SOURCE - SudOuest - 18 septembre 2011
Benoît XVI lance sa énième tentative pour ramener les lefebvristes au sein de l'Église. Analyse de l'historien Luc Perrin.
Rome ne pose pas d'ultimatum, mais ne souhaite pas « attendre plus d'une année ». L'Église, c'est bien connu, a l'éternité pour elle. Néanmoins, le Vatican attend dans les mois qui viennent une réponse à la main tendue aux intégristes lefebvristes en leur proposant une réintégration dans l'Église catholique s'ils approuvent un ensemble de principes fondamentaux et en acceptant de discuter de certaines formulations de Vatican II.
Le cardinal William Laveda, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a reçu le 15 septembre dernier Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité Saint Pie X, lui présentant un document de trois pages, un « préambule doctrinal » approuvé par Benoît XVI.
Dans ce texte, un « gros mot » a été lâché : « légitime discussion ». Le communiqué de presse du Saint-Siège assure : « Ce préambule énonce certains principes doctrinaux et des critères d'interprétation de la doctrine catholique nécessaires pour garantir la fidélité au magistère de l'Église et au "sentire cum Ecclesia", tout en laissant ouvertes à une légitime discussion l'étude et l'explication théologique d'expressions ou de formulations particulières présentes dans les textes du Concile Vatican II et du magistère qui a suivi. »
Les efforts du pape
Luc Perrin, historien du catholicisme et enseignant à l'université de Strasbourg, auteur d'un ouvrage sur Mgr Lefebvre (1), réagit à la « complexité du problème qui touche bien d'autres groupes au sein de l'Église catholique. L'autorité régulatrice (NDLR : le pape) détermine, en théorie avec l'assistance du Saint-Esprit, ce qui fait partie du "dépôt révélé", donc l'ensemble des données de la foi », explique l'historien.
Pour autant, Luc Perrin, qui comprend pourquoi « Benoît XVI tient mordicus à la réunification », analyse aussi ce que pourraient en être les conséquences. « Tous les papes, depuis Paul VI, ont fait des tentatives pour ramener Mgr Lefebvre et ses partisans en pleine communion. Il est théologiquement normal qu'un pape fasse des efforts pour rassembler le peuple de Dieu et spécialement cette petite portion. » Rappelons que c'est en 1970 que Mgr Lefebvre crée la Fraternité Saint Pie X et en 1988 qu'il a été excommunié.
L'avenir de l'Église en jeu Depuis, perdure entre Rome et les traditionalistes, appelés aussi « intégristes », un schisme que Benoît XVI veut résorber, mais qui illustre aussi une coupure entre une Église catholique « plutôt à droite » et des progressistes qui ne s'y reconnaissent pas. Les différences portent essentiellement sur trois domaines : le dialogue avec les autres religions, l'unité des chrétiens et la réforme de la liturgie. Au-delà de la messe en latin, c'est donc l'avenir de l'Église catholique qui est en jeu.
Reste que le volet le plus visible et qui attire l'attention des non-catholiques reste le folklore créé et entretenu par les « tradis » de l'église Saint-Éloi à Bordeaux, dont la visibilité médiatique dépasse de très loin la signification théologique. Luc Perrin fait très vite le bilan de la création, en 2007, de l'institut du Bon-Pasteur : 25 prêtres, quelques séminaristes, une minuscule branche de frères enseignants et une paroisse personnelle. Reste que l'on n'a pas fini d'en parler, Benoît XVI ayant tendu la main, en proposant aussi aux schismatiques une prélature personnelle internationale sur le modèle de l'Opus Dei.
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(1) « L'Affaire Lefebvre », éditions du Cerf.
Benoît XVI lance sa énième tentative pour ramener les lefebvristes au sein de l'Église. Analyse de l'historien Luc Perrin.
Rome ne pose pas d'ultimatum, mais ne souhaite pas « attendre plus d'une année ». L'Église, c'est bien connu, a l'éternité pour elle. Néanmoins, le Vatican attend dans les mois qui viennent une réponse à la main tendue aux intégristes lefebvristes en leur proposant une réintégration dans l'Église catholique s'ils approuvent un ensemble de principes fondamentaux et en acceptant de discuter de certaines formulations de Vatican II.
Le cardinal William Laveda, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a reçu le 15 septembre dernier Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité Saint Pie X, lui présentant un document de trois pages, un « préambule doctrinal » approuvé par Benoît XVI.
Dans ce texte, un « gros mot » a été lâché : « légitime discussion ». Le communiqué de presse du Saint-Siège assure : « Ce préambule énonce certains principes doctrinaux et des critères d'interprétation de la doctrine catholique nécessaires pour garantir la fidélité au magistère de l'Église et au "sentire cum Ecclesia", tout en laissant ouvertes à une légitime discussion l'étude et l'explication théologique d'expressions ou de formulations particulières présentes dans les textes du Concile Vatican II et du magistère qui a suivi. »
Les efforts du pape
Luc Perrin, historien du catholicisme et enseignant à l'université de Strasbourg, auteur d'un ouvrage sur Mgr Lefebvre (1), réagit à la « complexité du problème qui touche bien d'autres groupes au sein de l'Église catholique. L'autorité régulatrice (NDLR : le pape) détermine, en théorie avec l'assistance du Saint-Esprit, ce qui fait partie du "dépôt révélé", donc l'ensemble des données de la foi », explique l'historien.
Pour autant, Luc Perrin, qui comprend pourquoi « Benoît XVI tient mordicus à la réunification », analyse aussi ce que pourraient en être les conséquences. « Tous les papes, depuis Paul VI, ont fait des tentatives pour ramener Mgr Lefebvre et ses partisans en pleine communion. Il est théologiquement normal qu'un pape fasse des efforts pour rassembler le peuple de Dieu et spécialement cette petite portion. » Rappelons que c'est en 1970 que Mgr Lefebvre crée la Fraternité Saint Pie X et en 1988 qu'il a été excommunié.
L'avenir de l'Église en jeu Depuis, perdure entre Rome et les traditionalistes, appelés aussi « intégristes », un schisme que Benoît XVI veut résorber, mais qui illustre aussi une coupure entre une Église catholique « plutôt à droite » et des progressistes qui ne s'y reconnaissent pas. Les différences portent essentiellement sur trois domaines : le dialogue avec les autres religions, l'unité des chrétiens et la réforme de la liturgie. Au-delà de la messe en latin, c'est donc l'avenir de l'Église catholique qui est en jeu.
Reste que le volet le plus visible et qui attire l'attention des non-catholiques reste le folklore créé et entretenu par les « tradis » de l'église Saint-Éloi à Bordeaux, dont la visibilité médiatique dépasse de très loin la signification théologique. Luc Perrin fait très vite le bilan de la création, en 2007, de l'institut du Bon-Pasteur : 25 prêtres, quelques séminaristes, une minuscule branche de frères enseignants et une paroisse personnelle. Reste que l'on n'a pas fini d'en parler, Benoît XVI ayant tendu la main, en proposant aussi aux schismatiques une prélature personnelle internationale sur le modèle de l'Opus Dei.
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(1) « L'Affaire Lefebvre », éditions du Cerf.