Abbé Laguérie sur RTL |
Interview par Christophe Hondelatte - 1er novembre 2006 - à 7h45 Mise en ligne sur le Forum Catholique |
Christophe Hondelatte : Monsieur l'Abbé, je voudrais rappeler quand même en préambule que vous êtes un disciple de Monseigneur Lefebvre qui vous a ordonné prêtre. Abbé Laguérie : Tout à fait.Vous avez longtemps été le curé de la paroisse traditionaliste de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, à Paris. Maintenant, vous êtes à Bordeaux. Et il y a quelques semaines, le Pape Benoît XVI vous a fait revenir dans la Grande Famille de Rome, en vous nommant Supérieur général d'une Fraternité Traditionaliste reconnue par Rome et qui s'appelle "le Bon Pasteur". Je n'ai pas dit de bêtises, pour l'instant ? Parfait.Est-ce que franchement, depuis, vous êtes soulagé d'être revenu dans le girond du Pape ? J'ai noté juste avant la publicité, que vous avez dit : "Je suis catholique, point à la ligne". Ca veut dire - j'entendais - "Je suis dans l'Eglise". Ca vous soulage ? Si vous voulez ! Mais moi, j'ai toujours pensé que le fait de dire la messe en latin et tourné vers l'Orient, n'était pas quand même un motif si pendable qu'on cesse pour autant d'être catholique. Que ce soit maintenant reconnu, officialisé, j'en suis évidemment très heureux.Vous avez souffert pendant ces vingt années d'exclusion du fait de ne pas être... ? Ecoutez, personne n'aime être traité d'intégriste, de schismatique, d'excommunié. Enfin, je ne connais pas beaucoup de gens qui, aimant l'Eglise comme moi et comme les miens, se satisfassent d'un traitement pareil.Alors, vous n'êtes plus excommunié là ? Ah, pas du tout. Remarquez bien que je ne l'ai jamais été par la raison que seuls l'ont été les quatre évêques consacrés par Monseigneur Lefebvre. Aucun des prêtres ni d'ailleurs des fidèles qui les ont suivis, n'ont jamais subi de censure. Donc moi, j'ai jamais été excommunié. J'ai toujours été dans l'Eglise catholique. Maintenant, si vous voulez, la différence c'est qu'on se sent aimé par ce Pape qui - c'est tout nouveau - s'occupe plus, j'allais dire, de l'unité des catholiques, des chrétiens que de parcourir la planète. Et ça, c'est quand même quelque chose de très important. Le Pape Jean Paul Il a osé dire deux mois, avant sa mort : Je n'ai pas gouverné l'Eglise. Vous vous rendez compte que cette phrase peut véhiculer d'incompréhension dans l'Eglise.Quand je vous entends, là, je me dis : bon, vous célébrez la messe, dos à l'assemblée, et en latin... Face à Dieu.... Et en même temps, vous critiquez le Pape, ce qui est fort peu traditionaliste ? Je ne critique pas le Pape...Ah, vous venez de critiquer Jean Paul II... Oui, j'ai dit que Jean Paul II avait dit... J'ai cité Jean Paul II, je n'ai pas critiqué. J'ai dit que Jean Paul II, oui effectivement, avait dit qu'il n'avait pas gouverné l'Eglise. Bon. Qu'est-ce que vous voulez ? Une citation, c'est une citation. Mais je viens de me réjouir du nouveau Pape Benoît XVI parce que effectivement, je vois qu'un certain nombre de choses évoluent dans le sens d'une unité des chrétiens, des catholiques et ça me réjouit beaucoup. Bon.Alors vous avez le droit de faire quoi, désormais ? Vous pouvez donc célébrer la messe en latin selon le rite de Saint Pie V ? Oui, moi je n'aime pas tellement cette expression "rite Saint Pie V". Parce que si vous regardez bien, la messe que nous célébrons c'est celle du IVe siècle, Ve siècle de Saint-Grégoire. Moi je l'appelle plutôt la "messe grégorienne".Donc, vous avez le droit de ne célébrer que cette messe là ? Ah oui, j'ai le droit de célébrer que cette messe là. J'ai même la mission de le faire, si je puis dire d'après les statuts. J'ai le droit également d'incardiner les prêtres, j'ai le droit de les appeler aux Ordres, de les faire ordonner par un évêque, etc.- Oui, mais quel évêque ?Eh bien, il suffit de demander. Il suffit de demander à un évêque en rite traditionnel. J'ai deux ou trois candidats là qui sont prêts au sacerdoce.Donc, vous allez proposer à un évêque. Je vais proposer, j'ai déjà proposé à plusieurs évêques. J'attends les réponses, et je pense qu'il n'y a pas de problèmes parce que d'autres le font.Et vous, et vous vous pourriez être évêque ? Ca serait logique compte tenu de votre parcours ? Non, enfin moi, écoutez, non, je n'y ai pas pensé une seule seconde. J'aime beaucoup mon ministère paroissial. Je me sens un curé dans l'âme et profondément. Donc, j'ai jamais songé à ça. Après tout, vous savez...Ah, vous avez un évêque. C'est Monseigneur Ricard, c'est l'évêque de Bordeaux. C'est le patron de l'Eglise de France. Tout à fait, c'est mon évêque, je le nomme à la messe ; et puis, je le respecte beaucoup. Et on se voit maintenant très souvent. Il m'a même invité à déjeuner à l'archevêché l'autre jour, de façon fort sympathique...Ah, ça c'est une info, ça. Oui, on s'entend très bien...Ah... moi je lis. J'ai lu un certain nombre de dépêches tombées ces dernières semaines depuis que vous êtes revenu dans le giron de Rome. Une grande majorité d'évêques s'insurge de votre retour. Alors, écoutez, moi je ne comprends pas très bien... Je pense à des journaux comme "La Vie". On me traite d'excommunié, de schismatique... Ce que je n'étais pas pendant dix ans. Et puis, quand je suis réintégré par le Pape, cet homme-là aurait dû rester dehors. Enfin, il faut quand même choisir la politique qu'on veut mener. Je pense que ça n'est pas du tout la direction de l'Institut du "Bon Pasteur" puisque c'est la société dit apostolique que je dirige maintenant qui inquiète les évêques, que la mesure que le Pape s'apprête à prendre, à rendre à tout le monde, à tous les prêtres qui le veulent la messe traditionnelle, la messe grégorienne.Vous n'aurez pas le monopole effectivement... Je n'ai pas le monopole. Je ne tiens pas à l'avoir. Au contraire, plus la tradition se répandra et sera communiquée avec facilité dans l'Eglise, plus je me réjouirai. C'est ça qui inquiète un petit peu les évêques. Ils parlent du spiritualisme qui serait dangereux. Enfin, je pense que comme l'a dit et redit le Pape quand il était encore le Cardinal Ratzinger, une Eglise qui condamne aujourd'hui ce qu'elle a encouragé, hier, pourrait bien condamner demain ce qu'elle encourage aujourd'hui. Vous comprenez, il faut quand même une certaine cohérence entre ce qu'on dit, ce qu'on prêche, ce qu'on permet et puis dans le temps aussi. Dans le temps. Cette messe que tous les prêtres et tous les évêques catholiques et les Papes compris ont dit pendant seize siècles, on ne voit pas pourquoi tout d'un coup, on serait excommunié à la dire, ou...Alors, justement, pour revenir à la messe en latin, comment est-ce qu'on dit "mondialisation", en Latin ? Comment est-ce qu'on dit "Internet" en latin ? Bref, comment est-ce qu'on est en phase avec la société d'aujourd'hui ? Eh bien justement, vous posez une question très habile. Mais dans la réponse, elle est très éclairante, je pense, parce que vous venez de dire qu'il y a une langue propre au sacré, et une langue propre au vernaculaire, c'est-à-dire à l'ordinaire : la casserole. Eh bien oui, effectivement, on a du mal à dire une casserole. Un ordinateur, en latin... Et c'est précisément pour ça qu'on dit la messe en latin.C'est pour ne pas parler de la vie quotidienne ? Non, parce que précisément, on est dans le domaine du sacré, et on utilise une langue qui n'est pas celle avec laquelle on parlait aussi... Il y a aussi des mots encore beaucoup plus triviaux dont on a besoin dans la vie courante. Donc, de tout temps, de tout temps, depuis les origines de l'Eglise, même dans le judaïsme, dans toutes les régions, il y a eu une langue particulière au Sacré, en latin.C'est ma dernière question, Monsieur l'Abbé : est-ce que vous regrettez -et ça serait tout à votre honneur, cette phrase peu charitable prononcée en 1987 dans une interview à 'Libération' : "Depuis 45 ans, les Juifs tiennent la France en dictature, ils contrôlent les médias et la banque..." ? "In cauda venenum", c'est du latin. "Il y a le poison".Vous le regrettez ou pas ? Ecoutez, je pense que cette phrase m'a été arrachée par Jean Pierre Bloch, et son journal "Babromski" et m'a fait l'objet d'un procès à la Licra, il est vrai. Procès que j'ai gagné, ça vous ne le mentionnez pas, pardon.Non, mais moi, c'est le jugement de Dieu qui m'intéresse là. C'est pas la Justice des Hommes. Est-ce que vous le regrettez ou pas ? Ca ne mange pas de pain... Je ne crois pas que la grande banque juive...Un curé qui dit : "Je regrette", ça ne mange pas de pain, franchement ? Oui, j'ai pu avoir des phrases excessives, à l'emporte-pièces, quand vous êtes harcelé de toutes parts et qu'on vous épie, il est possible... Quand Jacques Chirac a parlé des "odeurs des Arabes", ce n'était pas très habile non plus...C'est fini Monsieur l'Abbé. Je vous rends à votre messe qui sera célébrée à... 10h30, à Sainte Eloi, la très belle église en plein milieu de Bordeaux. |
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