SOURCE - Matthieu Mégevand - Le Monde - 18 novembre 2011
Plus une semaine sans qu’ils ne fassent l’actualité. Manifestations, violences, intimidations, les catholiques intégristes qui protestent contre plusieurs pièces de théâtres et dénoncent la "christianophobie" forment un groupe marginal qui parait de plus en plus actif et présent sur la scène médiatique. Les analyses de Frédéric Lenoir, directeur de la rédaction du Monde des Religions.
Les catholiques intégristes dénoncent une "christianophobie" de plus en plus forte aujourd’hui en France
Je ne suis pas du tout d’accord avec leur analyse, et je pense qu’il n’y a pas plus de "christianophobie" aujourd’hui qu’il y en avait il y a 20 ans. Les attaques contre le christianisme étaient infiniment plus virulentes au début du XXe siècle, lors de la grande crise entre l’Eglise et l’Etat, où l’on était face à des caricatures d’une violence incroyable, par exemple contre le clergé. Aujourd’hui cela s’est beaucoup apaisé, et ce qui fait réagir ces catholiques intégristes, notamment la pièce de Romeo Castellucci ou le Piss Christ d’Andres Serrano, sont des œuvres artistiques qui de mon point de vue ne sont pas du tout christianophobes. Simplement, elles utilisent des symboles sacrés, notamment la figure du Christ, de manière libre dans un contexte artistique. C’est ce que ne supportent pas les intégristes, qui exigent que la figure de Jésus soit réservée aux églises et ne soit jamais désacralisée. Or, le propre de l’art c’est justement de réinterpréter librement les symboles sacrés, et c’est ce que ne supportent pas les intégristes de toutes les religions. Je pense donc que les catholiques en question font un mauvais diagnostic, et sur la prétendue christianophobie ambiante dans nos sociétés, et sur les œuvres contre lesquelles ils manifestent.
Ces intégristes sont-ils représentatifs d’une certaine sensibilité au sein du monde catholique français ou sont-ils un groupe ultra-minoritaire ?
C’est un courant très marginal, qui représente en France quelques dizaines de milliers de personnes. L’explication sociologique de cet intégrisme se trouve non pas dans le fait que la France soit christianophobe, mais plutôt de plus en plus indifférente aux religions. Il y a trente ans, 70% des Français se déclaraient catholiques. Aujourd’hui, ils sont 42%. Cela signifie que de plus en plus de gens se désintéressent simplement de la religion. C’est ce que ne supportent pas les intégristes, qui ont l’impression qu’il y a un effondrement de la France chrétienne, de la France de Clovis, de Louis XIII qui consacrait la France à la Vierge Marie, et vivent dans la nostalgie de cette France "éternellement catholique". Devant cette majorité de Français qui désormais n’est plus catholique et encore moins pratiquante, les intégristes ont un espèce de sursaut assez violent et assez désespéré.
Les intégristes catholiques français sont-ils donc, à terme, voués à disparaître ?
La France a été l’une des terres où l’implantation du christianisme en général, du catholicisme en particulier, a été la plus forte, pendant près de quinze siècles. Cela laisse donc des traces profondes, et il existera toujours des nostalgiques de cette longue période où le pouvoir religieux et le pouvoir politique étaient étroitement liés et où la culture de tout un peuple était chrétienne. Il subsiste encore aujourd’hui quelques dizaine de milliers de familles chrétiennes qui sont très attachées à cette histoire, au passé "glorieux" de la France chrétienne, et qui ne parviennent pas à faire leur deuil de ce passé. Le fait est que nous sommes aujourd’hui dans une société qui devient majoritairement agnostique ou athée, avec un pluralisme religieux dans lequel le christianisme devient une religion comme les autres, avec en parallèle une progression de l’islam, et tout ça est insupportable aux yeux des intégristes catholiques.
Plus une semaine sans qu’ils ne fassent l’actualité. Manifestations, violences, intimidations, les catholiques intégristes qui protestent contre plusieurs pièces de théâtres et dénoncent la "christianophobie" forment un groupe marginal qui parait de plus en plus actif et présent sur la scène médiatique. Les analyses de Frédéric Lenoir, directeur de la rédaction du Monde des Religions.
Les catholiques intégristes dénoncent une "christianophobie" de plus en plus forte aujourd’hui en France
Je ne suis pas du tout d’accord avec leur analyse, et je pense qu’il n’y a pas plus de "christianophobie" aujourd’hui qu’il y en avait il y a 20 ans. Les attaques contre le christianisme étaient infiniment plus virulentes au début du XXe siècle, lors de la grande crise entre l’Eglise et l’Etat, où l’on était face à des caricatures d’une violence incroyable, par exemple contre le clergé. Aujourd’hui cela s’est beaucoup apaisé, et ce qui fait réagir ces catholiques intégristes, notamment la pièce de Romeo Castellucci ou le Piss Christ d’Andres Serrano, sont des œuvres artistiques qui de mon point de vue ne sont pas du tout christianophobes. Simplement, elles utilisent des symboles sacrés, notamment la figure du Christ, de manière libre dans un contexte artistique. C’est ce que ne supportent pas les intégristes, qui exigent que la figure de Jésus soit réservée aux églises et ne soit jamais désacralisée. Or, le propre de l’art c’est justement de réinterpréter librement les symboles sacrés, et c’est ce que ne supportent pas les intégristes de toutes les religions. Je pense donc que les catholiques en question font un mauvais diagnostic, et sur la prétendue christianophobie ambiante dans nos sociétés, et sur les œuvres contre lesquelles ils manifestent.
Ces intégristes sont-ils représentatifs d’une certaine sensibilité au sein du monde catholique français ou sont-ils un groupe ultra-minoritaire ?
C’est un courant très marginal, qui représente en France quelques dizaines de milliers de personnes. L’explication sociologique de cet intégrisme se trouve non pas dans le fait que la France soit christianophobe, mais plutôt de plus en plus indifférente aux religions. Il y a trente ans, 70% des Français se déclaraient catholiques. Aujourd’hui, ils sont 42%. Cela signifie que de plus en plus de gens se désintéressent simplement de la religion. C’est ce que ne supportent pas les intégristes, qui ont l’impression qu’il y a un effondrement de la France chrétienne, de la France de Clovis, de Louis XIII qui consacrait la France à la Vierge Marie, et vivent dans la nostalgie de cette France "éternellement catholique". Devant cette majorité de Français qui désormais n’est plus catholique et encore moins pratiquante, les intégristes ont un espèce de sursaut assez violent et assez désespéré.
Les intégristes catholiques français sont-ils donc, à terme, voués à disparaître ?
La France a été l’une des terres où l’implantation du christianisme en général, du catholicisme en particulier, a été la plus forte, pendant près de quinze siècles. Cela laisse donc des traces profondes, et il existera toujours des nostalgiques de cette longue période où le pouvoir religieux et le pouvoir politique étaient étroitement liés et où la culture de tout un peuple était chrétienne. Il subsiste encore aujourd’hui quelques dizaine de milliers de familles chrétiennes qui sont très attachées à cette histoire, au passé "glorieux" de la France chrétienne, et qui ne parviennent pas à faire leur deuil de ce passé. Le fait est que nous sommes aujourd’hui dans une société qui devient majoritairement agnostique ou athée, avec un pluralisme religieux dans lequel le christianisme devient une religion comme les autres, avec en parallèle une progression de l’islam, et tout ça est insupportable aux yeux des intégristes catholiques.