« Ad missam celebrandam* » (*privatim) |
http://la.revue.item.free.fr/ - 16 mai 2006 - abbé Paul Aulagnier |
Oh ! comme ce « privatim » est injuste, injurieux et faux. Certes, il me touche d’abord. Il touche ma personne. Il touche surtout mon sacerdoce que j’ai reçu des mains de Mgr Lefebvre, ce grand missionnaire, le 17 octobre 1971, d’une manière tout à fait légale, avec les « démissoires » de mon évêque, Mgr de La Chanonie, évêque, à l’époque, de Clermont Ferrand, me laissant à la disposition de Mgr Lefebvre et de la FSSPX qu’il fondait. Il m’a confié ce trésor, cette messe pour que je puisse la célébrer et puisse en faire bénéficier le plus grand nombre. Pour que je puisse rendre d’abord à Dieu, par elle, « tout honneur et toute gloire », « omnis honor et gloria ». Pour que je puisse par ce sacrifice du Christ auquel je suis ontologiquement lié, sanctifier toutes les générations et obtenir le pardon des offenses des vivants et des morts. C’est bien la finalité de la rédemption qui se perpétue par les mains du prêtre…Je communie à cet enseignement de l’Eglise qu’elle rappelle dans son canon 897 : « Le Sacrement le plus vénérable est la très sainte Eucharistie dans laquelle le Christ Seigneur lui-même est contenu, offert et reçu, et par laquelle l’Église vit et croît continuellement. Le Sacrifice eucharistique, mémorial de la mort et de la résurrection du Seigneur, dans lequel le Sacrifice de la croix est perpétué au long des siècles, est le sommet et la source de tout le culte et de toute la vie chrétienne, par lequel est signifiée et réalisée l’unité du peuple de Dieu et s’achève la construction du Corps du Christ. En effet, les autres sacrements et toutes les oeuvres d’apostolat de l’Église sont étroitement liés à la très sainte Eucharistie et y sont ordonnés ». Et c’est cette messe qui fait la joie du prêtre, sa raison d’être, son enthousiasme…Il trouve toute consolation dans son ministère, dans son ministère dominical…où tout son peuple de fidèles l’entoure, chante et confesse avec fierté, la gloire de Dieu, s’approche de la Sainte Table pour y recevoir l’Eucharistie, le Seigneur, le Bon Pasteur, le Consolateur des âmes… Oui ! La messe célébrée est la raison du prêtre, la raison de sa paroisse, de l’église paroissiale. C’est là qu’elle doit être célébrée pour les fidèles. Il ne le reçoit pas pour lui, ce sacerdoce. Il ne la reçoit pas pour lui, cette messe. Il la reçoit pour la célébrer pour Dieu et sa gloire et pour le peuple et sa sanctification. De sorte que vouloir le réduire à une célébration « privatim », en ces trente mètres carrés, c’est vouloir le réduire à néant. C’est vouloir le mettre à mort. « C’est par toi que je meurs » disait Jeanne d’Arc à Cauchon, son juge, l’évêque de Beauvais. Ce « privatim » qui touche mon sacerdoce, et la messe, c’est vouloir les réduire à néant, alors qu’ils sont fait pour la multitude, « ad gentes » : « Allez enseigner toutes les Nations baptisez-les au nom de Père et du Fils et du Saint Esprit » Mais ce « privatim » touche finalement et concerne principalement l’Eglise, son droit, son patrimoine, sa liturgie, son histoire, son être historique. C’est surtout cela qui est en cause dans ce « privatim ». Aussi est-ce la raison pour laquelle je désire réagir au plus tôt et le plus fort possible. J’en appelle à Rome. J’en appelle à Benoît XVI . Mais de quoi s’agit-il ? Chassé injustement de la FSSPX, en octobre 2003, je me présente à Rome en novembre pour demander conseils au cardinal Castrillon Hoyos. Je reçois bon et franc accueil. Il me conseille de « réactualiser » mon incardination au diocèse de Clermont. Quelques semaines plus tard, on me fait revenir à Rome et, son chargé d’affaire m’informe du désir de Rome, de demander à l’archevêque de Clermont de créer, dans son diocèse, une paroisse personnelle. Un petit dossier est établi. Il contient un certain nombre d’obligations pastorales légitimes ainsi que les quatre points acceptés par Mgr Lefebvre, lors du protocole d’accord du 5 mai 1988. Je donne mon accord sur tout mais demande de rédiger une lettre plus personnelle pour les mieux adapter aux circonstances présentes. Ce que Rome accepte. Et de fait, j’adressais au cardinal cette lettre quelques temps plus tard. Il l’accepta. C’est Mgr Hippolyte Simon qui m’informa de cet accord. Le dossier est ainsi très officiel. Il est envoyé par Rome au Nonce de Paris, Mgr Baldelli. On me prit même de prendre contact avec le Nonce et ensuite, une fois le dossier transmis, par le Nonce, de prendre rendez-vous avec Mgr Hippolyte Simon. Ce que je fis avec joie, fidèlement et promptement. Avant même toute discussion avec l’archevêque, les choses étaient, pour lui et dans sa tête, entendues. On est un homme de dialogue ou on ne l’est pas…Il avait déjà rédigé la réponse au cardinal. Il acceptait bien mon incardination dans le diocèse mais refusait toute fondation de « paroisse personnelle » dans son diocèse. Pour se justifier, il invoquait le jugement très négatif que Mgr de la Chanonie avait signifié à Monsieur le chanoine Ouvry, un ami de ma famille. Il me remettait une copie de cette lettre. Cette lettre était, je crois, datée de 1976, après la « suspens » de Mgr Lefebvre. Mgr de La Chanoinie me reprochait de l’avoir trahi pensant qu’en restant fidèle à Mgr Lefebvre, j’avais trahi ma parole d’obéissance et de fidélité à Rome…Il me reprochait, lui, également, un jugement que j’avais exprimé sur le clergé du diocèse avant mon entrée au séminaire de Rome. Nous étions en 1964 . J’étais bien jeune et sans expérience… Mgr Hippolyte Simon me donna lui-même mon premier « celebret ». J’assistais à une conférence organisée par l’archevêché. Mgr Jordan en était le conférencier. Il descendit de l’estrade et me le remit en la main. Il était daté du 15 mars 2004, sous le numéro 11 et était signé du chancelier et contre signé de l’archevêque, Mgr Hippolyte Simon , lui-même. Mgr Hippolyte Simon, archevêque de Clermont par la miséricorde de Dieu et par la grâce du Siège Apostolique attestait « testificatur » que le prêtre du diocèse, Paul Aulagnier n’avait aucun empêchement pour la célébration de la messe, « ad missam » - point c’est tout - et était approuvé ou admis à entendre les confessions selon les normes du droit. Ce « celebret » était valable pour un an. Il prit bien soin de me confirmer par lettre privée que je pouvais dire cette messe dans ma paroisse avec seulement quelques membres de ma famille ou amis et en la seule abbaye de Randol, chez les bénédictins, près de Clermont Ferrand. . Optimiste, je n’en tins pas grand compte pensant que les choses avec le temps s’arrangeraient. Je ne connaissais pas l’archevêque et son caractère « autoritaire ». En deux circonstances bien précises, toutes fraîches encore en ma mémoire, il s’appliqua très fortement à me le faire comprendre ou à me le rappeler. Je passerai, pour l’instant, sur les détails…Je pensais toujours que les choses, en cette affaire liturgique finiraient par s’arranger d’autant que Benoît XVI était devenu l’élu du conclave et que l’on connaissait ses intentions en cette matière liturgique….Il avait suffisamment écrit la dessus, l’épiscopat français le savait bien. Mais il n’était pas dit sur mon « celebret », document officiel « ad usum publicum » que je devais célébrer cette messe d’une manière « privatim ». Par ces lettres de recommandation, « Litterae commendatitiae », Mgr Simon attestait que je n’avais pas d’empêchement pour la célébration de la messe. En latin, il est dit : « non impedimento esse ei ad missam celebrandam ». Point. C’était un autre argument qui me faisait patienter tranquillement attendant des jours meilleurs…On est optimiste ou on ne l’est pas…Et de fait, je pus célébrer souvent la messe pour le peuple, la sainte messe tridentine, en paroisse dans quelques diocèses de France. . Je resterai discret pour ne pas gêner ni compromettre mes confrères. Mais je ne cachais rien. Mgr Hippolyte Simon me renouvela l’envoi du « celebret » le 22 février 2005, à ma demande expresse. Mais cette fois, il était signé du seul chancelier. Les choses se normalisait, pensais-je, et entrait dans l’ordre ! Il était toujours libellé de la même manière. Je le répète. C’est important. Il n’y avait aucun ajout. Je pouvais célébrer la messe de l’Eglise, la messe tridentine sans difficulté dans toutes les églises de France et d’ailleurs. C’est le sens même de ces « litterae commendatitiae », dit « celebret ». Le canon 903 auquel ces « lettres » nous renvoie, dit bien : « Un prêtre, même inconnu du recteur de l’église, sera par lui (admis) à célébrer pourvu qu’il lui présente les lettres de recommandation de son Ordinaire ou de son Supérieur, délivrées au moins dans l’année… ». Ce que je n’omettais pas de faire…avec fierté…Il m’écrivit même qu’il me délivrait ce « celebret » « sans condition ». Mon « celebret » prenait fin le 22 février 2006, je fis savoir, comme l’année précédente, que je serais désireux de le recevoir de nouveau…Je pense que c’était vers la fin février. Je ne voyais rien venir…j’attendais et comme ce que j’écris sur Item, mon site, n’a pas l’air de plaire toujours à Mgr Hippolyte Simon, je restais silencieux…J’aurais bien voulu l’ avoir pour mon voyage à Rome, prévu à la fin avril 2006…Cela aurait pu me rendre service…Rien ne venait. Il fallut que je gagne la Ville éternelle sans ce précieux document officiel…Mais j’avais celui de l’an dernier. Il n’était pas tellement périmé…En cas de nécessité, je pourrais m’expliquer…Les prêtres ne sont pas si à jour que cela de leur « celebret »…On le comprend…Ils sont souvent « curés » eux-mêmes et ne se déplacent pas tous les jours… Je pars à Rome. Et de fait, ce « celebret » de 2005 me servit bien…Pas tellement pour moi…mais pour un de mes confrères. J’étais en ordre canoniquement…J’ai pu le prouver…Il devait en être…de même pour mon acolyte. De retour de Rome, je reçois le 3 mai une lettre du chancelier de Clermont. Je suis toujours un peu ému quand je reçois une lettre de l’archevêché. Je l’ouvre fébrilement. Et peux lire : « le diocèse de Clermont a le plaisir de vous faire parvenir, ci-joint, et à la demande de Monseigneur Simon, un celebret du diocèse de Clermont destiné à renouveler celui de l’an dernier. Signé le Chancelier. » Il est daté du 28 avril 2006. Il a le numéro 31. Il est signé du chancelier. Je vois qu’il est contresigné par l’archevêque Hippolyte Simon. Cela retient mon regard. « Tiens ! ». Je vois un petit astérisque après le « ad missam celebrandam * ». Je regarde en marge et je vois « Privatim », en lettre capital. Je regarde de plus près. Je remarque trois écritures. Une écriture ronde d’une grosse plume et de couleur noire. J’imagine, la secrétaire. La signature du chancelier est en bleu et je vois une écriture noire fine, la signature de l’archevêque Hippolyte Simon.. Le « Privatim » est de la même plume. C’est lui, me dis-je, qui a ajouté le « PRIVATIM ». C’est là que je proteste. Je le fais publiquement après en avoir averti Rome et Benoît XVI. L’archevêque de Clermont n’a pas le droit, de son seul pouvoir épiscopal, de m’interdire la célébration « publique » de la messe tridentine. J’ai combattu toute ma vie de prêtre pour l’honneur de cette messe et son maintien dans l’Eglise. J’ai pendant 18 ans dirigé le District de France de la FSSPX, fondé un nombre important de prieurés, d’écoles et d’églises. Nous n’avions qu’un but, mes confrères et moi-même : la messe tridentine. La faire aimer, la diffuser. Nous nous souvenions du testament de Mgr Lefebvre transmis lors de son jubile sacerdotal, à la Porte de Versailles…en 1978. Et vous voudriez qu’aujourd’hui, je baisse les bras et me confine dans mes trente trois mètres carrés ? Vous n’y pensez pas. J’ai même accepté mes malheurs avec ma propre hiérarchie de la FSSPX parce que je voulais gagner ce combat de la messe et que cette victoire passée nécessairement par ce que j’appelais, à l’époque le « corps à corps », parce que je croyais à la légitimité de l’autorité de ces évêques qui nous faisaient injustice. Je suis avec mes confrères, les abbés Laguérie, Tanouärn, Héry … en train de « négocier » avec Rome la fondation d’un Institut sacerdotal…Il est évident qu’on ne pourrait s’engager dans une telle aventure si nous devions rester confiné dans quelques mètres carrés. Il ne peut en être question. La messe tridentine est un bien public de l’Eglise qui appartient à l’Eglise, qui fait parti du patrimoine de l’Eglise. Qui fait parti des biens historiques de l’Eglise. Tout prêtre, légitimement en ordre avec la hiérarchie catholique, - c’est mon cas -, jouit d’un privilège perpétuel « ad perpetuum ». Cette messe n’a jamais été abrogée ni obrogée. Elle ne le pourrait. Elle est une coutume multi séculaire de l’Eglise. Elle est, du reste, un droit imprescriptible de tout prêtre. Il en est ainsi depuis la Bulle « Quo primum tempore ». Nul ne peut être frappé de suspens ou d’interdit en raison de cette messe et de sa célébration. Nul ne peut l’être pour la raison qu’il célèbre cette messe. Nul ne peut être enfermé dans trente trois mètres carrés…comme le fut Jeanne d’Arc, dans son cachot, dans la prison de Rouen. « Evêque, c’est par toi que je meurs », dit-elle. « Monseigneur, C’est par vous que je meurs ». Vous faites « un misérable abus d’autorité ». |
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