SOURCE - pelerin.info - 19 novembre 2010
Les bénédictines de Notre-Dame de l’Annonciation du Barroux (Vaucluse) sortent un CD sous le même label que Lady Gaga, mais dans un style bien différent...
Tombée dans la torpeur de l’été, la nouvelle avait fait sourire… Le 25 juillet, on apprenait que des bénédictines françaises allaient sortir un CD avec Decca, une filiale d’Universal Music, qui produit, entre autres, Lady Gaga, U2, Amy Whinehouse... Comme pour les albums des plus grandes stars, il a bénéficié d’un lancement mondial, le 8 novembre. Mais la comparaison avec les icônes pop-rock s’arrête là.
« Les Sœurs » ne reprennent pas des airs religieux ou profanes populaires comme peut le faire le groupe « Les Prêtres », également produit par Universal Music (en partenariat avec TF1) ou The Priest, trois prêtres irlandais (regarder leur interview ). Elles chantent en grégorien, la musique officielle de la liturgie de l’Eglise romaine. Répandu en Occident à partir du VIII° siècle, ce chant se caractérise par la langue latine, l’absence d’accompagnement instrumental et l’unisson.
Moins utilisé dans les célébrations dominicales paroissiales depuis Vatican II, il reste pratiqué dans certains monastères, et lors des messes en rite tridentin (hérité du concile de Trente au XVIe siècle). Pour les vingt-huit bénédictines traditionalistes de Notre-Dame de l’Annonciation du Barroux (Vaucluse), alias « Les Sœurs », il est ainsi la forme habituelle de chant sacré.
On ne les verra pas non plus sur les plateaux télé ou en tournée, puisqu’elles vivent cloîtrées. Même pour assurer la promotion du CD, aucun photographe n’a pu passer la clôture, et les interviews, derrière les barreaux du parloir, ont été accordées au compte-gouttes. Une "étrangeté" aux yeux de la maison de disque qui l'a transformée en argument marketing. La couverture du CD prévient : « Elles ont choisi d’être coupées du monde. Quand vous les entendez chanter, vous échappez immédiatement aux tensions et aux bruits de la vie moderne»...
Les soeurs jouent le jeu d’Universal Music, convaincues de pouvoir ainsi évangéliser
Les yeux rieurs derrière leurs larges lunettes cerclées de métal, les deux sœurs mandatées pour parler au nom de la communauté ne sont pas dupes de l’intérêt strictement commercial que leur porte Universal Music. A l’heure où les jeunes délaissent le support CD, la maison de disque se tourne vers le public senior, plus attaché au disque, et vers des marchés de niche, dont la musique religieuse.
En 2008 déjà, Universal Music avait vendu plus d’un million de CD de chants grégoriens interprétés par des moines cisterciens autrichiens . L’album des « Sœurs », n’est que le renouvellement de cette expérience, avec des voix féminines.
« Si nos chants peuvent faire du bien au plus grand nombre, alors nous serons heureuses », déclarent les religieuses, qui voient dans ce contrat un moyen d’évangélisation plus qu’une source de revenus (1). Elles n’en sont pas à leur première expérience : la communauté a déjà enregistré six CD, qui se sont écoulés à environ un millier d’exemplaires chacun. Aujourd'hui, elles changent d’échelle : 30 000 exemplaires étaient dans les bacs le jour du lancement de leur album.
Les religieuses ont eu carte blanche pour choisir leurs chants, mais le titre du CD a dû être négocié. « Au départ, nous voulions l’intituler ‘Chor ardens, chant en chemin’ car nous avons choisi l’épisode évangélique des pèlerins d’Emmaüs (évangile selon saint Luc 24, 13-35) comme fil rouge. Universal Music a refusé, a préférant 'In Paradisum', et a tenu à ajouter la mention « Les Sœurs » comme si nous étions un groupe avec un nom de scène. Nous trouvons ça un peu ridicule » confient-elles, préférant s’étendre sur le contenu même de l’album.
« Le passage des pèlerins d’Emmaüs, c’est l’histoire de deux hommes, abattus par la mort toute récente de Jésus, qui rencontrent un voyageur et lui proposent de dîner ensemble, poursuivent-elles. Au moment où il rompt le pain, les pèlerins reconnaissent le Ressuscité. Il disparaît, mais leur joie demeure. Les pèlerins se rendent compte que leur cœur était « tout brûlant » en sa présence, et ils s’en vont témoigner. Cela décrit le chemin que tout homme est appelé à parcourir dans la foi, des ténèbres du désespoir à l’expérience de Dieu. » Sur le CD, aux psaumes suppliant Dieu succèdent donc des morceaux sur l’eucharistie et l’adoration, puis des chants de louange. Tous sont traduits en français dans le livret.
« Le chant grégorien soigne les âmes, assurent-elles. Tant pis si le grand public ne perçoit pas son caractère sacré, et l’utilise comme musique d’ambiance. Dieu est patient, et prend les gens là où ils sont : peut être choisira-t-Il de les atteindre au moment où ils se détendent ? »
CD : In Paradisum, Les Soeurs, moniales bénédictines de Notre-Dame de l'Annonciation, éd. Universal Music France; 20 €..
(1) La communauté assure cependant que les bénéfices seront reversés à des œuvres caritatives.
► Le site de l'abbaye bénédictine Notre-Dame de l'annonciation du Barroux .
Tombée dans la torpeur de l’été, la nouvelle avait fait sourire… Le 25 juillet, on apprenait que des bénédictines françaises allaient sortir un CD avec Decca, une filiale d’Universal Music, qui produit, entre autres, Lady Gaga, U2, Amy Whinehouse... Comme pour les albums des plus grandes stars, il a bénéficié d’un lancement mondial, le 8 novembre. Mais la comparaison avec les icônes pop-rock s’arrête là.
« Les Sœurs » ne reprennent pas des airs religieux ou profanes populaires comme peut le faire le groupe « Les Prêtres », également produit par Universal Music (en partenariat avec TF1) ou The Priest, trois prêtres irlandais (regarder leur interview ). Elles chantent en grégorien, la musique officielle de la liturgie de l’Eglise romaine. Répandu en Occident à partir du VIII° siècle, ce chant se caractérise par la langue latine, l’absence d’accompagnement instrumental et l’unisson.
Moins utilisé dans les célébrations dominicales paroissiales depuis Vatican II, il reste pratiqué dans certains monastères, et lors des messes en rite tridentin (hérité du concile de Trente au XVIe siècle). Pour les vingt-huit bénédictines traditionalistes de Notre-Dame de l’Annonciation du Barroux (Vaucluse), alias « Les Sœurs », il est ainsi la forme habituelle de chant sacré.
On ne les verra pas non plus sur les plateaux télé ou en tournée, puisqu’elles vivent cloîtrées. Même pour assurer la promotion du CD, aucun photographe n’a pu passer la clôture, et les interviews, derrière les barreaux du parloir, ont été accordées au compte-gouttes. Une "étrangeté" aux yeux de la maison de disque qui l'a transformée en argument marketing. La couverture du CD prévient : « Elles ont choisi d’être coupées du monde. Quand vous les entendez chanter, vous échappez immédiatement aux tensions et aux bruits de la vie moderne»...
Les soeurs jouent le jeu d’Universal Music, convaincues de pouvoir ainsi évangéliser
Les yeux rieurs derrière leurs larges lunettes cerclées de métal, les deux sœurs mandatées pour parler au nom de la communauté ne sont pas dupes de l’intérêt strictement commercial que leur porte Universal Music. A l’heure où les jeunes délaissent le support CD, la maison de disque se tourne vers le public senior, plus attaché au disque, et vers des marchés de niche, dont la musique religieuse.
En 2008 déjà, Universal Music avait vendu plus d’un million de CD de chants grégoriens interprétés par des moines cisterciens autrichiens . L’album des « Sœurs », n’est que le renouvellement de cette expérience, avec des voix féminines.
« Si nos chants peuvent faire du bien au plus grand nombre, alors nous serons heureuses », déclarent les religieuses, qui voient dans ce contrat un moyen d’évangélisation plus qu’une source de revenus (1). Elles n’en sont pas à leur première expérience : la communauté a déjà enregistré six CD, qui se sont écoulés à environ un millier d’exemplaires chacun. Aujourd'hui, elles changent d’échelle : 30 000 exemplaires étaient dans les bacs le jour du lancement de leur album.
Les religieuses ont eu carte blanche pour choisir leurs chants, mais le titre du CD a dû être négocié. « Au départ, nous voulions l’intituler ‘Chor ardens, chant en chemin’ car nous avons choisi l’épisode évangélique des pèlerins d’Emmaüs (évangile selon saint Luc 24, 13-35) comme fil rouge. Universal Music a refusé, a préférant 'In Paradisum', et a tenu à ajouter la mention « Les Sœurs » comme si nous étions un groupe avec un nom de scène. Nous trouvons ça un peu ridicule » confient-elles, préférant s’étendre sur le contenu même de l’album.
« Le passage des pèlerins d’Emmaüs, c’est l’histoire de deux hommes, abattus par la mort toute récente de Jésus, qui rencontrent un voyageur et lui proposent de dîner ensemble, poursuivent-elles. Au moment où il rompt le pain, les pèlerins reconnaissent le Ressuscité. Il disparaît, mais leur joie demeure. Les pèlerins se rendent compte que leur cœur était « tout brûlant » en sa présence, et ils s’en vont témoigner. Cela décrit le chemin que tout homme est appelé à parcourir dans la foi, des ténèbres du désespoir à l’expérience de Dieu. » Sur le CD, aux psaumes suppliant Dieu succèdent donc des morceaux sur l’eucharistie et l’adoration, puis des chants de louange. Tous sont traduits en français dans le livret.
« Le chant grégorien soigne les âmes, assurent-elles. Tant pis si le grand public ne perçoit pas son caractère sacré, et l’utilise comme musique d’ambiance. Dieu est patient, et prend les gens là où ils sont : peut être choisira-t-Il de les atteindre au moment où ils se détendent ? »
CD : In Paradisum, Les Soeurs, moniales bénédictines de Notre-Dame de l'Annonciation, éd. Universal Music France; 20 €..
(1) La communauté assure cependant que les bénéfices seront reversés à des œuvres caritatives.
► Le site de l'abbaye bénédictine Notre-Dame de l'annonciation du Barroux .