"Faire progresser l'unité entre les chrétiens, ça veut déjà dire de la faire progresser entre les catholiques." - Cardinal Vingt-Trois |
10/09/2008 - lefigaro.fr |
[EXTRAIT] Très rapidement, on a eu beaucoup de questions d'internautes sur les questions liturgiques. Vous savez qu'en France c'est un sujet toujours sensible. Il y a deux questions très différentes : l'une sur l'autorisation renforcée par Benoît XVI de permettre la célébration de la messe suivant le missel ancien et certains internautes, c'est le cas de Luc, par exemple, qui reproche aux évêques de France de traîner les pieds pour appliquer le motu proprio ?Je ne crois pas. Je crois que le motu proprio tel que j'ai compris l'intention du pape, c'est une mesure en faveur de la communion de l'Église. C'est une dimension fondamentale du ministère de Benoît XVI tel qu'il l'exerce. Il se sent responsable de faire progresser l'unité entre les chrétiens. Faire progresser l'unité entre les chrétiens, ça veut déjà dire de la faire progresser entre les catholiques. Ce n'est pas par hasard s'il a signé le motu proprio sur la liturgie dans la même période où il signait la lettre aux catholiques chinois, c'est-à-dire qu'il y a dans notre Église, pour différentes raisons historiques que je ne vais pas détailler ici, des clivages qui se sont mis en place et le pape essaie d'éviter que ces clivages ne deviennent des abîmes infranchissables. Il prend des mesures pour aider à recomposer la communion et la développer. |
[TEXTE ENTIER] Le Talk - Mgr Vingt-Trois 10/09/2008 Le cardinal archevêque de Paris était l'invité du Talk Orange-Le Figaro Guillaume Tabard - Mgr Vingt-Trois, bonsoir. Le pape Benoît XVI, disiez-vous, samedi dans le Figaro, reste un inconnu pour beaucoup de Français. J'ai envie de vous demander de faire les présentations. Quels sont les traits caractéristiques de ce pape ? Mgr André Vingt-Trois - Les caractéristiques de ce pape sont d'abord des traits de personnalité, c'est-à-dire que c'est un homme extrêmement modeste, contrairement à ce que beaucoup de gens peuvent penser. C'est un homme simple. C'est un homme d'accueil, de rencontre, d'une grande capacité d'écoute et d'attention. Il a une grande disponibilité intellectuelle pour entrer en dialogue avec les autres. C'est un homme qui est bien évidemment marqué par son métier. Il a été professeur de théologie pendant toute une partie de sa vie.N'est-il qu'un intellectuel, comme on le dit souvent ? Non, je ne crois pas. C'est un artiste. Il aime beaucoup jouer du piano. Tout le monde sait ça. C'est un lecteur, un homme sensible, donc je pense qu'il est sensible à la beauté, à l'art, à l'esthétique. Mais c'est un intellectuel de formation et de métier. Ces vingt-cinq ans passés à la Congrégation pour la doctrine de la foi ne l'ont pas détourné de ses études.Parmi les temps forts de ce voyage, il y en a deux : le discours au nom de la culture au collège des Bernardins, on y reviendra ; puis, sa visite à Lourdes, c'est-à-dire, d'un côté, les intellectuels et, de l'autre, la piété la plus populaire. Est-ce un paradoxe ou ces deux traits finalement résument ce qu'est Benoît XVI ? Je crois que ce n'est pas un paradoxe, je pense que ça correspond effectivement à deux aspects de sa personnalité. C'est un homme qui est profondément enraciné dans un catholicisme bavarois qu'il a sucé avec le lait maternel, il est né dedans, il a grandi dedans. Il a acquis un certain aspect de sa personnalité spirituelle, de son catholicisme bavarois populaire. Je ne suis pas du tout surpris qu'il ait décidé de venir faire le pèlerin à Lourdes, à l'occasion du 150e anniversaire des apparitions.Tout le monde ne le connaît pas, mais tout le monde connaît son âge : 82 ans. Certains internautes, comme par exemple Sophie, vous demandent : «À quand un pape plus jeune pour réveiller l'Église ?» L'âge est-il important pour diriger l'Église ? C'est assez difficile de répondre parce qu'il y a un âge d'état civil, un âge objectif et puis l'âge est aussi une valeur subjective, par exemple, le pape Jean XXIII avait été élu pape passé 75 ans et n'a eu cette fonction que pendant quelques années cela ne l'a pas empêché de prendre une décision qui a bouleversé l'Église. Ça n'est pas seulement une question d'âge au sens état civil du terme qui est important, c'est une question de disponibilité et de mobilité intérieure.Savez-vous déjà ce qu'il veut dire aux catholiques de France et à la France en général ? Non, je ne sais pas ce qu'il va dire. Je sais ce que j'ai souhaité qu'il fasse mais je ne sais pas comment il le fera. Je sais qu'il a accepté volontiers de le faire avec beaucoup de disponibilité et de générosité. Je n'ai pas eu à argumenter avec lui. Je lui ai exposé les tenants et aboutissants, mais aucune objection.Vous avez souhaité notamment une visite et un discours au collège des Bernardins, nous allons en voir quelques images de ce bâtiment du XIIIe siècle, entièrement restauré et que l'Église veut faire revivre aujourd'hui en droit consacré au débat contemporain entre la foi et la culture de ce monde. Aujourd'hui quel est le message qui tient le plus à cœur à l'Église ? Le message qui tient le plus à cœur à l'Église aujourd'hui dans notre situation, c'est-à-dire dans la situation d'une société à la fois pluriculturelle et plurireligieuse, qui est la situation des catholiques dans la France du XXIe siècle, où chaque catholique, quel que soit son degré d'implication dans la foi chrétienne, est confronté tous les jours à des gens qui n'ont pas la même foi, qui n'ont pas la même conception de l'homme, qui n'ont pas la même vision du monde.Que leur dire à ceux-là ? D'abord, comment les catholiques se situent par rapport à ça. Disent-ils : «On est des incompris, on se réfugie entre nous, on lève le pont-levis et on vit ensemble.»Ce n'est pas ce que vous souhaitez visiblement ? Il me semble que ce n'est pas exactement ce à quoi nous appelle la mission de l'Église. La mission de l'Église nous appelle à aller à la rencontre des autres et pas simplement dans une rencontre juxtaposée qui pourrait relever de la tolérance et de l'ordre public : pour éviter la violence, il faut que les religions soient capables de se tolérer les unes les autres ou que les gens soient tolérants les uns avec les autres.Il y a justement dans l'actualité un sujet qui met en question à la fois la protection de la société et les libertés individuelles, notamment les questions religieuses : c'est le fameux débat sur le fichier Edvige. On dit que les personnalités religieuses étaient fichées. Vous-même savez-vous si vous avez été fiché ? Je ne sais pas si je suis fiché mais ça ne m'étonnerait pas du tout si les Renseignements généraux, qui, paraît-il, n'existent plus, mais qui continuent de fonctionner, font bien leur travail, je dois normalement avoir une fiche dans le fichier des Renseignements généraux.Ça vous choque ou est-ce naturel ? Ça ne me choque absolument pas. C'est tout à fait normal qu'un ministère de l'Intérieur ait des renseignements sur un certain nombre de gens. Il n'y a rien d'extraordinaire. Ce qui était sensible, si j'ai bien compris le débat qui s'est déroulé autour du projet Edvige, ça n'était pas le fait de savoir que la police ne peut fonctionner que si elle a des renseignements, ça tout le monde le sait, c'était la question de savoir qu'est-ce qu'on intégrait comme renseignements significatifs ou bien quelle catégorie de population on désignait comme des populations à risque. Quand on voit arriver dans ces catégories les options sexuelles ou les états de santé et qu'on sait par ailleurs, par d'autres canaux dont on dit qu'ils sont tout à fait indépendants, mais on ne sait jamais si un jour ils le resteront toujours, que les sociétés d'assurance vont refuser des contrats en fonction de l'état de santé, etc.Ça, ce n'est pas naturel ? Revenons à l'Église, vous parlez souvent d'une Église en mutation. On a fait le constat dans le Figaro de samedi. Au-delà du constat, quelles sont aujourd'hui vos priorités et vos moyens d'action pour relancer la foi en France ? La priorité des priorités pour moi, c'est d'abord que les catholiques vivent de leur foi, c'est-à-dire qu'autant dans un autre contexte ou dans d'autres périodes on pouvait imaginer qu'on était catholique pour être comme tout le monde. On était catholique parce qu'on était français et puis si on avait été égyptien on aurait été musulman, comme disait Bonaparte. On n'est pas catholique par hasard. On n'est plus catholique par hasard. On est catholique par choix. Si on a fait ce choix, pour soi-même, pour ses enfants, il faut être cohérent avec le choix qu'on a fait et essayer de le vivre. Je ne demande pas que tout le monde soit parfait. Je demande au moins que les catholiques soient conséquents avec leurs décisions. Ils choisissent d'être catholiques, ils sont libres d'êtres catholiques ou de ne pas l'être, mais s'ils ont choisi d'être catholiques, il faut qu'ils le vivent pleinement ?Vous avez lancé à Paris, une année du prêtre. Les vocations est-ce une priorité pour vous ? Par exemple, la question de l'appel au sacerdoce et à la vie religieuse, et à l'engagement des laïcs dans la société est une question fondamentale pour l'Église.Très rapidement, on a eu beaucoup de questions d'internautes sur les questions liturgiques. Vous savez qu'en France c'est un sujet toujours sensible. Il y a deux questions très différentes : l'une sur l'autorisation renforcée par Benoît XVI de permettre la célébration de la messe suivant le missel ancien et certains internautes, c'est le cas de Luc, par exemple, qui reproche aux évêques de France de traîner les pieds pour appliquer le motu proprio ? Je ne crois pas. Je crois que le motu proprio tel que j'ai compris l'intention du pape, c'est une mesure en faveur de la communion de l'Église. C'est une dimension fondamentale du ministère de Benoît XVI tel qu'il l'exerce. Il se sent responsable de faire progresser l'unité entre les chrétiens. Faire progresser l'unité entre les chrétiens, ça veut déjà dire de la faire progresser entre les catholiques. Ce n'est pas par hasard s'il a signé le motu proprio sur la liturgie dans la même période où il signait la lettre aux catholiques chinois, c'est-à-dire qu'il y a dans notre Église, pour différentes raisons historiques que je ne vais pas détailler ici, des clivages qui se sont mis en place et le pape essaie d'éviter que ces clivages ne deviennent des abîmes infranchissables. Il prend des mesures pour aider à recomposer la communion et la développer.Et sur la liturgie telle qu'elle est pratiquée depuis le concile, il a lui-même parlé de réforme de la réforme. Nous allons peut-être voir samedi comment il le conçoit. Une réforme de la réforme liturgique est-elle nécessaire à vos yeux ? Je crois que ce qui est surtout nécessaire c'est la réforme des cœurs, c'est-à-dire qu'on ne va pas à la messe comme on va au spectacle. On va à la messe pour participer au sacrifice du Christ et pour s'unir au sacrifice du Christ. Si je vais à la messe pour voir représenter ce que je pense, je ne crois pas que je sois dans les bonnes dispositions. J'essaie, quand je célèbre l'eucharistie, de me mettre dans une disposition d'accueil et de disponibilité. C'est ce que le pape fait et c'est ce qu'il va faire samedi, en célébrant avec nous, selon la liturgie unique de l'Église, comme il célébrera à Lourdes avec tous les évêques de France selon la liturgie de l'Église.Mgr Vingt-Trois, merci. Samedi matin, sur l'esplanade des Invalides, il fera beau ? Il fera beau certainement et il fera d'autant plus beau qu'il y aura beaucoup de monde.Mgr Vingt-Trois, merci. Bonsoir |
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