13 février 2009





Cette main tendue qui attend une réponse
13 février 2009 - Mgr Barbarin - lyon.catholique.fr
Ces dernières semaines, la levée des excommunications des évêques de la Fraternité saint Pie X a provoqué beaucoup de tumulte, surtout à cause des affirmations révoltantes de Mgr Williamson concernant le génocide des Juifs durant la seconde guerre mondiale. A ce sujet, les évêques de France ont immédiatement déclaré qu’ils étaient scandalisés par ces propos, autant que la communauté juive et que la société tout entière.
Il est utile de noter que Mgr Fellay, le supérieur général de la Fraternité, a demandé pardon au Pape et à tous ceux qui ont été blessés par les déclarations de son confrère, auquel il a retiré sa charge de supérieur de séminaire en Argentine. Mais l’intéressé n’a pas fait la rétractation que le Pape Benoît XVI lui a demandée.
En 1988, Mgr Lefebvre a consacré quatre évêques, alors que Jean-Paul II le lui avait explicitement interdit. Toute la nuit du 29 au 30 juin, la voiture du Nonce en Suisse était restée devant le séminaire d’Ecône pour permettre à Mgr Lefebvre de s’échapper et de ne pas commettre cette faute si grave qu’elle entraîne une excommunication automatique.
Beaucoup de fidèles se sont alors éloignés du courant intégriste, pour rester en communion avec le Pape ; à Lyon, le cardinal Decourtray a mis à leur disposition l’église saint Georges. Depuis le Motu proprio de l’été 2007, pour suivre les indications données par Benoît XVI, trois prêtres de la Fraternité saint Pierre et trois diocésains célèbrent la Messe selon « la forme extraordinaire du rite romain », à Lyon et en divers lieux du diocèse. Je leur ai confié la responsabilité pastorale des fidèles attachés à cette forme de la liturgie, et ils me rendent compte de leur mission.
Il existe aussi, à la limite de Lyon et Villeurbanne, un « Prieuré saint Irénée », desservi par des prêtres de la Fraternité saint Pie X. Ils ont demandé à me voir une fois ou l’autre, et notre conversation a été cordiale. Ils m’ont assuré qu’ils nomment le Pape et l’évêque au Canon de la Messe ; ils montent en pèlerinage à Fourvière le 8 décembre, et le Recteur de la Basilique les accueille avec respect. Mais ils n’ont pas reçu de mission de l’évêque et ne sont pas dans l’obéissance et la communion ni avec le Pape, ni avec moi.
Dès le lendemain de son élection, Benoît XVI a dit son désir de poser des gestes concrets pour l’unité de l’Eglise, en particulier dans le domaine œcuménique. Averti par l’histoire, il sait que si on laisse passer des générations après une telle déchirure, le fossé creusé entre nous devient infranchissable. Il suffit de penser à notre relation avec les orthodoxes. Les excommunications de 1054 n’ont été levées qu’en 1965 par le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras, et depuis plus de quarante ans, orthodoxes et catholiques se considèrent comme des frères, le dialogue se poursuit…, et pourtant, on n’a pas encore réussi à retrouver la pleine communion ! C’est pourquoi le Pape veut agir sans retard.
Maintenant, les conditions sont réunies pour qu’une discussion sur le fond puisse avoir lieu. La question posée aux quatre évêques est simple : Oui ou non, donnez-vous l’assentiment de votre foi au magistère de l’Eglise, et en particulier à celui de ces cinquante dernières années : l’enseignement du Concile Vatican II et celui des papes, depuis Jean XXIII ?
Peu après la levée des excommunications, le grand rabbin de France, M. Gilles Bernheim, qui, tout au long de cette douloureuse affaire, a fait preuve d’un grand respect à l’égard du Pape et de la communauté catholique de France, demandait une réponse claire à deux interrogations qui l’habitent.
1 - Si ces quatre évêques n’acceptent pas l’enseignement de Nostra Aetate, le texte du Concile sur le dialogue inter religieux, seront-ils réintégrés dans l’Eglise ? La réponse est évidente : c’est non ! Et elle a été confirmée par le Vatican.
2 - Les déclarations de Mgr Williamson, et sa négation de la Shoah, étaient-elles connues du Pape au moment où ce décret a été signé ? Une note de la Secrétairerie d’Etat a répondu par la négative à cette question, qui était aussi la nôtre.
L’intention du Saint Père est claire. Il accomplit sa mission, celle d’être le Rocher de l’unité et de confirmer ses frères dans la foi (cf. Luc 22, 31). Des défauts de concertation interne et de communication externe il y en a eu, certes. Et ils se sont, par malheur, ajoutés à des actions menées pour faire échouer ce projet et provoquer un scandale.
Mais le Pape, en tendant la main à ces quatre évêques, attend d’eux une réponse à son geste de réconciliation. Pour pouvoir les réintégrer dans l’Eglise et leur confier un ministère, il a besoin de leur pleine adhésion au Magistère de l’Eglise. Et nous espérons que le plus grand nombre de leurs fidèles les suivront. C’est à cette intention que j’étais heureux de prier sur la tombe de l’Apôtre Pierre, ces jours derniers. J’invite les catholiques de notre diocèse à confier cette intention à la miséricorde de Dieu, qui peut tout, et j’ose aussi demander la prière de nos frères et sœurs des autres confessions chrétiennes, avec qui nous recherchons ardemment l’unité. Ils sont aussi attachés que nous à la prière de Jésus pour ses disciples : « Qu’ils soient un pour que le monde croie » (Jean 17,21), et au commentaire que le Seigneur donne lui-même du commandement nouveau : « Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jean 13, 35).
Philippe card. Barbarin
13 février 2009