SOURCE - Jean Madiran - Présent - mis en ligne sur le Forum Catholique - 28 janvier 2011
Une délégation catholique conduite par le patriarche d’Antioche vient de porter au ministre égyptien des affaires religieuses une traduction authentique, en arabe, du discours prononcé le 10 janvier par Benoît XVI devant le corps diplomatique.
Ce discours avait été suivi d’une rupture, par Al Azhar, de son dialogue avec le Vatican.
La démarche officielle du patriarche d’Antioche a, selon La Croix, exprimé au ministre égyptien l’espoir qu’Al Azhar « se rendra bien à Assise, en octobre, à l’invitation de Benoît XVI pour commémorer les 25 années de la première rencontre ».
Il y a donc peu de chance que cette commémoration d’octobre puisse être annulée. L’annonce a été faite, les invitations sont arrivées, le Saint-Siège y voit même une occasion et un argument pour la reprise du dialogue avec l’islam. La supplique à Benoît XVI pour une annulation ne sera pas exaucée, mais elle aura posé des questions, suggéré des réflexions, et peut-être fait avancer le débat.
Cette supplique est celle de plusieurs laïcs italiens, universitaires, journalistes, intellectuels : Francis Agnoli, Lorenzo Bertochi, Roberto de Mattei, Corrado Gnerre, Alessandro Gnocchi, Camilio Langone, Mario Palmaro, premiers signataires. Leur inquiétude est de voir se maintenir un esprit d’Assise qui – pour le dire en résumé – ne tient pas compte de la différence, pourtant énoncée il y a vingt-cinq ans, entre « prier ensemble » et « être ensemble pour prier ».
A vrai dire, la différence énoncée n’a jamais été expliquée. On voit bien la différence verbale, qui rassure : il y a donc une différence, c’est bien. Mais on voit mal, ou pas du tout, en quoi cette différence consiste. Quand il se trouve que c’est dans une église que l’on est « ensemble pour prier », cela ressemble beaucoup à « prier ensemble »…
Il n’y aurait pas cette difficulté si l’on considérait la réunion d’Assise il y a vingt-cinq ans et bientôt sa réitération non pas comme une démarche religieuse, mais comme une démarche diplomatique en vue de la paix dans le monde. D’ailleurs il s’agit là de la paix temporelle, problème politique, et non pas de la paix des âmes (qui, chez les saints, demeure même en pleine guerre). S’il est clair que c’est une politique du Saint-Siège qui est en question, il va de soi que ses aspects et conséquences discutables puissent être discutés. Si c’est une pastorale religieuse (et missionnaire ?), cela devient plus délicat.
C’est le Pape qui a réalisé Assise, c’est encore un pape qui va le recommencer, le Souverain Pontife est donc le rassembleur des religions, il se trouve en quelque sorte à leur tête, il est un chef d’orchestre. La défaillance mondiale des pouvoirs temporels, leur impuissance devant les féodalités financières internationales, leur refus de toute loi divine supérieure à la conscience humaine les frappent d’une disqualification morale aussi radicale que leur nuisance politique. Rendez à César…, mais le Saint-Siège ne trouve plus en face de lui un César digne de ce nom. C’est une situation d’exception.
De même qu’il y a eu un « esprit du Concile » terriblement ravageur en ce qu’il rejetait tout ce qui lui était antérieur, de même on distingue un « esprit d’Assise » niveleur en ce qu’il incite à croire que toutes les religions sont de même nature et convergent également vers le bien. Pour que la parole soit enfin officiellement libérée en décembre 2005 sur l’« esprit du Concile », il a fallu que passent et s’estompent quarante années et trois papes. Pour qu’elle soit officiellement libérée sur l’« esprit d’Assise », il faudra peut-être beaucoup moins. Ce pourrait être, pourquoi pas, l’inattendu d’octobre.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7274 de Présent du Vendredi 28 janvier 2011
Une délégation catholique conduite par le patriarche d’Antioche vient de porter au ministre égyptien des affaires religieuses une traduction authentique, en arabe, du discours prononcé le 10 janvier par Benoît XVI devant le corps diplomatique.
Ce discours avait été suivi d’une rupture, par Al Azhar, de son dialogue avec le Vatican.
La démarche officielle du patriarche d’Antioche a, selon La Croix, exprimé au ministre égyptien l’espoir qu’Al Azhar « se rendra bien à Assise, en octobre, à l’invitation de Benoît XVI pour commémorer les 25 années de la première rencontre ».
Il y a donc peu de chance que cette commémoration d’octobre puisse être annulée. L’annonce a été faite, les invitations sont arrivées, le Saint-Siège y voit même une occasion et un argument pour la reprise du dialogue avec l’islam. La supplique à Benoît XVI pour une annulation ne sera pas exaucée, mais elle aura posé des questions, suggéré des réflexions, et peut-être fait avancer le débat.
Cette supplique est celle de plusieurs laïcs italiens, universitaires, journalistes, intellectuels : Francis Agnoli, Lorenzo Bertochi, Roberto de Mattei, Corrado Gnerre, Alessandro Gnocchi, Camilio Langone, Mario Palmaro, premiers signataires. Leur inquiétude est de voir se maintenir un esprit d’Assise qui – pour le dire en résumé – ne tient pas compte de la différence, pourtant énoncée il y a vingt-cinq ans, entre « prier ensemble » et « être ensemble pour prier ».
A vrai dire, la différence énoncée n’a jamais été expliquée. On voit bien la différence verbale, qui rassure : il y a donc une différence, c’est bien. Mais on voit mal, ou pas du tout, en quoi cette différence consiste. Quand il se trouve que c’est dans une église que l’on est « ensemble pour prier », cela ressemble beaucoup à « prier ensemble »…
Il n’y aurait pas cette difficulté si l’on considérait la réunion d’Assise il y a vingt-cinq ans et bientôt sa réitération non pas comme une démarche religieuse, mais comme une démarche diplomatique en vue de la paix dans le monde. D’ailleurs il s’agit là de la paix temporelle, problème politique, et non pas de la paix des âmes (qui, chez les saints, demeure même en pleine guerre). S’il est clair que c’est une politique du Saint-Siège qui est en question, il va de soi que ses aspects et conséquences discutables puissent être discutés. Si c’est une pastorale religieuse (et missionnaire ?), cela devient plus délicat.
C’est le Pape qui a réalisé Assise, c’est encore un pape qui va le recommencer, le Souverain Pontife est donc le rassembleur des religions, il se trouve en quelque sorte à leur tête, il est un chef d’orchestre. La défaillance mondiale des pouvoirs temporels, leur impuissance devant les féodalités financières internationales, leur refus de toute loi divine supérieure à la conscience humaine les frappent d’une disqualification morale aussi radicale que leur nuisance politique. Rendez à César…, mais le Saint-Siège ne trouve plus en face de lui un César digne de ce nom. C’est une situation d’exception.
De même qu’il y a eu un « esprit du Concile » terriblement ravageur en ce qu’il rejetait tout ce qui lui était antérieur, de même on distingue un « esprit d’Assise » niveleur en ce qu’il incite à croire que toutes les religions sont de même nature et convergent également vers le bien. Pour que la parole soit enfin officiellement libérée en décembre 2005 sur l’« esprit du Concile », il a fallu que passent et s’estompent quarante années et trois papes. Pour qu’elle soit officiellement libérée sur l’« esprit d’Assise », il faudra peut-être beaucoup moins. Ce pourrait être, pourquoi pas, l’inattendu d’octobre.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7274 de Présent du Vendredi 28 janvier 2011