SOURCE - Marie-Christine Vidal - Pèlerin - 6 avril 2006
Rien ne distingue, de prime abord, le séminaire d’Ecône d’un monastère. Si ce n’est, sur la route qui grimpe vers l’église de pierre grise, ce petit groupe de jeunes hommes en soutane noire, qui rentre au bercail après une promenade. C’est ici, au cœur du Valais suisse, que Mgr Lefebvre a fait sécession il y a trente-six ans.
En 1970, l’ancien supérieur général des Pères du Saint-Esprit refuse le nouveau rite de la messe, promulgué par le pape Paul VI après le concile Vatican II, et crée la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX). Sur ce morceau de terre accroché aux coteaux de vigne, le futur évêque schismatique accueille ses premiers séminaristes en 1970.
En 1988, il ordonne, contre l’accord de Rome, quatre évêques pour continuer son œuvre. Le lendemain, le prélat, par ailleurs proche des milieux français de l’extrême droite, le concélébrant et ces quatre nouveaux « évêques » seront excommuniés.
Aujourd’hui, 55 séminaristes, en majorité français, poursuivent leurs études dans l’austère demeure valaisanne, encadrés par six professeurs. Deux ans de philosophie, puis cinq de théologie, dans une ambiance monacale : cellules individuelles, repas en silence.
Au séminaire d’Ecône, les prêtres catholiques qui obéissent à Rome sont appelés « prêtres conciliaires » et il est de bon ton de moquer leur ignorance. « Nos séminaristes savent tout ce qu’ils savent, et bien plus encore », explique l’abbé Benoît de Jorna, 55 ans, directeur du séminaire. Ici, les vieilles méthodes d’enseignement ont toujours cours. « Ni dialogue ni échange, précise l’abbé de Jorna. Le maître enseigne, les élèves écoutent. »
A Ecône, le temps semble s’être arrêté en 1970. Hormis les deux ordinateurs de la bibliothèque, aucune concession à la modernité. Dans l’enceinte du séminaire comme dans l’église attenante, la messe est célébrée selon le rite saint Pie V, c’est-à-dire en latin, dos au peuple. La seule « vraie messe », selon les lefebvristes.
Aujourd’hui, la FSSPX représente, à travers le monde, 463 prêtres (dont 130 en France) et 170 séminaristes répartis dans six séminaires, dont celui d’Ecône, pour environ 130 000 fidèles. Elle possède 159 prieurés et 725 centres de messe. Elle ordonne en moyenne 20 prêtres par an (à titre de comparaison, l’Eglise catholique compte, elle, 22 000 prêtres en France et plus d’un milliard de fidèles à travers le monde). Selon ses membres, la FSSPX, forte d’un patrimoine considérable, ne vit que des dons et legs de ses fidèles.
Benoît XVI, mieux perçu que son prédécesseur Jean-Paul II par les milieux intégristes, a repris contact en août 2005 avec le supérieur de la Fraternité Saint-Pie X, Mgr Bernard Fellay, l’un des quatre évêques excommuniés en 1988.
Depuis, la question des intégristes a été inscrite à l’ordre du jour de la réunion des cardinaux à Rome, en mars dernier, en vue d’une éventuelle levée de l’excommunication. Le P. de Jorna s’avoue circonspect. Il estime, en effet, qu’un retour de sa communauté dans le giron de l’Eglise ne serait possible qu’à condition que Rome revienne à la messe pré-conciliaire ! « Pour moi, c’est une question de morale. Je ne peux pas laisser faire quelque chose que j’estime mauvais. »
Beaucoup, à Ecône, sont convaincus de détenir la vérité. « La vraie foi est attaquée par des nouveautés introduites dans l’Eglise, comme l’œcuménisme, la collégialité, la liberté religieuse, estime Olivier Storez, 22 ans, qui a réussi le concours de l’école d’ingénieurs Sup Aéro, avant de rejoindre le séminaire. J’obéirai aux supérieurs de la FSSPX. Mais je ne suis partisan d’un rapprochement avec Rome que si le pape revient à la défense de la vraie foi. »
Marie-Christine Vidal, envoyé spécial à Ecône
Pèlerin n°6436 du 6 avril 2006