SOURCE - Julien Licourt, Caroline Bruneau - Le Figaro - 8 décembre 2011
L'institut Civitas a appelé à des manifestations contre la pièce Golgota Picnic. Eclairage sur un mouvement chrétien qui fait de plus en plus parler de lui.
En octobre, la mobilisation reprend, cette fois contre une pièce de théâtre jugée blasphématoire, Sur le concept du visage du fils de Dieu. Pendant dix jours, des chrétiens ultras se réunissent devant le théâtre de la Ville pour protester, rejoints par des formations d'extrême droite telles que l'Action française (royalistes) ou le Renouveau français (pétainistes). Des manifestants réussissent plusieurs fois à pénétrer dans le théâtre et à perturber la représentation. Le point d'orgue de la mobilisation a lieu le samedi 30 octobre, où l'institut Civitas réussit à réunir plusieurs milliers de personnes à Paris pour une manifestation contre la «christianophobie». Des mobilisations seront d'ailleurs organisées tous les soirs jusqu'au 17 décembre avant la représentation de Golgota Picnic devant le théâtre du Rond-Point «avec une alternance de chants et de slogans».
L'institut Civitas a appelé à des manifestations contre la pièce Golgota Picnic. Eclairage sur un mouvement chrétien qui fait de plus en plus parler de lui.
• D'où vient Civitas?L'institut Civitas trouve son origine chez le groupe contre-révolutionnaire la Cité catholique, dirigé par Jean Ousset, qui, selon le politologue Pierre Milza, lutta contre «toutes les formes passées et présentes de la Révolution: la Réforme, les Lumières, le libéralisme, la démocratie, la laïcité, le socialisme, le communisme, la “judéo-maçonnerie”». Après le schisme lefevriste (1988), la Cité catholique se scinde en deux : d'un côté Ichtus, de l'autre Civitas, qui se rapproche des intégristes de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X (FSSPX).
• Quel est leur mode d'action ?Avec l'apparition de Civitas, les intégristes renouent avec l'activisme. En 1988, des catholiques intégristes avaient été soupçonnés d'être à l'origine d'un attentat perpétré dans un cinéma diffusant La Dernière tentation du Christ de Martin Scorsese. Mais depuis, la mouvance s'était concentrée sur l'action juridique, notamment contre les œuvres qu'ils considèrent comme du «racisme anti-chrétien». Civitas refuse la violence, mais pas les actions fortes. Au printemps dernier, l'œuvre d'Andres Serrano, Piss Christ, présentée à Avignon, en fait les frais : elle est détruite à coups de marteau. L'Institut avait organisé des manifestations les jours précédents et lancé une pétition contre la présentation de cette œuvre.
En octobre, la mobilisation reprend, cette fois contre une pièce de théâtre jugée blasphématoire, Sur le concept du visage du fils de Dieu. Pendant dix jours, des chrétiens ultras se réunissent devant le théâtre de la Ville pour protester, rejoints par des formations d'extrême droite telles que l'Action française (royalistes) ou le Renouveau français (pétainistes). Des manifestants réussissent plusieurs fois à pénétrer dans le théâtre et à perturber la représentation. Le point d'orgue de la mobilisation a lieu le samedi 30 octobre, où l'institut Civitas réussit à réunir plusieurs milliers de personnes à Paris pour une manifestation contre la «christianophobie». Des mobilisations seront d'ailleurs organisées tous les soirs jusqu'au 17 décembre avant la représentation de Golgota Picnic devant le théâtre du Rond-Point «avec une alternance de chants et de slogans».
• Qui est le secrétaire général Alain Escada ?Alain Escada parle peu de lui-même. On sait qu'il est Belge, qu'il se partage entre les deux pays. «Je fais l'aller-retour trois fois par semaine entre la France et la Belgique». Le quotidien Le Soir l'a rencontré chez lui à Bruxelles : ce bouquiniste de 41 ans est un ancien du Front National de Belgique (FNB). Il a été candidat aux législatives belges sur les listes du parti d'extrême-droite Zut. Se présentant comme un ancien «lobbyiste-chrétien au Parlement européen», Alain Escada est devenu secrétaire général de Civitas il y a deux ans. «J'étais un simple adhérent, et on m'a demandé d'en prendre la direction», a-t-il expliqué au Figaro. On lui a demandé d'apporter au mouvement, qu'il définit lui-même comme «un lobby», plus de visibilité et de vigueur. Depuis son arrivée, le mouvement s'est en effet distingué par des manifestations et des protestations reprises dans les médias. Alain Escada a essayé de «coaliser tous ceux qui pourraient vouloir participer à une riposte catholique». Avec succès visiblement, puisque Civitas revendique désormais 1000 adhérents, «et une caisse de résonance avec 100.000 inscrits à notre mailing-liste».
• Quel est le lien avec l'Église ?«Aucun», répond clairement l'évêché de Paris. L'aumônier de Civitas est un prêtre lefebvriste, c'est-à-dire qu'il n'est pas reconnu par la hiérarchie catholique, Mgr Lefebvre ayant coupé tous les ponts avec Rome dans les années 1980. Malgré tout, le secrétaire général de Civitas entretient la confusion : sur son blog, Alain Escada appelle en 2010 à soutenir Benoît XVI, qui œuvre depuis plusieurs années au rapprochement des traditionnalistes avec le Vatican. Pour les manifestations contre la pièce Golgota Picnic le 8 décembre, Alain Escada s'associe aux cortèges venant de la veillée de prière de Notre-Dame. «Dans nos manifestations, il y a un public très divers, des traditionnalistes, des chaldéens, des catholiques diocésains, des chrétiens offensés», assure le secrétaire général.
• Quelles sont les revendications de Civitas ?«Nous voulons que les milieux faiseurs d'opinion s'intéressent à la Doctrine de l'Église et au Bien commun», explique Alain Escada. Civitas n'est «ni un parti, ni un porte-valise pour un candidat», mais bien un lobby qui essaye de rallier à ses causes des décideurs et des élus. Civitas demande alors aux parlementaires une loi interdisant aux organismes recevant des subventions publiques de produire «des spectacles ou expositions mettant les croyances fondamentales de la population en humiliation». Le lobbying de l'Institut paye, puisqu'un mois plus tard, le député Jacques Remiller réussit à faire signer à 57 de ses collègues un texte condamnant la « christianophobie en Orient mais aussi en Occident».À Paris, le Nouveau Centre s'est rallié à la demande d'Escada : le sénateurYves Pozzo di Borgo va déposer au prochain Conseil de Paris un amendement «au nom de la laïcité» demandant à la mairie de Paris de réduire ses subventions au théâtre qui accueille la pièce Golgota Picnic.