SOURCE - Jean Madiran - Présent - mise en ligne par le Forum Catholique - 18 juin 2011
Arnaud de Lassus vient d’être désigné par Dom Basile Valuet comme « un des adversaires les plus pertinents » de la déclaration conciliaire Dignitatis humanae sur la liberté religieuse (cf. Le droit à la liberté religieuse…, Editions Sainte-Madeleine, mai 2011, p. 333). Une telle désignation, par un tel auteur, en une telle matière, est à coup sûr valable. Simultanément l’Action familiale et scolaire de juin annonce une prochaine brochure d’Arnaud de Lassus sur la question et publie le résumé des deux premiers chapitres sous le titre : Le droit selon Aristote et saint Thomas et les droits de l’homme de la pensée juridique moderne. De son côté Yves Daoudal observe avec raison que « ce sujet continue d’être âprement débattu ». Lui-même a été « longtemps dubitatif sur la question de la liberté religieuse » et il est « toujours mal à l’aise devant certains discours » ; mais il constate aussi que « dans le monde [actuel], on comprend ce que dit le Pape quand il réclame la liberté religieuse » et que « personne ne le comprendrait s’il brandissait le Syllabus ».
Il y a un quart de siècle, l’Action familiale et scolaire avait publié un opuscule d’Arnaud de Lassus qui défendait la doctrine des droits de l’homme selon Pie XII contre la doctrine moderne des droits. Mais il estime aujourd’hui que ni l’une ni l’autre de ces deux doctrines n’est « compatible avec la notion du bien commun » fondée sur le principe de totalité, selon lequel la partie est pour le tout.
Au nom du principe de totalité, Arnaud de Lassus développe donc une opposition radicale à l’affirmation contraire (mais non point contradictoire ?) qui déclare : « la cité est pour l’homme et non l’homme pour la cité ». Cette affirmation est pourtant celle de Pie XI et de Pie XII, elle est déjà chez Léon XIII. S’agissant non pas de la confidence personnelle d’une opinion privée mais d’une insistance répétée, prolongée, permanente du Magistère, on rencontre alors un problème théologique et canonique que je ne prétends certes pas trancher.
Il y a non pas un quart mais, à deux ans près, un demi-siècle, j’avais pour ma part abordé ces questions dans mon opuscule sur Le principe de totalité (passim, et spécialement p. 51-84). Les principes ne changent pas, ce sont seulement les questions qu’on leur pose qui évoluent plus ou moins dans leur formulation. J’y ajouterais simplement aujourd’hui une distinction plus explicite : les citoyens ne sont pas, en tant que tels, au service de l’Etat (c’est le rôle des fonctionnaires), mais au service, certes, du bien commun.
Le principe de totalité se trouve mobilisé dans une négation radicale de l’affirmation selon laquelle « la cité est pour l’homme et non pas l’homme pour la cité ». On peut se demander si, dans sa critique du personnalisme, Arnaud de Lassus ne suit pas ici Michel Villey davantage que Charles De Koninck. Je voudrais lui soumettre une petite et simplette aporie. Il tient à juste titre Charles De Koninck pour « l’un des meilleurs critiques du personnalisme ». Or Charles De Koninck professe que « la cité est pour l’homme » (cf. sa Primauté du bien commun…, p. 66-70). Encore faut-il comprendre comment et pourquoi, et dans quelle mesure. On s’y efforce dans l’« âpre débat ». Et cela montre que, contrairement à l’erreur où s’est enlisé le collectif épiscopal français, la philosophie chrétienne « telle qu’elle était au cinquième siècle ou dans le thomisme » n’est décidément pas morte.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7372
du Samedi 18 juin 2011
Arnaud de Lassus vient d’être désigné par Dom Basile Valuet comme « un des adversaires les plus pertinents » de la déclaration conciliaire Dignitatis humanae sur la liberté religieuse (cf. Le droit à la liberté religieuse…, Editions Sainte-Madeleine, mai 2011, p. 333). Une telle désignation, par un tel auteur, en une telle matière, est à coup sûr valable. Simultanément l’Action familiale et scolaire de juin annonce une prochaine brochure d’Arnaud de Lassus sur la question et publie le résumé des deux premiers chapitres sous le titre : Le droit selon Aristote et saint Thomas et les droits de l’homme de la pensée juridique moderne. De son côté Yves Daoudal observe avec raison que « ce sujet continue d’être âprement débattu ». Lui-même a été « longtemps dubitatif sur la question de la liberté religieuse » et il est « toujours mal à l’aise devant certains discours » ; mais il constate aussi que « dans le monde [actuel], on comprend ce que dit le Pape quand il réclame la liberté religieuse » et que « personne ne le comprendrait s’il brandissait le Syllabus ».
Il y a un quart de siècle, l’Action familiale et scolaire avait publié un opuscule d’Arnaud de Lassus qui défendait la doctrine des droits de l’homme selon Pie XII contre la doctrine moderne des droits. Mais il estime aujourd’hui que ni l’une ni l’autre de ces deux doctrines n’est « compatible avec la notion du bien commun » fondée sur le principe de totalité, selon lequel la partie est pour le tout.
Au nom du principe de totalité, Arnaud de Lassus développe donc une opposition radicale à l’affirmation contraire (mais non point contradictoire ?) qui déclare : « la cité est pour l’homme et non l’homme pour la cité ». Cette affirmation est pourtant celle de Pie XI et de Pie XII, elle est déjà chez Léon XIII. S’agissant non pas de la confidence personnelle d’une opinion privée mais d’une insistance répétée, prolongée, permanente du Magistère, on rencontre alors un problème théologique et canonique que je ne prétends certes pas trancher.
Il y a non pas un quart mais, à deux ans près, un demi-siècle, j’avais pour ma part abordé ces questions dans mon opuscule sur Le principe de totalité (passim, et spécialement p. 51-84). Les principes ne changent pas, ce sont seulement les questions qu’on leur pose qui évoluent plus ou moins dans leur formulation. J’y ajouterais simplement aujourd’hui une distinction plus explicite : les citoyens ne sont pas, en tant que tels, au service de l’Etat (c’est le rôle des fonctionnaires), mais au service, certes, du bien commun.
Le principe de totalité se trouve mobilisé dans une négation radicale de l’affirmation selon laquelle « la cité est pour l’homme et non pas l’homme pour la cité ». On peut se demander si, dans sa critique du personnalisme, Arnaud de Lassus ne suit pas ici Michel Villey davantage que Charles De Koninck. Je voudrais lui soumettre une petite et simplette aporie. Il tient à juste titre Charles De Koninck pour « l’un des meilleurs critiques du personnalisme ». Or Charles De Koninck professe que « la cité est pour l’homme » (cf. sa Primauté du bien commun…, p. 66-70). Encore faut-il comprendre comment et pourquoi, et dans quelle mesure. On s’y efforce dans l’« âpre débat ». Et cela montre que, contrairement à l’erreur où s’est enlisé le collectif épiscopal français, la philosophie chrétienne « telle qu’elle était au cinquième siècle ou dans le thomisme » n’est décidément pas morte.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7372
du Samedi 18 juin 2011