SOURCE - DICI - 4 novembre 2010
« Vous êtes un moine, restez donc un moine ! » C’est le conseil que Mgr Lefebvre donnait au jeune Père Cyprien qui, ayant quitté son Monastère Sainte-Madeleine du Barroux pour raison de foi, interrogeait le prélat sur son avenir. Deux ans plus tôt, à la fin de la cérémonie d’ordination, à Ecône, il avait promis fidélité entre les mains de l’Archevêque. C’est cette même fidélité qui l’amena à fonder, à l’autre bout du monde, un monastère bénédictin, sur la montagne comme il se doit, dans les solitudes boisées du Nouveau Mexique. « Il faut tenter l’impossible ! », tel fut le testament reçu du fondateur de la Fraternité Saint-Pie X, deux mois avant sa mort. Et l’impossible devint réalité : la fondation du Monastère Notre-Dame-de-Guadalupe.[1]
Des travaux herculéens
Il aura fallu vingt ans d’efforts, de sacrifices et de prières pour arriver à ce samedi 24 octobre où la fondation fut érigée en Prieuré conventuel : pas décisif dans l’établissement d’un monastère bénédictin, « école pour le service du Seigneur »[2]. « Cette érection est à la fois un point final et un point de départ ! », commentera Mgr de Galarreta devant quelque 300 amis du Monastère rassemblés sous la grande tente montée pour l’occasion. Et il précisera : « C’est le fruit de beaucoup de travaux, de souffrances, de prières et l’engagement à une plus grande ferveur et fidélité. » Qui pourra dire, en effet, la somme de travaux dont le monastère avec sa chapelle, sa bibliothèque, son cloître, les cellules et le réfectoire, est aujourd’hui le splendide accomplissement ? L’immense réservoir d’eau au-dessus du puits est sans doute une des plus spectaculaires réalisations qui mériterait à elle seule toute une page. Depuis la découverte d’une simple fosse, présentée comme un puits à l’achat de la propriété, jusqu’au forage de 800m – le plus profond de tout l’Etat du Nouveau Mexique –, sans oublier les deux années d’aller-retours à la ville pour faire, régulièrement et par tous les temps, le plein d’une tonne d’eau !
Plus mystérieuse et sans commune mesure est la transformation des bâtiments intérieurs, non seulement ceux occupés par les moines et les nombreux postulants, mais encore ceux des visiteurs et des oblats sans nombre qui sont passés par cette maison depuis deux décennies.
Si les souffrances endurées sont le secret du Roi, saint Paul lui-même nous autorise à en énumérer la liste comme autant de preuves de la grandeur de Dieu. Les faux frères et les critiques, les tentations et les découragements, les déceptions et les abandons, les accidents et les maladies n’ont pas manqué ! La mort elle-même, qui vint enlever le Père Maître des novices, R. P. Jean de la Croix, au chant du Magnificat, le soir du 29 juin 2002.
Si le grain jeté en terre… meurt, il porte beaucoup de fruit
Il faut 8 profès à vœux solennels pour pouvoir ériger une fondation en prieuré. Avec la troisième ordination sacerdotale en juin dernier, ainsi que 4 clercs étudiants au séminaire de la Fraternité Saint-Pie X à Winona, cette très jeune[3] et fervente communauté d’une petite trentaine de moines, compte bien 8 profès ayant fait leurs vœux solennels.
La stabilité, objet d’un vœu spécial pour le bénédictin, est maintenant acquise pour le monastère tout entier. C’est une œuvre d’Eglise, reconnue comme telle et publiquement offerte par elle à ses enfants comme un moyen privilégié pour atteindre Dieu. « Cette fondation ayant donné pendant longtemps un témoignage de fidélité à la vraie Foi et à la Sainte Eglise Romaine, ainsi qu’à l’esprit de la famille bénédictine… Nous… décrétons que le Monastère soit érigé en Prieuré de l’Ordre de saint Benoît »[4]. C’est par ces paroles que Mgr de Galarreta débuta la cérémonie, poursuivant : (nous le décrétons) « de par le pouvoir que la Sainte Eglise donne en cas de nécessité, autant que nous en avons la capacité, avec l’intention d’aider par ce moyen à procurer le bien suprême de l’Eglise et le salut des âmes.»[5]
Puis le pontife procéda à l’institution du prieur conventuel « pour trois ans, après quoi une élection doit avoir lieu selon le Droit »[6]. « Souviens-toi toujours des âmes dont tu as reçu la charge et dont tu auras à rendre compte ! »[7], rappela l’évêque au futur prieur agenouillé devant lui. Il lui demanda de promettre soumission à la Règle de saint Benoît et de garder fidèlement la discipline monastique dans ce Monastère Notre-Dame-de-Guadalupe d’Amérique. Le prieur nommé, après avoir confessé la Foi et prêté serment suivant la formule de saint Pie X, fut alors institué et donné « au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » à la communauté qui le reçut par un « Amen » plein de ferveur. Confessant son indignité et sa faiblesse, il s’en remit à la prière de ses frères moines et à l’intercession du Dieu Tout-Puissant, de la très Sainte Vierge et de saint Benoît.
Alors, en signe de l’autorité qui lui est désormais dévolue, le pontife remit au nouveau prieur les clés et le sceau du Monastère. Un document écrit fut signé sur l’autel. « Confirmez, mon Dieu, ce que vous avez opéré par nos mains, depuis votre saint temple qui est en Jérusalem »[8] chanta la communauté. « O Dieu qui seul avez réalisé de grandes merveilles, étendez sur votre serviteur le Père Prieur et sur la communauté qui lui est confiée, l’esprit de votre grâce salutaire et faites descendre sans cesse sur lui la rosée de votre bénédiction, afin qu’il vous plaise en toute vérité. »[9] Alors le pontife, mitre en tête et crosse en main, installa le prieur à sa place au chœur. Et c’est au chant du Te Deum, que les frères, l’un après l’autre, vinrent rendre hommage à leur Père bien aimé.
La corde à trois liens ne rompt pas
La messe pontificale prolongea l’action de grâces en cette fête de Notre Dame de la Sainte Espérance, qui est « notre seul espoir en cette crise de l’Eglise », comme le déclara Mgr de Galarreta. Il indiqua aussi à la communauté la condition pour rester fidèle dans cette tourmente, donnant un sens accomodatice à cette parole de l’Ecriture : « la corde à trois liens ne rompt pas ». « Les trois liens dont l’union seule garantit la solidité de la résistance sont aujourd’hui pour vous, dit-il, votre règle bénédictine, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X et l’évêque catholique que nous sommes. » Le décret d’érection précise en effet : « étant donné qu’il est moralement impossible de recourir à l’autorité compétente et que nous agissons par voie supplétive en raison de la crise de l’Eglise et de l’état de nécessité… »[10]. C’est cette union étroite dont veulent profiter les nombreux fidèles, membres du Tiers Ordre et oblats qui comprennent combien il est vital de saisir cette corde divinement tressée par la Providence. C’est cette même union qui expliquait la présence en ce beau jour, des supérieurs des districts du Mexique et des Etats-Unis, les abbés Trejo et Rostand, des prieurs de Phoenix et d’El Paso, les abbés Burfitt et Diaz et du sous-directeur du séminaire de Winona, l’abbé Asher.
Enfin, comme un nouveau fruit de cette restauration bénédictine dans la Tradition, le lendemain, un nouveau moine était fait clerc pour l’Eglise. Le Frère Justin fut tonsuré par le Pontife. Il rejoindra l’année prochaine ses Frères au Séminaire… et d’ici là, et si Dieu veut, deux nouveaux prêtres seront ordonnés « ad titulum paupertatis » pour le Monastère de Notre-Dame-de-Guadalupe. Deo gratias !
[1] C’est de cette fondation que fut envoyé le Père Matthieu en 2000 pour rejoindre le R. Père Ange qui fondait le Monastère de Bellaigue.
[2] Règle de Saint Benoît, Prologue.
[3] La moyenne d’âge est de 25 ans !
[4] Décret d’érection, 23 octobre 2010.
[5] Id.
[6] Id.
[7] Ritus de Canonica Erectione Monasterii.
[8] Antienne “Confirma hoc”; Ritus de Canonica Erectione Monasterii.
[9] Ritus de Canonica Erectione Monasterii.
[10] Décret d’érection, 23 octobre 2010.
« Vous êtes un moine, restez donc un moine ! » C’est le conseil que Mgr Lefebvre donnait au jeune Père Cyprien qui, ayant quitté son Monastère Sainte-Madeleine du Barroux pour raison de foi, interrogeait le prélat sur son avenir. Deux ans plus tôt, à la fin de la cérémonie d’ordination, à Ecône, il avait promis fidélité entre les mains de l’Archevêque. C’est cette même fidélité qui l’amena à fonder, à l’autre bout du monde, un monastère bénédictin, sur la montagne comme il se doit, dans les solitudes boisées du Nouveau Mexique. « Il faut tenter l’impossible ! », tel fut le testament reçu du fondateur de la Fraternité Saint-Pie X, deux mois avant sa mort. Et l’impossible devint réalité : la fondation du Monastère Notre-Dame-de-Guadalupe.[1]
Des travaux herculéens
Il aura fallu vingt ans d’efforts, de sacrifices et de prières pour arriver à ce samedi 24 octobre où la fondation fut érigée en Prieuré conventuel : pas décisif dans l’établissement d’un monastère bénédictin, « école pour le service du Seigneur »[2]. « Cette érection est à la fois un point final et un point de départ ! », commentera Mgr de Galarreta devant quelque 300 amis du Monastère rassemblés sous la grande tente montée pour l’occasion. Et il précisera : « C’est le fruit de beaucoup de travaux, de souffrances, de prières et l’engagement à une plus grande ferveur et fidélité. » Qui pourra dire, en effet, la somme de travaux dont le monastère avec sa chapelle, sa bibliothèque, son cloître, les cellules et le réfectoire, est aujourd’hui le splendide accomplissement ? L’immense réservoir d’eau au-dessus du puits est sans doute une des plus spectaculaires réalisations qui mériterait à elle seule toute une page. Depuis la découverte d’une simple fosse, présentée comme un puits à l’achat de la propriété, jusqu’au forage de 800m – le plus profond de tout l’Etat du Nouveau Mexique –, sans oublier les deux années d’aller-retours à la ville pour faire, régulièrement et par tous les temps, le plein d’une tonne d’eau !
Plus mystérieuse et sans commune mesure est la transformation des bâtiments intérieurs, non seulement ceux occupés par les moines et les nombreux postulants, mais encore ceux des visiteurs et des oblats sans nombre qui sont passés par cette maison depuis deux décennies.
Si les souffrances endurées sont le secret du Roi, saint Paul lui-même nous autorise à en énumérer la liste comme autant de preuves de la grandeur de Dieu. Les faux frères et les critiques, les tentations et les découragements, les déceptions et les abandons, les accidents et les maladies n’ont pas manqué ! La mort elle-même, qui vint enlever le Père Maître des novices, R. P. Jean de la Croix, au chant du Magnificat, le soir du 29 juin 2002.
Si le grain jeté en terre… meurt, il porte beaucoup de fruit
Il faut 8 profès à vœux solennels pour pouvoir ériger une fondation en prieuré. Avec la troisième ordination sacerdotale en juin dernier, ainsi que 4 clercs étudiants au séminaire de la Fraternité Saint-Pie X à Winona, cette très jeune[3] et fervente communauté d’une petite trentaine de moines, compte bien 8 profès ayant fait leurs vœux solennels.
La stabilité, objet d’un vœu spécial pour le bénédictin, est maintenant acquise pour le monastère tout entier. C’est une œuvre d’Eglise, reconnue comme telle et publiquement offerte par elle à ses enfants comme un moyen privilégié pour atteindre Dieu. « Cette fondation ayant donné pendant longtemps un témoignage de fidélité à la vraie Foi et à la Sainte Eglise Romaine, ainsi qu’à l’esprit de la famille bénédictine… Nous… décrétons que le Monastère soit érigé en Prieuré de l’Ordre de saint Benoît »[4]. C’est par ces paroles que Mgr de Galarreta débuta la cérémonie, poursuivant : (nous le décrétons) « de par le pouvoir que la Sainte Eglise donne en cas de nécessité, autant que nous en avons la capacité, avec l’intention d’aider par ce moyen à procurer le bien suprême de l’Eglise et le salut des âmes.»[5]
Puis le pontife procéda à l’institution du prieur conventuel « pour trois ans, après quoi une élection doit avoir lieu selon le Droit »[6]. « Souviens-toi toujours des âmes dont tu as reçu la charge et dont tu auras à rendre compte ! »[7], rappela l’évêque au futur prieur agenouillé devant lui. Il lui demanda de promettre soumission à la Règle de saint Benoît et de garder fidèlement la discipline monastique dans ce Monastère Notre-Dame-de-Guadalupe d’Amérique. Le prieur nommé, après avoir confessé la Foi et prêté serment suivant la formule de saint Pie X, fut alors institué et donné « au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » à la communauté qui le reçut par un « Amen » plein de ferveur. Confessant son indignité et sa faiblesse, il s’en remit à la prière de ses frères moines et à l’intercession du Dieu Tout-Puissant, de la très Sainte Vierge et de saint Benoît.
Alors, en signe de l’autorité qui lui est désormais dévolue, le pontife remit au nouveau prieur les clés et le sceau du Monastère. Un document écrit fut signé sur l’autel. « Confirmez, mon Dieu, ce que vous avez opéré par nos mains, depuis votre saint temple qui est en Jérusalem »[8] chanta la communauté. « O Dieu qui seul avez réalisé de grandes merveilles, étendez sur votre serviteur le Père Prieur et sur la communauté qui lui est confiée, l’esprit de votre grâce salutaire et faites descendre sans cesse sur lui la rosée de votre bénédiction, afin qu’il vous plaise en toute vérité. »[9] Alors le pontife, mitre en tête et crosse en main, installa le prieur à sa place au chœur. Et c’est au chant du Te Deum, que les frères, l’un après l’autre, vinrent rendre hommage à leur Père bien aimé.
La corde à trois liens ne rompt pas
La messe pontificale prolongea l’action de grâces en cette fête de Notre Dame de la Sainte Espérance, qui est « notre seul espoir en cette crise de l’Eglise », comme le déclara Mgr de Galarreta. Il indiqua aussi à la communauté la condition pour rester fidèle dans cette tourmente, donnant un sens accomodatice à cette parole de l’Ecriture : « la corde à trois liens ne rompt pas ». « Les trois liens dont l’union seule garantit la solidité de la résistance sont aujourd’hui pour vous, dit-il, votre règle bénédictine, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X et l’évêque catholique que nous sommes. » Le décret d’érection précise en effet : « étant donné qu’il est moralement impossible de recourir à l’autorité compétente et que nous agissons par voie supplétive en raison de la crise de l’Eglise et de l’état de nécessité… »[10]. C’est cette union étroite dont veulent profiter les nombreux fidèles, membres du Tiers Ordre et oblats qui comprennent combien il est vital de saisir cette corde divinement tressée par la Providence. C’est cette même union qui expliquait la présence en ce beau jour, des supérieurs des districts du Mexique et des Etats-Unis, les abbés Trejo et Rostand, des prieurs de Phoenix et d’El Paso, les abbés Burfitt et Diaz et du sous-directeur du séminaire de Winona, l’abbé Asher.
Enfin, comme un nouveau fruit de cette restauration bénédictine dans la Tradition, le lendemain, un nouveau moine était fait clerc pour l’Eglise. Le Frère Justin fut tonsuré par le Pontife. Il rejoindra l’année prochaine ses Frères au Séminaire… et d’ici là, et si Dieu veut, deux nouveaux prêtres seront ordonnés « ad titulum paupertatis » pour le Monastère de Notre-Dame-de-Guadalupe. Deo gratias !
[1] C’est de cette fondation que fut envoyé le Père Matthieu en 2000 pour rejoindre le R. Père Ange qui fondait le Monastère de Bellaigue.
[2] Règle de Saint Benoît, Prologue.
[3] La moyenne d’âge est de 25 ans !
[4] Décret d’érection, 23 octobre 2010.
[5] Id.
[6] Id.
[7] Ritus de Canonica Erectione Monasterii.
[8] Antienne “Confirma hoc”; Ritus de Canonica Erectione Monasterii.
[9] Ritus de Canonica Erectione Monasterii.
[10] Décret d’érection, 23 octobre 2010.