SOURCE - Golias - Romano Libero - 18 mai 2011
L’idée centrale de Benoît XVI, une fois encore réaffirmée, est qu’il n’y a pas de rupture entre l’ancien et le nouveau. Autrement dit, l’histoire de la liturgie est une croissance linéaire, comme le développement doctrinal. Pour autant, une réforme n’est pas forcément parfaite, malgré ses qualités. Sur le fond, elle n’exprime pas une rupture radicale mais peut tout-de-même avoir été assez mal faite, ce qui veut dire qu’elle peut être corrigée. C’est exactement ce que pense Benoît XVI de la réforme liturgique. Contrairement aux Lefebvristes, le Pape actuel - encore heureux ! - ne remet pas en cause sa validité, sa légitimité, sa rectitude doctrinale. Mais il est d’avis qu’elle n’a pas été entièrement réussie, et que l’une des façons de l’améliorer réside justement dans la coexistence de la forme ancienne et de la forme nouvelle. La première aidant la seconde à rester ancrer dans une même continuité. Un horizon à garder toujours à l’esprit pour comprendre l’intention de Benoît XVI.
Cette instruction accorde à la Commission ponticale "Ecclesia Dei", dont le secrétaire très diligent et Mgr Guido Pozzo, un italien de 59 ans qui travailla avec l’alors cardinal Ratzinger à la congrégation pour la doctrine de la foi. Il est fort probable que Pozzo soit d’ailleurs créé évêque dans les semaines à venir. C’est à cette Commission qu’il reviendra de discerner si l’application du motu proprio de 2007 a été ou non respectée correctement, et ce en cas de litige. Une situation que le Pape souhaite la plus rare possible. Cette Commission pourra donc en certains cas "intervenir" par exemple lorsqu’un évêque se montre hostile au motu proprio, comme c’est par exemple le cas, en Italie, à Trévise (Mgr Gardin).
Cette instruction est clairement un rappel à l’ordre aux évêques trop réticents à l’égard du motu proprio. Quand il y a un discernement à opérer au niveau de l’évêque ou du curé, l’interprétation des conditions requises pour autoriser une célébration à l’ancienne devra être la plus large possible. Par exemple quant à l’existence d’un groupe stable de fidèles, ce qui légitime une célébration habituelle selon la forme extraordinaire. A l’évidence, le Pape entend dépasser une casuistique mesquine. Il estime sans le dire ouvertement que les évêques s’abritent derrière de pseudo-arguments juridiques pour ne pas respecter l’esprit très large du motu proprio. Le curé d’une paroisse ou le recteur d’une église sont invités aussi à réserver un bon accueil - restant sauf l’intérêt commun et sans négliger l’impératif des horaires - à un prêtre de passage (avec un groupe éventuel) voulant célébrer selon la forme extraordinaire.
Mais, à la demande des cardinaux Levada et Canizarès, et sans doute sur le conseil de son ami Mgr Charles J. Scicluna, qui a un poste important à la congrégation pour la doctrine de la foi, Benoît XVI tient aussi à mettre les points sur les "i". Ainsi les fidèles qui demandent la célébration selon la forme extraordinaire ne doivent en aucune manière mettre en cause la validité ou la légitimité de la sainte messe ou des sacrements célébrés dans la forme ordinaire (article 19 de l’instruction).
En réponse au souhait du cardinal Raymond Leo Burke, très favorable à la forme extraordinaire, mais aussi dit-on du cardinal Bertone, Secrétaire d’Etat, le Pape souhaite que dans les séminaires la possibilité soit offerte aux étudiants ecclésiastiques d’apprendre la forme extraordinaire. Ce qui veut dire que le Pape veut la banaliser. Et l’étendre, sans en faire une forme ordinaire pourtant. Cependant, il s’agit d’un souhait pontifical et non d’un ordre. Il est souhaitable qu’une telle formation soit donnée, mais non obligatoire. Ainsi, Benoît XVI entend respecter les évêques, premier responsables de la formation dans leur séminaire, qui ne jugeraient pas opportune une telle formation.
Un autre point problématique concernait le sous-diaconat et les ordres mineurs, abolis par Paul VI en 1972, mais présents dans la célébration de l’ancien rite et auxquels « ordonnent » les instituts traditionalistes. La question était donc de savoir si l’instruction les rétablirait - selon une proposition jadis du défunt cardinal autrichien Stickler. Il n’en est rien. La discipline canonique demeure la même pour tous : même dans les instituts traditionalistes, les profès ne deviennent clercs qu’au moment de l’ordination diaconale (n° 30). Concrètement la tonsure et les ordres mineurs, ainsi que le sous-diaconat, seront célébrés dans ces instituts mais sans portée canonique.
Seule avancée inattendue et discutable, la possibilité désormais dans une église bi-rituelle (avec les deux formes), le jeudi saint, le vendredi saint et la vigile pascale, de célébrer deux offices, l’un selon la forme ordinaire et l’autre selon la forme extraordinaire. Décision étonnante en regard d’une longue tradition de célébration unique, sans possibilité, au demeurant, pour un prêtre de célébrer une messe privée.
Pour le Père Federico Lombardi, jésuite et porte-parole du Saint-Siège, ce texte est doté d’un grand équilibre. Traversé par un esprit d’apaisement et de réconciliation. Sans renier la réforme liturgique mais en laissant ouverte la voie de la célébration extraordinaire. Benoît XVI souhaite certainement un climat moins passionnel. Et ce de part et d’autre.
Toutefois, il ne faudrait pas ignorer que les revendications liturgiques ne constituent bien souvent que la part émergée d’un iceberg. La messe de Saint Pie V est, selon le mot ancien du défunt cardinal Seper, qui n’était pas un progressiste, et de loin pas, "un drapeau". Il y a une dizaine d’années, le cardinal PIerre Eyt, aujourd’hui décédé et alors archevêque de Bordeaux relevait, du point de vue même de la rectitude théologique, la limite de l’approche déséquilibrée et trop exclusivement sacrificielle de l’ancienne messe, alors que la réforme a remis d’autres aspects essentiels au centre. En ce sens la crispation intégriste, ou même simplement traditionaliste, autour de la forme extraordinaire reste affectée - au-delà d’une question affective ou esthétique - d’un coefficient idéologique très fort. Et ce n’est certes pas une instruction, même "équilibrée" qui relèvera les grands défis théologiques, et sans doute d’abord anthropologiques qui sont en arrière fond. C’est peut-être toute la vision du christianisme qui est en jeu. Du Dieu fait homme, car de l’homme et de Dieu.
Elle est enfin arrivée. l’instruction précisant l’application du motu proprio de 2007 relative à la célébration selon les anciens livres liturgiques. Cela faisait des semaines qu’on l’annonçait. Les spéculations se multipliaient sur son contenu dans les sens les plus divers. Et la durée avec laquelle elle est restée sur le bureau du Pape avant d’être approuvée par le pontife romain témoigne du souci de ce dernier de ne pas tomber dans un des extrêmes qu’on pourrait lui rapprocher d’un côté ou de l’autre, de la part des traditionalistes ou du collège épiscopal. En fait, si le Pape éprouve une très réelle sympathie à l’endroit de ceux qui demeurent attachés aux anciennes formes liturgiques, ce qui est aussi partiellement son cas, il n’entend pas pour autant compromettre au-delà d’une certaine limite la communion ecclésiale dont il se veut le gardien autant que le promoteur zélé.Plusieurs cardinaux de curie seraient d’ailleurs intervenus auprès du Pape pour le convaincre de ne pas signer un chèque en blanc aux tenants de la messe "Pie" comme l’espagnol Antonio Canizarès ou l’Américain William Levada. D’où la volonté évidente d’insister sur la communion ecclésiale et le consensus sans revenir cependant sur les principales ouvertures concédées déjà en 2007 par le Pape qui ne veut pas se renier lui-même, mais qui craint cependant de passer, selon le qualificatif que lui prêta un jour l’abbé Philippe Laguérie, pour un Pape "traditionaliste".
L’idée centrale de Benoît XVI, une fois encore réaffirmée, est qu’il n’y a pas de rupture entre l’ancien et le nouveau. Autrement dit, l’histoire de la liturgie est une croissance linéaire, comme le développement doctrinal. Pour autant, une réforme n’est pas forcément parfaite, malgré ses qualités. Sur le fond, elle n’exprime pas une rupture radicale mais peut tout-de-même avoir été assez mal faite, ce qui veut dire qu’elle peut être corrigée. C’est exactement ce que pense Benoît XVI de la réforme liturgique. Contrairement aux Lefebvristes, le Pape actuel - encore heureux ! - ne remet pas en cause sa validité, sa légitimité, sa rectitude doctrinale. Mais il est d’avis qu’elle n’a pas été entièrement réussie, et que l’une des façons de l’améliorer réside justement dans la coexistence de la forme ancienne et de la forme nouvelle. La première aidant la seconde à rester ancrer dans une même continuité. Un horizon à garder toujours à l’esprit pour comprendre l’intention de Benoît XVI.
Cette instruction accorde à la Commission ponticale "Ecclesia Dei", dont le secrétaire très diligent et Mgr Guido Pozzo, un italien de 59 ans qui travailla avec l’alors cardinal Ratzinger à la congrégation pour la doctrine de la foi. Il est fort probable que Pozzo soit d’ailleurs créé évêque dans les semaines à venir. C’est à cette Commission qu’il reviendra de discerner si l’application du motu proprio de 2007 a été ou non respectée correctement, et ce en cas de litige. Une situation que le Pape souhaite la plus rare possible. Cette Commission pourra donc en certains cas "intervenir" par exemple lorsqu’un évêque se montre hostile au motu proprio, comme c’est par exemple le cas, en Italie, à Trévise (Mgr Gardin).
Cette instruction est clairement un rappel à l’ordre aux évêques trop réticents à l’égard du motu proprio. Quand il y a un discernement à opérer au niveau de l’évêque ou du curé, l’interprétation des conditions requises pour autoriser une célébration à l’ancienne devra être la plus large possible. Par exemple quant à l’existence d’un groupe stable de fidèles, ce qui légitime une célébration habituelle selon la forme extraordinaire. A l’évidence, le Pape entend dépasser une casuistique mesquine. Il estime sans le dire ouvertement que les évêques s’abritent derrière de pseudo-arguments juridiques pour ne pas respecter l’esprit très large du motu proprio. Le curé d’une paroisse ou le recteur d’une église sont invités aussi à réserver un bon accueil - restant sauf l’intérêt commun et sans négliger l’impératif des horaires - à un prêtre de passage (avec un groupe éventuel) voulant célébrer selon la forme extraordinaire.
Mais, à la demande des cardinaux Levada et Canizarès, et sans doute sur le conseil de son ami Mgr Charles J. Scicluna, qui a un poste important à la congrégation pour la doctrine de la foi, Benoît XVI tient aussi à mettre les points sur les "i". Ainsi les fidèles qui demandent la célébration selon la forme extraordinaire ne doivent en aucune manière mettre en cause la validité ou la légitimité de la sainte messe ou des sacrements célébrés dans la forme ordinaire (article 19 de l’instruction).
En réponse au souhait du cardinal Raymond Leo Burke, très favorable à la forme extraordinaire, mais aussi dit-on du cardinal Bertone, Secrétaire d’Etat, le Pape souhaite que dans les séminaires la possibilité soit offerte aux étudiants ecclésiastiques d’apprendre la forme extraordinaire. Ce qui veut dire que le Pape veut la banaliser. Et l’étendre, sans en faire une forme ordinaire pourtant. Cependant, il s’agit d’un souhait pontifical et non d’un ordre. Il est souhaitable qu’une telle formation soit donnée, mais non obligatoire. Ainsi, Benoît XVI entend respecter les évêques, premier responsables de la formation dans leur séminaire, qui ne jugeraient pas opportune une telle formation.
Un autre point problématique concernait le sous-diaconat et les ordres mineurs, abolis par Paul VI en 1972, mais présents dans la célébration de l’ancien rite et auxquels « ordonnent » les instituts traditionalistes. La question était donc de savoir si l’instruction les rétablirait - selon une proposition jadis du défunt cardinal autrichien Stickler. Il n’en est rien. La discipline canonique demeure la même pour tous : même dans les instituts traditionalistes, les profès ne deviennent clercs qu’au moment de l’ordination diaconale (n° 30). Concrètement la tonsure et les ordres mineurs, ainsi que le sous-diaconat, seront célébrés dans ces instituts mais sans portée canonique.
Seule avancée inattendue et discutable, la possibilité désormais dans une église bi-rituelle (avec les deux formes), le jeudi saint, le vendredi saint et la vigile pascale, de célébrer deux offices, l’un selon la forme ordinaire et l’autre selon la forme extraordinaire. Décision étonnante en regard d’une longue tradition de célébration unique, sans possibilité, au demeurant, pour un prêtre de célébrer une messe privée.
Pour le Père Federico Lombardi, jésuite et porte-parole du Saint-Siège, ce texte est doté d’un grand équilibre. Traversé par un esprit d’apaisement et de réconciliation. Sans renier la réforme liturgique mais en laissant ouverte la voie de la célébration extraordinaire. Benoît XVI souhaite certainement un climat moins passionnel. Et ce de part et d’autre.
Toutefois, il ne faudrait pas ignorer que les revendications liturgiques ne constituent bien souvent que la part émergée d’un iceberg. La messe de Saint Pie V est, selon le mot ancien du défunt cardinal Seper, qui n’était pas un progressiste, et de loin pas, "un drapeau". Il y a une dizaine d’années, le cardinal PIerre Eyt, aujourd’hui décédé et alors archevêque de Bordeaux relevait, du point de vue même de la rectitude théologique, la limite de l’approche déséquilibrée et trop exclusivement sacrificielle de l’ancienne messe, alors que la réforme a remis d’autres aspects essentiels au centre. En ce sens la crispation intégriste, ou même simplement traditionaliste, autour de la forme extraordinaire reste affectée - au-delà d’une question affective ou esthétique - d’un coefficient idéologique très fort. Et ce n’est certes pas une instruction, même "équilibrée" qui relèvera les grands défis théologiques, et sans doute d’abord anthropologiques qui sont en arrière fond. C’est peut-être toute la vision du christianisme qui est en jeu. Du Dieu fait homme, car de l’homme et de Dieu.