SOURCE - Disputationes theologicae - Don Stefano Carusi - 19 octobre 2011
"Assise III" est désormais imminente. Nous en avons déjà parlé le 13 avril, au point n. 4 de l’article « La nécessité théologique et ecclésiale d’une troisième voie ni « spirale schismatique » ni « conformisme rallié » (Ière partie). Nous y avons exprimé la position de ce « libre site », dont le directeur « appartient à l’Institut du Bon Pasteur », et qui voit aussi la collaboration de fidèles laïques qui regardent l’Institut avec intérêt.
Nous avons dit:
a - Que nous sommes «fort contraires aux rencontres interreligieuses, c’est notre position, elle est publique et connue par le Saint Père comme par l’Eglise en général ».
b - Que, plus largement, «lorsque l’Osservatore Romano dans un article signé par Renzo Gattegna a dit que l’Eglise devait renoncer à convertir les juifs, notre revue a souscrit une dénonciation publique présentée à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, déjà en Décembre 2010 (un mois avant l’annonce d’Assise III), et a ensuite publié un article à ce sujet”.
c - Que « la véritable motivation d’une telle rencontre », plus que purement théologique, pouvait être «liée, bien plus qu’on ne le croit, à l’actuel équilibre international ou à des équilibres internes au monde ecclésiastique ». Et cela à tel point qu’au n. 3 nous avions parlé d’« actes non-infaillibles que l’autorité produit ou subit, propose ou semble proposer ».
d - Que, en tant qu’observateurs, nous voyions une contradiction chez ceux qui affirmaient en même temps « l’indicible gravité de la future rencontre d’Assise III » (au point que nous aurions été, selon leur jugement, trop modérés sur le sujet) et le succès des « colloques théologiques Econe-Rome» (colloques qui, à leurs dires, devaient corriger les principes de la crise et convertir Rome) : « en effet, en raison du caractère « doctrinal » qu’on a voulu donner à de telles rencontres, si ces dernières se passent bien cela signifie que dans les faits, l’actuel œcuménisme ne pose pas de problèmes aux interlocuteurs ».
e - Que «connaissant la pensée du Card. Ratzinger à l’époque et ses affirmations sur l’impact désastreux de ces événements» - ce qui, déjà à ce moment là, nous laissait pressentir qu’il y avait quelque chose d’étrange dans une telle convocation - nous estimions devoir nous distinguer des rapides « commentaires » parus dans certains « sites du milieu traditionnel » sur le Saint-Père, et parfois même des « épithètes », qui lui ont été attribués. Nous avons préféré en conscience dire ce qui est reporté plus haut et« attend(endre) les événements pour mieux voir quelle est, dans la « mens » du Pape, la véritable motivation d’une telle rencontre » et pouvoir ainsi en dire davantage.
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Comme nous l’avions promis à l’époque, nous revenons sur la matière; et nous le faisons maintenant parce qu’un nouvel élément est paru depuis peu (est-ce vraiment un hasard ?), qui a une grande importance pour la compréhension d’un tel évènement : il s’agit d’un texte écrit de la main-même du Saint Père en réponse aux préoccupations sur une telle rencontre, qu’un vieil ami Lui a exprimées, le pasteur luthérien Peter Beyerhaus (l’audace se trouve parfois là où l’y attend le moins…). Examinons donc avec attention la réponse, clairement privée, mais aussi révélatrice, de Benoit XVI :
«Je comprends très bien, votre préoccupation par rapport à ma participation à la rencontre d’Assise. Mais cette commémoration doit être célébrée de toutes façons et après tout, il me semblait que le mieux c’était d’y aller personnellement pour pouvoir essayer de cette manière de déterminer la direction du tout. Cependant je ferai tout pour que soit impossible une interprétation syncrétique de l’évènement et pour que cela reste bien ferme que toujours je croirai et confesserai ce que j’avais rappelé à l’intention de l’Église avec l’encyclique Dominus Iesus»
Ce passage est impressionnant ; il en ressort avec clarté que ce que l’on donne généralement pour obvie, c’est à dire que le Pape détermine la direction des événements dans l’Eglise, n’est pas toujours la réalité : le Pape estime seulement pouvoir « essayer de cette manière de déterminer la direction du tout ». En effet « cette commémoration doit être célébrée de toutes façons ». Pourquoi ? Le Pape ne le spécifie pas, mais que l’on fasse bien attention à l’enchainement du discours : d’abord Il ne nie pas du tout la justesse des préoccupations de son interlocuteur, mais semble bien plutôt les partager. Il décrit ensuite l’acte en question comme inévitable et indépendant de Sa présence: même si Lui ne s’y rend pas, l’évènement aura lieu de toutes façons, et son choix d’y aller personnellement pour réduire les dangers dépend de cela. C’est donc un acte qui, plus que voulu, est subi. C’est l’interprétation, dans une ambiance confidentielle mais par écrit, qui ressort des mots de Benoit XVI en personne.
Nous sommes là face à une interprétation qui contredit toute lecture idéologique de l’évènement, sur les deux fronts.
En effet, contrairement à certains commentaires téméraires des représentants de la “branche dure” du monde traditionnel, le motif n’est pas attribuable à des facteurs principalement théologiques, à une aveugle volonté œcuméniste du Pontife régnant, mais aux conditionnements dans lesquels Il se retrouve.
Une autre attitude – non moins abstraite – se trouve elle aussi contredite, attitude d’un certain monde traditionaliste qui voudrait se montrer rallié même à des actes de ce genre, en voulant par exemple appliquer à tout prix l’herméneutique de la continuité même à Assise III, et par cette voie, en donner une évaluation substantiellement positive (sinon presque de louange). En effet il est clair – même par son livre écrit avec l’ancien président du Senat italien Marcello Pera – que Joseph Ratzinger est enclin à substituer, doucement et diplomatiquement, le dialogue proprement interreligieux avec un dialogue en substance interculturel ; cependant avec un peu de sens de la réalité est aussi clair que de telles rencontres se prêtent dans les faits à de graves dangers. L’intention de corriger Assise I est un aspect réel de la question ; mais il n’en demeure pas moins réel qu’officiellement Assise III est présenté comme « célébration » d’Assise I. Naturellement il reste à voir ce qui précisément sera dit et fait à Assise, cependant de la part de certains évêques et prêtres nous avons déjà entendu des discours hors des voies de l’orthodoxie, discours qui ont pris inspiration de l’événement annoncé.
Relisons le passage de S.S. Benoit XVI, en y réfléchissant, et nous verrons que ce qui en ressort, ce n’est pas l’évaluation d’un bien, mais plutôt d’un dommage que, en estimant qu’on ne peut pas agir autrement, on cherche à réduire. Un servile « traditionalisme » ultra-ratzingerien (craintif et complexé), qui au lieu de se limiter à de justes explications se sentirait obligé même de partager et approuver Assise III, bien qu’il ne s’agisse ni d’un acte magistériel ni d’une loi de l’Eglise, se retrouverait « à gauche » non seulement de Mgr Gherardini et de ses réserves sur l’abus de la notion d’ « herméneutique de la continuité », mais aussi à gauche de Benoit XVI. Rendrait-t-il en agissant ainsi un bon service au Saint Père, alors qu’il se trouve dans des conditions de plus grande liberté que Lui? Quelle raison d’être lui resterait-il?
Don Stefano Carusi
"Assise III" est désormais imminente. Nous en avons déjà parlé le 13 avril, au point n. 4 de l’article « La nécessité théologique et ecclésiale d’une troisième voie ni « spirale schismatique » ni « conformisme rallié » (Ière partie). Nous y avons exprimé la position de ce « libre site », dont le directeur « appartient à l’Institut du Bon Pasteur », et qui voit aussi la collaboration de fidèles laïques qui regardent l’Institut avec intérêt.
Nous avons dit:
a - Que nous sommes «fort contraires aux rencontres interreligieuses, c’est notre position, elle est publique et connue par le Saint Père comme par l’Eglise en général ».
b - Que, plus largement, «lorsque l’Osservatore Romano dans un article signé par Renzo Gattegna a dit que l’Eglise devait renoncer à convertir les juifs, notre revue a souscrit une dénonciation publique présentée à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, déjà en Décembre 2010 (un mois avant l’annonce d’Assise III), et a ensuite publié un article à ce sujet”.
c - Que « la véritable motivation d’une telle rencontre », plus que purement théologique, pouvait être «liée, bien plus qu’on ne le croit, à l’actuel équilibre international ou à des équilibres internes au monde ecclésiastique ». Et cela à tel point qu’au n. 3 nous avions parlé d’« actes non-infaillibles que l’autorité produit ou subit, propose ou semble proposer ».
d - Que, en tant qu’observateurs, nous voyions une contradiction chez ceux qui affirmaient en même temps « l’indicible gravité de la future rencontre d’Assise III » (au point que nous aurions été, selon leur jugement, trop modérés sur le sujet) et le succès des « colloques théologiques Econe-Rome» (colloques qui, à leurs dires, devaient corriger les principes de la crise et convertir Rome) : « en effet, en raison du caractère « doctrinal » qu’on a voulu donner à de telles rencontres, si ces dernières se passent bien cela signifie que dans les faits, l’actuel œcuménisme ne pose pas de problèmes aux interlocuteurs ».
e - Que «connaissant la pensée du Card. Ratzinger à l’époque et ses affirmations sur l’impact désastreux de ces événements» - ce qui, déjà à ce moment là, nous laissait pressentir qu’il y avait quelque chose d’étrange dans une telle convocation - nous estimions devoir nous distinguer des rapides « commentaires » parus dans certains « sites du milieu traditionnel » sur le Saint-Père, et parfois même des « épithètes », qui lui ont été attribués. Nous avons préféré en conscience dire ce qui est reporté plus haut et« attend(endre) les événements pour mieux voir quelle est, dans la « mens » du Pape, la véritable motivation d’une telle rencontre » et pouvoir ainsi en dire davantage.
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Comme nous l’avions promis à l’époque, nous revenons sur la matière; et nous le faisons maintenant parce qu’un nouvel élément est paru depuis peu (est-ce vraiment un hasard ?), qui a une grande importance pour la compréhension d’un tel évènement : il s’agit d’un texte écrit de la main-même du Saint Père en réponse aux préoccupations sur une telle rencontre, qu’un vieil ami Lui a exprimées, le pasteur luthérien Peter Beyerhaus (l’audace se trouve parfois là où l’y attend le moins…). Examinons donc avec attention la réponse, clairement privée, mais aussi révélatrice, de Benoit XVI :
«Je comprends très bien, votre préoccupation par rapport à ma participation à la rencontre d’Assise. Mais cette commémoration doit être célébrée de toutes façons et après tout, il me semblait que le mieux c’était d’y aller personnellement pour pouvoir essayer de cette manière de déterminer la direction du tout. Cependant je ferai tout pour que soit impossible une interprétation syncrétique de l’évènement et pour que cela reste bien ferme que toujours je croirai et confesserai ce que j’avais rappelé à l’intention de l’Église avec l’encyclique Dominus Iesus»
Ce passage est impressionnant ; il en ressort avec clarté que ce que l’on donne généralement pour obvie, c’est à dire que le Pape détermine la direction des événements dans l’Eglise, n’est pas toujours la réalité : le Pape estime seulement pouvoir « essayer de cette manière de déterminer la direction du tout ». En effet « cette commémoration doit être célébrée de toutes façons ». Pourquoi ? Le Pape ne le spécifie pas, mais que l’on fasse bien attention à l’enchainement du discours : d’abord Il ne nie pas du tout la justesse des préoccupations de son interlocuteur, mais semble bien plutôt les partager. Il décrit ensuite l’acte en question comme inévitable et indépendant de Sa présence: même si Lui ne s’y rend pas, l’évènement aura lieu de toutes façons, et son choix d’y aller personnellement pour réduire les dangers dépend de cela. C’est donc un acte qui, plus que voulu, est subi. C’est l’interprétation, dans une ambiance confidentielle mais par écrit, qui ressort des mots de Benoit XVI en personne.
Nous sommes là face à une interprétation qui contredit toute lecture idéologique de l’évènement, sur les deux fronts.
En effet, contrairement à certains commentaires téméraires des représentants de la “branche dure” du monde traditionnel, le motif n’est pas attribuable à des facteurs principalement théologiques, à une aveugle volonté œcuméniste du Pontife régnant, mais aux conditionnements dans lesquels Il se retrouve.
Une autre attitude – non moins abstraite – se trouve elle aussi contredite, attitude d’un certain monde traditionaliste qui voudrait se montrer rallié même à des actes de ce genre, en voulant par exemple appliquer à tout prix l’herméneutique de la continuité même à Assise III, et par cette voie, en donner une évaluation substantiellement positive (sinon presque de louange). En effet il est clair – même par son livre écrit avec l’ancien président du Senat italien Marcello Pera – que Joseph Ratzinger est enclin à substituer, doucement et diplomatiquement, le dialogue proprement interreligieux avec un dialogue en substance interculturel ; cependant avec un peu de sens de la réalité est aussi clair que de telles rencontres se prêtent dans les faits à de graves dangers. L’intention de corriger Assise I est un aspect réel de la question ; mais il n’en demeure pas moins réel qu’officiellement Assise III est présenté comme « célébration » d’Assise I. Naturellement il reste à voir ce qui précisément sera dit et fait à Assise, cependant de la part de certains évêques et prêtres nous avons déjà entendu des discours hors des voies de l’orthodoxie, discours qui ont pris inspiration de l’événement annoncé.
Relisons le passage de S.S. Benoit XVI, en y réfléchissant, et nous verrons que ce qui en ressort, ce n’est pas l’évaluation d’un bien, mais plutôt d’un dommage que, en estimant qu’on ne peut pas agir autrement, on cherche à réduire. Un servile « traditionalisme » ultra-ratzingerien (craintif et complexé), qui au lieu de se limiter à de justes explications se sentirait obligé même de partager et approuver Assise III, bien qu’il ne s’agisse ni d’un acte magistériel ni d’une loi de l’Eglise, se retrouverait « à gauche » non seulement de Mgr Gherardini et de ses réserves sur l’abus de la notion d’ « herméneutique de la continuité », mais aussi à gauche de Benoit XVI. Rendrait-t-il en agissant ainsi un bon service au Saint Père, alors qu’il se trouve dans des conditions de plus grande liberté que Lui? Quelle raison d’être lui resterait-il?
Don Stefano Carusi