce que c’est que de dire « nous », et « notre Père » en se tenant à la tête d’un assemblée toute entière tournée vers la même direction, dans une expression physique d’unité. Malgré tout ce qui est dit sur le sujet, il est impossible de dire « nous » en regardant 500 personnes sans leur parler, à elles.
La Messe est une louange divine adressée à Dieu, et malgré toutes nos bonnes intentions, nous autres ecclésiastique nous nous adressons à ceux que nous regardons. On ne peut rien y faire, le visage humain est une chose trop attirante. Et c’est seulement Dimanche dernier que j’ai réalisé à quel point je faisais partie d’une famille dans la foi, d’une Église en prière. Je n’avais en effet jamais réalisé auparavant à quel point c’était être esseulé que de dire la Messe face au peuple : « Je suis là haut, je vous regarde, je ne fais pas partie de vous ». Et là, soudain, pour un quart d’heure, « vous ne me regardiez plus. Nous regardions ensemble Dieu ».
J’aime la Messe Tridentine, aussi appelée maintenant Forme Extraordinaire. Le Saint-Père a fait preuve d’une grande sagesse en lui permettant de revivre pour ceux à qui elle tient à cœur. Son magnifique sens de la solennité renferme une dimension essentielle du Mystère de la louange divine. Ayant enseigné le latin durant 25 ans, je comprends parfaitement ses rubriques complexes, qui me sont très parlantes. Pourtant, je ne pense pas que nous devrions retourner à l’usage exclusif du latin : les Pères Conciliaires ont eu raison de simplifier la Messe.
Le Saint Esprit anticipant les difficultés des temps présent, la simplification du rituel complexe de la Messe Tridentine est parfaitement appropriée à notre époque. Dans la même optique, il doit y avoir un équilibre entre la langue commune et la langue sacrée : les gens prient tout d’abord dans leur propre langage, et il faut se souvenir que le latin était le vernaculaire quand la Messe était en grec.
Cela dit, nous autres ecclésiastiques devrions admettre que nous avons fait s’encroûter les abus liturgiques, un des principaux éléments de la rébellion contre la Tradition. Nous sommes restés coincés dans les années 60 et sommes incapable de contempler sans préjugés l’hémorragie de nos communautés. Nous avons totalement échoué à leur inspirer le sens du sacré et du sublime, ce qui fait qu’une génération entière a été perdue à Dieu.
Je sais très bien que la plupart des membres de ma paroisse seraient énervés si je commençais à célébrer en direction de l’Autel régulièrement, tout simplement parce qu’ils n’y sont pas habitués. Je serais accusé de faire partie d’une faction traditionaliste ou d’un autre crime du même type. Désormais, à chaque fois que je dirais la Messe en fixant les fidèles, et qu’eux me fixeront en entendant la Messe, je penserai à ce qu’aurait du, ce qu’aurait pu être la Messe. Je crains fort d’être autant un acteur qu’un Prêtre. Je préférerais n’être qu’un Prêtre, mais le spectacle doit continuer (the show must go on).
Voici le texte d’un Prêtre américain racontant sa première expérience de Messe ad orientem. Il a aimé, mais comme vous allez le voir, le ton est assez désabusé. Par l’Abbé Richard Simon, curé de la Paroisse St. Lambert de Skokie, Illinois, USA - Traduction Louis Marie.
Dimanche dernier, en clôture d’une conférence sur les Pères de l’Église, j’ai dit la Messe, le Novus Ordo, en anglais. Il n’y avait aucune différence avec les autres Messes Novus Ordo, exceptée une.
A partir de l’offertoire, pendant le Canon et jusqu’au Notre Père inclus, j’étais face à l’Autel et non face à l’assemblée. Au début de la Messe, j’ai célébré le rit d’ouverture de la célébration depuis la banquette, où je suis resté pendant les lectures. Après le Credo et la prière universelle, je suis allé recevoir les offrandes de pain et de vin, puis je suis monté à l’Autel sans tourner autour. Le diacre et moi-même nous nous sommes tournés vers l’assemblée : « Prions… ». Je me suis encore retourné vers elle lors du signe de paix et à « Seigneur je ne suis pas digne… ». Après avoir distribuée la Sainte Communion, je suis retourné à la banquette et la Messe s’est terminée comme à l’habitude. La musique était très simple, il s’agissait surtout de plain-chant en anglais, et de l’ordinaire en latin. Les lectures et toutes les prières étaient en anglais.
J’avais prévenu la communauté que je ne ferais cela qu’une seule fois, en raison de la conférence que nous recevions dans la paroisse. Je n’étais pas tourné vers l’assemblée environ 15 minutes sur une heure.
Si je l’ai fait, c’était pour l’expérience. Je pense que les Pères du Concile Vatican II n’avaient jamais envisagé la Messe face au peuple, et donc je voulais voir ce que la Messe de Vatican II était vraiment, avec du latin, de l’anglais, du chant grégorien, du plain-chant vernaculaire, et une alternance entre le versus populum lorsqu’on s’adresse à l’assemblée, et l’ad orientem lorsqu’on s’adresse à Dieu. Il me semble que les rubriques du Missel demandent cela lorsqu’elles indiquent que le Prêtre doit faire face au peuple six fois pendant la Messe (présentation générale du Missel Romain) :
1) Lors du rit d’ouverture de la célébration
2) En invitant à la prière après l’offertoire : « Prions… »
3) En donnant le geste de paix
4) En élevant l’Hostie et le Calice à « Voici l’Agneau de Dieu… »
5) En invitant à la Prière juste avant la postcommunion
6) En bénissant à la fin de la Messe
Le simple fait que ces rubriques existent nous pousse à croire que le Prêtre doit cesser de faire face au peuple à certains moments dans la liturgie.
Après la Messe, les commentaires étaient variés. Certaines personnes avaient aimé, la plupart non, quelques uns étaient furieux. L’une de mes ouailles me chapitra sévèrement l’index pointé vers mon visage, soutenant que « le Pape a ordonné à tous les Prêtres de dire la Messe face au peuple ! ». Comment pourrait-il prouver quelque chose qui n’a jamais eu lieu ? Rome ne s’est jamais exprimée sur l’obligation de faire face à l’assemblée. On ne doit le faire que six fois pendant la Messe. C’est d’ailleurs l’un des grands mystères de notre temps que la raison pour laquelle la plupart des Autels dans les églises Catholiques ont été retournés.
Pour les partisans de la Messe versus populum, comme Balthasar Fischer, les premiers Chrétiens auraient célébré la Messe le Prêtre faisant face aux fidèles. Pour le dictionnaire d’Oxford des Églises Chrétiennes, la coutume de faire face à l’Autel serait apparue entre le VII et le VIIIe S. au sein du clergé Franc. J’aimerais savoir pourquoi les auteurs ont écrit cela.
Pour deux raisons, je doute fortement que la Messe n’ait jamais été célébrée entièrement tournée vers les fidèles.
Faire face à l’Est, ce qui généralement signifie ne pas faire face au peuple, est la posture unanime dans les Liturgies des traditions Byzantine, Syriaque, Copte, Éthiopienne… Cela est toujours la coutume dans les Liturgies des Églises Orientales, au moins lors du Canon. Elles célèbrent comme cela depuis des temps immémoriaux, et encore de même aujourd’hui. Elles n’auraient jamais décidé de changer leur tradition pour s’accorder avec des barbares Francs d’Occident, 700 ans après le Christ. On peut donc dire que cette coutume de se tourner, clergé comme assemblée, dans la même direction dans la prière était la norme universelle avant 1967.
De plus, les premiers Chrétiens auraient encore été culturellement Juifs pendant au moins 100 ans après le Christ, en tout cas selon le sociologue Rodney Stark. S’orienter vers une direction sacrée, et non vers les fidèles était normal lors des cérémonies dans les synagogues, à partir desquelles la Messe s’est construite. Les Juifs Orthodoxes se tournent encore aujourd’hui vers l’Est, plus précisément vers Jérusalem pendant la plus grande partie du service religieux. C’est une position naturelle.
Cependant, j’aurais préféré ne pas avoir célébré la Messe ad orientem, mais pas du tout en raison de la colère de certain fidèles (étant Prêtre Catholique, je suis habitué à l’hostilité des gens envers moi). J’aurais préféré ne pas avoir dit la Messe dans la posture que je pense être celle prescrite par les Pères du Concile Vatican II, parce que cela a été une des plus belles expériences de ma vie sacerdotale. Personne ne peut imaginer ce que c’est que de dire « nous », et « notre Père » en se tenant à la tête d’un assemblée toute entière tournée vers la même direction, dans une expression physique d’unité. Malgré tout ce qui est dit sur le sujet, il est impossible de dire « nous » en regardant 500 personnes sans leur parler, à elles.
La Messe est une louange divine adressée à Dieu, et malgré toutes nos bonnes intentions, nous autres ecclésiastique nous nous adressons à ceux que nous regardons. On ne peut rien y faire, le visage humain est une chose trop attirante. Et c’est seulement Dimanche dernier que j’ai réalisé à quel point je faisais partie d’une famille dans la foi, d’une Église en prière. Je n’avais en effet jamais réalisé auparavant à quel point c’était être esseulé que de dire la Messe face au peuple : « Je suis là haut, je vous regarde, je ne fais pas partie de vous ». Et là, soudain, pour un quart d’heure, « vous ne me regardiez plus. Nous regardions ensemble Dieu ».
J’aime la Messe Tridentine, aussi appelée maintenant Forme Extraordinaire. Le Saint-Père a fait preuve d’une grande sagesse en lui permettant de revivre pour ceux à qui elle tient à cœur. Son magnifique sens de la solennité renferme une dimension essentielle du Mystère de la louange divine. Ayant enseigné le latin durant 25 ans, je comprends parfaitement ses rubriques complexes, qui me sont très parlantes. Pourtant, je ne pense pas que nous devrions retourner à l’usage exclusif du latin : les Pères Conciliaires ont eu raison de simplifier la Messe.
Le Saint Esprit anticipant les difficultés des temps présent, la simplification du rituel complexe de la Messe Tridentine est parfaitement appropriée à notre époque. Dans la même optique, il doit y avoir un équilibre entre la langue commune et la langue sacrée : les gens prient tout d’abord dans leur propre langage, et il faut se souvenir que le latin était le vernaculaire quand la Messe était en grec.
Cela dit, nous autres ecclésiastiques devrions admettre que nous avons fait s’encroûter les abus liturgiques, un des principaux éléments de la rébellion contre la Tradition. Nous sommes restés coincés dans les années 60 et sommes incapable de contempler sans préjugés l’hémorragie de nos communautés. Nous avons totalement échoué à leur inspirer le sens du sacré et du sublime, ce qui fait qu’une génération entière a été perdue à Dieu.
Je sais très bien que la plupart des membres de ma paroisse seraient énervés si je commençais à célébrer en direction de l’Autel régulièrement, tout simplement parce qu’ils n’y sont pas habitués. Je serais accusé de faire partie d’une faction traditionaliste ou d’un autre crime du même type. Désormais, à chaque fois que je dirais la Messe en fixant les fidèles, et qu’eux me fixeront en entendant la Messe, je penserai à ce qu’aurait du, ce qu’aurait pu être la Messe. Je crains fort d’être autant un acteur qu’un Prêtre. Je préférerais n’être qu’un Prêtre, mais le spectacle doit continuer (the show must go on).