SOURCE - Abbé Aulagnier, ibp - Regards sur le Monde - 18 janvier 2011
Le 1er janvier 2011, à l’occasion de la prière de l’Angelus, le pape Benoît XVI a annoncé son intention de renouveler la cérémonie interreligieuse d’Assise du 27 octobre 1986 :
« En octobre prochain, je me rendrai en pèlerinage dans la ville de saint François, en invitant à s’unir à ce chemin les frères chrétiens des différentes confessions, les représentants des traditions religieuses du monde et, idéalement, tous les hommes de bonne volonté, pour faire mémoire de ce geste historique voulu par mon Prédécesseur et renouveler solennellement l’engagement des croyants de chaque religion à vivre sa propre foi religieuse comme un service pour la cause de la paix. »
Il l’avait déjà annoncée dans son message pour la Paix pour l’année 2011 intitulé : « La liberté religieuse, chemin vers la Paix ». Il écrivait : « En 2011 sera fêté le 25e anniversaire de la Journée mondiale de prière pour la paix, convoquée en 1986 à Assise par le vénérable Jean-Paul II. A cette occasion, les responsables des grandes religions du monde ont manifesté combien la religion est un facteur d’union et de paix et non de division et de conflits. Le souvenir de cette expérience est un motif d’espérance en un avenir où tous les croyants se sentent et deviennent effectivement artisans de justice et de paix ».
On sait pourtant que le Pape Benoît XVI, alors encore cardinal, n’avait pas voulu assister à cette « journée de prières interreligieuses pour la paix » en raison du risque de syncrétisme en une telle journée. Aussi a-t-il, depuis qu’il est sur le siège de Pierre, voulu, à deux reprises, donner des précisions sur cette journée, peut-être dans cette perspective d’anniversaire.
Dans un message adressé à l’évêque d’Assise le 2 septembre 2006, il écrivait ceci : « Pour ne pas se méprendre sur le sens de ce que Jean-Paul II a voulu réaliser en 1986 et que l’on appelle habituellement, en reprenant l’une de ses expressions, ‘l’esprit d’Assise’, il est important de ne pas oublier combien on a alors été attentif à ce que la rencontre interreligieuse de prière ne se prête à aucune interprétation syncrétiste, fondée sur une conception relativiste. [...] C’est pourquoi, même lorsque l’on se réunit afin de prier pour la paix, il faut que la prière se déroule selon les chemins distincts propres aux diverses religions. Tel fut le choix de 1986 et ce choix ne peut manquer d’être valable aujourd’hui encore. La convergence des différences ne doit pas donner l’impression que l’on cède au relativisme qui nie le sens même de la vérité et la possibilité d’y puiser ».
Mais, simple remarque, n’a-t-il pas prié avec les juifs et rabbins de la synagogue de Rome lors de sa dernière visite ? Autres les mots. Autres les actes.
Et, en visite à Assise le 17 juin 2007, le pape a déclaré, de nouveau, dans son homélie : « Le choix d’organiser cette rencontre à Assise a été dicté précisément par le témoignage de François comme homme de paix, lui que beaucoup de gens regardent avec sympathie même si leurs positions culturelles et religieuses sont différentes. En même temps, la lumière jetée par le ‘Poverello’ sur cette initiative était une garantie d’authenticité chrétienne, parce que sa vie et son message reposent si visiblement sur le choix du Christ qu’ils repoussent a priori toute tentation d’indifférentisme religieux, qui n’aurait rien à voir avec l’authentique dialogue interreligieux. [...] Il ne serait ni évangélique ni franciscain de ne pas réussir à associer l’accueil, le dialogue et le respect de tous avec la certitude de la foi que tout chrétien, comme le saint d’Assise, est tenu de pratiquer, en annonçant le Christ comme le chemin, la vérité et la vie de l’homme et comme l’unique sauveur du monde ».
Les intentions de Benoît XVI sont certainement claires et honnêtes…mais elles ne peuvent empêcher, de jure, le risque de syncrétisme, de relativisme et d’indifférentisme. Comme le dit très bien Romano Amério, dans son livre « Stat veritas », « Ce ne sont que des mots…on ne peut pas promouvoir le syncrétisme et ensuite avertir qu’il( faut) faire attention à éviter le syncrétisme » (p 139).
Ce n’est pas, non plus, parce que cette réunion se déroule à Assise où le Poverello a imprimé sa marque de son don au Christ que cette réunion, est de soi, assurée d’une juste orthodoxie. On peut y être infidèle.
De plus, le 27 octobre 1986, avec Jean-Paul II, on a, peut-être, voulu être « attentif à ce que la rencontre interreligieuse de prières ne se prête à aucune interprétation syncrétiste » en cherchant à ce que « la prière se déroule selon les chemins distincts propres aux diverses religions ». Ce fut peut-être un désir loyal. Ce désir ne fut et ne put être réalisé de sorte que l’on peut parler, à juste titre, de la journée panchrétienne d’Assise ou de : « l’illusion panchrétienne d’Assise ».
En effet, à Assise, le 27 octobre 1986, les catholiques n’ont pas prié, comme « les représentants des autres religions », de leur côté, comme le laisse entendre Benoît XVI, selon leurs propres rites et dans la pleine « expression de leur propre foi », mais ils se sont réunis en « prière oecuménique » aux « représentants des confessions et des communautés chrétiennes » dans la cathédrale Saint Rufin. C’était clairement affirmé par l’Osservatore Romano du 27/28 octobre 1986. Là, le pape, dépouillé de tout insigne de sa primauté, a mis en branle, toujours en sa qualité d’hôte invitant – ce que sera Benoît XVI , le 27 octobre prochain – une célébration typiquement protestante avec lecture de passages de la Bible, entremêlée de chants et se terminant par la « prière universelle », celle « de toute Eglise ». Vous trouvez ce témoignage dans l’Osservatore Romano cité à la page 3.
La salutation adressée à l’assemblée, lue par « l’hôte invitant », Jean-Paul II, a parlé, sans doute, « des graves questions qui nous séparent encore ». Mais il a dit aussi que « le degré actuel de notre unité dans le Christ n’en est pas moins un signe pour le monde que Jésus-Christ est vraiment le Prince de la Paix ». Mieux encore, il a conclu que la prière pour la paix « doit faire grandir en nous le respect des uns pour les autres comme êtres humains, comme Eglises et communautés ecclésiales » (Ibid, et DC.n° 1929 du 7 décembre 1986)
Nulle autre distinction, qui ne fût justifiée par son rôle de « l’hôte qui invite » n’a été reconnue au Pape par le cérémonial œcuménique. Ce qui scandalisa tellement Mgr Lefebvre qui voyait là une injure au Vicaire de Christ. Et même, la prière finale des « panchrétiens » sur la place de la basilique inférieure de Saint François a été commencée par une femme « pasteur », tandis que le Pape n’était que quatrième « parmi tant de sages ».
Mal à propos, au lendemain de la « rencontre d’Assise », le cardinal Etchegaray déclarait : « Pour moi, la prière de l’Eglise chrétienne dans la cathédrale Saint Rufin a été le moment, le temps fort, de toute la journée…La qualité et l’intensité de cette prière était celle que tous semblaient épanouis comme par une nouvelle effusion commune du Saint Esprit ». Il s’exprimait ainsi « ridiculement, sentimentalement » dans le journal l’ Avvenire du 2 novembre 1986. On se souvient qu’il fut le grand organisateur de la journée d’Assise.
Force est d’avouer que, dans la Babel d’Assise, les cardinaux et le pape lui-même ont de fait représenté non l’Eglise catholique mais l’ « Eglise chrétienne » en y englobant les non catholiques. Et quels étaient ceux qui composaient cette « Eglise chrétienne », qui aurait eu sa Pentecôte, à Assise au dire du cardinal Etchégaray ? Des « diverses Eglises et confessions qui ont le Christ pour fondement », nous apprenait l’Osservatore Romano du 27/28octovre 1986. En pratique : de l’Eglise orthodoxe, des « Eglises » réformées et de l’Eglise catholique. Evidemment, cette « Eglise chrétienne » n’était pas l’Eglise catholique, mais une super–église qui dépasse et inclut l’Eglise catholique elle-même, à l’égale des autres soi-disant « Eglises ». Quelle ecclésiologie !
En effet, la prière de l’ « Eglise chrétienne » à Assise n’a pas été celle de l’Eglise catholique dont la foi s’exprime pleinement dans la sainte Messe, « sacrifice véritable et authentique » comme l’enseigne le saint Concile de Trente à l’encontre des auteurs de ces « confessions et communautés chrétiennes » assemblées avec les catholiques à Saint Rufin. Le rite de la Nouvelle Messe a été célébrée le 27 octobre de bon matin, par le pape, Jean-Paul II, à Pérouse avant de se transporter à Assise dont le cérémonial l’a œcuméniquement mêlé à ses « frères séparés » – et cela Benoît XVI malgré son intention ne pourra pas physiquement l’éviter – pour prier « oecuméniquement » avec eux et « sans triomphalisme », dépouillé de la dignité du Vicaire du Christ, oubliant que l’Eglise catholique ne fait qu’un avec le Christ qui doit régner éternellement sur toutes choses, tous biens et tous êtres. Cela lui revient de droit divin. Mais cela ne pourra pas être confessé par le Pape. C’est pourtant sa fonction !
Mais plus encore, à Assise, l’Eglise catholique a été mise non au niveau des fausses religions, qu’elles se disent chrétiennes ou non, mais au dessous d’elles . On a rappelé au cardinal Etchégaray qu’il a été permis à tous de « s’exprimer dans la plénitude de leur propre foi » (DC du 7/21 septembre 1986), mais cela n’a pas été permis aux catholiques ; « que la prière de chacun a été respectée », mais celle des catholiques ne l’a pas été. Et lorsque, mettant en branle le carrousel final sur la place au bas de saint François, il a triomphalement déclaré : « Nous nous sommes réunis en pleine fidélité à nos traditions religieuses, profondément conscients de l’identité de chacun de nos engagements de foi » (l’OR cité p. 4). C’était vrai pour tous sauf pour les catholiques ni dans leur prière ni dans leur Pontife, Lui, pourtant Vicaire du Christ…
Enfin, alors qu’on avait pourvu avec grand soin à ce que les représentants des fausses religions se tinssent, selon leur désir, « ensemble pour prier, mais sans prier ensemble » (Radio Vatican), les représentants officiels de l’unique vraie religion ont prié en s’unissant aux représentants des fausses religions soi-disant chrétiennes. La pratique pan chrétienne d’Assise suffit à démontrer, entre autres choses, que vingt ans de faux œcuménisme ont suffi pour que prît pied parmi les catholiques, à commencer par leur hiérarchie, l’indifférentisme pan chrétien. Tout paraît aujourd’hui légitime.
Pour toutes ces raisons, la « journée d’Assise » ne peut ni être renouvelée ni être commémorée ; elle n’est pas « commémorable » ; elle n’est pas digne de l’Eglise catholique, elle est « misérable ».