SOURCE - Philippe Clanché - Témoignage Chrétien - 30 juin 2011
Les discussions doctrinales entre Rome et la Fraternité Saint-Pie X seraient closes. Concernée plus que d’autres, la France attend de savoir quelle a été la véritable teneur des échanges.
La rumeur enfle sur Internet. Sans confirmation. Les négociations théologiques entre le Saint-Siège et les traditionalistes de la Fraternité Saint-Pie X, commencées en octobre 2009, seraient terminées. Sans pour autant qu’on en connaisse le résultat. Seuls les disciples de Mgr Lefebvre communiquent sur l’affaire.
« J’ai été invité à me rendre à Rome auprès du cardinal Levada (NDLR : préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi), et ce sera pour la mi-septembre. C’est tout ce que je sais », a dit Mgr Bernard Fellay, supérieur général de Saint-Pie X, lors d’une messe d’ordination le 17 juin aux États-Unis. « Nous recevons de la part de Rome des messages contradictoires », a-t-il également affirmé.
Mgr Fellay a sans doute raison tant le Saint-Siège semble partagé sur la conduite à tenir. Après la phase technique et la mise au clair des positions de chacun, le dossier va désormais être traité, et réglé, au sommet, par le pape et le supérieur général.
DIVERGENCES
Benoît XVI joue gros dans ce dossier. Il se trouve face à une blessure personnelle. Joseph Ratzinger était en première ligne en 1988 lors du schisme. Jean Paul II l’avait missionné pour tenter d’empêcher les quatre ordinations épiscopales (1) décidées par Mgr Levebvre. En vain. Leur retour au bercail demeure un objectif pour un pontife qui souffre des divisions.
De ce côté du spectre catholique. Benoît XVI prend des risques importants. Les sujets de divergences, liées aux orientations conciliaires – primat pontifical et collégialité épiscopale ; œcuménisme ; liberté religieuse ; Missel de Paul VI – sont loin d’être des détails. Sur ces thèmes, Mgr Fellay et ses troupes souhaitent un retour à « la tradition ». Or, le pontife ne cesse de dire que les acquis de Vatican II demeurent valables, tout en discutant leur mise en œuvre.
Les propos très critiques des intégristes sur la béatification de Jean Paul II et l’annonce d’un nouveau rassemblement interreligieux à Assise cet automne, font penser le rapprochement impossible. Pourtant, des éléments peuvent faire douter de la fermeté du Saint-Siège.
« Certaines objections de la Fraternité Saint-Pie X ont du sens, car il y a eu une interprétation de rupture du Concile. L’objectif est de montrer qu’il faut interpréter le Concile dans la continuité de la Tradition de l’Église », a dit Mgr Pozzo (2), membre de la Commission romaine Ecclesia Dei en charge des intégristes déjà ralliés et du dossier de Saint-Pie X.
HEMORRAGIE
S’il devait céder à Mgr Fellay, le Saint-Siège risquerait peut-être l’hémorragie des fidèles, notamment en France. La « fille aînée de l’Église » est ici en première ligne pour plusieurs raisons. Elle fut le berceau historique du lefebvrisme et se trouve être le pays qui compte aujourd’hui le plus grand nombre de fidèles et de prêtres de cette mouvance ( 10 des 20 ordonnés de la Fraternité de cet été ).
Le souvenir de Maurras et les déchirures de la Guerre d’Algérie contribuent à passionner la question. Ceci pouvant expliquer cela, notre pays a aussi fourni quelques figures progressistes de Vatican II ( Congar, Liénard ) et les changements conciliaires y ont été interprétés de la manière la plus avancée, notamment en matière liturgique.
Enfin, le traumatisme de l’affaire Gaillot fait penser à nombre de catholiques français que Rome est toujours plus clémente pour certaines divergences que pour d’autres. Aussi, une réintégration pourrait porter un nouveau coup à une Église française déjà mal en point.
À Bordeaux, le retour en grâce de l’Institut du Bon Pasteur de l’abbé Laguérie en 2006 a troublé le diocèse. On peut imaginer un séisme dix fois plus vaste si toute la Fraternité Saint-Pie X rejoignait la communion romaine.
Peu suspect de sympathie intégriste, le cardinal Vingt-Trois, à la tête de la Conférence des évêques de France, sera-t-il aussi influent que l’était son prédécesseur Jean-Marie Lustiger, pour faire comprendre cela à la curie romaine ? Tout semble indiquer que cette dernière s’intéresse de toute façon assez peu aux états d’âme français.
Et ce débat ne fait pas recette dans le monde catholique. Un exemple : ces derniers temps, les vaticanistes italiens se passionnaient pour un tout autre sujet, la date de l’annonce de la nomination du nouvel archevêque de Milan.
(1) Dont Mgr Fellay et le tristement célèbre Mgr Williamson.
(2) Nouvelles de France (www.ndf.fr), le 8 juin 2011.
Les discussions doctrinales entre Rome et la Fraternité Saint-Pie X seraient closes. Concernée plus que d’autres, la France attend de savoir quelle a été la véritable teneur des échanges.
La rumeur enfle sur Internet. Sans confirmation. Les négociations théologiques entre le Saint-Siège et les traditionalistes de la Fraternité Saint-Pie X, commencées en octobre 2009, seraient terminées. Sans pour autant qu’on en connaisse le résultat. Seuls les disciples de Mgr Lefebvre communiquent sur l’affaire.
« J’ai été invité à me rendre à Rome auprès du cardinal Levada (NDLR : préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi), et ce sera pour la mi-septembre. C’est tout ce que je sais », a dit Mgr Bernard Fellay, supérieur général de Saint-Pie X, lors d’une messe d’ordination le 17 juin aux États-Unis. « Nous recevons de la part de Rome des messages contradictoires », a-t-il également affirmé.
Mgr Fellay a sans doute raison tant le Saint-Siège semble partagé sur la conduite à tenir. Après la phase technique et la mise au clair des positions de chacun, le dossier va désormais être traité, et réglé, au sommet, par le pape et le supérieur général.
DIVERGENCES
Benoît XVI joue gros dans ce dossier. Il se trouve face à une blessure personnelle. Joseph Ratzinger était en première ligne en 1988 lors du schisme. Jean Paul II l’avait missionné pour tenter d’empêcher les quatre ordinations épiscopales (1) décidées par Mgr Levebvre. En vain. Leur retour au bercail demeure un objectif pour un pontife qui souffre des divisions.
De ce côté du spectre catholique. Benoît XVI prend des risques importants. Les sujets de divergences, liées aux orientations conciliaires – primat pontifical et collégialité épiscopale ; œcuménisme ; liberté religieuse ; Missel de Paul VI – sont loin d’être des détails. Sur ces thèmes, Mgr Fellay et ses troupes souhaitent un retour à « la tradition ». Or, le pontife ne cesse de dire que les acquis de Vatican II demeurent valables, tout en discutant leur mise en œuvre.
Les propos très critiques des intégristes sur la béatification de Jean Paul II et l’annonce d’un nouveau rassemblement interreligieux à Assise cet automne, font penser le rapprochement impossible. Pourtant, des éléments peuvent faire douter de la fermeté du Saint-Siège.
« Certaines objections de la Fraternité Saint-Pie X ont du sens, car il y a eu une interprétation de rupture du Concile. L’objectif est de montrer qu’il faut interpréter le Concile dans la continuité de la Tradition de l’Église », a dit Mgr Pozzo (2), membre de la Commission romaine Ecclesia Dei en charge des intégristes déjà ralliés et du dossier de Saint-Pie X.
HEMORRAGIE
S’il devait céder à Mgr Fellay, le Saint-Siège risquerait peut-être l’hémorragie des fidèles, notamment en France. La « fille aînée de l’Église » est ici en première ligne pour plusieurs raisons. Elle fut le berceau historique du lefebvrisme et se trouve être le pays qui compte aujourd’hui le plus grand nombre de fidèles et de prêtres de cette mouvance ( 10 des 20 ordonnés de la Fraternité de cet été ).
Le souvenir de Maurras et les déchirures de la Guerre d’Algérie contribuent à passionner la question. Ceci pouvant expliquer cela, notre pays a aussi fourni quelques figures progressistes de Vatican II ( Congar, Liénard ) et les changements conciliaires y ont été interprétés de la manière la plus avancée, notamment en matière liturgique.
Enfin, le traumatisme de l’affaire Gaillot fait penser à nombre de catholiques français que Rome est toujours plus clémente pour certaines divergences que pour d’autres. Aussi, une réintégration pourrait porter un nouveau coup à une Église française déjà mal en point.
À Bordeaux, le retour en grâce de l’Institut du Bon Pasteur de l’abbé Laguérie en 2006 a troublé le diocèse. On peut imaginer un séisme dix fois plus vaste si toute la Fraternité Saint-Pie X rejoignait la communion romaine.
Peu suspect de sympathie intégriste, le cardinal Vingt-Trois, à la tête de la Conférence des évêques de France, sera-t-il aussi influent que l’était son prédécesseur Jean-Marie Lustiger, pour faire comprendre cela à la curie romaine ? Tout semble indiquer que cette dernière s’intéresse de toute façon assez peu aux états d’âme français.
Et ce débat ne fait pas recette dans le monde catholique. Un exemple : ces derniers temps, les vaticanistes italiens se passionnaient pour un tout autre sujet, la date de l’annonce de la nomination du nouvel archevêque de Milan.
(1) Dont Mgr Fellay et le tristement célèbre Mgr Williamson.
(2) Nouvelles de France (www.ndf.fr), le 8 juin 2011.