SOURCE - Mgr Bernard Fellay, fsspx - DICI - 7 mai 2011
Le 2 avril 2005, au terme d’un des plus longs pontificats de l’histoire, mourait Karol Wojtyla, élu pape le 16 octobre 1978 sous le nom de Jean-Paul II. Ce pontificat d’une durée exceptionnelle – plus d’un quart de siècle – se révèle aussi d’une rare densité. Jean-Paul II a prononcé des milliers de discours, publié 14 encycliques et des centaines d’autres documents pontificaux, visité 130 nations de par le monde, donné près de 3.000 audiences publiques ou privées au cours desquelles il a reçu environ 20 millions de personnes, accueilli les évêques du monde entier lors de 10.000 rencontres, accordé plus de 1.000 entretiens à des personnalités politiques ou diplomatiques, etc.
Cette énumération, qu’il serait facile de poursuivre, manifeste la difficulté qu’il y a à prononcer un jugement serein et nuancé sur Karol Wojtyla, même en se limitant à la période du pontificat. Comment l’évaluer à sa juste valeur, alors que nombre d’actes et de décisions n’ont pas encore déployé leurs conséquences dans l’histoire ? Alors que nombre d’archives ne sont pas encore accessibles aux chercheurs, fussent-ils ecclésiastiques ? Par exemple, sa vie de prêtre puis d’évêque n’aurait-elle pas été éclairée par la consultation des archives secrètes de la Pologne d’après-guerre ? Mais celles-ci ne sont accessibles que depuis le printemps 2007, soit précisément à l’heure où s’achevait le procès diocésain, seul habilité à recueillir les témoignages qui serviront ensuite à l’instruction du procès romain. Ce seul exemple manifeste combien un bilan effectué aujourd’hui laissera forcément dans l’ombre de larges pans de cette existence. Ce n’est donc pas sans raison que la sagesse de l’Eglise avait imposé le respect d’un certain délai (cinquante ans, selon le Code de droit canonique de 1917 en son canon 2101) entre la mort d’une personne et le début de la discussion sur l’héroïcité des vertus, ce qui permettait le recul historique nécessaire.
Pourtant, un mois après la mort de Jean-Paul II, le pape Benoît XVI autorisait l’ouverture du procès de béatification de son prédécesseur. Moins de deux ans furent jugés suffisants pour clore le procès diocésain, et deux nouvelles années pour élever Karol Wojtyla au rang de « vénérable » : le 19 décembre 2009, en effet, Benoît XVI signait le décret reconnaissant l’héroïcité des vertus de Karol Wojtyla, ouvrant toute grande la voie à une béatification, fixée au 1er mai 2011.
L’empressement qui entoure cette béatification n’est pas seulement regrettable au regard du jugement que l’histoire pourra porter sur ce pontificat. Il a surtout pour conséquence de délaisser les graves interrogations posées à la conscience catholique, et ce précisément au sujet des vertus qui définissent la vie chrétienne, à savoir les vertus surnaturelles et théologales de foi, d’espérance et de charité. Au regard du premier commandement de Dieu par exemple, comment évaluer les gestes d’un pape qui, par son propos comme par son baiser, semble élever le Coran au rang de Parole de Dieu ? qui implore saint Jean-Baptiste pour la protection de l’islam ? qui se félicite d’avoir participé activement aux cultes animistes dans les forêts sacrées du Togo ? Il y a quelques décennies, selon les normes mêmes du droit ecclésiastique, de tels gestes auraient suffi à jeter la suspicion d’hérésie sur la personne qui les aurait posés. Et ils seraient devenus aujourd’hui, comme par enchantement, le signe d’une vertu de foi pratiquée à un degré héroïque ? Le pontificat de Jean-Paul II et les innombrables innovations qui l’ont ponctué – de la réunion interreligieuse d’Assise aux multiples demandes de pardon, en passant par la première visite d’un pape à une synagogue – ne sont pas sans poser de graves interrogations à la conscience catholique, interrogations qui ne font que s’accentuer lorsque, par une béatification, de telles pratiques sont proposées comme un exemple au peuple chrétien.
A la suite de Mgr Marcel Lefebvre, dont les jugements sur le pape Jean-Paul II sont publics, la Fraternité Saint-Pie X n’a pas cru pouvoir taire de telles interrogations. J’ai donc demandé en son temps à l’abbé Patrick de La Rocque de rédiger un document qui serait remis aux autorités ecclésiastiques en charge du procès diocésain : c’est à cette instance, en effet, qu’il revenait de recueillir tous les témoignages favorables et défavorables concernant la réputation de sainteté de Jean-Paul II.
Le 2 avril 2005, au terme d’un des plus longs pontificats de l’histoire, mourait Karol Wojtyla, élu pape le 16 octobre 1978 sous le nom de Jean-Paul II. Ce pontificat d’une durée exceptionnelle – plus d’un quart de siècle – se révèle aussi d’une rare densité. Jean-Paul II a prononcé des milliers de discours, publié 14 encycliques et des centaines d’autres documents pontificaux, visité 130 nations de par le monde, donné près de 3.000 audiences publiques ou privées au cours desquelles il a reçu environ 20 millions de personnes, accueilli les évêques du monde entier lors de 10.000 rencontres, accordé plus de 1.000 entretiens à des personnalités politiques ou diplomatiques, etc.
Cette énumération, qu’il serait facile de poursuivre, manifeste la difficulté qu’il y a à prononcer un jugement serein et nuancé sur Karol Wojtyla, même en se limitant à la période du pontificat. Comment l’évaluer à sa juste valeur, alors que nombre d’actes et de décisions n’ont pas encore déployé leurs conséquences dans l’histoire ? Alors que nombre d’archives ne sont pas encore accessibles aux chercheurs, fussent-ils ecclésiastiques ? Par exemple, sa vie de prêtre puis d’évêque n’aurait-elle pas été éclairée par la consultation des archives secrètes de la Pologne d’après-guerre ? Mais celles-ci ne sont accessibles que depuis le printemps 2007, soit précisément à l’heure où s’achevait le procès diocésain, seul habilité à recueillir les témoignages qui serviront ensuite à l’instruction du procès romain. Ce seul exemple manifeste combien un bilan effectué aujourd’hui laissera forcément dans l’ombre de larges pans de cette existence. Ce n’est donc pas sans raison que la sagesse de l’Eglise avait imposé le respect d’un certain délai (cinquante ans, selon le Code de droit canonique de 1917 en son canon 2101) entre la mort d’une personne et le début de la discussion sur l’héroïcité des vertus, ce qui permettait le recul historique nécessaire.
Pourtant, un mois après la mort de Jean-Paul II, le pape Benoît XVI autorisait l’ouverture du procès de béatification de son prédécesseur. Moins de deux ans furent jugés suffisants pour clore le procès diocésain, et deux nouvelles années pour élever Karol Wojtyla au rang de « vénérable » : le 19 décembre 2009, en effet, Benoît XVI signait le décret reconnaissant l’héroïcité des vertus de Karol Wojtyla, ouvrant toute grande la voie à une béatification, fixée au 1er mai 2011.
L’empressement qui entoure cette béatification n’est pas seulement regrettable au regard du jugement que l’histoire pourra porter sur ce pontificat. Il a surtout pour conséquence de délaisser les graves interrogations posées à la conscience catholique, et ce précisément au sujet des vertus qui définissent la vie chrétienne, à savoir les vertus surnaturelles et théologales de foi, d’espérance et de charité. Au regard du premier commandement de Dieu par exemple, comment évaluer les gestes d’un pape qui, par son propos comme par son baiser, semble élever le Coran au rang de Parole de Dieu ? qui implore saint Jean-Baptiste pour la protection de l’islam ? qui se félicite d’avoir participé activement aux cultes animistes dans les forêts sacrées du Togo ? Il y a quelques décennies, selon les normes mêmes du droit ecclésiastique, de tels gestes auraient suffi à jeter la suspicion d’hérésie sur la personne qui les aurait posés. Et ils seraient devenus aujourd’hui, comme par enchantement, le signe d’une vertu de foi pratiquée à un degré héroïque ? Le pontificat de Jean-Paul II et les innombrables innovations qui l’ont ponctué – de la réunion interreligieuse d’Assise aux multiples demandes de pardon, en passant par la première visite d’un pape à une synagogue – ne sont pas sans poser de graves interrogations à la conscience catholique, interrogations qui ne font que s’accentuer lorsque, par une béatification, de telles pratiques sont proposées comme un exemple au peuple chrétien.
A la suite de Mgr Marcel Lefebvre, dont les jugements sur le pape Jean-Paul II sont publics, la Fraternité Saint-Pie X n’a pas cru pouvoir taire de telles interrogations. J’ai donc demandé en son temps à l’abbé Patrick de La Rocque de rédiger un document qui serait remis aux autorités ecclésiastiques en charge du procès diocésain : c’est à cette instance, en effet, qu’il revenait de recueillir tous les témoignages favorables et défavorables concernant la réputation de sainteté de Jean-Paul II.
Ce document, qui constitue le corps du présent livre, fut envoyé selon les normes du droit aux divers responsables du procès diocésain, afin d’être placé parmi les pièces du dossier et examiné avec le même soin que les autres. Parvenu à temps aux bureaux compétents, notre pli fut mystérieusement mis de côté, pour n’être décacheté qu’au lendemain de la clôture du procès diocésain, c’est-à-dire trop tard pour être pris en considération. Ainsi, il ne figura point parmi les dizaines de milliers de pages de témoignages solennellement remises à la Congrégation pour le culte des saints. Portées par un autre biais à la connaissance des tribunaux romains, nos interrogations ne reçurent malheureusement aucune réponse, bien au contraire : le 19 décembre 2009, le Saint-Siège déclarait l’héroïcité des vertus du pape défunt. Devions-nous dès lors nous taire ? Fort de la recommandation de l’apôtre – « Insiste à temps et à contretemps » (2 Tm 4, 2) – nous choisissions de remettre ce même manuscrit à nos interlocuteurs romains, dans le cadre des échanges doctrinaux entre la Fraternité Saint-Pie X et le Saint-Siège, leur indiquant de surcroît notre intention de publication. Effet du hasard du calendrier ou non, le monde apprenait quelques jours plus tard l’arrêt provisoire du procès de béatification, faute de preuves suffisantes attestant du « miracle » qui aurait été obtenu par l’intercession de Jean-Paul II. Pourtant, ce même « miracle » était finalement reconnu quelques mois plus tard, et la cérémonie de béatification programmée pour le 1er mai 2011. Ces pages reprenaient donc toute leur actualité. Aussi en ai-je demandé la publication.
L’auteur aurait pu, dans son examen, puiser dans les nombreux faits étonnants, troublants, scandaleux même qui ont émaillé ce pontificat. Était-il digne et convenable, pour un pape catholique, de recevoir les cendres sacrées de Shiva ? D’aller prier selon le mode juif au Mur des lamentations ? De faire lire l’épître en sa présence par une femme aux seins nus ? Tant et tant de faits auraient pu être relevés qui, pour le moins, jettent une ombre sur ce pontificat et sèment le trouble dans toute âme vraiment catholique. Ces pages pourtant ne s’arrêteront pas à une dimension simplement factuelle, mais nous mèneront jusqu’au cœur du problème, en exposant ce qui constitua le point essentiel et l’axe du pontificat : « l’humanisme » de Jean-Paul II, ses présupposés avoués et ses conséquences inéluctables, « humanisme » dont l’illustration la plus marquante fut la réunion interreligieuse d’Assise en 1986. Et si l’abbé de La Rocque nous présente sous trois chapitres distincts quelques-unes des principales raisons qui font obstacle à la béatification de Jean-Paul II, son analyse manifeste l’unité fondamentale de pensée et d’action de Karol Wojtyla dont, il faut malheureusement le reconnaître, la compatibilité avec la Tradition catholique est bien difficile à établir.
A l’heure où le Siège apostolique s’apprête à renouveler le geste scandaleux posé par Jean-Paul II à Assise en 1986, les lignes qui vont suivre redoublent hélas d’actualité. Puissent néanmoins ces pages, porteuses de graves interrogations, éclairer les âmes de bonne volonté et faire briller aux yeux de beaucoup la foi catholique dans toute sa splendeur, sa force et sa douceur.
Menzingen, le 25 mars 2011,
en la fête de l’Annonciation de la Très Sainte Vierge Marie,
20e anniversaire du rappel à Dieu de Mgr Marcel Lefebvre.
+ Bernard Fellay,
Supérieur général
de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
(Source : Clovis – DICI n°234 du 07/05/11)
L’auteur aurait pu, dans son examen, puiser dans les nombreux faits étonnants, troublants, scandaleux même qui ont émaillé ce pontificat. Était-il digne et convenable, pour un pape catholique, de recevoir les cendres sacrées de Shiva ? D’aller prier selon le mode juif au Mur des lamentations ? De faire lire l’épître en sa présence par une femme aux seins nus ? Tant et tant de faits auraient pu être relevés qui, pour le moins, jettent une ombre sur ce pontificat et sèment le trouble dans toute âme vraiment catholique. Ces pages pourtant ne s’arrêteront pas à une dimension simplement factuelle, mais nous mèneront jusqu’au cœur du problème, en exposant ce qui constitua le point essentiel et l’axe du pontificat : « l’humanisme » de Jean-Paul II, ses présupposés avoués et ses conséquences inéluctables, « humanisme » dont l’illustration la plus marquante fut la réunion interreligieuse d’Assise en 1986. Et si l’abbé de La Rocque nous présente sous trois chapitres distincts quelques-unes des principales raisons qui font obstacle à la béatification de Jean-Paul II, son analyse manifeste l’unité fondamentale de pensée et d’action de Karol Wojtyla dont, il faut malheureusement le reconnaître, la compatibilité avec la Tradition catholique est bien difficile à établir.
A l’heure où le Siège apostolique s’apprête à renouveler le geste scandaleux posé par Jean-Paul II à Assise en 1986, les lignes qui vont suivre redoublent hélas d’actualité. Puissent néanmoins ces pages, porteuses de graves interrogations, éclairer les âmes de bonne volonté et faire briller aux yeux de beaucoup la foi catholique dans toute sa splendeur, sa force et sa douceur.
Menzingen, le 25 mars 2011,
en la fête de l’Annonciation de la Très Sainte Vierge Marie,
20e anniversaire du rappel à Dieu de Mgr Marcel Lefebvre.
+ Bernard Fellay,
Supérieur général
de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
(Source : Clovis – DICI n°234 du 07/05/11)